La rétine, par la spécificité de ses
constituants cellulaires de perception et de
transmission, par sa double origine nerveuse
et épithéliale, par ses deux systèmes
circulatoires dont la régulation est
indépendante et par ses modifications au
cours des affections systémiques, est un site
particulièrement vulnérable à bon nombre
de modifications ou d’agressions.
Les
aspects cliniques des atteintes rétiniennes
ont été décrits depuis de nombreuses années
mais sont en perpétuel remaniement grâce à
l’amélioration des possibilités d’exploration
et grâce aux recherches incessantes dont
elles font l’objet.
Affections maculaires
:
Les affections maculaires sont dominées, de
par leur fréquence, par la dégénérescence
maculaire liée à l’âge (DMLA).
Les progrès
réalisés au cours de ces années par les
nouvelles techniques d’imagerie entraînent
une modification permanente de la
classification de ses différentes formes
cliniques et de ses approches thérapeutiques.
A - TECHNIQUES D’IMAGERIE :
L’angiographie au vert d’indocyanine (ICG)
et la tomographie en cohérence optique
(OCT : optical coherence tomography) ont
amélioré notre compréhension de
l’étiopathogénie et de la classification de
certaines affections, mais ont aussi permis
d’identifier des éléments nouveaux.
Elle a été décrite comme une entité à part
sous la dénomination de « décollement sérohémorragique de l’épithélium
pigmentaire (EP) récidivant des femmes
noires ».
Actuellement, elle est considérée
comme une forme particulière de
dégénérescence maculaire, surtout chez des
patients mélanodermes âgés.
L’ICG est l’examen diagnostique clé en
identifiant les dilatations ampullaires, situées
sous l’épithélium pigmentaire qui
correspondent aux lésions rouge orangé en
biomicroscopie situées au sein ou à
proximité des décollements hémorragiques
ou sérohémorragiques de l’EP et/ou de la
rétine neurosensorielle dans 50 à 90 % des
cas.
Les lésions polypoïdales sont situées
sur le bord d’un réseau choroïdien dilaté et
sont hyperfluorescentes au temps précoce en
angiographie à la fluorescéine et à l’ICG.
Au
temps tardif de l’angiographie à la
fluorescéine, une diffusion apparaît dans le
liquide sous-rétinien.
En ICG, les
dilatations polypoïdales demeurent
hyperfluorescentes ou présentent un
phénomène de wash-out associant une
coloration de leurs bords avec une
hypofluorescence centrale.
En OCT, ces
lésions correspondent à un épaississement
antérieur de la choroïde interne, en
continuité ou non avec le décollement
sérohémorragique de l’EP.
Elles sont
caractérisées par une pente plus aiguë, ce
qui les différencie du décollement de l’EP.
Leur évolution spontanée à long terme est
incertaine.
Elle serait favorable dans la
plupart des cas, néanmoins une cicatrice disciforme avec effondrement de l’acuité
visuelle peut survenir.
En cas de risque de baisse de l’acuité
visuelle liée aux phénomènes exsudatifs ou
hémorragiques, un traitement par photocoagulation au laser peut être envisagé
et utile.
La vasculopathie choroïdienne polypoïdale
peut être idiopathique ou primitive.
Son lien
avec la néovascularisation choroïdienne de
la DMLA est encore imprécis : affection
indépendante ou équivalent de néovascularisation
chez des patients mélanodermes ?
De plus, la survenue de polypes choroïdiens
secondaires à une radiothérapie ou à un
traitement par interféron permet
d’envisager qu’il puisse s’agir d’une réponse
spécifique ou même ubiquitaire à une
altération choroïdienne.
2- Dégénérescence maculaire liée
à l’âge
:
Dans le cadre d’une DMLA, les membranes
néovasculaires de type occulte se
manifestent en angiographie à l’ICG par une
plaque hyperfluorescente à bords nets dans
environ 36 % des cas.
Les techniques de
traitement des images numérisées
permettent d’augmenter ce chiffre à près de
60 %. L’aspect en angiographie à l’ICG
comporterait une valeur pronostique pour le
risque de baisse d’acuité visuelle.
Il
semblerait que seules les membranes bien
délimitées en ICG avec une diffusion du
colorant au temps tardif présenteraient un
risque accru de perte de vision centrale.
Après photocoagulation au laser d’une
membrane néovasculaire, l’examen
angiographique précoce avec l’ICG montre
des points hyperfluorescents dans 18 % des
cas.
Une récidive néovasculaire ne se
développe que dans 22 % de ces cas, soit à
l’endroit du hot spot (10 %), soit à distance
(12 %).
Ces hot spots correspondent donc
soit à une persistance ou à une récidive de
la néovascularisation choroïdienne, soit à un
dommage thermique vasculaire choroïdien.
L’ICG a permis de plus d’identifier des
anomalies choroïdiennes des artères
périmaculaires, indépendantes a priori
d’autres pathologies choriorétiniennes.
Des zones d’altérations choroïdiennes, non
décelables par d'autres examens
complémentaires, ont été trouvées dans un
cas de pseudohistoplasmose.
L’ICG a encore permis d’identifier et de quantifier
l’atteinte choroïdienne dans la sarcoïdose
oculaire.
B - APPROCHES THÉRAPEUTIQUES :
La recherche de nouveaux traitements, soit
pour la prévention de la néovascularisation choroïdienne, soit des traitements
alternatifs, constitue une préoccupation essentielle dans les
publications actuelles.
1- Photocoagulation des drusen :
En 1998, les premiers résultats de l’étude
américaine multicentrique, « The Choroidal
Neovascularization Prevential Trial », ont
mis en évidence une fréquence de survenue,
de néovascularisation choroïdienne après
18 mois, significativement plus élevée dans
les yeux avec drusen à haut risque traités,
alors que l’oeil adelphe était déjà atteint de
néovascularisation.
Le recrutement a donc
été arrêté mais la surveillance poursuivie.
Une corrélation a été démontrée entre la
disparition des drusen induite par
photocoagulation et les modifications de
l’acuité visuelle dans cette même étude.
À 1 an, une diminution des drusen de 50 %
ou plus entraînait une amélioration de
l’acuité visuelle d’une ou deux lignes plus
fréquemment que lorsque la régression était
moins importante.
Les yeux n’ayant pas
développé de complication néovasculaire
ont seuls été retenus.
Par ailleurs, le
recrutement et la randomisation sont
poursuivis pour les patients atteints de drusen aux deux yeux.
L’utilisation de laser
diode (et non de longueur d’onde de 514 nm
comme dans l’étude précédente), mais
surtout d’impacts d’intensité infraliminaire,
permet l’obtention de meilleurs résultats.
En
effet, on obtient une réduction significative
des drusen avec des impacts non visibles et
surtout les complications, comme le
développement d’une néovascularisation
choroïdienne et les cicatrices maculaires,
sont moins fréquentes.
Si la régression des drusen peut
s’accompagner d’une amélioration visuelle,
son influence sur la séquence évolutive
aboutissant à une complication
néovasculaire est plus qu’incertaine.
De plus, une équipe anglaise a attiré
l’attention sur le risque élevé de développer
des anomalies, suggérant plus volontiers
une néovascularisation choroïdienne occulte
en angiographie à la fluorescéine après
photocoagulation des drusen séreux.
La
création de cicatrices atrophiques par la photocoagulation et leur extension à l’aire
fovéale constituent une menace qui n’est pas
encore évaluée.
Cette tentative thérapeutique
ne doit donc être effectuée que dans le cadre
d’études randomisées et contrôlées.
2- Photothérapie dynamique :
Les études de photothérapie dynamique
avec un dérivé de la benzoporphyrine, la
verteporphine, sur la néovascularisation
choroïdienne expérimentale induite chez le
singe ont montré que la diffusion des
néovaisseaux choroïdiens disparaît dans
80 % des cas 4 semaines après traitement.
Par ailleurs, l’exposition de la rétine et de la
choroïde normale n’entraîne aucune
anomalie histologique et la choriocapillaire
est perfusée.
L’angiographie à la fluorescéine et au vert
d’indocyanine pratiquée après photothérapie
dynamique avec le même photosensibilisant
chez des patients (dans une étude de phase
II) a montré la reperfusion des néovaisseaux
dans 66 % des cas 3 mois après le
traitement.
L’origine de ces reprises
évolutives pourrait être la persistance de
vaisseaux nourriciers ou leur reperméabilisation,
et conduit à de nouvelles
administrations de verteporphine.
La zone
traitée présentait une hypofluorescence
choroïdienne persistante jusqu’à 3 mois
après traitement.
Cette hypofluorescence
pourrait être liée à des modifications de la
perfusion choroïdienne ou à des
phénomènes de masquage.
D’autres médicaments photosensibilisants de
troisième génération sont actuellement en
cours d’évaluations expérimentale et
clinique.
Une équipe japonaise a testé le photosensibilisant ATX-S10 sur la
néovascularisation expérimentale induite
chez le rat.
Avec cette molécule, une
occlusion de la membrane néovasculaire est obtenue sans dommage significatif sur
les capillaires rétiniens normaux et les gros vaisseaux choroïdiens.
Une autre étude expérimentale a évalué l'effet du photosensibilisant mono-L-aspartyl chlorine
e6 (Npe6) sur la rétine et la choroïde chez
des lapins pigmentés et des singes japonais.
Une occlusion des vaisseaux choroïdiens, en
particulier de la choriocapillaire avec lésion
des cellules endothéliales, est obtenue sans
dommage significatif de l a rétine
neurosensorielle sus-jacente.
Enfin, les résultats à 1 an de la première
grande étude de phase III de la
photothérapie dynamique, la « TAP »
(Treatment of AMD with Photodynamic
Therapy) ont été publiés en octobre
dernier.
À travers le monde, 609 patients
présentant des néovaisseaux rétrofovéolaires
de type visible (associés ou non à des
néovaisseaux occultes) ont été randomisés
entrainement par Visudyne
(verteporphine par injection intraveineuse)
versus placebo.
Après 12 mois de
surveillance, la différence d’acuité visuelle
entre le groupe traité et le groupe non traité
était statistiquement significative.
L’acuité
visuelle s’est améliorée ou restait stable
(définie comme une baisse inférieure à trois
lignes sur une échelle d’acuité visuelle
standardisée) dans 61 % des yeux traités par Visudynet contre 46 % des patients ayant
reçu le placebo (p < 0,001).
Ce bénéfice en
termes d'acuité visuelle semble
particulièrement important chez des patients
présentant des néovaisseaux à prédominance
visible constituant plus de 50 % de la
lésion.
Les résultats de la surveillance après
2 ans sont attendus pour l’an 2000, avec des
analyses par sous-groupes selon les
constituants de la lésion néovasculaire, pour
permettre une sélection aussi précise que
possible des patients qui bénéficieront de
cette thérapeutique.
3- Thermothérapie transpupillaire :
La thermothérapie transpupillaire, technique
efficace dans le traitement des mélanomes
choroïdiens, est une nouvelle approche
thérapeutique proposée pour les patients
atteints de néovaisseaux occultes
rétrofovéolaires.
Un laser diode émettant à
810 nm est utilisé pour délivrer de la chaleur
sur la choroïde et l’épithélium pigmentaire.
La taille du faisceau de visée est ajustée à la
taille de la membrane néovasculaire.
Pendant 1 minute, une énergie variant entre
360 et 800 mW est délivrée et ne doit pas
entraîner une lésion rétinienne visible
(éventuellement une discrète réaction gris
pâle de l’EP à la fin du traitement).
Dans
une première étude rétrospective et non
comparative portant sur 16 yeux, une
diminution de l’exsudation néovasculaire a
été notée dans 94 % des yeux à l’examen
biomicroscopique, à l’angiographie à la
fluorescéine et en OCT.
Un quart des
patients présentaient une amélioration de
l’acuité visuelle, deux quarts restaient stables
et un quart montraient une baisse de vision
après une surveillance de 6 à à 25 mois.
Cette tentative constitue un espoir pour le
contrôle de la néovascularisation occulte de
la DMLA.
4- Radiothérapie
:
De nombreuses publications sur la
radiothérapie des néovaisseaux continuent à
paraître , la plupart toujours non
randomisées, regroupant les différents types
de néovaisseaux et n’incluant qu’un petit
nombre de patients.
Deux équipes ont étudié la radiothérapie par
plaque, d’une part de palladium-103 et
d’autre part de strontium-90.
Deux ans
après la réalisation du traitement, aucune
des deux publications n’a mis en évidence
de bénéfice notable en termes d’acuité
visuelle.
Cependant, aucun effet secondaire
n’a été noté.
L’avantage de cette technique
de traitement pourrait être une irradiation
strictement unilatérale, ce qui permet
l’application locale de doses plus fortes.
Les études de radiothérapie par faisceau
externe font état de résultats sur un plus
grand nombre de patients, toujours non
randomisés et regroupant tous les types de néovaisseaux.
Les doses appliquées varient
entre 10 à 20 Gy administrées en quatre à
huit séances.
La surveillance est
extrêmement variable, de 6 à 24 mois.
Il
semblerait qu’un effet positif à court terme
jusqu’à environ 6 mois après traitement
puisse être observé, défini comme une
stabilisation de l’acuité visuelle ou un
ralentissement de la perte de l’acuité visuelle.
Cet effet semblerait lié à une
diminution des phénomènes exsudatifs.
Cependant, il n’existe pas de bénéfice après
18 à 24 mois de suivi par rapport à des
groupes d’évolution spontanée de la
littérature.
Deux études randomisées
incluant respectivement 27 et 205 patients,
utilisant soit un traitement avec une seule
fraction de 750 cGy ou une dose de
16 Gy appliquée en huit séances, n’ont pas
mis en évidence de bénéfice sur l’ensemble
du groupe traité comparé au groupe non
traité après 12, voire 18 mois d’observation.
L’analyse par sous-groupe selon le type de néovaisseaux n’a pas non plus montré
d’effet possible de la radiothérapie, en raison
du nombre limité de patients.
Deux équipes insistent sur le risque d’effets
secondaires de la radiothérapie se
manifestant cliniquement 3 à 18 mois après
la réalisation du traitement.
D’une part, à
long terme, une rétinopathie des radiations,
une neuropathie optique, une vasculopathie
choroïdienne ischémique et des occlusions
de branche veineuse peuvent survenir.
D’autre part, au niveau de la membrane néovasculaire initiale, le développement de
vaisseaux dilatés sur le bord de la
membrane avec des phénomènes exsudatifs
majeurs peuvent être observés.
Ces
effets secondaires semblent plus
fréquemment observés dans les études avec
un fractionnement moindre.
D’autres études randomisées sont
actuellement encore en cours, voire
d’analyse.
La sélection rigoureuse des
patients et la durée de suivi longue
permettront peut-être d’obtenir des résultats
et des précisions sur la dose efficace.
5- Autres traitements expérimentaux
:
Les autres traitements expérimentaux
concernent principalement les médications antiangiogéniques.
L’angiogenèse dépend de
nombreux facteurs, d’une part des facteurs
proangiogéniques comme les facteurs de
croissance, des substances antiangiogéniques,
des protéines de la matrice
extracellulaire, et d’autre part de différents
médiateurs angiostatiques.
Les approches
thérapeutiques sont donc très variées et
visent essentiellement la voie angiostatique
ou antiangiogénique.
Les études cliniques
actuellement en cours concernent la
thalidomide, l’angiostatine et des corticoïdes,
ainsi que des antagonistes des récepteurs
solubles du vascular endothelium growth
factor (VEGF), des oligonucléotides antisens
de VEGF et l’antagoniste de la tyrosine
kinase du récepteur du VEGF.
Les résultats
de ces études préliminaires sont attendus
avec beaucoup d’espoir car ces traitements
pourraient intervenir avant la destruction
des photorécepteurs centraux par le
processus néovasculaire.
Rétinopathie diabétique
:
La rétinopathie diabétique (RD) reste une
préoccupation essentielle des ophtalmologistes
des pays industrialisés, par sa
fréquence et par son retentissement
fonctionnel, la durée de la maladie
diabétique déterminant la fréquence du suivi
clinique des diabétiques adultes.
Ainsi, les rétinologues américains voient peu
fréquemment les patients avec une courte
durée du diabète, tendent à contrôler une
RD préproliférante à court terme avant de
traiter une RD proliférante.
Cependant, un
petit groupe d’ophtalmologistes généraux
continuent à conseiller le traitement d’une
RD non proliférante.
Un diabète rapidement progressif et une
mauvaise compliance du patient sont les
facteurs principaux responsables d’un échec
thérapeutique dans une étude anglaise,
évaluant le taux de cécité chez des patients
diabétiques.
A - ÉPIDÉMIOLOGIE ET FACTEURS
DE RISQUE
:
Les Américains diabétiques de type I
d’origine africaine ont une fréquence de RD
de 63,9 % et de RD proliférante de 18,9 %.
Une baisse de l’acuité visuelle, retrouvée
dans 11 % des cas, était liée de façon
significative à la durée du diabète, à un âge
plus avancé et au sexe féminin.
Dans la Barbados Eye Study, la prévalence du
diabète était de 19,4 % dans le groupe de
population noire et de 15,2 % dans le groupe
d’une population de métis âgée de 40 à 84
ans.
Dans ces deux groupes ethniques, une
RD a été retrouvée chez 28,5 % des sujets
diabétiques, présentant dans 19,8 % une
rétinopathie minime, dans 7,7 % une
rétinopathie modérée et 0,9 % une
rétinopathie sévère.
Ces deux études
retrouvent donc des chiffres différents de
fréquence de RD dans les ethnies
pigmentées.
Dans la première étude, des
facteurs de risque de développement d’une
RD ont été les facteurs classiques : une
atteinte rénale, un mauvais contrôle
glycémique, une tension artérielle systolique
élevée et une longue évolution du diabète.
L’existence de ces facteurs multipliait le
risque d’une RD par trois à dix fois.
Par ailleurs, chez des diabétiques de type 2,
une équipe finlandaise a identifié plusieurs
facteurs de risque associés de façon
indépendante à une RD : la microalbuminurie,
le traitement par insuline, la durée du
diabète, le taux de glucose sanguin à
2 heures dans le test standard de tolérance
au glucose, et un taux diminué de high
density lipoprotein (HDL).
L’impact de la
diminution de l’HbA1C sur la progression
de la RD a été analysé dans un petit nombre
de patients suédois diabétiques de type 2.
Au cours d’une période de 2 ans, après
institution d’un traitement par insuline, 50 %
des patients ont présenté une aggravation
de leur rétinopathie comme l’avaient déjà
décrit des études anciennes.
Le risque de
progression de la rétinopathie ou de la maculopathie diabétique est étroitement lié
à un taux élevé en HbA1c, une longue durée
de la maladie diabétique et la prise d’un
traitement antihypertenseur.
De plus, les
patients présentant une RD évoluée au
premier examen ont un risque plus élevé de
progression rapide.
Cinquante pour cent des
patients, avec une rétinopathie non
proliférante sévère (score 51) initialement,
développent une RD proliférante en 1 an ;
les patients présentant une RD minime ou
modérée ont 25, voire 60 %, de risque de
développer une RD proliférante en 3 ans.
Les facteurs de risque de progression de la
RD chez les diabétiques de type 1 ont été
identifiés dans deux études de cohorte
américaines.
Un taux élevé d’HbA1C et des
chiffres élevés de tension artérielle
diastolique augmenteraient le risque de
progression de la RD.
À l’inverse, les chiffres
de la tension artérielle systolique, un taux
élevé de low density lipoprotein (LDL) et le
tabac ne s’avéraient pas être des facteurs
déterminants.
Selon une étude française, la lipoprotéine (a)
semblerait augmenter le risque de sévérité
d’une RD dans le diabète de type 1.
Les
patients atteints d’une rétinopathie.
proliférante présentaient les taux les plus
élevés de lipoprotéine (a), supérieur à
30 mg/dL.
De plus, la présence d’une RD
plus sévère ou une baisse importante de
l’acuité visuelle chez des patients
diabétiques est corrélée à un risque élevé de
mortalité par une maladie cardiaque
ischémique.
L’influence de la prise d’oestrogènes sur
l’évolution de la RD a été analysée dans une
grande étude épidémiologique américaine.
Ni la contraception orale, ni le traitement
substitutif de la ménopause ne modifient la
gravité de la RD ou de l’oedème maculaire.
L’effet de la grossesse a été évalué sur la
dynamique circulatoire rétinienne chez les
femmes diabétiques de type 1.
Le diamètre
des veines rétiniennes diminuait plus chez
la femme diabétique que chez la femme non
diabétique au troisième trimestre de la
grossesse.
De plus, le volume du flux
sanguin au niveau de la rétine diminuait
plus chez les femmes diabétiques, ce qui
pourrait représenter un facteur aggravant
l’ischémie rétinienne responsable d’une
progression de la RD.
Ainsi, les facteurs de risque précédemment
publiés ont été retrouvés dans les études les
plus récentes.
La mise en évidence de
facteurs biologiques nouveaux ouvre de
nouvelles approches sur l’étiopathogénie de
la RD.
B - EXPLORATIONS FONCTIONNELLES :
De nombreuses publications témoignent de
l’intérêt des moyens d’exploration
fonctionnelle dans l’évaluation d’une RD et
de la planification d’un traitement.
Ainsi, si l’angiographie à la fluorescéine n’est
habituellement pas considérée comme
nécessaire par les ophtalmologistes
américains pour le traitement d’un oedème maculaire diabétique, un groupe de quatre
rétinologues s’avérait plus performant en se
basant sur la rétinographie.
Plusieurs instruments permettent
actuellement d’évaluer l’effet d’un
traitement par photocoagulation en grille sur
le plan fonctionnel et/ou anatomique.
L’étude de corrélation de la sensibilité à la
lumière avec l’acuité visuelle mesurée par micropérimétrie à l’aide d’un scanning laser
ophthalmoscope (SLO) montre que la
sensibilité rétinienne à la lumière est réduite
de façon significative dans les zones avec
oedème rétinien.
Cependant, il n’y a pas de
corrélation entre le degré de l’oedème et la
fonction visuelle.
Cet examen peut être très
utile pour générer des cartes fonctionnelles
avant et après traitement et aider à prendre
des décisions thérapeutiques.
L’examen de la rétine à l’aide d’un analyseur
de l’épaisseur rétinienne (RTA) a identifié
une augmentation de l’épaisseur rétinienne maculaire chez les patients présentant une
RD, même si l’oedème maculaire n’était pas
cliniquement significatif lors de l’examen
biomicroscopique.
De plus, l’épaisseur
rétinienne est fortement corrélée avec
l’acuité visuelle.
D’autre part, l’épaisseur
rétinienne maculaire augmente après
photocoagulation panrétinienne (PPR).
Il
s’agit de l’apparition d’un oedème rétinien
cliniquement non visible à l’examen biomicroscopique.
Le Heidelberg retinae
tomographe (HRT) peut également être utile
dans l’identification d’un oedème maculaire
diabétique.
Dans une étude anglaise,
n’incluant que des patients avec une acuité
visuelle supérieure à 6/10, la sensibilité de
l’appareil était d’environ 60 %.
L’OCT
permet une analyse précise des
modifications anatomiques de la rétine dans
l’oedème maculaire diabétique.
Dans une
étude japonaise portant sur 42 sujets
diabétiques, 88 % des patients présentaient
un épaississement diffus de la rétine, 47 %
un oedème maculaire cystoïde et 15 % un
décollement séreux rétinien.
L’oedème
diffus était plus prononcé dans les couches
rétiniennes externes de même que l’oedème maculaire cystoïde.
Les modifications fonctionnelles précoces
rétiniennes dues au diabète sont détectables
par la périmétrie automatisée bleu-jaune
dans les cas d’élargissement de la zone
avasculaire centrale et de l’espace
intercapillaire périfovéolaire, alors que
l’acuité visuelle et la périmétrie automatisée
conventionnelle sont normales.
L’électrorétinogramme (ERG) multifocal
révèle un dysfonctionnement rétinien non
seulement chez les patients présentant une
RD, mais aussi chez les sujets diabétiques
sans atteinte rétinienne.
Le degré du retard
du temps de culmination est corrélé à
l’importance des modifications dues à la
rétinopathie.
L’amélioration de la mise en évidence des
stades précoces de l’oedème rétinien
diabétique permet non seulement d’en
suivre l’évolution spontanée mais aussi
d’envisager des thérapeutiques actives mais
conservatrices.
C - TRAITEMENT :
Il y a peu de nouveautés concernant le
traitement de la rétinopathie proliférante et
de la maculopathie diabétique.
Une équipe
anglaise a confirmé les facteurs influençant
les résultats fonctionnels d’un traitement par
grille maculaire ou d’une PPR.
Ainsi, après
grille maculaire, les résultats fonctionnels
sont liés à une acuité visuelle initiale basse
et à la présence d’un oedème maculaire
diffus (en comparaison à un oedème focal).
Dans les cas de rétinopathie proliférante, les
résultats fonctionnels sont liés à des
caractéristiques « à haut risque »
(néovaisseaux prérétiniens ou prépapillaires
avec hémorragie prérétinienne ou
intravitréenne) et l’association à une
maculopathie initiale.
De plus, la présence
de néovaisseaux prépapillaires, un début
précoce du diabète et une courte durée de la
maladie avant la PPR sont des facteurs
déterminants pour densifier la PPR.
En cas de cataracte dense associée à une RD
proliférante avec ou sans rubéose irienne, la
PPR peropératoire à l’ophtalmoscope
indirect permet de traiter rapidement des
patients à haut risque.
La PPR est réalisée
après aspiration des masses et avant la mise
en place de l’implant.
Le laser diode micropulsés permettait la résolution de la
maculopathie diabétique de 57 % des
patients traités et une régression partielle
des néovaisseaux en 6 mois de 77 % des
patients.
Ce laser comporte l’avantage
d’avoir une meilleure spécificité pour
l’épithélium pigmentaire et de provoquer
moins de dommage de la rétine interne.
Les innovations technologiques récentes
permettent un diagnostic précoce en
particulier des anomalies maculaires, avant
même leur mise en évidence en clinique,
affinant les évaluations épidémiologiques.
Les recherches thérapeutiques actuellement
en cours devront s’appuyer sur les
modifications quantifiables avec ces
instruments, pour permettre la mise en
évidence d’une intervention active avant la
constitution d’un dommage difficilement
réversible et sans destruction rétinienne
définitive.
Occlusions veineuses
:
L’occlusion de la veine centrale ou de ses
branches est la deuxième pathologie
vasculaire rétinienne en fréquence.
Leur
classification angiographique est acquise
mais le terrain favorisant leur survenue
comporte encore des éléments inconnus ou
sujets à controverse.
Si leur évolution
spontanée est abondamment décrite, la
sévérité de l’évolution de la forme
ischémique, apparue d’emblée ou
secondairement, conduit à la recherche de
thérapeutiques préventives ou curatives.
A - FACTEURS DE RISQUE
:
La résistance à la protéine C activée (APCR
: activated protein C resistance) est toujours
le facteur étiologique le plus discuté dans la
survenue des occlusions veineuses et les
résultats de différentes études restent
contradictoires.
Deux équipes turques et une
équipe allemande n’ont pas pu confirmer
une prévalence élevée de la mutation chez
les patients présentant une occlusion de la
veine centrale ou de branche veineuse.
Cependant, trois autres équipes
soulignent l’importance de l’examen
systématique de l’APC-R, surtout chez les
patients présentant une occlusion de la veine
centrale de la rétine, car la mutation du
facteur V a été retrouvée chez 29 %, 25 %,
voire 19 % des patients, habituellement à
l’état d’hétérozygote, alors que sa
prévalence est de 9 % dans la population
blanche.
Un taux élevé de l’homocystéine
plasmatique semble constituer un facteur de
risque de survenue d’occlusion de la veine
centrale de la rétine.
De même, cette
protéine est, à des taux plasmatiques
modérément élevés, un facteur de risque
indépendant pour les maladies vasculaires artériosclérotiques.
Le rôle d’autres facteurs de risque a été
confirmé. Ainsi, la recherche systématique
d’une déficience en protéines anticoagulantes,
en particulier la protéine C, et
d’anticorps antiphospholipides est
conseillée chez des patients ne présentant
pas d’autres facteurs de risque d’une
occlusion veineuse.
Une étude à l’aide d’un doppler couleur
dans l’occlusion de la veine centrale a révélé
une diminution du flux sanguin dans l’artère
ophtalmique et l’artère centrale de la rétine
dans les yeux présentant une forme
ischémique.
Cette diminution était encore
plus accentuée après PPR.
B - TRAITEMENT :
Les nouvelles approches thérapeutiques
dans les occlusions veineuses sont des
tentatives chirurgicales pour lever l’obstacle
à la circulation veineuse. Pour créer une
anastomose choriorétinienne (ACR), une
équipe américaine propose une approche
par vitrectomie par la pars plana.
Après
dissection de la hyaloïde postérieure, des
incisions sont effectuées à l’aide d’une
microlame, à proximité d’une grosse veine
rétinienne dans chaque quadrant. De fines
sutures en mersilène sont ensuite mises en
place au-dessus de la veine dans les lèvres
des incisions afin de stimuler la
vascularisation.
Ainsi, une ACR
fonctionnelle a été obtenue dans dix cas sur
16 d’une occlusion de la veine centrale de type ischémique, avec une amélioration de
l’acuité visuelle dans trois cas.
Une fibrose
modérée au site de l’ACR a été signalée dans
tous les cas, mais aussi le développement
d’une atrophie optique dans trois cas.
Une autre éventualité reste la décompression
de la gaine du nerf optique, technique
ancienne proposée pour des patients monophtalmes présentant une aggravation
progressive de l’occlusion.
La décompression
est effectuée sous anesthésie rétrobulbaire par voie nasale.
Les auteurs
rapportent une amélioration de l’acuité
visuelle dans six cas sur huit et n’ont noté
aucune complication.
La faisabilité d’une
chirurgie vasculaire dans les occlusions
vasculaires rétiniennes a été évaluée par une
équipe américaine dans un modèle animal
in vivo et dans des yeux d’autopsie.
Une canulation des vaisseaux rétiniens à l’aide
d’un stylet flexible et des incisions de la
gaine artérioveineuse ont été tentées, ainsi
que la pénétration des vaisseaux rétiniens.
La procédure chirurgicale a obtenu un
succès dans environ la moitié des cas et les
auteurs concluent que la chirurgie des
vaisseaux rétiniens est devenue une
approche faisable qui mérite plus
d’investigation.
Pour le traitement médical des occlusions,
les traitements par recombinant tissue plasminogen activator (rt-PA), puis
héparinisation ou par hémodilution
isovolémique montrent de meilleurs
résultats pour des patients traités
précocement.
Contrairement aux grandes études
américaines (CRVO Studies), une équipe
italienne constate l’absence d’efficacité de la
grille maculaire pour oedème maculaire dans
le cadre d’une occlusion de branche
veineuse.
Aucune différence n’est constatée
entre le groupe traité et le groupe non traité
dans cette étude randomisée incluant 99
patients.
Le dommage ischémique initial dû
à l’occlusion de la branche veineuse serait le
facteur responsable de la diminution de la
fonction visuelle, et le traitement par grille
ne pourrait ni diminuer l’oedème maculaire
ni améliorer l’acuité visuelle par rapport à
l’évolution spontanée.
L’implication indubitable de certains facteurs
de risque ne permet cependant pas de
déterminer avec certitude les autres facteurs
déclenchants.
La multiplicité des facteurs
possiblement intriqués résulte en une variété
d’approches thérapeutiques.
L’émergence de
la microchirurgie sous-rétinienne explique le
renouvellement des approches chirurgicales
pour tenter de lever l’obstacle circulatoire.
Conclusion
:
Les affections atteignant la rétine constituent,
sans aucun doute, les causes d’altérations
visuelles à la fois les plus sévères et les plus
frustrantes.
Leur fréquence semble croissante,
permettant la mise en évidence de facteurs de
risque de plus en plus précisément.
Les progrès
dans leur étiopathogénie sont encore
actuellement assez limités, malgré la mise en
évidence d’anomalies génétiques prédisposantes,
si ce n’est responsables.
La
classification de plus en plus précise, réalisée
grâce à la disponibilité d’instruments
permettant une quantification et l’imagerie du
réseau choroïdien entraîne non seulement un
diagnostic de plus en plus précoce, mais
conduit à des approches thérapeutiques qui
sont actuellement encore curatives avant d’être
préventives.