Les salpingites sont pratiquement toujours secondaires à
la dissémination par voie ascendante d’une infection
génitale basse.
Les contaminations par voie hématogène,
au cours de septicémies, sont exceptionnelles.
Environ les trois quarts des salpingites sont polymicrobiennes,
associant des pathogènes aéro- et anaérobies.
Une endocervicite est fréquemment associée.
A - Principaux pathogènes :
1- Germes sexuellement transmissibles :
• Chlamydia trachomatis, germe intracellulaire, est le
plus fréquent et le plus délétère par les lésions tubaires
qu’il peut entraîner.
• Le gonocoque, très contagieux, est devenu rare.
• Les mycoplasmes (Mycoplasma hominis et Ureaplasma
urealyticum), dont la présence comme commensal est
fréquente, ne seraient pathogènes que lorsqu’ils sont
associés à d’autres micro-organismes.
2- Germes banals :
Ils proviennent des sphères urinaire ou digestive : entérobactéries
(Escherichia coli, Proteus mirabilis…),
streptocoques, staphylocoques, Hæmophilus, anaérobies
(Bacteroïdes fragilis, Peptococcus, Peptostreptococcus…).
B - Mode de transmission
:
La transmission des germes depuis le vagin et le col
utérin vers l’utérus et les trompes est favorisée par toutes
les manoeuvres endo-utérines.
• En gynécologie, cela concerne la pose de dispositif
intra-utérin (DIU), les curetage ou aspiration, les hystérographie
ou hystéroscopie, l’insémination…
• En obstétrique, il s’agit de l’accouchement, surtout
la césarienne, la révision utérine, la délivrance artificielle…
Ce sont alors des infections nosocomiales.
Diagnostic
:
A - Examen clinique
:
Le diagnostic clinique des salpingites non compliquées
est fréquemment difficile.
Soixante à 70 % des cas de salpingites sont totalement
asymptomatiques.
Les formes « classiques », bruyantes, qui associaient
syndrome infectieux fébrile et douleurs abdominopelviennes
aiguës ont quasi disparu au profit de formes
cliniquement atténuées comprenant :
– des douleurs pelviennes qui sont le signe le plus
constant.
Elles sont d’intensité modérée et de localisation
variable, souvent majorées en fin de journée et au
cours des rapports sexuels ;
– des pertes d’origine utérine, leucorrhées ou métrorragies,
qui sont habituellement peu abondantes et récidivantes ;
– des signes généraux qui sont rares. La fièvre est
inhabituelle dans les formes non compliquées et l’état
général est conservé.
• La palpation abdominale est douloureuse dans sa
partie basse, sans défense, ni contractures.
• À l’examen au spéculum, on constate des leucorrhées
voire des métrorragies distillantes issues de l’utérus. Une
endocervicite associée est fréquente se traduisant par un col
inflammatoire.
• Au toucher vaginal, on déclenche une douleur au
niveau utérin à la palpation et surtout à la mobilisation.
De plus, la palpation annexielle provoque une douleur
uni- ou bilatérale qui peut être associée à une infiltration
et (ou) un empâtement annexiel.
Dans cette forme, il
n’existe pas de masse annexielle.
Au total, l’examen clinique est rarement concluant et
doit être complété par d’autres explorations.
B - Examens complémentaires :
1- Prélèvements bactériologiques :
Examen indispensable, les prélèvements bactériologiques
sont effectués au niveau de l’endocol voire de la cavité
utérine, après stricte désinfection cervico-vaginale.
On
recherche systématiquement les germes banals, C. trachomatis,
les mycoplasmes et le gonocoque.
Les anaérobies
seront recherchés quand un prélèvement pelvien (coelioscopie)
est possible.
En cas d’infection sur dispositif
intra-utérin, celui-ci sera ôté et mis en culture.
• Au niveau de l’endocol : on isole des germes banals de
C. trachomatis, des mycoplasmes et du gonocoque.
• Au niveau du pelvis (si une coelioscopie est réalisée) :
on isole des germes banals, du gonocoque et des anaérobies
sur le liquide du Douglas ; on isole C. trachomatis
dans le liquide (centrifugation) et (ou) par biopsies des
adhérences et de la muqueuse tubaire.
• En cas de dispositif intra-utérin, on procède à l’ablation
et à la mise en culture.
2- Place des sérologies :
La recherche des anticorps spécifiques (immunoglobulines
G) vis-à-vis de C. trachomatis est peu utile car une
séropositivité traduit seulement une immunité, parfois
ancienne, et l’absence d’IgG est habituelle si l’infection
est récente.
Sauf si on observe 2 prélèvements successifs
positifs, les sérologies ne permettent pas de faire le
diagnostic de salpingite à Chlamydia évolutive.
Le titrage
des immunoglobulines A et M qui devrait, en théorie du
moins, permettre de distinguer les infections évolutives
voire le passage à la chronicité n’a pas d’intérêt en
pratique courante.
3- Bilan inflammatoire :
Ce bilan (numération de la formule sanguine, dosage de
la protéine C réactive ou de la vitesse de sédimentation )
est peu utile.
Les perturbations observées en cas de
salpingite sont inconstantes et non spécifiques.
4- Échographie pelvienne et écho-doppler :
Une échographie, même couplée au doppler, est
souvent incapable de confirmer le diagnostic et n’est
donc utile que pour chercher une complication à type
d’abcès pelvien ou pour éliminer une autre pathologie
pelvienne.
5- Coelioscopie :
Examen essentiel, à faire au moindre doute diagnostique,
il est le seul capable de confirmer le diagnostic et il peut
être réalisé dans le cadre de la chirurgie ambulatoire.
De
nouvelles techniques de microlaparoscopie, faisant
appel à de très petits endoscopes, élargissent encore
l’utilisation de cette endoscopie.
Il s’agit néanmoins
d’une intervention chirurgicale invasive, source potentielle
de complications chirurgicales ou anesthésiques. Ses
intérêts sont multiples :
– diagnostique, en confirmant ou infirmant le diagnostic
initial ;
– pronostique, en précisant l’étendue des lésions
pelviennes. Il n’existe aucune corrélation entre l’intensité
des signes cliniques et l’importance des lésions
pelviennes ;
– bactériologique, en complétant l’enquête effectuée par
voie cervicale ;
– thérapeutique, en permettant dans certains cas le
traitement initial qui se limite généralement à la
destruction sans traumatisme des adhérences et au
lavage de la cavité pelvienne.
C - Principaux diagnostics différentiels :
• Les endocervicites peuvent entraîner douleurs et
leucorrhées et l’absence de modification annexielle au
toucher vaginal peut constituer la seule différence.
En
cas de doute ou de récidive, la coelioscopie permet
d’établir le diagnostic.
• Une endométrite, infection strictement limitée à
l’utérus, est pratiquement impossible à différencier de la
salpingite sans l’aide de la coelioscopie.
La prise en
charge thérapeutique est globalement la même.
• Une endométriose pelvienne ainsi que les autres
pathologies génitales douloureuses conduisent à réaliser
une échographie pelvienne et au moindre doute la
coelioscopie permettant d’aboutir à un diagnostic précis.
• Les pathologies digestives, en particulier appendicite
et colopathie fonctionnelle, sont précisées par l’examen
clinique qui permet souvent de faire la distinction en
trouvant une douleur abdominale assez haut située (dans
une fosse iliaque) alors que le toucher vaginal ne révèle
aucune anomalie.
Évolution, complications
et séquelles :
A - Complications aiguës
:
Parce qu’elles ne sont pas exceptionnelles, elles peuvent
constituer le mode de révélation de l’infection utéroannexielle.
1- Abcès pelviens :
Ils prennent la forme de pyosalpinx, d’abcès ovariens ou
d’abcès du Douglas.
La symptomatologie est généralement
assez caractéristique : il existe des signes généraux avec
fièvre et altération de l’état général.
Les douleurs
pelviennes, souvent marquées, s’accompagnent habituellement
de troubles du transit (nausées, vomissements,
diarrhées ou au contraire arrêt des matières et des gaz).
Le toucher vaginal est très douloureux et donc peu
concluant. Sous anesthésie générale, on constate
l’existence d’une masse pelvienne latéro-utérine, uniou
bilatérale, peu mobile par rapport à l’utérus.
L’échographie montre l’existence d’une collection
liquidienne pelvienne.
La coelioscopie confirme le diagnostic
et constitue un temps thérapeutique essentiel.
2- Pelvipéritonite :
Le tableau clinique ne diffère guère de celui des
péritonites d’autres origines.
La difficulté consiste
d’ailleurs à éliminer une cause extragénitale
– ce qui
justifierait un traitement chirurgical immédiat
– en
particulier chez les patientes n’ayant pas subi préalablement
une appendicectomie.
Si l’origine gynécologique
ne fait pas de doute, le traitement consiste en une
antibiothérapie parentérale avec surveillance de
l’évolution clinique en milieu chirurgical.
Contrairement
aux abcès pelviens, redevables d’un drainage chirurgical
malgré l’antibiothérapie, les pelvipéritonites d’origine
génitale peuvent habituellement être traitées médicalement.
Cependant, l’absence d’amélioration rapide
(24 à 48 h) de l’état pelvien impose la réalisation d’une
exploration chirurgicale par laparotomie ou coelioscopie.
3- Autres formes :
Les thrombophlébites pelviennes sont devenues très
rares.
B - Passage à la chronicité
:
À ce stade, la symptomatologie est généralement
absente.
Le diagnostic est habituellement évoqué par
la coelioscopie dans le cadre d’un bilan d’infertilité et
confirmé par l’examen histologique de prélèvements
tubaires.
L’inflammation chronique retrouvée au niveau
de la paroi tubaire résulte de phénomènes immunoallergiques
déclenchés par les micro-organismes infestant
les trompes.
Ceux-ci constituent le point de départ
d’une réaction immunitaire locale entraînant destruction
cellulaire et transformation scléro-fibrineuse définitive.
Ce phénomène immuno-allergique peut continuer
d’évoluer pour son propre compte après l’éradication
bactérienne.
C - Séquelles :
Elles sont la conséquence des mécanismes immunoallergiques
décrits plus haut qui vont entraîner des
lésions tubaires et pelviennes irréversibles.
Au niveau de
la trompe, peut survenir une obstruction, le plus souvent
distale, uni- ou bilatérale et (ou) des lésions pariétales
avec destruction de l’épithélium qui est remplacé par de
la fibrose.
Des adhérences peuvent aussi se
produire, tant au niveau intratubaire que dans le pelvis.
Ces lésions séquellaires sont responsables : de grossesses
extra-utérines (la responsabilité de C. trachomatis
en particulier est bien connue) ; de cas de stérilité
d’origine tubo-pelvienne ; de douleurs pelviennes
chroniques et des troubles de l’ovulation (dystrophie par
enfouissement adhérentiel ovarien).
Prise en charge thérapeutique :
A - Salpingites non compliquées :
1- Antibiothérapie :
À l’heure actuelle, les salpingites non compliquées sont
redevables d’une prise en charge ambulatoire, mais le
repos est indispensable.
Les antibiotiques ont en effet
des paramètres cinétiques et une diffusion tissulaire
autorisant le recours aux voies orale ou intramusculaire.
Si une coelioscopie est effectuée préalablement à
l’instauration du traitement, elle peut aisément être
réalisée dans le cadre de la chirurgie ambulatoire.
Étant donné la difficulté à mettre en évidence tous les
pathogènes, on recourt à un traitement probabiliste actif
vis-à-vis des principaux pathogènes attendus.
Le traitement
doit en outre être accompagné d’une surveillance clinico-biologique qui doit se poursuivre plusieurs mois
après la fin du traitement.
De très nombreux protocoles ont été proposés.
Nous
en présentons ici 3 qui répondent aux différentes
situations rencontrées.
Ils comprennent un anti-Chlamydia
efficace : cycline, macrolide ou fluoroquinolone de type
ofloxacine, associé à une pénicilline amoxicilline-acide
clavulanique (Augmentin ou Ciblor) ou une céphalosporine
à large spectre injectable, par exemple : céfotétan
(Apacef) ou à la clindamycine (Dalacine).
Celle-ci peut
éventuellement être remplacée par la pristinamycine
(Pyostacine).
La conférence de consensus de 1993 préconisait
l’association amoxicilline-acide clavulanique + cycline
dans le traitement de la salpingite « sans facteurs de
risque ».
Un nombre significatif d’entérobactéries
(E. coli surtout) est devenu résistant aux nouvelles
pénicillines et il est alors nécessaire de substituer une
quinolone à la cycline.
2- Traitement associé :
• Anti-inflammatoires : il est logique de prescrire des
anti-inflammatoires dans la phase initiale du traitement
pour enrayer les phénomènes inflammatoires et immunoallergiques.
Cette prescription s’avère parfois impossible
en raison des troubles digestifs entraînés tant par
les antibiotiques que par les anti-inflammatoires.
• Traitement coelio-chirurgical des lésions pelviennes :
à ce stade, on se contentera d’un traitement qui ne soit
pas traumatique, comportant avant tout une adhésiolyse
pelvienne associée à un abondant lavage de la cavité pelvienne.
À distance de l’épisode infectieux, plusieurs
mois après la fin du traitement antibiotique, un traitement
plus complet visant notamment à rétablir la
perméabilité tubaire peut être proposé.
• Traitement du ou des partenaires, systématique en
cas d’infection à C. trachomatis : le Zithromax (2 g en
une prise unique) s’avère adapté à cette indication.
On conseille de plus des rapports sexuels protégés
jusqu’à la fin du suivi post-thérapeutique.
B - Salpingites compliquées :
• En cas d’abcès pelvien
– et de pelvipéritonite ne
s’améliorant pas rapidement
– le traitement doit associer
antibiothérapie et chirurgie.
Une antibiothérapie est débutée par voie parentérale,
associant un dérivé de la pénicilline type amoxicilline :
acide clavulanique ou uréido-pénicilline (Pipéracilline,
Tazocilline ou une céphalosporine de 3e génération type
céfotaxime, une fluoroquinolone ou un aminoside
(nétilmicine par exemple), du métronidazole.
• Le traitement chirurgical, par coelioscopie ou laparotomie
suivant les situations est réalisé 24 à 48 h plus tard, le temps d’assurer une imprégnation antibiotique
suffisante des tissus pelviens.
Cette intervention est destinée
à mettre à plat un éventuel abcès et d’assurer le
lavage abondant de la cavité, de l’abcès et du pelvis.
L’antibiothérapie sera poursuivie quelques jours par
voie parentérale avant d’assurer un relais oral selon les
schémas proposés au paragraphe précédent.