Transplantations et réimplantations dentaire
(Suite)
Cours de Médecine Dentaire
F -
Particularités selon les divers types
de transplants
:
1- Canines :
Les canines ont une importance esthétique et fonctionnelle
reconnue.
À chaque fois que cela est
possible, tout doit être mis en oeuvre pour les
mettre à leur place sur l’arcade dentaire à laquelle
elles appartiennent.
Les inclusions des canines
maxillaires sont de loin les plus fréquentes.
Toutefois,
les canines mandibulaires retenues requièrent des solutions analogues.
L’indication de leur transplantation
est posée à chaque fois que les méthodes
par traction lente orthodonticochirurgicale, toujours
préférables lorsqu’elles sont possibles, ne
peuvent être envisagées pour des raisons anatomiques
ou pour des raisons pratiques dépendant du
patient.
Le cas le plus typique est celui d’une canine
maxillaire ectopique en position horizontale sousnasale.
Dès que l’indication est posée, la transplantation
doit être faite le plus tôt possible.
Les
chances de reprise de la vitalité du transplant sont
corrélées à l’ouverture de son apex et l’on diminue
ainsi les risques de transformation kystique du sac péricoronaire de la canine et de rhizalyse des apex
des incisives.
Il faut cependant que l’espace interproximal
qui lui est destiné soit suffisant.
Sinon, un
traitement orthodontique préalable destiné à aménager
cet espace est indispensable.
La persistance
de la canine de lait est utile pour le maintien du
volume osseux.
Elle est extraite dans le même
temps que celui de la transplantation et l’alvéole
est agrandi et approfondi en fonction du volume de
la canine transplantée et de la longueur de sa
racine.
Si la canine de lait a été extraite auparavant,
le volume osseux disponible peut être insuffisant.
On peut, dans ces cas, cliver avec prudence
les deux corticales pour insérer le transplant dans
l’espace ainsi créé.
Les problèmes que cela pose
rejoignent alors ceux des corticotomies de repositionnement.
L’extraction de ces canines
ectopiques est en général aisée lorsque leur couronne
est en situation vestibulaire.
Elle est plus
risquée lorsqu’elles sont entièrement palatines.
Il
faut alors ne pas hésiter, après avoir récliné la fibromuqueuse de l’hémipalais correspondant, à
pratiquer un dégagement osseux large de la racine
pour faciliter son extraction, limiter le risque desmodontal
et préserver la stabilité des incisives.
De
même, l’avulsion des canines mandibulaires ectopiques
est souvent aisée lorsque la couronne est
vestibulaire et facilement accessible.
Elle est beaucoup
plus difficile lorsque l’inclusion est profonde
dans le bord basilaire ou si l’orientation est linguale.
La canine transplantée est installée en légère sous-occlusion.
La contention semi-rigide, voire rigide
est indispensable.
Les principes sont les mêmes chez l’adulte. Une apicectomie est alors conseillée.
Toutefois, l’avulsion
est souvent plus difficile dans ces cas.
Cette
difficulté oblige parfois à renoncer à la transplantation
d’une canine incluse en situation palatine
lorsque son morcellement est nécessaire pour que
l’extraction ne risque pas de traumatiser les dents
voisines.
Il est beaucoup plus rare de transplanter une ou
parfois deux canines incluses chez une personne
plus âgée, partiellement édentée.
Pourtant, la
mise en place de deux canines superficiellement
incluses dans une crête édentée est une solution
élégante pour stabiliser une prothèse et améliorer
le capital dentaire existant.
Dans ce dernier cas,
l’apicectomie ne suffit pas à garantir la revitalisation
de la canine.
Il est préférable d’envisager un
traitement endodontique.
2- Incisives
:
La transplantation des incisives concerne l’enfant
et le jeune adolescent.
Elle est surtout utile pour
les incisives maxillaires et, le plus souvent, pour les
incisives centrales lorsqu’une mise en place par
traction n’est pas possible.
L’ectopie peut avoir été
provoquée par un traumatisme de la petite enfance,
par l’inclusion d’odontoïdes ou d’un odontome
complexe, par la présence d’une formation
tumorale ou plus souvent kystique.
Les
règles sont les mêmes que pour les canines, en
apportant un soin extrême à la préservation de la
bordure mucogingivale.
On respecte dans la mesure
du possible, le frein médian labiomaxillaire.
En
effet, si l’on peut penser que dans le cas des
canines, la fonction prime sur l’esthétique, c’est le
contraire en ce qui concerne les incisives. L’os
vestibulaire, souvent mince et fragile, doit être
ménagé avec le plus grand soin et conservé.
La contention doit être souple ou semi-rigide.
Une incisive latérale maxillaire peut aussi être
remplacée par une incisive mandibulaire dont l’extraction
serait programmée en raison d’un encombrement
antérieur.
3- Prémolaires
:
Une prémolaire peut rester incluse dans une situation
qui n’autorise pas sa mise en traction.
Si sa
mise en place est souhaitable pour l’équilibre des
arcades dentaires, on peut la transplanter au même
titre qu’une canine ou une incisive.
Au maxillaire, il s’agit le plus souvent d’une
deuxième prémolaire.
Elle est parfois vestibulaire,
mais le plus souvent palatine.
Son avulsion est
rarement difficile, la couronne étant souvent sousmuqueuse
au voisinage du pédicule vasculaire palatin.
L’avulsion des prémolaires restées incluses dans
la mandibule est souvent plus difficile.
Elles sont
fréquemment incluses dans un os dense, où elles
entretiennent des rapports étroits avec le canal
mandibulaire et les racines des dents voisines.
Dans
ce cas, leur prélèvement atraumatique est aléatoire
et l’on renonce souvent à les transplanter
pour leur substituer un implant.
C’est dans la compensation des agénésies au
cours d’un traitement orthodontique, que la transplantation
des prémolaires trouve ses meilleures
indications.
L’association d’un encombrement dentaire
au niveau d’une arcade ou d’une hémiarcade,
à une ou plusieurs agénésies n’est en effet
pas exceptionnelle.
Il est donc tentant lorsqu’une
ou deux prémolaires doivent être extraites, de les
utiliser pour remplacer celles qui sont absentes.
La stratégie de ce type de transplant
s’élabore en étroite collaboration avec l’orthodontiste.
Le choix de la deuxième prémolaire s’impose
à chaque fois que cela est possible lorsque le transplant
provient du maxillaire.
Monoradiculée, elle présente moins de difficultés d’extraction et d’insertion.
Si le transplant provient de la mandibule,
le choix de la première ou de la deuxième prémolaire
dépend du plan de traitement orthodontique.
Il faut savoir attendre le moment où la maturation
du germe que l’on va transplanter lui donnera les
meilleures chances.
L’idéal est de le prélever
avec son sac folliculaire intact alors qu’il a
édifié plus de la moitié de sa racine, si possible, les
deux tiers.
Pendant cette attente, l’espace
qui lui est nécessaire doit être maintenu, le mieux
étant de garder la molaire de lait jusqu’à la transplantation,
sauf si elle est infectée.
Il est également possible de compenser une agénésie
de prémolaire en utilisant comme transplant
une dent surnuméraire de même forme.
Une incisive centrale perdue à l’occasion d’un
traumatisme, ou retirée en raison d’une malformation
peut être remplacée par une deuxième prémolaire,
de préférence mandibulaire, mais une prémolaire
maxillaire peut également être utilisée.
Cette technique, brillamment illustrée par Deplagne,
concerne essentiellement l’enfant et le
jeune adolescent.
Il faut agir rapidement après la
luxation de telle sorte que le volume osseux disponible
n’ait pas eu le temps de se résorber.
On peut donc être amené à transplanter un germe encore
peu mature.
Il faut alors savoir être patient pour
attendre sa bonne évolution.
L’insertion se fait
avec une rotation du germe à 90° afin qu’il présente
lors de son éruption son plus grand diamètre,
dont la dimension se rapproche de celle de l’incisive
centrale.
Une fois la couronne en place sur
l’arcade, elle doit être remodelée par meulage du
bombé des deux faces vestibulaire et palatine, puis coronoplastie à l’aide de composite.
Cette réhabilitation
nous semble préférable à une couronne
prothétique qui obligerait à dévitaliser le transplant.
Il est parfois possible de transplanter une prémolaire
pour remplacer une première molaire précocement
délabrée lorsque l’espace interproximal
qui lui était dévolu a été rétréci par l’évolution de
la deuxième molaire et ne permet plus l’insertion
d’une troisième molaire.
4- Troisièmes molaires
:
* Remplacement d’une première molaire délabrée
:
C’est l’indication la plus souvent rencontrée, de
transplant de troisième molaire.
La transplantation
des troisièmes molaires obéit aux mêmes
règles que celles des autres dents.
Cependant,
il est fréquent que l’on ne puisse attendre le moment
le plus favorable de l’évolution du transplant,
en particulier lorsqu’il faut remplacer une première
molaire délabrée.
Le premier impératif étant
alors de conserver le volume osseux nécessaire, on
devra parfois transplanter un germe dont la rhizagenèse
est peu avancée.
Une bonne technique et
des conditions favorables permettent d’espérer
une édification suffisante des racines.
Cependant,
nous avons vu avec les travaux de Kristerson que la transplantation à un
stade précoce du développement radiculaire aboutit à une longueur radiculaire finale courte.
Il est
donc sage, à la suite du transplant d’un tel germe,
de garder en attente une autre dent de sagesse
incluse qui permette, lorsqu’elle aura suffisamment
édifié ses racines, une transplantation de
rechange si elle s’avère ultérieurement nécessaire.
La morphologie des couronnes et des racines des
dents de sagesse n’est pas toujours identique à
celle des autres molaires. Elle peut rendre la transplantation
impossible.
Dans la mesure où la morphologie
de la couronne est acceptable, il faut
parfois s’en contenter, quitte à rattraper l’occlusion
par un remodelage de la face occlusale de la
couronne.
Il est préférable de transplanter en situation de
dent de 6 ans la troisième molaire de la même hémiarcade.
Mais les volumes des couronnes ne
sont pas toujours compatibles.
Une faible différence
en excès est facilement rattrapée par un
stripping des faces proximales des dents voisines.
On peut aussi, lorsque cette différence est plus
importante, choisir de transplanter une troisième
molaire maxillaire dont les dimensions sont souvent
moindres.
* Remplacement d’une deuxième molaire délabrée
:
Il est exceptionnel de devoir la remplacer par une
troisième molaire à l’état de germe.
Son éruption
plus tardive que celle de la première molaire l’expose
moins précocement à l’atteinte carieuse.
Ici,
le problème de la dimension interproximale ne se
pose pas.
En revanche, il faut se préoccuper de la
stabilité du transplant vers l’arrière et de la qualité
du parodonte à ce niveau.
Si l’on doit remplacer
une seule dent de 12 ans, nous préférons utiliser la
dent de sagesse controlatérale et laisser en place la
dent de sagesse voisine de la molaire que l’on
remplace afin qu’elle serve de point d’appui postérieur.
Elle peut être retirée dans un deuxième
temps, après l’intégration du transplant.
Lorsque
ce n’est pas possible, si l’on doit transplanter la
dent de sagesse voisine de la deuxième molaire que
l’on remplace, il faut l’extraire par un volet de
dégagement osseux postérieur afin de laisser intact
le pont osseux alvéolaire situé entre elle et la
deuxième molaire.
* Compensation d’une agénésie de prémolaire(s)
:
Les morphologies des prémolaires et des troisièmes
molaires sont très différentes.
Le transplant d’une
dent de sagesse en situation de prémolaire n’est
donc guère envisageable.
On peut toutefois transplanter
un germe de troisième molaire dont les racines ne sont pas encore constituées pour compenser
l’agénésie de deux prémolaires voisines.
* Remplacement d’une molaire ankylosée
ou ectopique :
Il se pose surtout au niveau de la mandibule. Au
maxillaire, l’avulsion de la molaire ankylosée permet
souvent la migration de la molaire voisine,
deuxième molaire ou dent de sagesse, qui vient
prendre sa place.
La technique est proche de celle qui est utilisée
pour le remplacement d’une molaire délabrée à
quelques variantes près : l’extraction de la dent
que l’on remplace est faite par fragmentation intraosseuse
afin de ménager au maximum les corticales
et de ne pas fragiliser la mandibule si la dent
est ankylosée en situation basse, au contact du
bord basilaire.
Un scanner est souvent utile pour
préciser avant l’intervention les rapports du nerf
dentaire inférieur et des racines de la molaire
incluse.
La suture gingivopériostée est particulièrement
soignée pour faciliter la restauration d’un os
alvéolaire qui n’a pu se constituer en raison de
l’ankylose.
Dans certains cas, l’apport d’un greffon
osseux prélevé dans le voisinage est utile.
Une contention semi-rigide assure la stabilité verticale
du transplant.
Les impératifs techniques sont
proches de ceux que l’on rencontre dans les cas de
remplacement de molaires perdues en raison d’une
parodontite juvénile.
G - Mobilisation orthodontique des dents
transplantées
:
La mobilisation des dents transplantées a mauvaise
presse auprès des orthodontistes.
Il est préférable
d’attendre pour leur appliquer des forces que leur
intégration dans leur site soit suffisante : une mobilisation
trop précoce peut aboutir à une situation
parodontale désastreuse.
Trois mois après
la transplantation, la revascularisation est maximale
et le parodonte cicatrisé.
Les forces utilisées
doivent être constantes et légères.
Mais il ne faut
pas attendre trop longtemps.
Six à 8 mois après la
transplantation, l’oblitération du canal pulpaire
entrave la vascularisation.
La correction orthodontique
devrait être achevée à ce terme.
Au-delà, la
fréquence d’une ankylose rend souvent leur mobilisation
impossible.
Les forces appliquées risquent
alors provoquer une ingression des dents voisines.
Les corrections par un mouvement de rotation,
observées sur des prémolaires, induisent une légère
résorption de surface et entravent l’édification radiculaire.
Lors des mouvements de rotation,
l’étranglement vasculaire au niveau du foramen
apical peut entraîner une nécrose pulpaire tardive.
Il faut en tenir compte dès la préparation du site
receveur afin de limiter autant que possible ces
mouvements de rotation.
H - Réimplantations
:
Une réimplantation consiste à réinsérer dans son
alvéole une dent qui en a été luxée, intentionnellement
ou par accident.
Les réimplantations dentaires ont avec les transplantations des points communs,
tant en ce qui concerne la technique
opératoire que les conséquences postopératoires.
Le traitement des odontalgies par extraction suivie
de réimplantation de la dent douloureuse, n’est
plus pratiqué dans nos régions, de nos jours.
Plus récemment, Lin (1983) et Keller (1990) ont
publié leurs études concernant le traitement endodontique
a retro de dents extraites préalablement
en raison des difficultés de traitement in situ, puis
réimplantées.
Actuellement, l’usage du microscope
facilite ces traitements difficiles et devrait
rendre cette pratique exceptionnelle.
La réimplantation de dents saines extraites par
erreur est une réponse à une mutilation iatrogène.
Lorsqu’elle se produit, la dent extraite malencontreusement
doit être immédiatement replacée
dans son alvéole et contenue.
On surveille sa vitalité
dans les semaines qui suivent.
La traumatologie accidentelle est la grande
pourvoyeuse des réimplantations.
Le geste est simple
si la luxation est isolée, sans fracture alvéolaire,
avec une dent intacte.
Ces cas se rencontrent
chez des sujets jeunes, et concernent fréquemment
des dents antérieures.
Ce type de luxation
affecte le plus souvent les incisives maxillaires.
Tout doit être mis en oeuvre pour une réimplantation
précoce.
Sur un appel téléphonique, on peut
conseiller aux parents de replacer la dent dans son
alvéole, avant même de se rendre au cabinet du
praticien.
Sinon, elle est conservée dans la salive
du patient ou dans du soluté physiologique pendant
le transport afin d’éviter la dessiccation du desmodonte.
L’association de pénicilline au liquide de
transport, autrefois conseillée, aurait une action nécrosante sur les cellules desmodontales et n’est
plus recommandée.
Comme pour les transplantations,
le temps passé par la dent luxée hors de la
cavité buccale influe sur le résultat de la réimplantation.
Plus souvent, les traumatismes aboutissent à des
luxations et subluxations multiples, et s’accompagnent
de fractures osseuses alvéolaires, voire interruptrices.
Le traitement est alors global : réduction
et contention des fractures et des dents mobilisées
après leur remise en place.
Les couronnes des dents
atteintes sont souvent lésées.
Qu’il s’agisse d’un
simple éclat de l’émail ou d’une fracture partielle,
voire subtotale de la couronne, tout le matériel
dentaire qui peut être récupéré et remis à sa place
doit l’être.
On facilite ainsi la stabilisation du (ou
des) foyer(s) de fractures et l’on économise le
capital dentaire.
Le traitement des canaux des
dents réimplantées qui ne se comportent pas dans
les suites comme des dents vivantes, et les restaurations
des couronnes se font dans des temps ultérieurs.
I - Déplacement chirurgical de dents à visée orthodontique :
De tels déplacements sont souvent demandés par
les orthodontistes pour les aider à débloquer des
situations difficiles, ou pour faire gagner un temps
appréciable sur la longueur d’un traitement.
Les
difficultés techniques et les problèmes de suites
opératoires sont, sur bien des points, comparables
à ce que l’on rencontre dans les cas de transplantations.
1- Alvéolectomie d’induction
:
Cette intervention décrite par Chatellier sous le
nom d’alvéolectomie conductrice est destinée à
faciliter l’éruption d’une dent retardée. Elle crée
chirurgicalement une voie d’éruption en supprimant
la portion d’os alvéolaire qui coiffe sa couronne.
On retire par la même occasion une portion
de fibromuqueuse correspondant à la zone occlusale,
dont l’épaisseur peut à elle seule constituer
un obstacle.
La fibromuqueuse vestibulaire et palatine
(ou linguale) est, elle, respectée.
Contrairement
à ce que préconise Chatellier, nous évitons de
mener l’alvéolectomie au-delà du collet de la dent
et nous empêchons l’iter dentis artificiellement
ouvert de se refermer à l’aide d’un pansement
gingival.
Durivaux estime pour sa part qu’il est
essentiel de retirer le sac péricoronaire de la
dent.
Ce geste permet dans certains cas de résoudre le
problème de l’inclusion lorsque la dent retenue est
dans un bon axe.
Bien entendu, l’espace interproximal
qui lui est destiné doit être suffisant.
Les dents
dont l’apex est resté ouvert ont plus de chances
d’évoluer ainsi favorablement, toutefois l’égression
de dents à l’apex fermé reste possible.
2- Pilotage intraosseux
:
Le pilotage intraosseux est une intervention chirurgicale
précoce à visée correctrice, sur un germe
dont l’axe d’évolution est mal orienté.
Ici encore,
le meilleur moment pour agir est celui où les racines
sont édifiées au moins aux deux tiers, au plus
aux trois quarts.
Le principe du pilotage est de
modifier la position intraosseuse de la dent tout en
évitant de léser le pédicule apical conservé comme
point fixe. Bien souvent, le pilotage amène la dent
en situation prééruptive.
Il est alors associé à une alvéolectomie d’induction. Pour réaliser
la version chirurgicale et rétablir l’axe d’éruption
de la dent, l’ablation d’une zone osseuse triangulaire
à sommet apical est nécessaire.
Elle est menée
le long de la racine avec le plus grand soin en
veillant à ne pas la léser.
Sous irrigation, l’on peut
utiliser un instrument rotatif fin, du type « fraise à couper », pour marquer la zone à réséquer.
L’ostectomie
est ensuite complétée à l’aide de ciseaux à
os de faible épaisseur qui ont l’avantage de ne pas
provoquer d’échauffement et de ne pas consommer
d’os.
Le fragment osseux ainsi retiré peut alors être
utilisé, une fois la version effectuée, pour caler la
dent dans sa nouvelle position en comblant l’espace
laissé vide par la version.
Toutes ces manoeuvres
doivent être menées avec une extrême douceur
en veillant à ne pas luxer la dent que l’on
redresse.
3- Redressement chirurgical de molaires enclavées
:
Le redressement d’une molaire par des procédés orthodontiques est difficile et demande beaucoup
de temps.
Le redressement chirurgical ne
demande que quelques minutes.
Le principe en est comparable à celui du pilotage intraosseux.
La molaire en situation oblique, molaire
mandibulaire le plus souvent, est redressée à
l’aide d’un élévateur, en la faisant pivoter autour
de son apex afin de rétablir un point de contact
efficace avec le bombé proximal de la couronne de
la dent voisine.
Cette intervention concerne les
deuxièmes et troisièmes molaires.
S’il existe une dent de sagesse partiellement ou
totalement incluse, et il s’agit le plus souvent d’un
germe, il est souvent préférable de le retirer dans
le même temps pour dégager de l’espace en arrière
de la deuxième molaire que l’on redresse.
Si l’on
intervient pour corriger l’axe d’une dent de sagesse,
il est parfois utile pour la même raison, de
pratiquer une petite alvéolectomie en arrière de
cette dent.
Il est simple de prélever au cours de
cette intervention un peu d’os dans la zone rétromolaire
afin de combler l’espace laissé vide en
avant de la molaire, par son réaxage.
C’est rarement
indispensable : une suture mucopériostée
soigneuse facilite dans la plupart des cas une restauration
osseuse visible sur la radiographie de
contrôle 6 mois plus tard.
Il est essentiel de vérifier l’occlusion en fin d’intervention.
Comme pour les transplantations, il ne
faut pas tolérer de surocclusion.
Un meulage sélectif
est parfois utile en cas de malposition ou d’extrusion
de la dent antagoniste.
Si l’on constate une mobilité de la dent redressée
en fin d’intervention, ou une tendance à la réingression en faisant mordre sur une compresse
pliée, une contention est alors nécessaire.
Deux brackets collés, reliés par un fil d’acier suffisent en
général.
La prise en charge sur l’arc orthodontique
est également possible.
4- Corticotomies de repositionnement
:
Leur mise en oeuvre procède d’une constatation
fréquente en traumatologie : lors de fractures alvéolaires
avec un déplacement os/dent, la réduction
immédiate suivie de contention aboutit dans
de nombreux cas à une restitutio ad integrum après
consolidation.
Les corticotomies de repositionnement représentent
une variante des transplantations.
Elles
sont souvent l’ultime ressource en cas d’ankylose
au cours de la traction orthodonticochirurgicale
d’une dent.
Il peut s’agir d’une incisive, d’une
prémolaire, voire d’une molaire, mais le cas le plus
fréquent est celui d’une canine, et, bien souvent,
d’une canine dont la couronne est orientée vers le
vestibule.
Dans ce cas, l’absence d’os vestibulaire
sous-jacent à la couronne de la canine est un obstacle
à une réimplantation.
La corticotomie cherche
à positionner la dent ankylosée sur l’arcade, en
entraînant avec elle l’os dans lequel elle est contenue
et plus particulièrement la corticale vestibulaire.
On rejoint ici les recommandations d’Henri
Petit à propos des transplantations.
La conduite
de l’intervention repose sur les principes déjà évoqués
: large lambeau donnant de la souplesse pour une couverture sans traction, respect du périoste,
sections osseuses de part et d’autre de la dent
ankylosée à l’aide d’instruments fins, sans échauffement,
mobilisation en douceur vers l’arcade avec
le contrôle d’un doigt antagoniste au mouvement.
La contention est réalisée avant la suture muqueuse
pour ne pas déplacer au cours de celle-ci la
dent que l’on vient d’amener chirurgicalement en
bonne position.
Cette technique peut aussi être utilisée en première
intention pour la mise en place de dents
retenues lorsque les circonstances socioéconomiques
ne permettent pas un traitement orthodontique
classique.
Elle n’est pas si éloignée de
la forcipressure recommandée par Fauchard pour
le redressement avec leur os alvéolaire, de dents
mal positionnées.
Citons, dans le même esprit, les ostéotomies
partielles alvéolaires non interruptrices à visée prothétique
ou orthodontique.
Elles permettent de
déplacer un ensemble os/dent.
Il s’agit le plus
souvent d’une ou de deux molaires maxillaires.
Le
déplacement s’effectue dans le sens vertical s’il
faut pallier une extrusion qui rendrait impossible la
réalisation d’une prothèse ou le nivellement d’une
arcade.
Dans le sens postéroantérieur, il permet de
compenser une édentation partielle ou de diminuer
la portée d’un bridge.
La contention peut se faire
sur un arc préalablement préparé, ou encore par
une ostéosynthèse avec des microplaques.
5- Distraction
:
Elle constitue une alternative à la corticotomie,
pour la mise en place de dents dont l’ankylose
interrompt l’évolution sous traction orthodontique.
Godvilla l’avait décrite en 1905.
Ilisarov l’a popularisée
depuis les années 1950 pour les os longs.
La
miniaturisation des distracteurs depuis une décennie
rend possible son utilisation dans la cavité buccale.
La distalisation douce et précoce après section
osseuse menée comme pour une corticotomie
évite une greffe en stimulant l’ostéogenèse et permet
une adaptation « à la demande » des tissus
mous.
Elle a été récemment évoquée par Benoît
Philippe (Journées de l’orthodontie, Paris, novembre
2003), mais, à notre connaissance, reste encore
confidentielle dans cette indication.
Résultats
:
A - Pronostic de survie des autotransplants
et des réimplantations dentaires
:
La survie à long terme des autotransplants, tous
types confondus, varie de 78 à 100 % selon des
séries publiées entre 1986 et 1995.
1- Autotransplantations de troisièmes molaires
:
Hoving, en 1986, obtient sur une période d’observation
de 2 à 10 ans 100 % de survie dentaire sur
16 transplantations.
Nethander, en 1988, publie
une série de 57 transplantations avec un taux de
survie dentaire de 89 % entre 2 et 5 ans. Andreasen,
en 1990, pour 151 transplantations suivies
de 0,5 à 20 ans observe un taux de survie de 96 %.
2- Autotransplantations de prémolaires
:
Kristerson, en 1985, publie une série de 82 transplants
effectués après l’âge de 10 ans avec un taux
de succès de 96 % pour une durée d’observation de
1 à 18 ans.
Le pourcentage de réussite est un peu
inférieur (78 % pour 18 transplants) si les sujets sont
plus jeunes (moyenne d’âge : 6,3 ans).
Andreasen,
en 1990, atteste 95 et 98 % de survie
dentaire pour deux séries de 317 et 53 transplants
de prémolaires suivis pendant 5 ans.
3- Autotransplantations de canines
:
Ahlberg (1983), sur 33 canines transplantées observées,
constate une survie dentaire dans 88 % des
cas.
Lownie obtient le même pourcentage de succès
pour une série de 35 autotransplantations de
canines suivies de 0,5 à 4 ans.
4- Autotransplantations d’incisives
:
Tegsjö (1987) a suivi pendant 4 ans 56 incisives
transplantées avec un taux de survie dentaire de
91 %.
Kahnberg (1988) collecte 100 % de succès
pour deux séries de 17 et de 41 incisives autotransplantées.
Ces résultats indiquent une bonne fiabilité des autotransplantations.
Ils sont influencés par la
rigueur dans le choix des indications, par la qualité
de la réalisation.
Ils sont donc corrélés à l’expérience
des praticiens qui les proposent et les mettent
en oeuvre.
Le pronostic est constamment
meilleur quand les dents sont transplantées à un
stade où leur édification radiculaire est incomplète,
ce qui facilite la cicatrisation desmodontale
et pulpaire.
Le pourcentage de succès est un peu
inférieur lorsque les transplants sont effectués à un
stade trop précoce de maturité radiculaire.
5- Réimplantations
:
Les résultats portant sur la réimplantation de dents
permanentes luxées sont un peu inférieurs, sur le
long terme, à ceux des autotransplantations : 70 %
selon les séries de Gonda et Andreasen.
Patris
attribue cette différence au fait que dans les réimplantations
les différents facteurs qui influent sur
le résultat ne peuvent pas être contrôlés comme
dans les transplantations.
B - Résorption :
La qualité des résultats, outre la survie dentaire,
est sous l’étroite dépendance du degré de résorption
radiculaire qui peut amener la perte du greffon.
Andreasen et Hjörting-Hansen distinguent quatre
degrés de résorption.
1- Résorption de surface
:
Elle est liée au traumatisme des cellules desmodontales
et cicatrise sans traitement à partir des restes
vivants du desmodonte.
Les lacunes, de petite
taille, ne sont pas visibles sur les radiographies.
2- Résorption inflammatoire
:
Les zones de résorption en cupules, visibles à la
radio, intéressent la face profonde du desmodonte
et le cément.
Les canalicules dentaires exposés
sont envahis par des bactéries de provenance endoou
exoradiculaire. Un traitement endodontique
doit être mis en oeuvre dès que l’on constate ce
type de résorption.
3- Ankylose
:
L’activité des ostéoblastes aboutit au remplacement
de la zone résorbée par de l’os.
Elle est
décelée sur les radiographies, au-delà de 2 mois
après la transplantation.
Précoce ou tardive, elle se
stabilise parfois, mais aboutit souvent à la disparition
complète de la racine et à la perte du greffon
au bout de plusieurs mois ou années.
4- Résorption osseuse
:
La paroi alvéolaire est résorbée par les ostéoclastes.
C - Perspectives :
L’utilisation, in situ, de facteurs de croissance permet
d’espérer de notables progrès dans la cicatrisation
et l’intégration des greffes osseuses et dentaires.
Après une greffe, un processus vasculaire et
un processus d’activation de substances biochimiques
facilitent la régénération des cellules épithélioconjonctives
et osseuses.
Les facteurs de croissance
(FDC) qui interviennent sont principalement
contenus dans les granules alpha des plaquettes
sanguines.
Ce sont des peptides naturels proches
des hormones, mais dont l’activité est locale.
Ils
facilitent le recrutement des cellules nécessaires à
la réparation, leur activation et leur multiplication.
Trois familles de FDC sont impliquées dans les processus
de réparation :
• IGF1 (insuline like growth factor) : il stimule la
croissance osseuse en se combinant avec le
PDGF et le TGF bêta.
• PDGF (platelet derived growth factor) : il est
chimiotactique et mitogène pour les cellules
parodontales. Il facilite l’angiogenèse.
Il accélère
le remplacement des tissus lésés.
• TGF bêta (transforming growth factor beta) : il
stimule la synthèse de l’ADN et des protéines
des fibroblastes.
Il est ostéo-inducteur et
freine l’activité anticollagénase des cellules
inflammatoires.
Depuis 1985, on sait isoler des concentrés plaquettaires
par centrifugation du sang du patient
chez qui l’autogreffe va être pratiquée.
On en tire
un film plaquettaire riche en FDC et d’utilisation
facile et peu coûteuse qui remplace avantageusement
les membranes.
Cette voie nous paraît prometteuse en ce qui
concerne les transplantations et les réimplantations
dentaires.
Conclusion
:
Utilisées chez l’homme depuis des millénaires, les
transplantations dentaires n’ont épuisé ni leurs indications,
ni les améliorations susceptibles d’optimiser
leur pronostic.
Elles ont pour but la mise en
place chirurgicale, sur une arcade dentaire, de
dents incluses ou ectopiques, le remplacement de
dents perdues ou la compensation d’agénésies.
Elles
doivent donc, tout naturellement, trouver leur
place dans les plans de traitement des orthodontistes
et des omnipraticiens.
En raison du principe de précaution, nous ne
retenons que les seules autotransplantations.
Il arrive que l’on hésite, pour une même indication,
entre le choix d’une transplantation ou celui
d’un implant.
Retenons en faveur des transplantations
qu’elles peuvent être pratiquées chez des
sujets jeunes, en cours de croissance osseuse et
d’édification des procès alvéolaires.
Peu coûteuses,
elles n’exigent pas de reconstitution prothétique
dans la majorité des cas. Réussies, elles permettent
la mise en place d’une dent « naturelle »
dont l’évolution accompagnera dans le temps celle
du reste de la denture.
Rappelons la règle du « tout à gagner, rien à
perdre », qui doit guider les praticiens dans le choix
de ces techniques.