Présentation du siège à terme : indications de la césarienne de première intention Cours de
Gynécologie Obstétrique
Introduction
:
Malgré de nombreuses études sur la prise en charge des
présentations du siège à terme, le débat se poursuit sur le fait de
savoir si l’enfant se présentant par le siège doit être accouché par
une césarienne élective programmée ou après un essai de travail en
vue d’un accouchement par voie vaginale.
Seuls deux essais
contrôlés randomisés qui traitent de cette question ont été effectués,
tous deux conduits dans le même centre californien.
Dans le premier essai, qui comprend 208 patientes avec siège
complété seul, 93 sujets (37 multipares) ont été sélectionnés de façon
aléatoire pour une césarienne, et 115 (57 multipares) pour un
accouchement par voie vaginale.
Sur ces 115 patientes, 52 avaient eu
une ou plusieurs mesures de radiopelvimétrie au cours des
contractions, et devaient pour cette raison subir une césarienne.
Ces
différences de nombre des sujets laissent peser un doute sur la
méthode de randomisation de cette étude.
Bien que deux enfants
accouchés par voie vaginale aient eu une lésion du plexus brachial
lors d’extractions compliquées pour siège décomplété par la
présence d’un bras nucal, les auteurs concluent qu’il semble
raisonnable de permettre l’accouchement par voie vaginale dans des
cas précisément sélectionnés de présentation du siège à terme
complétée.
Dans le second essai (105 patientes ayant une présentation du
siège décomplétée à terme), la cause isolée la plus importante
d’« échec » de l’essai de travail est représentée par des dimensions
pelviennes inadéquates à la radiopelvimétrie (23 des 70 patientes).
Ces patientes n’ont pas été en fait soumises à un essai de travail
(groupe dans lequel elles avaient été randomisées), mais ont subi
une césarienne de première intention.
L’étude ne fournit pas de description des caractéristiques de base des sujets autre que le type
de présentation du siège décomplétée.
Bien qu’un enfant,
apparemment normal, soit mort après un accouchement par voie
vaginale à la suite d’une « réanimation inadaptée », les auteurs
concluent que les protocoles de prise en charge sélectifs dans des
conditions contrôlées sont une alternative raisonnable à la césarienne
élective programmée à l’avance.
Cependant, le nombre des patientes étudiées dans ces deux essais
est beaucoup trop faible pour apporter des certitudes, en faveur ou
contre l’efficacité des procédures de césarienne planifiées dans les
présentations par le siège, pour améliorer le résultat périnatal.
Arguments en faveur de la césarienne
élective programmée dans tous les cas
de présentation du siège à terme :
En 1959, Wright a défini les problèmes spécifiques de
l’accouchement par le siège et a conclu que, puisque les
complications qui aboutissent à des dommages ou à des pertes
foetales ne peuvent habituellement être prévues avant
l’accouchement, les présentations du siège à terme doivent être
accouchées par césarienne.
La popularité de cette attitude a
augmenté progressivement et, de nos jours, la césarienne est
devenue la procédure standard utilisée par de nombreux cliniciens
dans de nombreuses institutions.
Après une revue détaillée de la littérature publiée depuis 1974, Bingham et Lilford en 1987 concluent qu’une politique
d’accouchements sélectionnés par voie vaginale produit deux à
quatre morts périnatales pour 1 000 accouchées.
Une probabilité
similaire de handicap neurologique, du moins jusqu’à la sortie de
l’hôpital, pourrait également être attribuée à cette méthode
d’accouchement.
La mort maternelle après césarienne d’urgence est
estimée à quatre fois celle des procédures programmées hors du contexte d’urgence et la morbidité maternelle même cinq fois plus
élevée.
Ils concluent que les risques plus importants de la chirurgie
d’urgence, par rapport à la chirurgie programmée, peuvent
supprimer les avantages de l’essai d’accouchement par voie vaginale
et que l’accouchement par césarienne planifiée devient l’option la
plus sûre, quand 16 à 30 % des essais d’accouchement vaginal par le
siège sont des échecs.
Une revue critique de la littérature publiée en anglais entre 1966 et
septembre 1992 a été effectuée par Cheng et Hannah en 1993.
Ils
ont sélectionné 24 des 82 études qui comprenaient des grossesses
non gémellaires à terme avec présentation du siège et ont présenté
les résultats selon le mode d’accouchement désiré.
Les deux essais
randomisés contrôlés précédemment mentionnés font partie de cette
analyse ; huit sont des études prospectives de cohorte, et les 14
autres sont des études rétrospectives de cohorte.
Ils ont trouvé que
l’accouchement planifié par voie vaginale, par rapport aux
accouchements par césarienne planifiée, aboutit à une mortalité
périnatale corrigée quatre fois plus élevée.
Les causes
moyennes de mort sont la rétention de la tête, les lésions et les
hémorragies cérébrales, le prolapsus du cordon et l’asphyxie grave.
Les enfants morts avant accouchement et les enfants avec anomalies
congénitales létales ont été exclus.
La morbidité néonatale est deux
à quatre fois plus élevée dans le groupe des accouchements planifiés
par voie vaginale.
Il y a plus d’enfants avec un score d’Apgar à 5
minutes bas, des lésions mineures à la naissance telles que des
ecchymoses et des lacérations, et des traumatismes plus graves tels
que des fractures du crâne et des hémorragies intracrâniennes, ainsi
que des problèmes néonataux tels qu’un ictère, une détresse
respiratoire, une asphyxie et une infection.
La morbidité infantile à
long terme, telle que la paralysie cérébrale, semble plus fréquente
chez les enfants du groupe des accouchements planifiés par voie
vaginale.
Les résultats de cette revue suggèrent que le siège à terme
doit être accouché par césarienne planifiée, bien que du fait d’un
biais de sélection dans la majorité des études, les différences de
résultats puissent provenir de facteurs autres que la méthode
planifiée d’accouchement.
Ces observations de morbidité et de mortalité périnatales
augmentées sont confirmées dans une méta-analyse de neuf essais
randomisés ou études de cohorte, qui spécifiaient des critères de
choix en faveur d’un accouchement par voie vaginale, dans une
étude de cohorte basée sur les registres de tous les accouchements
non gémellaires à terme par le siège d’enfants non malformés au
Danemark entre 1982 et 1990 et dans une grande étude
rétrospective de tous les enfants nés vivants non jumeaux non
malformés, accouchés à terme par le siège en Suède entre 1987 et
1993.
Enfin, la question se pose de savoir si les études et revues publiées
sont réellement représentatives d’une expérience plus générale. Les
résultats défavorables des accouchements vaginaux par le siège
pourraient être sous-estimés, parce que les cliniciens pourraient être
peu désireux de publier de mauvais résultats.
Si c’est le cas, ceci
serait encore plus en faveur d’une politique de césarienne de
première intention de toutes les présentations du siège à terme.
Arguments contre les césariennes
programmées dans toutes
les présentations du siège :
L’argument le plus important contre la césarienne élective
programmée pour toutes les présentations du siège est le fait que la
morbidité et la mortalité maternelles globales, y compris les
problèmes mineurs (tels que les endométrites, les infections
urinaires, les infections de la plaie et les transfusions) et les
problèmes graves (tels que les embolies pulmonaires et les
hystérectomies) sont significativement moins importantes chez les
femmes appartenant aux groupes d’accouchement planifié par voie
vaginale.
Des taux de césarienne supérieurs à 70 % n’induisent pas de
diminution supplémentaire de la mortalité périnatale.
La césarienne
élective programmée généralisée n’évite pas la naissance d’enfants
porteurs de malformations incompatibles avec la vie, ni la naissance
d’enfants déjà atteints avant l’accouchement.
De plus,
l’accouchement par césarienne n’est pas toujours facile et peut être
traumatique pour l’enfant en bonne santé à terme se présentant par
le siège.
Dans une grande étude rétrospective, aucune différence
significative n’a été retrouvée chez les enfants accouchés par voie
vaginale versus ceux accouchés par voie abdominale, en termes de
séquelles neurologiques jusqu’à l’âge de 4 ans, de handicaps
sévères à long terme ou de paralysie cérébrale.
La césarienne élective programmée généralisée pour les
présentations du siège à terme augmente le taux total de césariennes
de 3 à 4%.
La première césarienne étant souvent suivie d’une autre
césarienne lors de la grossesse suivante, le taux et les risques de
complications pourraient facilement être doublés.
La césarienne de routine empêche les médecins de s’entraîner à
l’accouchement par le siège, ce qui augmente le nombre
d’obstétriciens qui n’ont plus les compétences (ou la confiance dans
leurs compétences) pour entreprendre un accouchement vaginal
programmé par le siège.
L’efficacité de la césarienne dans
l’accouchement par le siège pourrait également être augmentée par
l’expérience de l’accouchement vaginal par le siège.
Cependant, le
nombre minimal d’accouchements vaginaux par le siège nécessaire
pour assurer la compétence à la fois des obstétriciens praticiens et
de ceux en formation, est inconnu et donc spéculatif.
Indications de la césarienne
de première intention programmée
dans le siège à terme
:
Sur les 24 études analysées par Cheng et Hannah en 1993, 22 ont
conclu que l’accouchement par voie vaginale dans des cas
précisément sélectionnés peut être une alternative sûre à la
césarienne.
Les études les plus récentes sont en accord avec cette
conception.
D’autres auteurs ne sont pas de cet avis et
concluent que, même après une sélection stricte des patientes,
l’accouchement par voie vaginale est associé à une morbidité
néonatale augmentée par rapport à la césarienne élective
programmée.
Le problème est que les critères permettant les
essais d’accouchement vaginal par le siège proviennent d’analyses
rétrospectives, où une tentative était faite de relier une morbidité ou
une mortalité périnatale à certains aspects de la prise en charge du
travail ou aux caractéristiques maternelles ou foetales. Bien entendu,
un tel lien n’est pas toujours significatif de causalité.
Cependant, il existe des contre-indications absolues ou relatives à la
planification des accouchements vaginaux par le siège, et donc des
indications de césarienne de première intention.
Il est évident que
certaines complications médicales et obstétricales sont des
indications de césarienne de première intention à la fois dans les
présentations du siège à terme et les présentations céphaliques, telles
que le placenta praevia, la prééclampsie, le retard de croissance foetale ou la détresse foetale, un précédent accouchement
traumatique par voie vaginale ou un accouchement par césarienne,
un antécédent de mort périnatale ou une morbidité périnatale
sévère, une anomalie utérine connue, des opérations gynécologiques
et des maladies maternelles.
Les autres facteurs doivent être évalués
au cas par cas.
Une suspicion de disproportion foetopelvienne est l’indication la
plus claire de césarienne de première intention.
Le problème,
cependant, est l’évaluation de cette disproportion.
Le test le plus
fiable des capacités pelviennes est probablement la progression
normale du travail.
Malheureusement, ce test ne peut être
utilisé pour prédire les candidats à une césarienne de première
intention.
Il a été montré que la pelvimétrie clinique avait une valeur
limitée dans la prédiction du résultat du travail.
L’efficacité de la
radiologie, de la tomodensitométrie ou de l’imagerie par résonance
magnétique est encore controversée.
En fait, la capacité des pelvis à
accoucher un enfant d’une certaine taille n’est prouvée que chez les
femmes multipares.
Ainsi, on pourrait considérer la nulliparité
comme une indication de césarienne de première intention.
Cette
théorie est défendue par de nombreux chercheurs, qui ont montré
que la morbidité et la mortalité néonatales sont augmentées chez les
femmes nullipares chez qui un essai de travail vaginal est tenté.
Outre les dimensions pelviennes, la taille des foetus est un facteur
important de disproportion foetopelvienne.
Les études rétrospectives
ont montré que l’augmentation du poids de naissance augmentait le
pourcentage d’accouchements par césarienne.
L’évaluation du poids
foetal peut être effectuée cliniquement ou par échographie, mais des
mesures précises restent difficiles.
On a suggéré différents seuils de
poids de naissance estimé au-dessus desquels la césarienne élective
programmée serait indiquée, tels que 3 500 g, 3 750 g, 3 800 g,
4 000 g et même 4 500 g.
D’autres auteurs n’utilisent pas le
critère du poids de naissance dans le choix de leurs candidates à la
césarienne de première intention.
L’accouchement vaginal des enfants de très petit poids de naissance
(moins de 1 500 g) est également associé à une incidence augmentée
de mortalité et de morbidité néonatales.
La césarienne de
première intention peut améliorer le devenir de ces enfants.
La
même limite de petit poids de naissance est utilisée comme critère
de sélection des césariennes de première intention par Diro, alors
que d’autres auteurs préconisent d’autres limites, telles que
1 600 g, 2 000 g ou 2 500 g.
L’hyperextension de la tête du foetus se produit dans environ 5 %
des présentations du siège et est rapportée associée à une incidence
élevée (jusqu’à 70 %) de lésions de la moelle épinière, et à 22 % de
risques de séquelles neurologiques à long terme qui pourraient être
évitées par une césarienne élective programmée.
Donc,
l’hyperextension de la tête du foetus est presque universellement
considérée comme une indication absolue de césarienne de première
intention.
Il existe différentes définitions de cette situation, qui peut
être déterminée par des mesures échographiques ou radiologiques
de l’angle entre l’axe du rachis et l’os occipital (inférieur à 90°) ou la
mâchoire (supérieur à 105°).
Les présentations du siège décomplétées ont une mortalité
périnatale plus élevée que le siège complété, parce qu’elles sont
associées à une incidence augmentée des prolapsus du cordon
ombilical (de 0 à 2% pour le siège complété, de 5 à 10,5 % pour le
siège décomplété, de 8 à 16%pour le siège décomplété double et de
10 à 28,5 % pour le siège décomplété simple).
La plupart des
auteurs s’accordent donc sur la pratique de la césarienne élective
programmée dans le siège à terme décomplété, ou du moins
lorsqu’il y a présentation par les pieds.
Les indications relatives de césarienne de première intention sont
un âge maternel élevé (primipares de plus de 35 ans et multipares
de plus de 38 ans) et une rupture prématurée prolongée des
membranes, parce que ces femmes sont moins susceptibles
d’accoucher par voie vaginale après une tentative de travail.
Enfin, la coopération des mères pendant le processus
d’accouchement par voie vaginale est essentielle.
Les risques
maternels et néonataux, et les complications possibles de
l’accouchement vaginal par le siège et par césarienne, doivent être
discutés avec toutes les femmes ayant une présentation du siège
avant l’accouchement.
Après une information complète, le choix
est fait par l’obstétricien et par la mère.
Si la mère insiste pour avoir
une césarienne de première intention, l’obstétricien doit l’accepter.
Conclusion
:
Du fait de l’absence de données expérimentales fiables en faveur de la
césarienne de première intention comme mode d’accouchement
préférable dans le siège à terme, la décision du médecin est plus
philosophique que scientifique.
Elle est influencée non seulement par
la littérature, mais également par l’opinion des collègues, ainsi que par
son expérience personnelle qui est probablement biaisée.
Une
mauvaise expérience de rétention de tête peut pousser l’obstétricien à
opter pour un accouchement abdominal à l’avenir.
De plus, en
particulier dans les pays où la césarienne est devenue le traitement
standard, lors d’un accouchement par voie vaginale, tout autre résultat
qu’un résultat parfait fera courir à l’obstétricien un risque médicolégal.
Un essai contrôlé randomisé de dimension adéquate est nécessaire pour
obtenir la preuve définitive de la supériorité des césariennes de première
intention dans l’accouchement par le siège.
Un essai multicentrique
traitant de cette question est en cours.
En l’absence des résultats de
cet essai, une politique d’accouchement par césarienne élective
programmée semble représenter une option raisonnable chez la femme
ayant une présentation du siège à terme.
Cependant, un protocole de césarienne élective programmée de première
intention ne peut être une option sûre chez la majorité des enfants se
présentant par le siège que si les compétences et l’équipement adéquat
pour une césarienne et une réanimation néonatale immédiate sont
disponibles.
La sélection des candidates appropriées impose le respect
de procédures strictes, ainsi qu’un bon jugement clinique.
Comme il
n’a pas été possible de construire un modèle général prédictif, chaque
institution doit établir ses propres protocoles de prise en charge, basés
sur ses données propres provenant des résultats des accouchements par
le siège.
Une suspicion de disproportion foetopelvienne, une
hyperextension de la tête du foetus, et une présentation du siège
décomplétée sont considérées comme des indications médicales absolues
de césarienne de première intention.
Une mère qui rejette un essai de
travail vaginal et un obstétricien préoccupé du fait qu’il pourrait ne pas
avoir les compétences suffisantes pour mener correctement
l’accouchement par voie vaginale, sont des indications émotionnelles
absolues.