Pression artérielle des membres

0
3598

Introduction :

Le bilan de l’état lésionnel et hémodynamique d’artères des membres atteintes par l’athérosclérose est souvent réalisé grâce à l’échodoppler seul.

Un tel bilan n’est pas interprétable s’il ne comporte pas les valeurs de la pression artérielle de membre.

Actuellement, les paramètres hémodynamiques des membres évoluent de l’appréciation du risque local vers l’évaluation du risque cardiovasculaire plus général, véritable critère de morbimortalité.

Pression artérielle des membres :

A – MÉTHODES DE MESURE :

La pression artérielle systolique est mesurée grâce à une sonde doppler placée en regard d’une artère ; la fréquence d’émission des ultrasons est de 7MHz dans le cas d’une artère sous-cutanée et de petit diamètre (pédieuse).

Pression artérielle des membres

L’appareil doppler est un système portable sans enregistreur.

Le manchon de contrepression est placé au niveau d’intérêt (tiers inférieur de jambe, premier orteil).

La largeur du manchon doit être au moins supérieure de 20 % par rapport au diamètre du segment de membre concerné. Les recommandations sont une largeur de 13 cm pour le bras et la cheville, de 2 cm pour le premier orteil.

La mesure de la pression artérielle au premier orteil ou au niveau d’un doigt est classiquement réalisée grâce à la photopléthysmographie ou à la pléthysmographie avec jauge de contrainte au mercure placée autour de la pulpe.

L’expression du volume digital précède le gonflage du manchon.

Deux à trois mesures sont effectuées.

B – RÉSULTATS :

L’indice de pression systolique (IPS) est le rapport de la pression systolique mesurée au membre inférieur à la pression systolique du bras.

Au niveau de la jambe, la valeur moyenne de ce rapport est de 1,0 (déviation standard = 0,15).

Sa valeur normale se situe entre 0,90 et 1,30. Pour les études épidémiologiques, la valeur pathologique de l’IPS de cheville est admise lorsqu’elle est soit inférieure ou égale à 0,90, soit inférieure ou égale à 0,80. La spécificité de l’IPS est de 100 % dans toutes les études.

C’est sa sensibilité qui est à considérer.

Les études épidémiologiques qui retiennent 0,90 comme valeur-seuil s’adressent à des populations de patients symptomatiques, recrutés en milieu hospitalier, parmi lesquels la prévalence de la maladie artérielle est la plus élevée.

En revanche, les études retenant 0,80 comme valeur-seuil s’adressent à une population de sujets plus jeunes, moins souvent symptomatiques et non sélectionnés.

1- Relation avec l’état hémodynamique local :

Afin d’accorder la valeur qu’il convient à la pression artérielle distale (PAD) pour les études épidémiologiques, il est important de connaître sa reproductibilité et les conditions qui peuvent s’accompagner d’une variabilité : la variance la plus faible est obtenue en choisissant la PAD de cheville la plus haute (selon le site pédieux, tibial postérieur ou péronier du capteur doppler) divisée par la moyenne des pressions systoliques humérales.

Dans la population générale, la PAD varie avec l’âge.

Chez les sujets exempts de lésions artérielles, l’IPS moyen est de 1,1 ; les limites pour le dixième percentile sont à 0,88 ; elles s’abaissent au seuil de 0,76 au-delà de 75 ans.

L’IPS doit être mesuré chez tout nouveau malade suspect d’artériopathie. Lors de la surveillance, une variation de plus de 0,15 de la valeur de l’IPS peut traduire un changement de l’état hémodynamique dont il faut identifier la cause ; dans le cas d’une aggravation clinique, une diminution de 0,10 suffit à évoquer une détérioration hémodynamique.

Chez le sujet exempt de lésions artérielles, les paramètres de la pression digitale sont :

– pression systolique 110 à 120 mmHg (1ds = 5 à 20) ;

– indice de pression systolique : 0,65 à 1 ;

– gradient de pression cheville-orteil = 30 à 40 mmHg (1ds = 12).

Selon les stades cliniques de l’artériopathie, les valeurs de pression digitale sont au stade I = 85 mmHg et 0,60 ; au stade II = 63 mmHg et 0,42 ; aux stades III et IV = 33 mmHg et 0,22.

Un état d’ischémie critique chronique est caractérisé au plan hémodynamique par une diminution de la pression systolique de cheville en dessous de 50 mmHg et de la pression systolique d’orteil en dessous de 30 mmHg.

2- Relation avec le risque cardiovasculaire :

L’artériopathie des membres est associée à un risque de mortalité précoce élevé.

La valeur de la PAD peut être considérée comme un indicateur d’athérosclérose généralisé.

Une étude épidémiologique d’observation concernant 7000 patients de plus de 65 ans est en cours en Allemagne afin de préciser, grâce à la valeur de la PAD, la prévalence de l’artériopathie et le risque de morbidité et mortalité.

Ce paramètre fait partie des critères actuels d’appréciation du risque cardiovasculaire : PAD, rigidité artérielle, test protéine C réactive.

Une étude a suivi une cohorte de 353 sujets (50 à 89 ans) pendant 10 ans en mesurant la PAD avec un questionnaire de douleurs des membres inférieurs ; une valeur inférieure à 0,9 de l’IPS est associée de façon indépendante à une mortalité précoce toute cause confondue : RR = 3,4 (95 % IC 2 à 5,9) si IPS = 0,5, RR = 2,1 (1,3 à 3,3) si IPS = 0,51 à 0,80 ; le risque est comparable quel que soit l’âge.

Une étude prospective a été réalisée aux Pays-Bas avec suivi de 3649 sujets (âge moyen 59 ans ; 40-78), pendant une durée moyenne de 7,2 années. Parmi les 458 sujets ayant une artériopathie (IPS < 0,95), 32,2 % d’entre eux (148 sujets) avaient un IPS en dessous de 0,70 ; le risque de mortalité cardiovasculaire de ce sousgroupe (IS < 0,7) est de 2,3 comparé à un risque de 1,2 pour le groupe IS entre 0,7 et 0,95.

3- Relation avec les paramètres fonctionnels :

Certains travaux tentent d’établir une relation entre la valeur de la PAD d’un membre et la fonction de celui-ci.

Un travail effectué à partir de 939 patients claudicants n’aboutit pas à établir de relation entre l’abaissement de la PAD de repos ou consécutive à l’effort, et la distance de claudication ; l’une des conclusions est que la décision thérapeutique au stade de claudication doit être prise d’après la gêne fonctionnelle et non d’après la valeur de la PAD.

Une autre étude prend en compte la fonction des membres inférieurs en mesurant la vitesse de marche, l’accélération, la capacité de marche durant 6 minutes, l’équilibre ; la conclusion est que l’abaissement de la PAD des membres inférieurs est corrélé avec les paramètres de fonction des membres plus qu’il n’est corrélé avec la distance de marche ; la mesure de la PAD permet d’identifier les sujets dont la fonction des membres inférieurs est altérée. Une étude de cohorte concerne 847 femmes âgées de plus de 65 ans, suivies tous les 6 mois pendant 3 ans ; outre la mesure de la PAD, la fonction des membres inférieurs est définie par leur possibilité à marcher un quart de mile, le nombre de « blocks » et d’étages effectués la semaine passée, la vitesse de marche sur 4 mètres, la possibilité d’effectuer cinq mouvements assis-debout ; les femmes présentant un IPS inférieur à 0,6 ont une altération significative de la vitesse de marche et du nombre de blocks comparées à celles qui ont un IPS au-dessus de 0,90. Un travail a tenté d’évaluer le rôle des podomètres au stade de claudication ; 50 patients claudicants ont répondu à des questionnaires d’évaluation de la fonction physique, ont subi des tests de mesure de la PAD de repos et postexercice, de mesure de la distance maximale de marche ; l’activité physique quotidienne mesurée par les podomètres est corrélée modérément avec les mesures de pression, la distance de marche et la fonction physique.

Un holter de marche a été mis au point, le système PADHOC ; un capteur ultrasonore est fixé à chacune des malléoles internes, permettant de mesurer les paramètres de la marche ; ce test présente de l’intérêt pour les malades qui ont des difficultés à marcher sur un tapis roulant ; il donne accès à des paramètres quantifiant le handicap engendré par l’artériopathie.

Un travail s’est donné pour objectif d’étudier la relation entre la compliance artérielle et les paramètres conventionnels d’artériopathie ; chez 43 patients artériopathes et 16 sujets contrôle de même âge les mesures suivantes ont été pratiquées : PAD, compliance des artères centrales et périphériques ; la compliance des artères centrales et périphériques est abaissée de façon comparable dans les deux groupes ; l’abaissement de la compliance des artères périphériques est corrélé avec l’abaissement de la PAD chez les artériopathes.

Étant donné les multiples intérêts que représente la PAD des membres inférieurs chez l’artériopathe, tout examen échodoppler artériel qui ne s’accompagnerait pas de la mesure de la pression artérielle distale doit être considéré comme incomplet et non interprétable.

C – LIMITES DES MESURES DE LA PRESSION ARTÉRIELLE :

Une cause d’erreur peut être liée à la technique de mesure.

La largeur du manchon de contrepression doit être adaptée au diamètre du membre.

Un travail a comparé les valeurs de pressions distales obtenues en modifiant la position du manchon sur une jambe atteinte d’ulcères ; les valeurs obtenues ne sont pas différentes.

Les limites peuvent être liées à la résistance des tissus à la contrepression.

Le cas le plus préoccupant est représenté par la rigidité des parois artérielles à la jambe chez le diabétique ; la contrepression externe n’arrive pas à écraser les artères et conduit à lire des valeurs d’IPS supérieures à 1,3.

Lorsque le contexte laisse supposer un tel piège, il convient d’avoir recours à la mesure de la pression au premier orteil.

Nous avons effectué un travail prospectif explorant une population diabétique tout-venant. Un IPS égal à 1,3 est noté dans 20 % des cas.

Lorsque l’étude est focalisée aux diabétiques présentant une artériopathie des membres inférieurs (AMI) symptomatique, un IPS égal à 1,3 est noté dans 33 % des cas.

Le groupe des diabétiques « tout-venant » dont l’IPS est égal à 1,3 est représenté par près de 50 % de diabétiques présentant une AMI symptomatique ou asymptomatique (confirmée par la vélocimétrie doppler) ; cette même population qui présente un IPS égal à 1,3 a un débit pulsatile de jambe diminué de façon pathologique dans 66 % des cas.

Donc, cette valeur d’IPS égale à 1,3, en fait ininterprétable, masque une population présentant une artériopathie dans au moins 50 % des cas.

La population globale des diabétiques étudiés dont l’IPS est normal, compris entre 0,9 et 1,3, présente une valeur abaissée de l’indice de pression au premier orteil dans plus de 50 % des cas.

La mesure de la pression de cheville chez le diabétique présente donc une limite qui oblige à envisager d’autres explorations : soit la mesure de pression artérielle au premier orteil, soit la mesure de la pression artérielle hydrostatique au pied, soit la mesure de la vélocité artérielle tibiale postérieure, soit la mesure d’un débit artériel.

La technique de mesure hydrostatique de la pression artérielle distale a été proposée.

Le capteur doppler est maintenu en regard d’une artère distale.

Le patient étant allongé, le membre inférieur est élevé ; c’est la hauteur à laquelle le bruit artériel disparaît qui représente la pression hydrostatique du pied.

Par rapport au niveau du coeur, une hauteur de 13 cm correspond à une pression hydrostatique de 10 mmHg.

La sensibilité de la mesure est améliorée si l’on considère plutôt la pression hydrostatique du premier orteil. Une étude a concerné la conduite à tenir en présence d’insuffisance rénale chronique et donc de la possibilité de calcifications artérielles de la média.

La pression de cheville et la pression du premier orteil sont mesurées avec la pléthysmographie ; les valeurs pathologiques sont P cheville inférieure à 0,90 ou P orteil en dessous de 0,60 ; l’existence de calcifications artérielles est confirmée si IPS cheville est égal à 1,30 ou artères incompressibles ; ces calcifications sont retrouvées chez 23,7 % des artériopathes en prédialyse, 41,7 % chez des artériopathes dialysés, 23,1 % chez les artériopathes transplantés et 3,4 % chez les artériopathes du groupe contrôle ; il est fortement recommandé de mesurer à la fois la P cheville et la P orteil chez les insuffisants rénaux chroniques dans le cadre du bilan d’une artériopathie.

Les limites peuvent dépendre de l’objectif des mesures. Selon la prévalence de l’artériopathie dans une population donnée, la sensibilité de la mesure varie.

La sensibilité est aussi fonction de la sévérité clinique de l’artériopathie.

Dans les cas où la sensibilité de la PAD n’est pas satisfaisante (population à prévalence faible d’artériopathie, avec peu de symptomatologie), il est souhaitable d’associer une autre mesure : vélocité tibiale postérieure.

Tests d’effort :

A – TEST DE MARCHE SUR TAPIS ROULANT :

C’est le test le plus habituel.

La pression artérielle de cheville est mesurée aussitôt après l’arrêt du test d’effort, dès la première minute. Si la pression de cheville diminue de plus de 20 % par rapport à la pression de repos, avec un temps de récupération supérieur à 3 minutes, le test est considéré comme pathologique.

Dans les cas les plus sévères, la pression de cheville est à 0 durant plusieurs minutes après l’effort.

Il est en général admis que la distance de claudication notée pendant les conditions de vie habituelle du patient est trois fois supérieure à la distance de claudication notée pendant le test standard du tapis roulant.

Afin de permettre à certains patients de pouvoir réaliser le test d’effort alors qu’ils possèdent un handicap physique, un protocole de test de marche sur tapis roulant à effort progressif a été décrit.

Alors que la vitesse est maintenue constante à 3,2 km/h, la pente est initialement à 0 % puis cette pente est augmentée de 3,5 % toutes les 3 minutes.

Ceci est poursuivi jusqu’à ce qu’apparaisse la claudication artérielle. Une étude a testé la reproductibilité de tous les résultats des tests d’effort quelle que soit la méthodologie. Afin que cette reproductibilité soit satisfaisante, il convient d’utiliser une charge la plus élevée possible et de retenir comme objectif la distance de marche maximale.

La comparaison des résultats des différents tests d’effort est possible en utilisant une normalisation des résultats grâce à l’équivalence métabolique. Les limites du test d’effort peuvent être l’existence d’une insuffisance coronarienne, d’une hypertension artérielle mal contrôlée, d’un handicap rhumatologique.

B – ALTERNATIVES AU TEST DE MARCHE SUR TAPIS ROULANT :

Cycloergométrie, marche tout au long d’un couloir, épreuve du PADHOC, marche du malade avec un podomètre, marche sur place dans le cabinet de consultation.

Pléthysmographies :

La pléthysmographie consiste à détecter et à enregistrer toute variation de volume d’un segment de membre. Un capteur de variation de volume entoure le membre.

Il peut s’agir de jauge de contrainte au mercure, de capteur de mesure d’impédance ou de photopléthysmographie ; il peut aussi s’agir d’un manchon gonflé d’air. Par le biais de la mise en place d’un manchon d’occlusion artérielle, une épreuve d’hyperhémie réactionnelle peut être effectuée afin d’évaluer les capacités de cette hyperhémie.

Les tests de pléthysmographie digitale (doigts ou orteils) peuvent présenter un intérêt dans le cadre d’une exploration distale de l’artériopathie, ou de l’exploration d’un acrosyndrome vasculaire.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.