La prévalence de la sclérose en plaques (SEP) est très
variable selon les pays.
On distingue ainsi une zone à
haut risque avec une prévalence supérieure à 30 pour
100 000 habitants ; à risque moyen où la prévalence se
situe entre 5 et 30 pour 100 000 et une zone à risque
faible où la prévalence est inférieure à 5 pour 100 000
habitants.
Les pays industrialisés du Nord de l’Europe,
de l’Amérique du nord et le Sud-Est de l’Australie
appartiennent à la zone à haut risque.
Une partie des
pays du Sud de l’Europe appartiennent à la zone à risque
moyen ; les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du
Sud à la zone à risque faible même si les données épidémiologiques
sont dans ces pays imprécises.
Il reste
admis qu’il existe un gradient nord-sud de prévalence
dans l’hémisphère nord et inverse dans l’hémisphère
sud.
Au sein d’une même zone, il existe des différences
importantes de prévalence avec des foyers à très haute
prévalence pouvant dépasser 100 pour 100 000 habitants
comme dans certaines régions d’Écosse, de Scandinavie
ou en Europe du Sud, par exemple en Sardaigne.
En France, la prévalence varie selon les régions entre
30 et 100 pour 100 000 habitants, le nombre de malades
est estimé à environ 50 000 avec une densité un peu plus
forte dans les régions du nord et de l’est.
B - Influence de l’ethnie :
La sclérose en plaques touche toutes les races et toutes
les ethnies mais surtout les caucasoïdes.
En Afrique du
Sud et en Amérique du Nord, les Noirs sont beaucoup
moins atteints que les Blancs.
Aux Antilles, la maladie
est rare chez les sujets de race noire.
Chez les
Jamaïcains, la prévalence reste basse chez ceux qui émigrent
à l’âge adulte en Grande-Bretagne, mais elle augmente
chez leurs descendants, ce qui souligne le rôle de
l’environnement dans l’enfance.
Dans les populations
asiatiques, la prévalence est basse en Inde et la maladie
est considérée comme très rare en Chine ou au Japon.
Les études des migrations de populations ont donné des
arguments en faveur d’un facteur environnemental.
Il est observé une diminution de la prévalence lors de
migration d’un pays de haute prévalence vers une zone
de basse prévalence.
Un sujet migrant après l’âge de
15 ans garde le risque de développer la maladie de son
pays d’origine, alors que s’il migre avant 15 ans, il
prend le risque de son pays d’accueil.
C - Études génétiques
:
Les études épidémiologiques ont souligné l’importance
d’un facteur environnemental mais ont aussi mis en
évidence une susceptibilité génétique.
En effet, les
différences importantes de prévalence selon l’ethnie au
sein d’une même région soulignent l’importance d’un
facteur génétique.
Le risque de survenue d’une sclérose en plaques dans la
famille d’un patient est multiplié par 10 à 15 pour un
parent du premier degré puis diminue pour les parents des
2e et 3e degrés.
Le taux de concordance pour les jumeaux
homozygotes est de l’ordre de 30 %.
Les formes familiales
sont estimées à environ 7 %.
Les résultats les plus
significatifs concernant la susceptibilité génétique ont été
apportés par l’étude du complexe majeur d’histocompatibilité
(CMH), dont on connaît le rôle dans la présentation
des antigènes aux lymphocytes T.
Le meilleur marqueur
reste la surreprésentation de l’allèle HLA-DR2 chez les
patients d’origine caucasoïde atteints de sclérose en
plaques.
Les porteurs de cet allèle ont environ 4 fois plus
de risque de développer la maladie.
D’autres allèles sont surexprimés dans les populations atteintes de sclérose en
plaques d’origine ethnique différente, par exemple l’allèle
HLA-DR4 dans certaines populations arabes ou en
Sardaigne.
D’autres gènes sont probablement en cause, la
susceptibilité étant certainement d’ordre multigénique.
D - Âge de début :
Le début se manifeste dans 70 % des cas entre 20 et
40 ans, dans 10 % des cas après 40 ans et dans 20 %
avant 20 ans.
Des cas à début très précoce ou très tardif
sont décrits, avant 10 ans ou après 60 ans.
E - Sexe
:
Selon les études, il y a entre 1,5 à 2 femmes atteintes
pour un homme.
Physiopathologie
:
La sclérose en plaques est une maladie inflammatoire démyélinisante chronique du système nerveux central,
d’étiologie inconnue.
Les progrès de l’immunologie ont
permis d’analyser les mécanismes dysimmunitaires au
cours de la sclérose en plaques.
L’affirmation de l’origine dysimmunitaire s’appuie sur 4 types d’arguments : l’infiltration
précoce des lésions par des cellules immunocompétentes
; la présence quasi constante d’une distribution
oligoclonale des gammaglobulines dans le
liquide céphalo-rachidien (LCR) ; l’association entre
sclérose en plaques et marqueurs du système HLA
(human leucocyte antigen) ; et l’influence de l’administration
des interférons (IFN) délétères de l’IFNγ et bénéfiques
de l’IFNβ.
A - Antigènes :
La connaissance des antigènes potentiellement impliqués
dans la sclérose en plaques vient surtout des travaux
de modèles animaux de cette sclérose, principalement
de l’encéphalomyélite allergique expérimentale
(EAE).
Toutefois, aucun antigène n’a démontré qu’il
était impliqué spécifiquement dans la pathogénie de la
sclérose en plaques.
De nombreux antigènes sont probablement
en cause et les épitopes impliqués sont très
variables d’un individu à l’autre.
La majorité des travaux
se sont focalisés sur la protéine basique de la myéline,
induisant dans plusieurs espèces animales une encéphalomyélite
allergique expérimentale.
D’autres antigènes,
constituants mineurs ou majeurs de la myéline sont encéphalotigènes, par exemple une glycoprotéine de la
myéline et des oligodendrocytes.
On ne peut exclure
qu’un antigène environnemental, viral par exemple, initie
la réaction immune, et que la chronicité soit liée à un
mimétisme moléculaire entre un épitope de ce virus et
un ou des épitopes de la myéline.
La réaction immune
pourrait aussi se pérenniser par la persistance du virus
ou d’un fragment viral dans le système nerveux central et jouant le rôle de superantigènes.
De nombreux virus
ont été suspectés. Récemment, en utilisant des techniques
de biologie moléculaire sur des fragments biopsiques
ou autopsiques, l’attention s’est focalisée sur
certaines séquences rétrovirales et sur un virus du groupe
herpès (HHV6).
B - Immunité cellulaire
:
La sclérose en plaques semble principalement une maladie
de l’immunité cellulaire.
Le rôle des cellules T a été
particulièrement étudié tant dans l’encéphalomyélite
allergique expérimentale que chez les patients.
Le transfert
passif des lymphocytes T d’un animal immunisé et
atteint d’encéphalomyélite allergique expérimentale
suffit à provoquer la maladie chez un animal naïf.
Dans
les modèles animaux et chez les patients, l’initiation du
processus inflammatoire se fait au niveau périphérique,
responsable de l’activation de lymphocytes T.
Cette activation
nécessite la présentation d’un antigène aux lymphocytes
T par une cellule dite présentatrice d’antigènes
de la lignée monocytaire, à la condition que cet antigène
soit associé à des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité
(CMH) et en présence de signaux coactivateurs.
Si cette molécule du complexe majeur d’histocompatibilité
est de classe I, les lymphocytes activés
sont de type « suppresseurs » et expriment à leur surface
les marqueurs CD8.
Ces cellules peuvent limiter l’amplitude
de la réaction immunitaire.
Si ces molécules du
complexe majeur d’histocompatibilité sont de type II,
les lymphocytes T sont de type helpers ou inducers et
expriment à leur surface des marqueurs CD4.
Sous l’influence
de certaines cytokines, notamment l’interleukine
12 (IL12), ces lymphocytes T se
différencient en deux catégories aux propriétés très
distinctes, les cellules Th1 jouant ici un rôle majeur
entraînant un mécanisme d’hypersensibilité retardée
avec synthèse de cytokines pro-inflammatoires et les
cellules Th2, influençant l’immunité humorale et responsables
de cytokines limitant la réaction immunitaire.
Alors qu’en situation normale de rares cellules monocytaires
pénètrent la barrière hémato-encéphalique
(BHE) pour effectuer quelques patrouilles de surveillance
immunitaire, durant les poussées de sclérose en plaques,
les lymphocytes pénètrent en masse dans le parenchyme
cérébral.
Ce passage est actif. Initialement et au niveau
des petits vaisseaux, les lymphocytes par le biais d’interactions
physico-chimiques et de glycoprotéines membranaires,
les intégrines, se rapprochent de la paroi
endothéliale.
Ces lymphocytes T vont ensuite s’accoler
aux cellules endothéliales grâce à des molécules d’adhésion
fortement exprimées par ces cellules.
Elles seront
ensuite aptes à se déformer puis à pénétrer au travers de
la barrière hémato-encéphalique grâce à la synthèse de
« métalloprotéases » qui ouvrent les jonctions intercellulaires.
Dans le parenchyme cérébral, elles seront
attirées par des chémokines vers des cellules essentiellement
microgliales aptes à nouveau à leur présenter des
antigènes et à amplifier l’activation lymphocytaire.
C - Cytokines
:
Une fois orientés dans le sens Th1, les lymphocytes T
prolifèrent et sont intensément recrutés grâce en particulier
à l’IL2 (interleukine).
Ces lymphocytes Th1 vont
synthétiser de nombreuses cytokines, notamment l’IL1,
l’IL2, mais surtout l’IFNγ (interféron) et du TNFα
(tumor necrosis factor).
Le TNF stimule la réaction
inflammatoire et contribue au passage des lymphocytes
à travers la barrière hémato-encéphalique.
L’IFNγ a une
action toxique pour la myéline mais son rôle délétère se
fait surtout par une activation des macrophages qui synthétisent
une quantité importante de TNFα.
Ce TNFα
est capable d’induire des lésions myéliniques sur des
cultures d’oligodendrocytes in vitro.
En présence de
complément, il est directement toxique pour les oligodendrocytes.
Les macrophages activés libèrent également
des quantités importantes de monoxyde d’azote et
de radicaux libres pouvant induire une lyse membranaire
et une dégradation de la myéline.
L’IFNγ augmente
l’expression des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité
de type II dont on connaît le rôle dans la
présentation antigénique et des molécules d’adhésion,
favorisant le passage des lymphocytes activés à travers
la barrière hémato-encéphalique.
L’IFNβ, utilisé en thérapeutique,
s’oppose point par point aux effets de l’IFNγ.
Les cellules Th2 expriment d’autres cytokines notamment
l’IL4, l’IL6, l’IL10 et le TGFβ (transforming
growth factor).
L’une d’entre elles, l’IL10, semble jouer
un rôle important dans les rémissions survenant dans les
modèles animaux ou en pathologie humaine.
Son taux
augmente lors des rémissions alors que celui des cytokines
associées aux poussées (IL2, TNFα, IFNγ) diminue.
L’activation de ces lymphocytes Th2 n’a peut-être pas
que des effets positifs.
Certaines de ces cytokines sont
capables d’activer les lymphocytes B et d’augmenter la
synthèse d’anticorps qui, associés au complément, sont
potentiellement myélinotoxiques.
D - Anatomopathologie :
• Aspects macroscopiques : l’aspect du cerveau est normal
ou montre un aspect discrètement atrophique.
À la
coupe, les lésions sont multiples et concernent la substance
blanche, avec une prédilection pour les régions périventriculaires mais n’épargnant pas la substance
blanche profonde, ni certaines zones à la jonction corticosous-corticale.
Les plaques surtout récentes sont bien
délimitées et légèrement rosées alors que les lésions
anciennes sont grisâtres.
Les nerfs et voies optiques sont
très touchés.
Au niveau de la fosse postérieure, les
lésions sont nombreuses au niveau du plancher du IVe
ventricule, de l’aqueduc de Sylvius, du faisceau longitudinal
médian et des pédoncules cérébelleux.
La moelle
épinière surtout cervicale est volontiers atrophique et les
lésions nombreuses notamment dans les cordons postérieurs
et latéraux.
• Aspects microscopiques : l’analyse des lésions
récentes montre une hypercellularité associant une prolifération
astrocytaire, la présence de cellules microgliales parfois regroupées en nodules, des infiltrats
mononucléés et une démyélinisation.
L’analyse ultrastructurale
montre en outre une altération de la barrière
hémato-encéphalique. Des macrophages chargés de
débris myéliniques sont observés notamment dans les
espaces de Virchow-Robin.
Dans ces lésions récentes,
les images de remyélinisation sont précoces et nombreuses
avec prolifération oligodendrogliale.
L’analyse
de la substance blanche en apparence saine à l’imagerie
par résonance magnétique ou macroscopiquement
montre dans la majorité des cas une infiltration anormale
de cellules mononucléées.
Ces lésions sont en règle
centrées par un vaisseau où on observe dans les lésions
aiguës un afflux de cellules monocytaires et de lymphocytes.
Les lésions anciennes sont paucicellulaires, très
démyélinisées et constituées essentiellement de gliose
fibrillaire. Les oligodendrocytes sont très rares.
Bien que signalées il y a très longtemps, des données
récentes ont démontré la présence de lésions axonales
très précoces et irréversibles, associées aux lésions
inflammatoires et de démyélinisation.
Diagnostic
:
A - Diagnostic clinique :
Le diagnostic clinique est aisé devant un patient décrivant
une évolution par poussées et présentant une symptomatologie
multifocale.
Il est plus difficile devant un
tableau médullaire évoluant souvent d’un seul tenant et
à un âge plus tardif.
Les signes inauguraux sont par ordre de fréquence
décroissante : les signes moteurs (de 35 à 40 %), les
névrites optiques (environ 25 %), les troubles sensitifs
surtout subjectifs (environ 20 %), une diplopie (5 à 10 %),
un trouble de l’équilibre (5 à 10 % des cas), et des
troubles sphinctériens (environ 5 %).
On considère
qu’un peu plus d’un tiers des patients sont polysymptomatiques
dès le début.
• Les signes moteurs sont fréquents dès le début et
concernent tous les patients dans les formes progressives
ou évoluées.
Il s’agit soit d’une symptomatologie
limitée à un phénomène de claudication médullaire
après un long périmètre de marche, le patient rapportant
une lourdeur progressive des membres inférieurs volontiers
associée à des contractures musculaires, soit d’un
déficit moteur plus sévère sous la forme d’une hémiparésie
ou d’une hémiplégie, d’une paraparésie ou d’une
paraplégie volontiers plus spastique que déficitaire ou
d’une monoparésie.
Si les symptômes concernent
parfois longtemps un membre, l’examen montre une
atteinte pyramidale plus diffuse avec hyperréflectivité
ostéotendineuse, signe de Babinski et équivalents.
Des
trépidations épileptoïdes des pieds, considérées par le
patient comme un « tremblement », sont fréquentes
notamment après un effort physique ou la nuit, provoquées
par un contact prolongé avec les parois du lit.
La spasticité est très fréquente.
Si elle est parfois utile au patient, facilitant notamment grâce à l’extension des
membres inférieurs la station debout, elle est volontiers
responsable d’attitude vicieuse (varus équin des pieds,
adduction des cuisses…) et de douleurs.
Dans les
formes rémittentes, la constitution d’une paraparésie
aiguë sévère est volontiers inaugurale, réalisant un
tableau de myélite.
Le plus souvent ce tableau s’installe
sur plusieurs jours et est précédé de troubles sensitifs
subjectifs et objectifs.
Des hémiplégies d’installation
rapide voire brutale sont très rares et font à juste titre
évoquer une origine vasculaire, d’autant que c’est dans
ces cas que sont également observés des signes exceptionnellement
rapportés dans la sclérose en plaques, des
troubles du langage, de la vigilance ou une hémianopsie
latérale homonyme par exemple.
La simple constatation
d’une abolition des réflexes cutanés abdominaux est de
grande valeur, si la paroi abdominale est par ailleurs
bien tonique, car elle témoigne le cas échéant d’une
atteinte multifocale si la présentation clinique est monofocale
et sans rapport avec une atteinte médullaire.
On
observe rarement, dans des cas évolués, une aréflexie ostéotendineuse aux membres supérieurs, a priori
secondaire à des lésions sévères des cordons postérieurs
étendus aux racines postérieures lésant l’arc réflexe, et
une amyotrophie.
• Les troubles visuels sont dominés par la névrite
optique rétrobulbaire.
Fréquemment inaugurale, elle
s’observe aussi au cours de l’évolution. Elle débute souvent
par une douleur oculaire ou rétro-orbitaire, dont
l’intensité est majorée par la pression du globe oculaire
et les mouvements des yeux.
La baisse de l’acuité
visuelle survient rapidement et en quelques heures peut
conduire à l’amaurose totale.
Parfois, le trouble s’installe
plus progressivement et la baisse de l’acuité visuelle
se limite à un léger flou ou à une impression de voile.
Une atteinte bilatérale est rare et l’atteinte de l’oeil
controlatérale survient de façon décalée.
La place des
névrites optiques bilatérales d’emblée et sévères sera
discutée dans les formes frontières.
Une anisocorie est
fréquente.
Le fond d’oeil est souvent normal. Un oedème papillaire
est observé dans environ 5 % des cas, correspondant aux
formes antérieures des névrites optiques.
Quoique non
spécifique, la constatation d’occlusion veineuse connue
sous le terme de périphlébite rétinienne est évocatrice.
L’évolution la plus fréquente se fait vers la régression,
mais à un an environ 5 % des patients gardent un déficit
visuel fonctionnellement gênant et irréversible.
Le fond
d’oeil réalisé à distance d’une poussée ou même chez
des patients n’ayant jamais présenté de troubles visuels
montre fréquemment une pâleur de la papille principalement
dans le secteur temporal.
Des uvéites sont beaucoup plus rares et en général peu
sévères.
Il s’agit parfois d’uvéites de découverte fortuite
avec infiltrat cellulaire du vitré volontiers associé à une
atteinte périveineuse rétinienne.
Des épisclérites sont
exceptionnellement rencontrées.
Comme pour d’autres
signes de la maladie, l’exercice physique ou la chaleur
aggravent les troubles (signe d’Uhthoff).
Certains patients rapportent par exemple une baisse de l’acuité visuelle lors
du bain ou en cas d’exposition solaire prolongée.
• Les troubles sensitifs sont volontiers inauguraux et
isolés.
Au début ils sont souvent purement subjectifs et
en raison d’une description parfois fort riche, ils peuvent
faire errer le diagnostic.
Les patients signalent des paresthésies
touchant un membre ou un segment de membre,
parfois au niveau des troncs.
Chez d’autres, il s’agit de
dysesthésies, de brûlures, d’impressions d’épines ou de
coussins sous les pieds, de marcher sur du coton.
Parfois, les patients rapportent des sensations d’eau qui
coule sur la peau ou de toile d’araignée notamment sur
le visage.
La présence d’un signe de Lhermitte est caractéristique,
les patients rapportant une impression de
décharge électrique du rachis, parfois des membres, lors
des mouvements de flexion du cou.
Ce signe témoigne
d’une atteinte de la moelle cervicale.
Plus de 80 % des patients vont rapporter des douleurs au
cours de l’évolution de leur affection.
Elles sont soit de
type névralgique, sous la forme d’éclairs douloureux,
soit à type d’écrasements ou de broiements.
Les névralgies
faciales sont assez fréquentes et peuvent survenir
indépendamment des poussées cliniques de la maladie.
Les signes objectifs peuvent manquer au début mais
sont rarement absent après quelques poussées évolutives.
L’atteinte de la sensibilité profonde est souvent
prédominante, avec diminution marquée de la pallesthésie
et participe aux troubles de la marche des patients
avec une composante ataxique.
Dans ces cas, le signe de Romberg est parfois démonstratif.
Aux membres supérieurs,
la sensibilité épicritique est souvent émoussée, de
même que la graphestésie.
Les patients rapportent de
fréquents lâchages d’objets.
Les manoeuvres doigt-nez
sont parfois beaucoup moins bien réalisées les yeux fermés,
évoquant une ataxie proprioceptive.
• Signes d’atteinte du tronc cérébral :
– troubles oculomoteurs : la diplopie est fréquente, parfois
révélatrice. L’atteinte du VI est la plus fréquente,
d’autres patients signalent un flou visuel qui disparaît
à la fermeture d’un oeil, ou une oscilloscopie. Parfois,
des paralysies de fonction sont constatées : paralysie
de latéralité ou de verticalité du regard.
L’analyse de
l’oculomotricité peut également mettre en évidence
des saccades hypométriques, une poursuite saccadique,
ces derniers éléments étant en rapport avec le
syndrome cérébelleux.
Chez un sujet jeune, la constatation
d’une ophtalmoplégie internucléaire, caractérisée
lors du regard latéral par une limitation de l’adduction
de l’oeil controlatéral associée à un nystagmus de l’oeil
homolatéral, est hautement évocatrice du diagnostic de
sclérose en plaques;
– syndrome vestibulaire et nystagmus : les patients
signalent plus souvent des sensations vertigineuses
que des vertiges vrais.
Le syndrome vestibulaire est en
règle dysharmonieux et s’associe volontiers à une ou
plusieurs composantes du syndrome cérébelleux.
La
constatation d’un nystagmus est d’un grand intérêt diagnostique
chez un patient consultant pour un symptôme
isolé sans rapport avec un syndrome vestibulaire;
– autres atteintes de nerfs crâniens : en dehors de la
névralgie faciale déjà décrite, associée dans certains
cas à une hypo-esthésie dans le territoire du trijumeau,
la paralysie faciale est assez fréquente, inaugurale
dans près de 5 % des cas.
Contrairement à la paralysie
faciale dite a frigore, elle est de régression souvent
rapide. L’atteinte de la déglutition s’observe souvent
dans les cas évolués.
L’abolition du réflexe nauséeux
témoigne potentiellement d’une atteinte multifocale.
• Le syndrome cérébelleux : en raison des troubles posturaux
et de l’équilibre, la composante statique et locomotrice
du syndrome cérébelleux contribue souvent largement
aux troubles de la marche et de la station debout,
fréquemment associée à l’atteinte pyramidale, responsable
de la classique démarche ataxo-spasmodique.
Les
différentes composantes du syndrome cérébelleux cinétique
sont souvent observées, principalement la dysmétrie.
Même en présence d’un syndrome pyramidal, une hypotonie
est fréquente.
Le tremblement cinétique complique
souvent les cas sévères de sclérose en plaques.
Il
s’agit d’un tremblement d’intention isolé ou associé à
une composante d’attitude qui, dans les cas les plus
sévères, correspond aux dyskinésies volitionnelles
empêchant toute activité coordonnée.
Ce tableau est
parfois complété par une dysarthrie cérébelleuse,
caractérisée par une voix explosive et scandée.
• Les troubles génito-sphinctériens sont fréquents et
quasi constants en présence d’une paraparésie.
De façon
isolée ou souvent associée, les patients décrivent soit des
mictions impérieuses, responsables de fuites urinaires, soit
une dysurie, avec difficultés à déclencher la miction ou
des sensations de miction incomplète.
Cette dysurie est
volontiers responsable d’une tendance à la rétention
chronique source d’infections urinaires répétées, de
distension vésicale et potentiellement de retentissement
sur le haut appareil.
L’évolution vers l’incontinence
n’est pas rare.
Ces troubles urinaires s’associent volontiers
à une constipation.
Les difficultés sexuelles sont
fréquentes, notamment l’impuissance ou les difficultés
éjaculatoires chez l’homme.
• Les troubles thymiques : l’euphorie, classiquement
décrite chez les patients pourtant conscients d’un handicap
parfois lourd, est considérablement plus rare que la
dépression.
Celle-ci est fréquente et pas uniquement
réactionnelle aux troubles physiques.
En effet, elle est
souvent rencontrée un peu avant le début des troubles ou
alors associée à des symptômes mineurs chez des
patients ignorant le diagnostic.
Elle est davantage corrélée
à l’activité de la maladie qu’au handicap proprement dit.
Le taux de suicide est environ 3 fois plus élevé que dans
la population générale.
Il existe une association probablement
non fortuite avec la psychose maniaco-dépressive
même si le déterminisme génétique n’a pas été démontré.
Un état de dysphorie n’est pas rare associant une hyperémotivité,
une hypersensibilité et une hyperexpressivité.
Dans ce cadre, signalons le rire ou les pleurs spasmodiques.
Les troubles thymiques participent au déclin de
la qualité de vie de ces patients, souvent plus diminuée
que ne le voudrait leur handicap physique.
• Les troubles cognitifs : une authentique démence est
rare alors que la prévalence des troubles cognitifs est
estimée entre 17 et 60 % selon la méthode d’évaluation
utilisée et le mode de sélection. Aux tests d’intelligence
globale, une baisse significative est observée chez 10%
des patients environ.
Les troubles de la mémoire sont les
plus fréquents, notamment la mémoire récente.
La
mémoire visuo-spatiale est aussi touchée que la mémoire
verbale.
Des difficultés de raisonnement sont observées.
Ces troubles volontiers associés à des difficultés de
concentration et d’attention rappellent ce qui est observé
dans certains dysfonctionnements frontaux.
Les fonctions
symboliques (praxies, gnosies, langage) sont en
règle préservées, hormis dans d’assez nombreux cas les
fluences verbales.
Ces troubles cognitifs sont rarement inauguraux mais
peuvent être observés à des stades précoces.
Ils peuvent
survenir dans les différentes formes de la maladie et sont
le plus souvent peu évolutifs. L’intensité de ces troubles
cognitifs n’est corrélée ni au handicap moteur, ni à
l’âge, ni au syndrome dépressif.
• La fatigue : la quasi-totalité des patients se plaignent
d’une grande fatigue.
Celle-ci n’est pas liée à la sévérité
de la maladie.
Elle accompagne presque systématiquement
toutes les poussées évolutives et les précède souvent,
parfois de plusieurs semaines.
La persistance de
cette fatigue gêne la reprise des activités quotidiennes et
professionnelles.
• Les manifestations paroxystiques : en dehors des
névralgies faciales déjà décrites, d’autres manifestations
peuvent survenir de façon paroxystique notamment
des accès très brefs de dysarthrie isolée ou associée
à une ataxie, de diplopie, des blocages moteurs ou
au contraire des crises toniques d’un membre.
Ces accès
ne durent que quelques secondes mais peuvent se
répéter de très nombreuses fois dans la journée.
De
façon plus exceptionnelle, ces crises toniques sont
provoquées par le mouvement et présentent parfois des
caractéristiques de postures dystoniques ou de mouvements choréiques.
B - Diagnostic paraclinique :
Les moyens paracliniques à notre disposition ont surtout
pour rôle de démontrer la dissémination dans le temps et
dans l’espace des lésions.
Ils aident également à exclure
certains diagnostics différentiels.
• L’imagerie par résonance magnétique a transformé
la prise en charge diagnostique de la sclérose en plaques.
Elle a permis en outre de suivre in vivo l’évolution des
lésions.
Différents éléments sont apportés par l’imagerie.
La mise en évidence d’hypersignaux en substance
blanche (SB) sur les séquences pondérées en T2:
ces images ne sont pas spécifiques mais leur répartition
et leur aspect évoquent des lésions de démyélisation.
Elles sont surtout périventriculaires ou en substance
blanche profonde mais n’épargnent pas les régions
immédiatement sous-corticales.
Elles sont arrondies ou
ovalaires et pour les lésions périventriculaires, à grand
axe perpendiculaire à l’axe des ventricules latéraux.
Leur taille est très variable, y compris chez un même
sujet, de quelques millimètres à plusieurs centimètres.
Les topographies calleuse ou péricalleuse sont également
évocatrices du diagnostic. Grâce à des incidences
spécifiques, des lésions hypersignaux peuvent être
mises en évidence au niveau des nerfs optiques.
Les hypersignaux sont également bien visibles en fosse postérieure
au niveau périaqueducal ou du 4e ventricule ou
de façon plus typique au niveau des pédoncules cérébelleux
moyens. De façon moins sensible, ces lésions peuvent
apparaître en hyposignal sur les séquences pondérées
en T1.
Les séquences appelées FLAIR ont encore
augmenté la sensibilité de l’examen d’imagerie par
résonance magnétique en montrant davantage de lésions
principalement au niveau sus-tentoriel.
Des hypersignaux
en T2 sont également visibles au niveau de la
moelle épinière, principalement cervicaux, sous la forme
d’un hypersignal postérieur ou latéral de forme souvent
oblongue entraînant parfois un discret élargissement de
la moelle dans les présentations médullaires aiguës de la
maladie ou lors d’une poussée évolutive.
Les séquences
pondérées en T1 après injection de gadolinium sont particulièrement
informatives.
En effet, les lésions rehaussées
par le gadolinium sont évolutives car ce produit ne
marque les plaques que lorsqu’il existe une rupture de la
barrière hémato-encéphalique.
L’hypersignal
induit par le gadolinium est souvent annulaire en périphérie
de la lésion.
L’atrophie tant encéphalique que
médullaire est mise en évidence à l’imagerie par résonance
magnétique.
L’atrophie médullaire est parfois précoce
et assez bien corrélée avec les scores de handicap.
La preuve d’une dissémination dans l’espace : en effet,
l’imagerie par résonance magnétique met souvent en
évidence des lésions multiples et sans rapport avec la
symptomatologie présentée par le patient.
On admet
comme significative la présence d’au moins 4 lésions
dont une périventriculaire.
La preuve d’une dissémination dans le temps : l’aspect
différent des lésions mais surtout le rehaussement de
certaines d’entre elles par le gadolinium témoignent de lésions d’âges différents.
Les lésions en hyposignal sur les
séquences T1 témoignent en règle de lésions anciennes.
Bien que très sensibles, les données de l’imagerie par
résonance magnétique ne doivent être considérées qu’en
fonction des données cliniques.
Ces hypersignaux ne
sont pas spécifiques et peuvent se rencontrer notamment
à l’étage encéphalique dans beaucoup d’autres affections
vasculaires ou inflammatoires ou même chez des
individus normaux surtout de plus de 45 ans.
La normalité
de l’imagerie par résonance magnétique n’exclut pas
le diagnostic, surtout au début et dans les formes progressives
de la maladie.
• L’analyse du liquide céphalorachidien garde une
importance capitale.
Elle permet de démontrer le mécanisme
inflammatoire. L’hypercytose est très inconstante
et souvent modérée, classiquement inférieure à 30 éléments
par mL.
La protéinorachie est souvent modérément
augmentée, au profit des gammaglobulines.
Des
rapports spécifiques démontrent que ces gammaglobulines
sont de synthèse intrathécale.
C’est surtout l’électrophorèse
qui apporte un élément crucial pour le diagnostic
en montrant une distribution oligoclonale des gammaglobulines.
En utilisant une technique par iso-électrofocalisation,
la sensibilité est de l’ordre de 95 %.
• Le bilan neurovisuel : nous avons déjà abordé l’intérêt
du fond d’oeil.
Les analyses automatisées du champ
visuel mettront souvent en évidence des déficits fasciculaires.
Même si là aussi la spécificité n’est pas bonne,
les potentiels évoqués visuels (PEV) objectivent très
souvent des troubles de conduction avec une latence
allongée principalement de l’onde P100, suggérant des
lésions de démyélinisation des voies optiques.
Leur intérêt
est donc majeur dans les atteintes monosymptomatiques, par exemple motrices ou sensitives.
Les potentiels
évoqués visuels sont en effet altérés chez plus de 80
% des patients, que ceux-ci aient présenté ou non des
signes visuels.
• Les potentiels évoqués somesthésiques, moteurs et
auditifs ne doivent certainement pas être demandés de
façon systématique.
Ils sont surtout utiles pour objectiver
une atteinte infraclinique sur les voies longues ou du
tronc cérébral ou affirmer une origine organique devant
des symptômes purement subjectifs
• Autres examens paracliniques : la sclérose en
plaques est une maladie inflammatoire strictement localisée
au système nerveux central, le bilan sanguin sera
donc normal.
L’absence de syndrome inflammatoire est
un argument du diagnostic différentiel avec certaines
maladies systémiques, à expression neurologique parfois
proche.
La recherche de stigmates d’auto-immunité ne
doit pas être systématique en l’absence d’arguments
cliniques ou biologiques.
La sarcoïdose étant l’un des
diagnostics différentiels à évoquer de principe, une
radiographie de thorax doit être réalisée.
C - Critères diagnostiques
:
Le diagnostic de sclérose en plaques est essentiellement
clinique.
Les critères dits de Poser proposés par un groupe
d’experts en 1983 reposent sur la mise en évidence clinique
et paraclinique d’une dissémination dans le temps et
dans l’espace de lésions inflammatoires démyélinisantes.
• Sclérose en plaques certaine et définie selon des critères
cliniques : ces patients ont fait au moins 2 poussées
de plus de 24 h chacune à au moins 1 mois d’intervalle,
avec à chaque fois la constatation clinique objective d’une lésion dans au minimum 2 régions distinctes du système
nerveux central.
L’une de ces lésions peut toutefois être
mise en évidence grâce aux moyens paracliniques (imagerie
par résonance magnétique ou potentiels évoqués).
• Sclérose en plaques certaine et définie biologiquement
: les patients ont fait soit :
– au moins 2 poussées de plus de 24 h chacune à au moins
1 mois d’intervalle dans au minimum 2 régions distinctes
du système nerveux central. Une seule de ces lésions a
été objectivée cliniquement ou paracliniquement;
– une poussée ou une évolution progressive sur plus de
6 mois mais avec mise en évidence clinique de 2 lésions
distinctes apparues à au moins 1 mois d’intervalle ;
– une poussée ou une évolution progressive de plus de
6 mois avec la constatation clinique d’une lésion et
d’au moins une autre par les examens paracliniques,
séparée d’au moins 1 mois de la lésion clinique.
Dans ces 3 circonstances, le liquide céphalorachidien
doit être caractéristique.
• Sclérose en plaques cliniquement probable : les
patients ont fait soit :
– 2 poussées distinctes concernant 2 régions distinctes
du système nerveux central mais l’examen clinique ne
met en évidence qu’une seule lésion ;
– ou alors 1 seule poussée clinique ou une évolution
progressive de plus de 6 mois mais mise en évidence
clinique de 2 lésions distinctes ;
– ou encore 1 seule poussée ou évolution progressive
sur plus de 6 mois avec constatation clinique d’une
lésion et mise en évidence d’une autre, grâce aux
examens paracliniques.
• Sclérose en plaques biologiquement probable : les
patients doivent avoir présenté 2 poussées à au moins un
mois d’intervalle dans 2 régions distinctes et ont une
analyse du liquide céphalorachidien évocatrice.
• Sclérose en plaques possible : les patients ont présenté
un premier épisode neurologique compatible avec une
lésion de démyélinisation.
La reconnaissance de ces formes est capitale car la mise
en route de certains traitements spécifiques repose sur ces
critères.
En pratique, on ne pose le diagnostic de sclérose
en plaques qu’après la 2e manifestation clinique évocatrice.
D - Diagnostics différentiels
:
Les principaux diagnostics différentiels sont les affections
inflammatoires systémiques ayant une expression neurologique
parfois proche et éventuellement révélatrice
notamment le lupus érythémateux aigu disséminé, les
syndromes de Gougerot-Sjögren primaires ou secondaires,
le syndrome primaire des antiphospholipides et
la maladie de Behçet.
La sarcoïdose comprend des signes neurologiques dans
environ 5 à 10 % des cas, volontiers inauguraux.
Dans le cadre des pathologies infectieuses, on évoque de
principe la possibilité d’une maladie de Lyme.
Dans
quelques cas, les diagnostics de brucellose ou de tétraparésie
spastique tropicale à HTLV1 sont discutés.
Devant un tableau de myélite aiguë, les causes virales sont recherchées alors que devant des tableaux d’atteinte
du tronc cérébral et des nerfs crâniens, les diagnostics de
listériose ou de tuberculose sont à évoquer.
Certaines cytopathies mitochondriales donnent volontiers
des atteintes multifocales mais les données de
l’imagerie par résonance magnétique sont différentes.
Dans ce cadre, l’atrophie optique de Leber est parfois
évoquée devant une symptomatologie visuelle bilatérale
peu ou non régressive.
Certaines affections dégénératives associant volontiers
une ataxie et des signes pyramidaux sont des diagnostics
différentiels notamment des formes progressives primaires
de sclérose en plaques.
Dans ces affections,
l’imagerie par résonance magnétique est normale ou
montre des signes d’atrophie et le liquide céphalo-rachidien
est normal.
Enfin, devant une symptomatologie médullaire exclusive,
toutes les causes de lésions médullaires doivent être
envisagées, d’origine compressive, vasculaire ou malformative.
Chez l’adulte jeune de sexe masculin, le diagnostic
d’adrénoleucodystrophie repose sur le dosage
des acides gras à chaînes longues.
Évolution
:
L’évolution de la maladie est largement imprévisible.
Même s’il existe beaucoup de formes bénignes, plus
souvent reconnues grâce à l’imagerie par résonance
magnétique, la sclérose en plaques reste une maladie
potentiellement grave, responsable de séquelles parfois
lourdes et de conséquences sociales et personnelles
importantes.
Des études de cohortes ont montré que la
moitié des patients atteignaient le score de 3 sur une
échelle de 0 à 10 après environ 7 ans de maladie, signifiant
un début de gêne à la marche ou un autre handicap
fonctionnel perturbant les activités quotidiennes, et le
score de 6 après environ 15 ans signifiant la nécessité
d’une aide à la marche.
A - Formes évolutives habituelles :
La connaissance de ces formes est essentielle car le
choix de certains traitements dépend de la forme clinique.
On distingue classiquement 3 formes.
• Les formes rémittentes pures : environ 85 % des
patients débutent par cette forme et à un âge moyen de
près de 30 ans. Les patients présentent des poussées responsables
ou non de séquelles.
Le handicap permanent
dans ces formes est lié à la sévérité des séquelles mais
non à la sévérité de la poussée elle-même.
La durée
d’une poussée est très variable, de l’ordre de 3 à 4
semaines, et par définition supérieure à 24 h.
L’aggravation
des troubles durant un syndrome infectieux ou
après une exposition à de fortes chaleurs ne doit pas être
considérée comme une poussée.
La régression des premières
poussées est en général satisfaisante mais est
toujours imprévisible même après le 1er ou le 2e épisode.
Dans ces formes, l’état clinique est stable entre les poussées, les patients ne décrivant que des fluctuations
minimes.
L’intervalle entre les poussées est extrêmement
variable, de quelques années à plusieurs décennies.
Des intervalles très longs sont classiques après un épisode
de névrite optique par exemple.
On classe ici les formes
dites bénignes où les patients ne présentent après de
nombreuses années qu’un handicap très modeste, secondaire
à de rares poussées.
Le taux de poussées est plus
élevé au début de la maladie. Les études où des imageries
par résonance magnétique étaient réalisées de façon
très régulière ont montré que les poussées uniquement
« radiologiques » étaient environ 10 fois plus fréquentes
que les poussées cliniques de la maladie.
• Les formes secondairement progressives ou rémittentes
progressives : la grande majorité des patients
ayant eu une phase rémittente vont évoluer vers cette
forme après en moyenne 7 à 10 ans de maladie.
Dans
cette forme, le handicap s’aggrave de manière progressive
à vitesse très variable parfois de façon très sournoise.
Beaucoup de ces patients présentent néanmoins des
poussées surajoutées.
Ces patients ont dans cette forme
un handicap assez marqué dans souvent plusieurs
domaines fonctionnels comprenant fréquemment une paraparésie et des troubles sphinctériens.
• Les formes progressives primaires : environ 15 % des
patients, plus souvent des hommes, débutent par cette
forme d’emblée progressive, caractérisée par une aggravation
inéluctable des symptômes avec un handicap souvent
lourd après quelques années.
La maladie débute
souvent plus tardivement vers 40 ans par une paraparésie
isolée.
Les lésions encéphaliques sont peu nombreuses
à l’imagerie par résonance magnétique et rarement
rehaussées par le gadolinium.
Contrairement aux
deux autres formes, les lésions sont peu inflammatoires,
faisant soupçonner un mécanisme lésionnel différent.
B - Facteurs pronostiques :
Ces facteurs ne sont à considérer que pour une large
population.
Sont considérés comme plutôt de bon pronostic
les éléments suivants : un âge de début précoce,
des symptômes inauguraux uniques, visuels ou sensitifs,
une fréquence faible des poussées durant les 2 premières
années, une régression complète de la première poussée,
un long délai entre les 2 premières poussées, un handicap
faible après les 5 premières années.
À l’opposé, la
survenue chez l’homme est considérée comme plutôt
péjorative, de même que les signes inauguraux moteurs
ou cérébelleux.
Il est désormais admis que la présence
d’une charge lésionnelle élevée lors de la première
manifestation est associée à un risque beaucoup plus
élevé de passage au diagnostic de sclérose en plaques
définie cliniquement et à une évolution plus péjorative.
C - Influence de la grossesse :
D’une manière générale, la grossesse n’a aucune
influence sur l’évolution du handicap.
La fréquence des
poussées diminue au cours du 2e et surtout du 3e trimestre de la grossesse mais augmente beaucoup durant
les 6 premiers mois du post-partum.
Si l’on considère
la période avant, pendant puis après la grossesse, la
fréquence des poussées n’est pas significativement
modifiée.
Hormis les cas de troubles urinaires de traitement
difficile, l’accouchement peut se faire par voie
basse.
De même, la pratique de l’anesthésie péridurale
n’expose pas à un risque particulier.
D - Influence des vaccinations :
La polémique vient des cas de sclérose en plaques survenus
dans les semaines ou mois après une vaccination
contre l’hépatite B.
Il est reconnu que toute stimulation
immunitaire peut provoquer une poussée évolutive de la
maladie.
Le rapport bénéfice-risque doit être évalué
dans tous les cas.
Quelques centaines de manifestations
compatibles avec un épisode de démyélinisation ont été
déclarées au centre de pharmacovigilance.
Durant la
même période, il est admis qu’un nombre au moins
équivalent de patients décèdent des conséquences
directes ou indirectes de l’hépatite B.
Une étude castémoins
récente n’a pas démontré de rapport de cause à
effet entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose
en plaques.
Néanmoins, cette vaccination est contreindiquée
chez les sujets ayant une sclérose en plaques
et chez ceux ayant présenté un premier épisode neurologique
compatible avec une lésion de démyélinisation.
La survenue plus fréquente de complications postvaccinales
chez les sujets ayant dans leur famille du
premier degré un cas de sclérose en plaques conduit
à limiter la vaccination dans ces familles ou à évaluer
au cas par cas le rapport bénéfice-risque.
Les autres vaccinations
ne semblent pas incriminées.
Récemment, il a
même été constaté une fréquence légèrement plus basse
des poussées chez des patients vaccinés contre la grippe.
E - Formes cliniques frontières :
• La neuromyélite optique de Devic : le tableau associe,
soit d’emblée soit de façon très rapprochée, une
paraparésie sévère et une neuropathie optique bilatérale.
Les signes initiaux sont plus souvent visuels que
moteurs.
L’évolution peut se faire sur un mode rémittent,
surtout pour la paraplégie mais souvent les symptômes
persistent.
L’imagerie par résonance magnétique
montre des lésions des nerfs optiques et des anomalies
souvent étendues de la moelle, avec peu ou pas de lésions
au niveau encéphalique.
La distribution oligoclonale des
gammaglobulines est plus rare que dans les cas habituels
de sclérose en plaques.
Très rare en Europe et aux États-
Unis, cette forme clinique est fréquente dans certaines
régions d’Asie notamment au Japon.
• Les formes pseudo-tumorales : certains sujets présentent
de façon rapidement progressive ou aiguë un
tableau sévère d’allure tumorale avec parfois altération
de la vigilance.
L’imagerie par résonance magnétique
montre des plages très larges et disséminées dans la substance blanche d’allure tumorale avec parfois un effet de
masse.
La majorité des lésions est fortement rehaussée
par le gadolinium.
Dans certains cas appelés de type
Marburg, l’évolution est rapidement fatale.
Le diagnostic
de ces formes pseudo-tumorales nécessite souvent une
biopsie pour exclure formellement certaines tumeurs et
principalement un lymphome.
• Autres formes cliniques : une atteinte démyélinisante
diffuse de la substance blanche encéphalique, grossièrement
symétrique caractérise la maladie de Schilder.
Elle
débute en règle chez l’enfant ou l’adolescent.
L’évolution est subaiguë ou chronique.
La sclérose
concentrique de Balo n’est plus reconnue comme une
entité distincte de la sclérose en plaques mais comme
une forme histologique particulière avant le développement
de lésions plus caractéristiques.
Elle est caractérisée
par l’existence de bandes concentriques alternées
d’axones démyélinisés et myélinisés.
• Les manifestations épileptiques : la survenue de
crises d’épilepsie est considérée comme un symptôme
de la sclérose en plaques.
La fréquence de survenue de ces
crises est de l’ordre de 2 à 7 % alors que dans la population
générale, la prévalence de l’épilepsie est estimée de
0,5 à 1 %.
Il s’agit plus souvent de crises partielles que
de crises généralisées.
Elles sont en règle bien contrôlées
par le traitement.
Les plaques corticales ou juxtacorticales
sont associées à ces manifestations.
• Autres manifestations cliniques : des manifestations dysautonomiques sont fréquentes chez les patients paraparétiques
ou paraplégiques, notamment vasomoteurs et
de la sudation.
De façon plus rare, une hypotension artérielle
orthostatique peut s’observer.
Dans des cas très
évolués, des épisodes de coma transitoire ou d’hypothermie
profonde sont observés.
Quelques patients
décrivent des troubles importants du sommeil et des
symptômes rappelant une narcolepsie.