Sociétés devant la mort

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La mort comme fait social et culturel :

1) PLACE DE LA MORT DANS LES SOCIETES HUMAINES :

Il n’est pas de société qui n’aie pas instauré des rituels par rapport à la mort et des représentations qui permettent de lui donner une signification.

Notre société est marquée par l’idéologie judéo-chrétienne.

La réalité de la mort oblige l’homme à s’inventer des raisons de vivre, ainsi que des raisons de se survivre à lui-même.

2) LES RITES AUTOUR DE LA MORT :

L’apparition des comportements d’ensevelissement des morts correspond à des phénomènes représentatifs de la prise de conscience par l’homme de sa destinée terrestre.

La prise de conscience du caractère fini de la destinée humaine a amené l’homme à marquer son passage sur la terre.

C’est ce qui a donné naissance aux différentes cultures humaines. « Depuis qu’elles se savent mortelles, les civilisations ne veulent plus mourir. » (Paul Valéry)

Dans les civilisations humaines, il existe un rapport étroit entre la mort et la culture.

3) LA MORT COMME PHENOMENE BIOLOGIQUE :

Mais il se pose un problème de définition de cette mort biologique.

C’est à la lumière du progrès médical que cette question s’est re-posée.

Ce processus a suivi différentes étapes :

a) Arrêt respiratoire :

Sociétés devant la mort

Dans la tradition occidentale, on parle de « rendre le dernier soupir ».

b) Arrêt cardiaque :

Remis en cause par la possibilité de relancer l’activité du cœur.

c) Mort cérébrale :

Question posée à la faveur du développement des greffes d’organes.

Problème de savoir ce que la société peut s’autoriser à faire avec le corps après la mort.

4) LA MORT EST AUSSI UN FAIT SOCIAL ET CULTUREL :

Sa perception est marquée par :

• Des comportements rituels

• Des croyances et des représentations

• Des sentiments de deuil, individuels et collectifs Dans les sociétés modernes, on assiste à un déplacement du lieu et du contexte de la mort.

La gestion de la mort passe de plus en plus du domaine familial et communautaire vers un milieu spécialisé : le milieu hospitalier.

On vient de plus en plus mourir à l’hôpital, entouré de professionnels plus ou moins bien préparés à assumer cette fonction : l’accompagnement des mourants.

Les rites funéraires :

1) LA NOTION DE RITE :

Un rite est un ensemble de paroles, de gestes, d’actions, codifiés et répétés, ayant une valeur symbolique forte et une fonction agissante dans et par rapport à une croyance.

En anthropologie, la notion de rite est liée à celle de transition ou de passage.

Les événements correspondant aux principales étapes de la vie d’un individu sont marqués par des rituels de passage :

• Naissance

• Puberté

• Mariage

• Fécondité

• Mort

• Rituels en rapport avec les cycles saisonniers

La fonction de ces rites est de préparer et d’accompagner les passages entre un état ancien (un avant), et un état nouveau (un après).

Dans les sociétés modernes, ces processus de passage sont bouleversés par l’accélération des transformations.

2) VARIÉTÉ ET POINTS COMMUNS :

Il existe une grande variété de rites funéraires.

Mais dans toutes les sociétés, les défunts sont l’objet d’attentions particulières.

Même si les pratiques sont différentes, y compris sous les mêmes latitudes, elles remplissent les mêmes fonctions.

3) LA TOILETTE DU MORT :

La pratique la plus répandue dans le monde est celle de la toilette funéraire.

• Fonction de purification

• Fonction de préparation à la séparation d’avec le monde des vivants

Les gestes qui accompagnent la mort ont non seulement une fonction hygiénique et morale, mais aussi une fonction psychique : celle de permettre de faire le deuil.

Le fait que ces gestes soient aujourd’hui réalisés par des professionnels pose un double problème :

• Les gens sont protégés du contact avec la mort, mais du coup ils la maîtrisent d’autant plus mal psychologiquement

• Le fait d’être dépossédé des rituels de deuil rend celui-ci d’autant plus difficile à faire pour les proches

4) LES RITES DE SÉPARATION :

Il existe quatre modèles :

a) La crémation :

Réduction du corps en cendres.

Le plus souvent, les cendres sont conservées.

Mais elles peuvent aussi être dispersées.

Rome antique, Inde.

De plus en plus pratiquée dans les sociétés modernes.

b) L’embaumement :

On dit aussi : momification.

Ancienne Égypte, Autochtones d’Amérique du Sud (Pérou).

c) L’ensevelissement :

Destiné à obtenir une décomposition naturelle au contact de la terre.

Certaines pratiques d’exposition à l’air. Chine, Autochtones d’Amérique du Nord.

d) L’abandon des cadavres aux animaux charognards :

Pratique liée à des conceptions sur le lien entre l’homme et la nature.

e) Le cannibalisme :

Peut être lié à la recherche de continuer à faire vivre le mort à travers les vivants.

f) Pratiques nouvelles :

Réfrigération, conservation dans l’azote liquide…

5) L’ACCOMPAGNEMENT DU DÉFUNT :

C’est l’occasion de la manifestation des sentiments des vivants.

Rassemblement des vivants dans la période proche de la mort.

Mais parfois, ce rassemblement est très décalé dans le temps.

La forme des manifestations est très variée.

Elle apparaît comme secondaire par rapport à la codification sociale qu’elle implique.

• Pleurs, manifestations d’indifférence ou parfois de joie

• Changement d’apparence physique et vestimentaire (rôle des couleurs et de leur symbolique)

6) FONCTIONS SOCIALES FUNÉRAIRES :

Certains individus ont un rôle social particulier par rapport à la mort.

• Pleureurs

• Fabricants d’objets funéraires : catafalques, cercueils, urnes…

• Embaumeurs

• Musiciens, comédiens

• Incinérateurs, croque-morts

Dans les sociétés modernes, ces rôles sont assumés par des professionnels de la mort.

Toutes ces fonctions sont assurées par les entreprises de pompes funèbres.

Rôle des représentants des cultes et des croyances religieuses.

Ils servent d’intermédiaires.

Ce sont les « passeurs » entre le monde des vivants et celui des morts.

Croyances et représentations de la mort :

La mort est source d’ambivalence :

• Elle attire, elle fascine

• Elle fait peur, elle dégoûte

Chaque culture produit des systèmes de représentation, des images, qui vont permettre de se repérer dans cette ambivalence.

1) DIFFÉRENTS SYSTEMES DE CROYANCES :

Il existe globalement trois systèmes de croyances vis à vis de la mort :

a) Familiarité avec la mort :

La mort n’est pas ressentie comme une discontinuité avec la vie.

On est dans un processus de continuité, de continuation de l’existence des défunts.

Passe principalement par le culte des ancêtres.

Cultures africaines et asiatiques.

b) Détachement par rapport à la mort :

Référence à la réincarnation.

Recherche d’un absolu.

Tradition brahmaniste ou bouddhiste.

c) Dramatisation de la mort :

La mort est perçue comme une séparation entre l’être qui est détruit et l’âme qui persiste.

Idée de vie éternelle.

Notion de résurrection finale.

Représentée principalement par le christianisme.

Le lien entre les morts et les vivants va lui aussi prendre une forme ambivalente :

• Le mort est perçu comme pouvant venir tourmenter les vivants : lié à une notion de culpabilité (âmes errantes, fantômes)

• Le mort protège les vivants : pratiques rituelles de prières, de sacrifices, d’offrandes

La mort dans les sociétés modernes :

Trois phénomènes principaux :

• Individualisation

• Laïcisation

• Médicalisation

• Marchandisation Cette médicalisation touche plusieurs aspects :

• La définition de la mort est médicale

• La décision même de la mort est médicale

• Ainsi que sa prise en charge technique et institutionnelle

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