Pylorotomie extramuqueuse du nourrisson Cours de Chirurgie
Préparation préopératoire
:
La sténose du pylore n’est en aucun cas une urgence chirurgicale ;
la pylorotomie ne doit être envisagée qu’après la correction
d’éventuels troubles hydroélectrolytiques.
Dès son admission,
l’enfant est installé en proclive après mise en place d’une sonde
gastrique au sac déclive et d’une voie d’abord veineuse
périphérique.
Les prélèvements sanguins préopératoires
comprennent : ionogramme sanguin, créatininémie, protidémie,
numération-formule sanguine, étude de l’hémostase, groupe Rhésus,
recherche d’agglutinines irrégulières.
La correction des différentes
perturbations ioniques est appréciée sur la clinique, le poids, la
diurèse et les résultats des ionogrammes sanguins.
En général, 24 à
36 heures suffisent pour corriger la déshydratation, l’hypovolémie
et l’alcalose hypochlorémique liées à plusieurs jours de
vomissements.
L’intervention est pratiquée sur un enfant bien
rééquilibré (chlorures supérieurs à 95 mmol/L, réserve alcaline
inférieure à 27 mmol/L).
Protocole anesthésique
:
La pylorotomie extramuqueuse est une intervention chirurgicale
courte, non hémorragique, douloureuse au moment de l’incision
pariétale et de l’extériorisation de l’olive.
La prémédication n’est pas
indispensable.
L’installation au bloc opératoire doit respecter les
impératifs de l’anesthésie pédiatrique néonatale (matelas chauffant,
scope, Dinamapt, saturomètre, capnomètre...).
Les gestes
anesthésiques comportent successivement la vérification de la
fiabilité de la voie veineuse, la vidange la plus complète possible de
l’estomac suivie d’une induction anesthésique rapide permettant
une intubation orotrachéale.
La minutie de la pylorotomie nécessite
le maintien d’une narcose profonde, mais l’utilisation de
morphinomimétiques n’est pas indispensable.
Il est alors possible
d’adjoindre une anesthésie locale plan par plan ou locorégionale
(bloc paraombilical) de xylocaïne à 1 % (2 à 4 mg/kg) ou marcaïne à
0,25 % (2 mg/kg).
La réanimation peropératoire comporte la
poursuite d’une perfusion de base au débit moyen de 5 à
10 mL/kg/h.
Le réveil postopératoire peut être retardé en raison
d’une correction imparfaite des anomalies biologiques majorées par
l’alcalose respiratoire liée à l’anesthésie, de l’effet résiduel de
drogues anesthésiques ou d’une hypothermie.
Intervention
:
L’enfant est installé en décubitus dorsal.
Le billot, placé sous la
partie basse du thorax dans la voie d’abord classique de
l’hypocondre droit, n’est pas indiqué dans la voie ombilicale ou
dans l’abord coelioscopique.
A - CHIRURGIE À « CIEL OUVERT »
:
1- Voies d’abord
:
Il existe deux voies d’abord utilisables en chirurgie à ciel ouvert :
– l’incision dans l’hypocondre droit est la plus ancienne.
Elle est
horizontale, à deux travers de doigts sous le rebord costal, d’environ
3 à 4 cm.
L’incision des deux feuillets du muscle grand droit est
verticale ;
– l’incision périombilicale a été décrite pour la première fois en
1986.
Elle consiste en une incision arciforme sus-ombilicale, suivie
d’un décollement sous-cutané permettant une incision verticale de
la ligne blanche.
En cas de difficultés à l’extériorisation de l’olive,
l’incision cutanée peut être agrandie au moyen d’un refend
vertical ou d’une excision en quartier d’orange.
La morbidité de ces deux voies est la même.
L’avantage de la
voie ombilicale est de laisser une cicatrice quasi inapparente.
Elle
nécessite une préparation préopératoire par application
d’antiseptiques locaux.
Actuellement, la voie transrectale est
principalement réservée aux enfants présentant un suintement
ombilical, notamment les très jeunes enfants.
2- Pylorotomie
:
Quelle que soit la voie d’abord, le premier geste est l’extériorisation
de l’olive pylorique, geste le plus délicat de l’intervention et qui
nécessite une analgésie parfaite.
Le foie est écarté avec douceur, en
raison de sa fragilité à cet âge, pour éviter tout hémopéritoine
postopératoire.
L’antre gastrique est ensuite saisi avec une pince à
distance de l’olive et extériorisé.
À l’aide d’une compresse dépliée
qui remplace rapidement la pince, on exerce de petits mouvements
de traction qui permettent d’extérioriser l’olive.
Celle-ci apparaît
comme une masse ferme, de couleur blanc nacré, avec à sa surface
les branches des vaisseaux pyloriques sous-séreux.
Sur le versant
gastrique, il n’existe pas de ligne de démarcation entre l’estomac et
le pylore.
À l’inverse, la limite avec le duodénum gris rosé est nette,
mais l’hypertrophie musculaire saillante dans la lumière duodénale
crée, à la périphérie de l’olive, un véritable cul-de-sac muqueux
duodénal, exposé à une brèche accidentelle.
L’olive est maintenue
entre le pouce et l’index de l’opérateur.
La séreuse de l’olive est alors
incisée au bistouri froid longitudinalement dans une zone avasculaire.
Cette incision doit remonter largement sur l’antre
(15 mm), mais doit s’arrêter à 2 mm avant la démarcation pyloreduodénum.
La dissociation des fibres musculaires est facile et
peu hémorragique.
Elle se fait à l’aide d’un instrument mousse
(spatule) ; elle doit être complète, sur toute la longueur de l’incision
séreuse, et en profondeur, jusqu’au plan muqueux.
À l’aide d’une
pince type Péan, ouverte parallèlement à la muqueuse, chaque berge
musculaire est alors décollée afin d’obtenir une bonne hernie de la
muqueuse.
Cette dissociation doit être particulièrement
prudente sur le versant duodénal pour éviter toute brèche
muqueuse.
La pylorotomie terminée, l’absence de plaie muqueuse
doit être vérifiée, puis l’olive réintégrée.
Toutes les suffusions
hémorragiques sur les berges de la pylorotomie doivent cesser après
la réintégration (suppression de la stase veineuse).
Une compresse
passée dans la région sous-hépatique s’assure de l’absence
d’hémopéritoine.
La fermeture pariétale s’effectue plan par plan au
fil fin résorbable.
3- Complications peropératoires
:
– Si l’analgésie est suffisante, la difficulté d’extériorisation de l’olive
est le plus souvent liée à une incision trop petite.
Il peut alors être
utile d’agrandir l’incision aponévrotique mais surtout cutanée et
d’enlever tout écarteur dès que l’antre gastrique est extériorisé.
– La brèche muqueuse est la complication la plus fréquente (5 %).
Si elle est de petite taille, elle est simplement suturée par un point extramuqueux.
Si la plaie muqueuse est grande, il faut suturer les
berges musculaires de la pylorotomie et faire une seconde
pylorotomie parallèle, distante de 5 à 10mm de la précédente.
B - COELIOSCOPIE
:
De description plus récente (1990), l’abord coelioscopique est une
alternative à la chirurgie à ciel ouvert pour la réalisation de la
pylorotomie.
Son principal avantage est, plus que l’intérêt
esthétique par rapport à une voie ombilicale, d’éviter
l’extériorisation de l’olive, geste réflexogène, pouvant de plus léser
la vascularisation de l’estomac.
L’instrumentation comporte du matériel de 5 mm (optique de 0° ou
30°) ou mieux, de 2 ou 3 mm.
Une incision sus-ombilicale permet la
mise en place sous contrôle de la vue d’un trocart pour l’optique.
On installe ensuite deux trocarts opérateurs, situés dans les
hypocondres droit et gauche.
La pression d’insufflation est faible
(8 mmHg), pouvant être remplacée par une simple suspension de la
paroi abdominale.
Une pince atraumatique est alors introduite par
le trocart de droite, permettant d’écarter le duodénum et d’exposer
ainsi l’olive.
La pylorotomie est réalisée, en partant du versant
duodénal vers l’antre, à l’aide d’un bistouri coelioscopique introduit
par le trocart de droite. Après l’incision, il est remplacé par une
seconde pince mousse permettant d’écarter les fibres musculaires.
L’absence de brèche muqueuse peut être vérifiée en insufflant de
l’air dans la sonde gastrique.
La morbidité de l’abord coelioscopique
semble similaire à celle de la laparotomie pour les équipes
entraînées.
Cependant, elle nécessite une anesthésie adaptée,
une instrumentation spécifique et, pour le chirurgien, l’acquisition
d’une gestuelle nouvelle, source de complications en début
d’expérience.
Suites opératoires
:
Le réveil se produit en salle d’opération. L’extubation est pratiquée
chez un nourrisson tonique, normothermique, ayant repris une
ventilation spontanée efficace.
La sonde gastrique est retirée, en
l’absence de brèche muqueuse (dans le cas contraire, elle est laissée
en place 24 à 48 heures, jusqu’à reprise du transit) et le nourrisson
est installé en position proclive.
L’alimentation orale est reprise dès
la sixième heure, d’abord par de l’eau sucrée puis par du lait, à
doses fractionnées, progressivement croissantes.
Le régime
préopératoire est atteint en 3 à 4 jours, permettant le retour au
domicile, sans traitement particulier (sauf en cas de reflux gastrooesophagien
associé).
Complications postopératoires
:
La mortalité de la pylorotomie extramuqueuse est nulle (un décès
sur une série américaine de 901 patients, en rapport avec une
maladie de Hirschsprung méconnue).
La morbidité est faible,
entre 4 et 6 %.
Les complications sont, par ordre de fréquence :
– persistance de vomissements postopératoires au-delà de 48 heures (3 %
dans cette même série).
Elle est le plus souvent liée à l’existence
d’un reflux gastro-oesophagien associé, nécessitant la mise en place
ou la poursuite d’un traitement médical associé à la mise en position
proclive.
Plus rarement, ces vomissements sont liés à la persistance
de troubles hydroélectrolytiques ou à un retard diagnostique avec
un estomac dilaté et atone.
Exceptionnellement, il s’agit d’un défaut
technique lié à une pylorotomie insuffisante, notamment sur le
versant gastrique.
Son diagnostic est difficile et nécessite une pylorotomie itérative.
La persistance de vomissements semble plus
rare avec un abord coelioscopique ;
– complications infectieuses à type d’abcès de paroi (2 à 3 %).
Elles
nécessitent en général uniquement des soins locaux. Le pourcentage
est le même, quelle que soit la voie d’abord, à condition d’avoir
préparé l’ombilic en préopératoire de la voie ombilicale, à l’aide
d’une solution antiseptique ;
– éventration.
Elle est liée à un mauvais état nutritionnel, souvent
associé à un défaut technique de la fermeture (fermeture en tension,
pince traumatique, réveil précoce...).
En coelioscopie, il a été décrit
des incarcérations d’épiploon au niveau des orifices de trocarts.
Leur
fermeture doit donc comporter un plan aponévrotique, même avec
un trocart dont le diamètre est inférieur ou égal à 5 mm ;
– péritonite postopératoire.
Elle est liée à une brèche muqueuse
méconnue.
Si la fuite est minime, elle ne nécessite pas forcément
une laparotomie pour toilette, mais retarde la réalimentation.
En cas
de péritonite généralisée, la plaie doit être suturée et aveuglée au
moyen du côlon transverse, le tout associé à un drainage externe ;
– hémopéritoine.
Le plus souvent lié à une plaie hépatique
méconnue, il doit être diagnostiqué rapidement pour permettre une
laparotomie d’hémostase.
Il est responsable d’une déglobulisation
avec une défense généralisée et un épanchement en échographie.
La pachyvaginalite (grosse bourse postopératoire) correspond à un
hémopéritoine minime associé à un canal péritonéovaginal
perméable.
Elle ne nécessite pas de traitement ;
– éviscération.
Elle est devenue exceptionnelle du fait de la précocité
du diagnostic et de l’amélioration de l’état nutritionnel des enfants
en préopératoire ;
– occlusion sur brides.
Elle est rare, surtout dans le cas d’une
coelioscopie.
Conclusion
:
La pylorotomie extramuqeuse est une intervention simple, mais
méticuleuse dont les résultats sont excellents, à condition qu’elle soit
réalisée chez un nourrisson bien rééquilibré, par une équipe
médicochirurgicale habituée à la néonatologie.