Les enfants de l’assistance médicale à la procréation Cours de
Gynécologie Obstétrique
Introduction
:
Environ 100 000 enfants naissent chaque année dans le monde au
terme d’une grossesse obtenue par assistance médicale à la
procréation (AMP).
Ces enfants de l’AMP ont actuellement entre 0 et
25 ans (1978 : première naissance au Royaume-Uni).
En France, ils
représentent environ 2 à 3 % des naissances.
Les techniques d’AMP sont définies par la manipulation de gamètes
au laboratoire : insémination intra-utérine (IIU) de sperme,
fécondation in vitro (FIV) avec ou sans micro-injection de
spermatozoïdes (ICSI : intra-cytoplasmic sperm injection).
Les
stimulations ovariennes avec rapports programmés ne font pas
partie de l’AMP.
L’activité FIV/ICSI est correctement répertoriée,
certaines données sont disponibles sur les IIU mais pratiquement
aucune sur les stimulations ovariennes simples.
L’AMP s’est développée à la fin du XXe siècle.
Alors que le débat
sur le risque scientifique et le risque sanitaire arrivait à maturité,
elle a nourri la réflexion bioéthique dans toute la société civile
(praticiens de l’AMP, pédiatres, médecins de l’Assurance maladie,
patients, juristes, politiques, philosophes).
Elle est encadrée, dans la
plupart des pays européens et notamment en France (loi de
bioéthique, 1994 et 2003), par un cadre réglementaire très strict, plus
que toute autre activité médicale (avec le diagnostic anténatal et les
greffes d’organes).
L’obtention d’un enfant bien portant est au coeur
de sa justification, et pourtant, peu d’innovations sanitaires
(médicaments, produits de santé) sont aussi peu tenues d’assurer
leur propre pharmacovigilance.
Nous devons au débat sur l’ICSI,
puis au choc causé par la première naissance après ICSI avec
spermatide en 1995, la prise de conscience que l’analyse du devenir
à moyen et long terme des grossesses issues de l’AMP était un
devoir médical et scientifique absolu, et qu’il était la condition
exclusive de sa crédibilité, donc de son développement.
C’est
également vers 1995 que l’observation des risques encourus par les
femmes et les enfants, du fait de la fréquence des grossesses
multiples, a conduit à vouloir les limiter, essentiellement en
réduisant le nombre d’embryons replacés lors du transfert.
Les enfants sont le but de l’AMP.
Le suivi des enfants et de leur
développement se fait à partir de l’accouchement et se poursuivra
pendant de nombreuses années : le projet se situe dans le temps,
obstacle principal à sa réalisation satisfaisante.
Il concerne l’analyse
des données périnatales, des malformations et des anomalies
chromosomiques, l’évaluation du développement psychomoteur, staturopondéral, intellectuel, et la surveillance médicale jusqu’à l’âge
adulte.
Ce suivi est lourd et coûteux, mais obtenir ces grossesses a été
également lourd et coûteux.
Sans qu’elles en soient plus précieuses
pour autant, nous leur devons et nous nous devons de savoir quels
risques y sont associés, pour tâcher de les limiter, ou de les assumer.
Quels qu’ils soient, leur connaissance rendra légitime de continuer à
proposer aux couples une aussi lourde prise en charge, et à la société
un tel coût.
Et seule la connaissance des risques des techniques
« classiques », vieilles de 10 ou 20 ans, autorisera le débat sur les
nouvelles techniques, dont les risques demeurent inconnus et font
peur à juste titre, comme le transfert de noyau ou le clonage.
Devenir périnatal des enfants
de l’AMP :
De nombreuses études menées depuis l’apparition des techniques
d’AMP semblent montrer que les grossesses obtenues chez les
patientes infertiles sont plus à risque de complications périnatales,
qu’elles aient été traitées par induction de l’ovulation simple (avec
ou sans insémination de spermatozoïdes) ou par FIV (avec ou sans
micro-injection de spermatozoïde).
La majeure partie de ces
complications semble liée à l’augmentation des grossesses
multiples, et concerne la prématurité, l’hypotrophie foetale, ces
deux derniers paramètres conditionnant la mortalité périnatale et
les handicaps.
D’autres facteurs de risque, tels que l’âge maternel
élevé, l’infertilité elle-même, les antécédents d’avortement, le stress,
ou l’environnement socio-économique, sont sans doute impliqués
dans l’augmentation des complications périnatales.
La difficulté pour établir l’incidence exacte de ces complications
pour l’ensemble des AMP dans le monde est liée à l’extrême
hétérogénéité des pratiques obstétricales d’un pays à l’autre,
notamment dans la définition de l’âge gestationnel, de la
prématurité, de l’hypotrophie, et de la viabilité foetale.
D’autre part,
le suivi des grossesses issues de l’AMP hors FIV (inséminations)
n’est pas sujet à la même attention que la FIV, et ne permet guère
d’en distinguer les complications propres, en dehors de
l’augmentation claire du risque de grossesse multiple.
Enfin, le risque de grossesse multiple est lui-même très variable dans
les études, en fonction de la politique des équipes en matière de
nombre d’embryons replacés et de réduction embryonnaire.
Divers
facteurs influencent ces politiques, des facteurs techniques (taux de
réussite, évaluation de la qualité embryonnaire), juridiques
(réduction embryonnaire, recommandations [ou limitation légale] du
nombre d’embryons à replacer), culturels et économiques (prise en
charge de l’AMP par une Assurance-maladie).
A - DEVENIR PÉRINATAL DES SINGLETONS :
Dès 1985, de nombreuses études ont montré que les taux de
complications périnatales étaient plus élevés après FIV.
En France,
une des plus grandes séries publiées a retrouvé des taux de
complications plus élevés par rapport à la population générale :
prématurité (12,2 % vs 5,6 %), hypotrophie (15 % vs 10 %), mortalité
périnatale (18,6 ‰ vs 12,3 ‰), mortalité infantile (14,3 ‰ vs
9,7‰).
Cependant, la comparaison de
grossesses FIV et de grossesses naturelles appariées pour des critères
pouvant eux-mêmes influencer le devenir périnatal (âge maternel,
parité, origine ethnique, conditions de prise en charge obstétricale)
semble faire diminuer cette différence.
La comparaison des
grossesses FIV aux grossesses obtenues par simple stimulation de
l’ovulation permet également d’atténuer le rôle intrinsèque de la FIV
sur le devenir périnatal en tenant compte notamment du facteur
« infertilité » dans le déroulement des grossesses et les conduites
obstétricales.
Enfin, quelques études se sont intéressées au devenir périnatal des
enfants issus du transfert d’embryons congelés, sans montrer de
complication périnatale notable.
Certaines montrent même de
meilleurs paramètres périnatals avec les embryons congelés qu’avec
les embryons frais, ce qui fait discuter le rôle joué par
l’hyperstimulation ovarienne dans le devenir de la grossesse.
B - DEVENIR DES GROSSESSES MULTIPLES :
Hors FIV, il est plus difficile de maîtriser le risque de grossesse
multiple qu’en FIV, où le nombre d’embryons transférés est choisi.
La majeure partie des grossesses multiples de haut rang (3 et plus)
semble actuellement le fait des stimulations de l’ovulation et
inséminations.
La politique de stimulation (dose de gonadotrophines
administrée et nombre de follicules acceptés pour le déclenchement)
est déterminante pour le taux de grossesses multiples, mais
également pour le taux de succès.
On estime à environ 20 % le taux
de grossesses multiples (deux et plus), et à 5 % le taux de grossesses
triples et plus, avec les stimulations les plus pratiquées, de type paucifolliculaire (deux à cinq follicules).
Les stimulations de type monofolliculaire (un à deux follicules) limitent considérablement ce
risque (10 % de multiples, < 0,5 % de triples), avec une plus grande
efficacité que le citrate de clomifène. Cette diminution des grossesses
multiples se fait au prix d’un plus grand nombre de cycles
nécessaires pour obtenir la grossesse.
En FIV, les taux de grossesses multiples varient entre 15 et 35 %
selon les centres.
En France, le bilan FIVNAT 2001 rapporte 25 %
de grossesses gémellaires et 2 % de grossesses triples et plus.
Concernant le nombre de triplés, l’incidence réelle de la réduction
embryonnaire n’est pas disponible et baisse probablement
artificiellement ce taux.
Ces taux plus faibles correspondent à une
diminution du nombre d’embryons transférés depuis 10 ans (2,2 en
2001, 2,8 en 1988 et 2,5 en 1993).
Cependant, l’augmentation
constante du nombre d’actes d’AMP compense cette baisse de
l’incidence relative : le nombre de bébés multiples nés chaque année
est en hausse d’environ 5 % par an.
Ces chiffres ne sont pas
significativement différents entre FIV classique et ICSI.
Enfin, l’AMP augmente probablement le risque de grossesse
gémellaire monochoriale, sans que la micromanipulation
embryonnaire paraisse en cause.
Le transfert de blastocyste serait
également un facteur favorisant.
La diminution drastique du nombre des grossesses multiples ne
pourra passer que par la diffusion du transfert électif d’un seul
embryon, lorsque les critères cliniques et embryologiques le
permettent.
1- Devenir périnatal des jumeaux
:
S’il est clairement établi que le risque de complication périnatale est
plus élevé chez les jumeaux que chez les singletons, peu d’études
comparent le devenir des grossesses gémellaires obtenues après
AMP et hors AMP.
Si le taux de complications périnatales ne
semble pas significativement différent dans la plupart d’entre elles,
certaines montrent une diminution du poids de naissance moyen,
une diminution de l’âge gestationnel à l’accouchement, et une
augmentation des maladies pulmonaires.
De plus, la contribution
des grossesses gémellaires issues d’AMP à la grande prématurité est
en valeur absolue beaucoup plus importante, car leur nombre est
plus élevé, même si l’incidence de la prématurité y est plus faible.
2- Devenir périnatal des triplés et plus
:
Les études comparant grossesses triples après AMP et naturelles
sont rendues difficiles par l’extrême rareté de ces dernières
(1/10 000 grossesses), mais les grossesses triples restent une
complication grave et presque exclusive de l’AMP.
Si l’incidence est
relativement faible en France (2 %), elle est plus importante aux
États-Unis (4 à 13 %), où il semble notamment que l’aspect
économique intervienne dans la politique du nombre d’embryons
replacés.
Les pays où les patients payent l’intégralité des
traitements ont tendance à replacer plus d’embryons pour augmenter les taux de succès au mépris des complications.
Le
devenir périnatal est très lourd : la mortalité périnatale passe de
18,6‰ (singletons issus de FIV) à 81,9‰ (triplés issus de FIV), la
prématurité de 12,2 % à 83,9 % (avant 32 semaines d’aménorrhée
[SA] de 2,1 % à 17,9 %), l’hypotrophie de 15 % à 62,4 %.
La
fréquence très élevée de ces complications, bien qu’en diminution
depuis les débuts de l’AMP, a conduit à proposer une réduction
embryonnaire en cas de grossesse multiple de rang supérieur à 2.
3- Devenir périnatal après réduction embryonnaire :
L’incidence réelle de la pratique des réductions embryonnaires est
impossible à évaluer, car elles ne sont pas systématiquement
rapportées.
Il semble clair que les complications périnatales et
psychosociales d’une grossesse quadruple ou plus justifient
pleinement le recours à la réduction.
Du fait des progrès récents
dans la prise en charge obstétricale des grossesses multiples et de la
réanimation néonatale, cela reste plus controversé pour les
grossesses triples réduites à deux.
Les études ne montrent pas toutes
clairement un bénéfice obstétrical, et les faibles effectifs sur lesquels
elles portent ne permettent pas de conclure sur les complications
pédiatriques graves de faible incidence (prématurité extrême,
mortalité périnatale).
La prématurité semble plus fréquente chez
les jumeaux issus de grossesses triples réduites que pour les
grossesses gémellaires d’emblée.
Finalement, le bilan
risque/bénéfice de la réduction embryonnaire doit toujours être
évalué selon le risque de fausse couche, le contexte obstétrical, et
l’environnement psychologique et socioéconomique du couple.
La
décision doit prendre aussi bien en considération les difficultés liées
à l’accueil de trois enfants à la fois, parfois soumis à un lourd suivi
médical, que le traumatisme, parfois insurmontable, de la
réduction.
Malformations congénitales,
risques génétiques :
L’étude des malformations congénitales liées à l’AMP, et plus
spécifiquement à la FIV classique ou à l’ICSI, se heurte à de
nombreuses difficultés qui obligent à une interprétation circonspecte
des résultats : fausses couches tardives non documentées, pratiques
très différentes des interruptions médicales de grossesse selon les
pays, définitions variables des malformations mineures et majeures,
influence de la prématurité sur l’incidence de certaines
malformations, changement de lieux entre le suivi de l’AMP, le suivi
de grossesse, le diagnostic anténatal éventuel, le suivi pédiatrique.
De plus, aucune analyse des conséquences congénitales de l’AMP
ne peut se passer de données fiables sur l’anamnèse parentale
(maladies génétiques, malformations, pathologies liées ou non à
l’infertilité), qui manquent le plus souvent.
La pratique d’un
caryotype parental n’est pas systématique, mais doit être envisagée
selon le contexte de l’infertilité (altérations spermatiques, fausses
couches répétées).
Les données de l’expérimentation animale sont contradictoires et
peu extrapolables à l’homme en matière de malformations
congénitales.
Elles concernent essentiellement les petits rongeurs et
sont globalement rassurantes.
A - ENFANTS NÉS HORS FIV (IIU)
:
Très peu de données sont disponibles, car les facteurs de confusion
sont nombreux entre grossesses obtenues après insémination ou
après stimulation simple.
On peut citer cependant les études se rapportant au suivi des
enfants issus de l’insémination artificielle de sperme de donneur,
qui ne relèvent pas d’augmentation de la fréquence des
malformations congénitales.
B - ENFANTS NÉS APRÈS FIV
:
Malgré la confusion des données de l’expérimentation animale, et
malgré les arguments théoriques pour douter de l’innocuité de la
culture embryonnaire in vitro, il n’y a guère d’études contrôlées sur
les enfants nés de la FIV depuis 1978.
Initialement, la majorité des articles portant sur la FIV classique
entre 1985 et 1999 a conclu à l’absence d’augmentation significative
des malformations.
Depuis 2000, une étude a retrouvé un risque
trois fois plus élevé de non-fermeture du tube neural, d’atrésie de
l’oesophage et d’omphalocèle, après correction des facteurs de
confusion, et une étude de comparaison avec l’ICSI montre en
FIV classique un odds ratio à 2 (1,5-2,9) pour l’existence d’une
malformation majeure à l’âge de 1 an par rapport à la population
générale.
Ces nouvelles données, associées à celles, encore plus récentes, des
modifications de l’empreinte génomique relancent le débat
sur les anomalies congénitales liées à la FIV.
Il faut cependant
insister sur le fait que le taux dans la population générale étant
d’environ 2,5 %, un risque 2 fois plus élevé porterait ce taux à 5 %,
soit 95 % d’enfants normaux.
C - ENFANTS NÉS APRÈS ICSI :
Les années 1995-2000 sont marquées par la controverse sur les
conséquences éventuelles de l’ICSI.
Des études prospectives de suivi
des enfants sont initiées, et font discuter deux types de risques
théoriques, ceux liés à la technique de l’ICSI et ceux liés à ses
indications.
Les risques liés à la technique seraient en rapport avec
les dommages ovocytaires, mécaniques (lésion du cytosquelette ou
du fuseau), chimiques (toxicité cytoplasmique ou embryonnaire), ou
génétiques (contamination avec de l’ADN exogène ou paternel
mitochondrial), pouvant conduire à des anomalies chromosomiques
ou génétiques.
Les risques liés à ces indications concerneraient la
baisse de pression de sélection sur les spermatozoïdes non
fécondants in vivo et potentiellement génétiquement déficients.
Les
inquiétudes principales portent sur la transmission d’anomalies
génétiques viables ayant conduit à l’infertilité masculine paternelle,
et pouvant se manifester chez la descendance par une anomalie plus
grave : azoospermie et anomalies chromosomiques équilibrées,
mucoviscidose à forme génitale pure, etc.
Les études rétrospectives concluent, soit à l’absence d’augmentation
des malformations majeures, soit à une augmentation modérée
(odds ratio à 1,8) des malformations majeures à 1 an.
Certains auteurs rapportent une augmentation du risque
d’hypospadias, probablement en relation avec des facteurs
génétiques paternels.
Il n’y a pas, à ce jour, de données fiables pour
les ICSI avec sperme prélevé chirurgicalement (épididymaire ou
testiculaire) lorsque l’azoospermie est d’origine obstructive ou non
obstructive, le problème essentiel étant l’effectif très faible des
échantillons étudiés.
Une seule étude contrôlée a comparé les enfants nés après ICSI avec
la population générale, en Allemagne, et trouve un risque relatif
augmenté à 1,25 (1,1-1,4) de malformations après ICSI, portant sur
les malformations cardiaques et urogénitales.
Une autre étude
contrôlée a comparé les enfants nés après ICSI et après FIV classique
et ne retrouve aucune différence d’incidence des malformations
majeures.
Au total, si le risque de malformations ou d’anomalies
chromosomiques semble un peu augmenté en ICSI, l’implication de
la technique de micro-injection en elle-même paraît de moins en
moins en question, au profit du contexte génétique paternel associé
à l’indication d’ICSI.
Il n’y a actuellement pas d’indication à
proposer systématiquement un diagnostic prénatal chromosomique
aux femmes enceintes après ICSI.
D - RISQUES GÉNÉTIQUES :
Le développement des techniques de biologie moléculaire et de
l’intérêt pour l’empreinte génomique a conduit très récemment à
envisager les risques génétiques de la FIV (avec ou sans ICSI) : les
gènes sous empreinte sont très impliqués dans le développement
embryonnaire et foetal, qui pourrait pâtir de la modification de cette
empreinte par l’exposition des gamètes et des embryons aux
conditions de culture in vitro.
Les syndromes de Beckwith-
Wiedemann, d’Angelman, et le rétinoblastome sont liés à des perturbations de l’empreinte génomique.
En 2002 et 2003, différents
auteurs ont rapporté une incidence plus importante de grossesses
obtenues par AMP chez des enfants atteints de syndrome
d’Angelman, de Beckwith-Wiedemann, et de rétinoblastomes,
mais l’extrême rareté de ces maladies rend l’interprétation de ces
données encore très délicate, notamment pour en attribuer la
responsabilité aux techniques d’AMP ou au contexte d’infertilité.
E -
ENFANTS NÉS APRÈS CRYOPRÉSERVATION
EMBRYONNAIRE
:
Une étude rétrospective en 1995 montre que les enfants nés après
transfert d’embryons congelés ont un taux identique de
malformations mineures et majeures que des enfants conçus
normalement.
Cette étude concerne essentiellement des embryons
issus de FIV classique.
L’étude de FIVNAT en 1994 trouve des
résultats similaires en comparant les enfants nés après transfert
d’embryons congelés et après transfert d’embryons frais.
Développement psychomoteur
et santé des enfants
:
L’étude du développement psychomoteur est également nécessaire
pour affirmer que les techniques d’AMP sont sans danger pour les
enfants qui en sont issus, au-delà des constatations périnatales.
Au
fur et à mesure que l’enfant s’éloigne dans le temps de l’AMP, le
lien entre les deux est d’autant plus sujet aux perturbations de
l’environnement et aux biais d’interprétation.
Les difficultés qui
existaient déjà pour analyser le devenir périnatal et l’incidence des
malformations sont ici majorées par l’extrême diversité des facteurs
qui président au développement psychomoteur de la petite enfance,
aux performances scolaires, et à une bonne santé.
L’étude du devenir
psychologique des individus nés après AMP se heurtera à ces
mêmes obstacles, amplifiés par la variété des déterminants. Seules
des études contrôlées rendent possible cette interprétation, bien
qu’elles pâtissent de la difficulté à ne pas perdre de vue les couples
traités.
A - ENFANTS NÉS APRÈS FIV
:
Une dizaine d’études rapportent des tests de développement
psychomoteur identiques chez les enfants conçus par FIV et
naturellement, mais la plupart de ces études souffrent d’un nombre
important de perdus de vue (20 à 35 %), et de la difficulté à éliminer
les facteurs de confusion (âge des parents, facteurs
socioéconomiques et culturels, rang dans la fratrie, contexte
périnatal).
La longueur du suivi varie de 1 à 10 ans.
De nouvelles
cohortes sont actuellement en cours, notamment sur l’évolution
scolaire des enfants nés avant 1985, qui sont maintenant majeurs.
Quelques études portant sur le devenir psychologique ont été
publiées, et ne rapportent pas d’incidence pathologique notable,
mais elles mettent en évidence les particularités de la relation parents-enfant lorsque le désir d’enfant a mis de longues années à
être comblé.
Certains auteurs rapportent l’incidence comparée des cas de cancer
dans une population d’enfants nés après FIV et après grossesse
naturelle, et ne retrouvent pas de différence.
Dans les perspectives
d’études de suivi à long terme, on retient celle du développement
pubertaire et génital des enfants nés après stimulation ovarienne,
peut-être soumis pendant le début de l’organogenèse à un
environnement hormonal inhabituel.
L’étude de la fécondité de la
génération issue de l’AMP est bien sûr pour le moment prématurée,
bien que quelques enfants soient déjà nés de parents conçus par FIV.
B -
ENFANTS NÉS APRÈS ICSI :
Les mêmes difficultés se retrouvent pour l’ICSI, bien que les couples
et les enfants soient en moyenne plus suivis qu’en FIV classique.
Quelques études publiées depuis 1998 montrent en général un
développement psychomoteur semblable en ICSI et en FIV, par
rapport aux enfants conçus naturellement.
C - ENFANTS NÉS APRÈS CRYOPRÉSERVATION
EMBRYONNAIRE
:
Quelques études rapportent le suivi à long terme des enfants issus
de transfert d’embryons congelés, et ne montrent aucune anomalie
du développement staturopondéral et psychomoteur, ni des
performances scolaires.
Une seule étude a comparé les enfants issus
de transfert d’embryons congelés et de grossesse naturelle, sans
noter de différence dans la croissance, l’incidence des pathologies
chroniques, les handicaps mineurs et les acquisitions.
Il faut noter qu’une expérimentation animale a rapporté que les
souris obtenues après cryopréservation embryonnaire ont à l’âge
adulte un poids supérieur et moins de capacités d’apprentissage.
Ces résultats n’ont jamais été confirmés chez l’homme, mais le recul
manque car la congélation des embryons surnuméraires n’existe que
depuis 1985.
Conclusion
:
Plus d’un million d’enfants de l’AMP sont nés et l’incidence des
naissances augmente chaque année, à mesure que les techniques
deviennent plus performantes et plus accessibles.
Environ 1 à 3 % des
enfants nés dans le monde occidental viennent de l’AMP.
Les
importantes questions soulevées par les risques qu’ils encourent à venir
au monde malgré l’infertilité de leurs parents ne doivent pas faire
oublier que ces enfants sont normaux dans l’immense majorité des cas,
ce qui a fait le succès de ces techniques.
Le risque principal est celui des grossesses multiples, lié au transfert de
plusieurs embryons, qui ne se justifie que par la médiocrité des taux
d’implantation par embryon.
Elles représentent encore environ 25 %
des grossesses, la majorité d’entre elles étant des grossesses gémellaires.
Le devenir périnatal des enfants de l’AMP est largement obéré par ce
taux très élevé, alors que les singletons, à contexte familial comparable,
ont un devenir sensiblement égal hors AMP et en AMP.
Les difficultés
à évaluer les conséquences psychologiques de la réduction embryonnaire
et les questions éthiques qu’elle soulève en font un moyen inadapté de
prévention des grossesses multiples de haut rang, bien que le devenir
périnatal après réduction soit la plupart du temps satisfaisant.
Les autres risques sont les malformations congénitales, dont le risque
semble modérément augmenté après FIV et après ICSI, et les anomalies
chromosomiques après ICSI.
Il n’est pas clair que la technique d’AMP
soit en cause, mais plutôt le contexte génétique parental, voire
l’infertilité elle-même.
Enfin, le développement ultérieur
(psychomoteur, staturopondéral, performances scolaires, état de santé)
des enfants de l’AMP ne semble pas différent de celui des enfants
conçus naturellement, mais les études sont encore limitées, voire
absentes pour l’ICSI.
Le suivi des enfants à long terme reste à organiser,
car les études souffrent du nombre de perdus de vue, du manque
d’évaluation standardisée, et d’effectifs faibles.
Une interrogation
éthique persiste sur la légitimité à identifier les enfants de l’AMP
comme une population à étudier, vis-à-vis des parents (certains gardent
le secret sur l’AMP) et vis-à-vis des enfants (doivent-ils se sentir
différents ?).
Les registres peuvent apporter une aide pour l’étude de
pathologies spécifiques sans nécessiter de suivi.
Attendre un enfant comporte des risques, que chaque couple qui procrée
assume plus ou moins consciemment.
Que l’AMP majore ce risque peut
être acceptable, si l’on se donne les moyens de l’évaluer, si l’on
contribue à sa diminution quand c’est possible, et si les couples en sont
clairement informés.
Organiser le suivi des enfants de l’AMP, éviter les
grossesses multiples, et parfois renoncer à certains risques génétiques
pour l’enfant, sont les enjeux de cette assistance médicale.