Introduction à la prothèse maxillofaciale
Cours de Médecine Dentaire
Introduction
:
Malgré son ancrage historique qui remonte à la plus
haute Antiquité et son aspect spectaculaire qui
frappe irrémédiablement les consciences, la prothèse maxillofaciale reste cependant une discipline
mal connue tant par sa terminologie propre, où
beaucoup de confusions règnent encore, que dans
son exercice, qui se trouve souvent limité à un seul
de ses aspects ou à de rares praticiens isolés.
Il nous apparaît important de livrer dans cet
article une mise au point visant à présenter la
prothèse maxillofaciale dans sa globalité, ainsi que
de situer sa place et son rôle au sein des spécialités
médicochirurgicales.
Vers une définition
:
Discipline à part entière, la prothèse maxillofaciale
est à la fois l’art et la science de la reconstruction artificielle du massif facial dans les cas de pertes de
substance acquises ou de malformations congénitales.
Le principal objectif de cette discipline tend vers
une réhabilitation à la fois fonctionnelle, esthétique
et psychologique.
Elle se situe à un carrefour entre des spécialités
médicochirurgicales et odontologiques ayant pour
souci principal de redonner au patient une vie
relationnelle acceptable et une intégration sociale
optimale.
Son rôle et sa fonction ne peuvent se concevoir
que dans le cadre d’une collaboration avec la chirurgie cervicofaciale, dans les cas fréquents de
gestes d’exérèse étendue laissant des pertes de
substance à reconstruire où alternativement chirurgie
et prothèse doivent intervenir.
Ici, ces deux
disciplines ne sont pas en « compétition », mais
bien au contraire mises en oeuvre en complémentarité
dans un souci de prise en charge optimale des
patients concernés.
Dans une autre approche, on ne peut nier son
rôle éminemment fonctionnel dans le sens d’abord
d’une préparation tissulaire au geste chirurgical et
ensuite dans le sens d’une rééducation mettant en
oeuvre des techniques dynamiques qui ont pour but
d’atténuer ou de récupérer une fonction altérée
par un geste chirurgical, ou par les effets secondaires
d’un traitement complémentaire tel que la
radiothérapie, ou par des séquelles de pathologie
locale ou générale.
Ici apparaît la prise en charge
de tous les problèmes liés aux limitations de
l’ouverture buccale dans le cadre de désordres craniomandibulaires.
La pratique d’une telle discipline ne se conçoit
que dans le cadre d’une démarche médicale devant
prendre en compte l’ensemble des facteurs garants
de la bonne gestion des cas cliniques, de leur
analyse, de leur traitement et de leur suivi.
Vers une compréhension
:
A -
Étymologie
:
Elle permet de comprendre différents termes utilisés,
souvent à tort, dans le domaine de la prothèse.
Prothèse : du grec pro : au lieu de, et tithêmi : je
place.
Dispositif de remplacement d’un organe ou
d’une partie du corps en totalité ou en partie,
reproduisant la forme et si possible en rendant les
mêmes services fonctionnels.
Orthèse : du grec orthos : droit, et tithêmi : je
place.
Dispositif destiné à protéger, immobiliser ou
soutenir le corps ou une de ces parties auxquelles il
est directement fixé (exemples : orthèse de soutien
d’un lambeau, appareil guide, appareil de mécanothérapie,
etc.).
Épiprothèse ou épithèse : du grec epi : sur,
au-dessus, et tithêmi : je place.
Dispositif de remplacement
d’un organe situé à une extrémité du
corps (exemples : épithèse faciale, épithèse digitale,
etc.).
B - Champ d’activité :
On distingue plusieurs types de prothèse selon leur
situation et en fonction du rôle que l’on veut leur
faire jouer.
Tout d’abord, deux grands types :
• prothèses externes : dispositif à usage externe,
amovible, en contact avec la peau, les
muqueuses ou les dents, et destiné à une réhabilitation
esthétique, fonctionnelle et psychologique
;
• prothèses internes ou endoprothèses : dispositif
non amovible destiné à être implanté chirurgicalement
dans l’organisme et assurant
une contention ou une substitution en vue de
permettre une réhabilitation fonctionnelle et
esthétique.
En prothèse maxillofaciale, nous devons aussi
distinguer parmi les prothèses externes :
• les prothèses endo-orales, situées dans la cavité
buccale, soit pour des pertes de substance
maxillaire soit pour des pertes de substance
mandibulaire, qui se composent surtout de
prothèses dentaires adjointes adaptées à chaque
cas ;
• les prothèses extra-orales, situées hors de la
cavité buccale, qui sont destinées à masquer
des pertes de substance cutanée (pyramide
nasale, pavillon de l’oreille, région oculopalpébrale,
etc.) ;
• les associations de prothèses endo- et extraorales,
mises en oeuvre dans les cas de pertes
de substances étendues et complexes, qui
jouent un rôle non négligeable sur le plan
psychothérapeutique ;
• Les orthèses maxillofaciales, qui autorisent
des traitements complémentaires et alternatifs,
utilisées seules ou en association avec
d’autres prothèses (exemple : orthèses de réhabilitation
des désordres craniomandibulaires,
plan ou gouttière de surocclusion, appareils
guides, guides cicatriciels, orthèses
mandibulaires d’avancée lors d’apnée du sommeil,
etc.) ; ici, ces appareillages sont de type
dynamique, c’est-à-dire qu’ils autorisent une
réelle réhabilitation fonctionnelle par action
directe ou indirecte sur les tissus.
Vers des indications : la réhabilitation maxillofaciale au sein de la symbiose
chirurgicoprothétique
A -
Chirurgie reconstructive : avantages,
inconvénients
Elle constitue la forme la plus parfaite de reconstruction.
Elle masque « définitivement » la perte de substance
et permet une étanchéité excellente.
Elle bénéficie des progrès remarquables réalisés
depuis ces dernières décennies, notamment avec la
technique des lambeaux libres, l’apport de l’imagerie
et des techniques de vidéo-intervention (endoscopie),
mais aussi avec des nouvelles techniques
d’anesthésie.
Elle s’impose dans les cas de perte de substance
faible ou de moyenne étendue.
Mais elle peut présenter des risques opératoires
et anesthésiques, et des problèmes posés :
• par un résultat qui n’est souvent pas immédiat,
avec nécessité d’interventions itératives et
d’équipes spécialisées multidisciplinaires ;
• par le site prélevé ;
• par l’attente du résultat final dans des conditions
parfois difficiles et douloureuses ;
• par un terrain irradié ;
• par la reconstruction d’organes de formes complexes
et volumiques avec absence de tissu dur
en infrastructure.
B - Prothèse : avantages, inconvénients
Elle permet une reproduction fidèle de l’organe à
reconstituer (par la technique des moulages) avec
une esthétique de bonne qualité.
Elle se réalise en ambulatoire avec un résultat
immédiat en réglant le problème fonctionnel et
esthétique.
Elle autorise une observation du site sous-jacent
en vue d’une surveillance.
Elle répond à toutes les contre-indications de la
chirurgie reconstructrice.
On la préfère dans les cas de très grandes pertes
de substance, avec un rôle psychothérapique primordial.
Elle sait s’adapter à la majorité des patients et
des cas cliniques.
Son coût de réalisation est faible.
Cependant, les contraintes se révèlent nombreuses.
Le patient garde sa perte de substance ; il la
voit tous les jours ; son image de soi reste toujours
altérée.
Un enchaînement de problèmes se succède
du fait de la reconstruction artificielle :
• problèmes fonctionnels : inertie de la prothèse,
jonction prothèse-tissu vivant, étanchéité,
etc. ;
• problèmes mécaniques : intégration fonctionnelle,
fixation et ancrage de la prothèse, etc. ;
• problèmes physiologiques : condensation avec
écoulement des fluides et sécrétions, absence
de vasopression périphérique, etc . ;
• problèmes d’hygiène : au quotidien, avec une
maintenance parfois lourde ;
• problème esthétique : le plus souvent dû à un
manque de symbiose entre les équipes chirurgicale
et prothétique, entraînant des surcontours
prothétiques sur des éléments naturels
ou artificiel (implant) qui sont disgracieux.
L’ensemble de ces problèmes se résout au cas
par cas et selon l’expérience du praticien, tout en
gardant à l’esprit que seul un compromis peut être
réalisé.
Symbiose chirurgicoprothétique
:
À travers ce qui précède, on se rend compte des
difficultés rencontrées pour les cas de reconstruction
étendue d’une région du massif facial et ce,
surtout dans les choix à faire.
Des options décisives
doivent être prises, parfois même avant le geste
d’exérèse.
Il est évident que la reconstruction chirurgicale
arrive en préférence.
Il faut cependant concevoir
une approche en symbiose, dans le sens où la prothèse
est indiquée en attente d’une chirurgie ou
que la chirurgie peut préparer un geste prothétique.
Pour les reconstructions volumiques, une association
chirurgicale et prothétique mise en oeuvre
en alternance, en complémentarité, va autoriser
une prise en charge complète du patient.
La prothèse
peut prendre le relais de la chirurgie et vice
versa ; l’essentiel réside dans une réhabilitation
psychologique et sociale qui parvienne à satisfaire
le patient, son entourage et l’équipe thérapeutique.
Un autre aspect de la prothèse maxillofaciale
transparaît dans la réhabilitation fonctionnelle qui
va devoir prévoir et prévenir certaines conséquences
de gestes chirurgicaux, de traitements complémentaires
ou de pathologies diverses en agissant de
façon dynamique sur les tissus.
Dans tous les cas, là aussi la notion d’équipe
pluridisciplinaire s’impose pour une prise en charge
optimale de patients dont la vie de relation n’est
plus tout à fait possible.
On le voit, le rôle de la prothèse maxillofaciale
au sens large du terme prend ici toute son importance
et celui-ci ne doit pas être cantonné au seul
comblement de cavités chirurgicales, mais étendu
à une véritable prise en charge médicale tant dans
la surveillance de l’évolution des cas clinique que
dans l’établissement d’une réhabilitation globale
d’ordre dynamique.