Relation dose-effet dans la prescription du médicament
Cours de pharmacologie
Qu’est-ce que la relation dose-effet
des médicaments ?
Les effets des traitements médicamenteux ne suivent pas
la loi du « tout ou rien » car ils sont liés à la quantité administrée
: si la dose est trop faible,
aucun effet ne sera observé
(hormis un éventuel effet placebo) ; si la dose est très élevée,
le malade pourra présenter des effets toxiques ; entre
les deux se situe un intervalle de doses permettant d’obtenir
l’effet thérapeutique souhaité tout en minimisant le
risque d’effets indésirables.
Ces effets des médicaments
sont le plus souvent des phénomènes quantifiables et la
dose doit être choisie en fonction de la quantité d’effet
recherchée.
La dose recommandée est définie de façon statistique lors
des essais cliniques recherchant la relation dose-effet.
Cependant, cette dose peut ne pas être adaptée à un malade
donné, et doit dans ce cas être ajustée par le prescripteur.
A - Définition de la dose
:
Le terme de « dose » doit être compris au sens large, car il
représente en fait la posologie.
Ce terme englobe à la fois la quantité de médicament administrée, la fréquence d’administration
et le mode d’administration (voie orale, injection
intraveineuse rapide, etc.).
B - Définition de l’effet :
À chaque effet (thérapeutique ou indésirable) correspond
une relation dose-effet différente.
L’appréciation de ces
effets chez un malade correspond à la surveillance thérapeutique
qui doit être associée à toute prescription médicamenteuse.
1- Effet thérapeutique :
La surveillance de l’effet thérapeutique peut être simple,
si l’effet est facilement quantifiable (par exemple : mesure
de la pression artérielle sous traitement antihypertenseur) ;
complexe, si de nombreux paramètres doivent être pris en
compte (par exemple : mesure de la sédation lors d’une
anesthésie générale).
Pour les médicaments à action rapide, souvent administrés
de façon unique (antalgiques, hypnotiques), l’effet thérapeutique
peut être directement évalué.
Pour les médicaments
administrés de façon répétée, la mesure de l’effet
thérapeutique repose souvent sur un critère intermédiaire
considéré comme étant un bon reflet du critère clinique
vrai, plus difficile à quantifier.
Dans l’exemple choisi plus
haut, la baisse de la pression artérielle est un critère intermédiaire
; le critère clinique vrai est la diminution du risque
de complication de l’hypertension artérielle (infarctus du
myocarde, accident vasculaire cérébral, etc.).
Ce type d’effet
(survenue ou non d’un événement) est donc qualitatif,
mais il peut néanmoins être quantifié par la diminution du
risque de survenue de l’événement en fonction de la dose.
La relation dose-effet peut également être analysée en terme
de délai d’apparition de l’effet après administration (unique
ou répétée) du médicament ou de durée de l’effet en fonction
de la dose.
Le développement de l’effet au cours du
temps est principalement (mais non exclusivement) déterminé
par la pharmacocinétique.
2- Effets indésirables :
Par opposition aux effets indésirables d’origine immunoallergique,
les effets indésirables dont la gravité ou la fréquence
augmentent avec la dose sont appelés « dose-dépendants
».
Éléments gouvernant la relation dose-effet :
La relation entre dose et effet est une « boîte noire » qui
peut être en partie explorée grâce à la mesure des concentrations
du médicament dans l’organisme.
En effet, la
concentration est le reflet de l’exposition du malade au
médicament puisqu’elle va déterminer l’occupation des
récepteurs au niveau du site d’action et donc l’effet pharmacologique.
La relation dose-effet peut alors être décomposée
en deux domaines.
A - Relation dose-concentration
ou pharmacocinétique
:
Les concentrations sanguines sont influencées par le devenir
du médicament dans l’organisme, c’est-à-dire les phénomènes
d’absorption, de distribution, de métabolisme et
d’excrétion.
L’évolution des concentrations au cours du
temps est décrite grâce aux paramètres pharmacocinétiques.
Il existe habituellement une relation linéaire entre dose
et concentration (estimée notamment par la concentration
maximale et l’aire sous la courbe des concentrations
en fonction du temps après prise unique) : la concentration
augmente proportionnellement à la dose.
En prises
répétées, la concentration minimale à l’état d’équilibre
(c’est-à-dire juste avant une prise) augmente également
proportionnellement à la dose.
Quelques médicaments
ont cependant une cinétique non linéaire : c’est par
exemple le cas de la phénytoïne (Di-Hydan), dont les
concentrations sanguines augmentent plus que proportionnellement
à la quantité administrée en raison d’une
saturation du métabolisme hépatique aux doses thérapeutiques.
Après administration locale (corticoïdes en inhalation dans
l’asthme par exemple), les concentrations sanguines ne sont
généralement plus pertinentes car le médicament accède
directement au site d’action.
De même, la relation entre les
concentrations dans le sang et dans les tissus peut être modifiée
par certaines formes galéniques, comme les liposomes,
qui augmentent la distribution tissulaire.
B - Relation concentration-effet :
Cette relation (encore appelée relation pharmacocinétiquepharmacodynamie)
peut être étudiée en mesurant au même
moment, chez un sujet, la concentration sanguine de médicament
et l’effet.
Comme dans les études pharmacodynamiques
faites in vitro, cette relation n’est pas linéaire car un effet maximal (ou effet plafond) est atteint à partir d’une
certaine concentration.
Si l’intervalle des concentrations
observé en clinique est suffisamment large, une relation de
type « sigmoïde avec effet maximal » est observée, pour
l’effet thérapeutique comme pour les effets indésirables.
Cela a pour conséquence une relation dose-effet également
sigmoïde : l’effet thérapeutique augmente de façon non
linéaire avec la dose puis, à partir d’une certaine dose,
n’augmente plus.
L’augmentation de la dose est limitée par
les effets indésirables dose-dépendants.
Plus la différence
entre dose efficace et dose toxique est grande, plus la marge
thérapeutique est élevée.
La voie et le rythme d’administration peuvent influencer
la relation concentration-effet.
Variabilité de la relation dose-effet :
Il existe une variabilité inter-individuelle mais également
intra-individuelle (pour un même individu, au cours du
temps) de cette relation.
Sources de variabilité liée à la prise
du médicament
La variabilité peut être liée à une mauvaise méthode d’administration
du médicament (par exemple : inhalation, voie percutanée) ou à une mauvaise observance de la prescription,
facteur qui doit toujours être analysé en cas d’effet
thérapeutique insuffisant.
A - Sources de variabilité
pharmacocinétique :
Les modifications pharmacocinétiques auront pour conséquence
une diminution ou une augmentation des concentrations
et donc potentiellement de l’effet.
1- Absorption (ou résorption) :
Elle est essentiellement influencée par des interactions
médicamenteuses au niveau gastro-intestinal et par la prise
d’aliments.
2- Distribution :
La distribution du médicament dans l’organisme peut être
modifiée par une variation des protéines plasmatiques
fixant les médicaments (principalement albumine et alpha1-
glycoprotéine acide) ou par des interactions médicamenteuses
à leur niveau et par des modifications de la constitution
de l’organisme (proportion entre masse maigre et
masse grasse, espaces liquidiens).
3- Métabolisme :
C’est une source majeure de variabilité pour les médicaments
éliminés essentiellement par métabolisme.
Les principaux
facteurs influençant le métabolisme sont la génétique : les
enzymes du métabolisme sont, de façon innée, absentes ou
très diminuées chez certains individus ; les interactions médicamenteuses
: le métabolisme peut être fortement induit ou
inhibé lors d’associations médicamenteuses ; l’alcoolisme et
le tabagisme chroniques sont en général des inducteurs du
métabolisme ; l’insuffisance hépatique entraîne une diminution
plus ou moins sévère du métabolisme.
4- Excrétion rénale :
Elle est diminuée en cas d’insuffisance rénale, avec pour
conséquence des concentrations toxiques pour les médicaments
éliminés essentiellement par excrétion.
B - Sources de variabilité pharmacodynamique :
La variabilité de la relation concentration-effet est moins
bien connue.
Elle correspond à une modification de la
« sensibilité » du malade pour une même concentration.
Elle peut être notamment liée à la pathologie : par exemple,
la dose d’antalgiques morphiniques nécessaire pour calmer
une douleur d’origine cancéreuse est très variable, ce
qui est expliqué plus par la pathologie responsable que par
la pharmacocinétique ; liée à des interactions médicamenteuses
: par exemple, le risque de néphrotoxicité est augmenté
lors de l’association de plusieurs médicaments
néphrotoxiques, sans qu’il y ait d’interaction pharmacocinétique
; liée au médicament lui-même (variabilité intraindividuelle)
: par exemple, phénomènes de diminution de
la sensibilité aux bêta2-stimulants dans l’asthme ou de dépendance
aux benzodiazépines ; génétique si les récepteurs,
cibles des médicaments, présentent des mutations.
C - Populations particulières
:
Dans certaines populations, comme l’enfant et le sujet âgé,
les modifications de la relation dose-effet peuvent être dues
à la fois à une modification des relations dose-concentration
et concentration-effet.
Prise en compte lors
de la prescription d’un médicament
:
A - Choix de la voie et du rythme
d’administration :
La voie d’administration est choisie en fonction de la
vitesse (cas de l’urgence thérapeutique) et de la durée de l’effet thérapeutique recherché.
En administration répétée,
l’intervalle de prise est généralement d’une demi-vie environ.
Dans certains cas, le rythme d’administration peut agir
sur la relation dose-effet.
Par exemple le rythme d’administration
de certains anticancéreux influence leur efficacité
et leur tolérance ; l’effet des antibiotiques peut être
« concentration-dépendant » (les injections intraveineuses
rapides sont alors souhaitables pour obtenir des concentrations
élevées : cas des aminosides) ou « temps-dépendant
» (les perfusions sont souhaitables afin d’obtenir des
concentrations stables : cas des bêta-lactamines) ; certaines
formes galéniques (dont les formes à libération prolongée)
peuvent permettre de diminuer la fluctuation des concentrations
sanguines lorsqu’elle est néfaste ; les dérivés nitrés
utilisés dans l’angor ne doivent pas être administrés en
continu en raison de phénomènes de tolérance.
B - Choix de la dose :
L’effet thérapeutique des médicaments est quantifiable : la
dose doit donc être adaptée à la quantité d’effet à obtenir
chez un malade donné.
En dehors de l’urgence, et en raison
de la variabilité inter-individuelle de la relation doseeffet,
il est souvent souhaitable de commencer un traitement
par une faible dose (anxiolytiques, antidiabétiques
oraux, b-bloquants dans l’hypertension artérielle, par
exemple).
Après cette phase éventuelle d’instauration du
traitement, la dose sera choisie en fonction de la relation dose-effet : au-dessus d’une certaine dose, l’effet thérapeutique
n’augmente plus mais le risque d’effets indésirables
augmente ; de la marge thérapeutique du médicament
: l’augmentation des doses sera prudente si les doses
toxiques sont proches des doses efficaces (marge thérapeutique
étroite) ; de la pathologie : la survenue d’effets
indésirables peut être jugée acceptable en cas de pathologie
grave (cancérologie).
Lorsque les caractéristiques pharmacocinétiques (interactions
médicamenteuses, fonction hépatique ou rénale altérée,
etc.) ou pharmacodynamiques (sujet âgé notamment)
du médicament sont susceptibles d’être modifiées, la dose
initiale doit être adaptée.
C - Choix de la surveillance
après instauration du traitement :
La surveillance doit être adaptée au sujet et au médicament.
Elle doit en particulier anticiper la survenue d’effets indésirables
ou d’un effet thérapeutique insuffisant.
Une interaction
médicamenteuse doit toujours être envisagée lors de
l’introduction ou de l’arrêt d’un traitement associé.
Pour certains médicaments, une surveillance (ou « monitoring
») thérapeutique peut ou doit être effectuée par la
mesure des concentrations sanguines du médicament.
Ces médicaments ont quatre
caractéristiques : une faible marge thérapeutique ; une
importante variabilité pharmacocinétique ; une relation
connue entre les concentrations de médicament et l’effet
thérapeutique ou les effets indésirables ; un effet thérapeutique
difficile à apprécier à partir de la clinique seule (antiépileptique, immunosuppresseur) ou des effets indésirables concentration-dépendants particulièrement sévères
(digoxine).
Les médicaments concernés, en plus de ceux précédemment
cités, sont la théophylline, le méthotrexate, le lithium,
certains antidépresseurs tricycliques et certains antibiotiques.
Pour d’autres médicaments, comme les anticoagulants,
la surveillance thérapeutique et l’adaptation posologique
peuvent être effectuées grâce à la mesure d’un critère
intermédiaire : les tests de coagulation sont dans ce cas plus
pertinents que la mesure des concentrations de médicament.