Prescription d’un soluté de remplissage vasculaire Cours de
réanimation - urgences
Solutés de remplissage vasculaire
:
Les solutés de remplissage vasculaire disponibles se
divisent en 2 catégories : cristalloïdes et colloïdes.
Chaque catégorie a ses particularités en termes de
pouvoir d’expansion volémique et d’effets secondaires
défavorables possibles.
A - Pouvoir d’expansion volémique
des différents solutés de remplissage vasculaire
:
L’effet d’expansion volémique immédiat des produits de
remplissage vasculaire dépend de la répartition de leur
volume perfusé dans les compartiments hydriques de
l’organisme et de leurs effets sur les déplacements d’eau
entre les différents compartiments ou secteurs.
La durée
de l’effet d’expansion volémique est dépendante de
l’élimination et du métabolisme du produit.
1- Cristalloïdes
:
Les solutions de cristalloïdes utilisées sont les solutions
de chlorure de sodium (NaCl) à 9 ‰ (ou sérum physiologique)
et les solutions de Ringer.
• Leur effet d’expansion volémique immédiat est
dépendant de leur osmolalité.
Le NaCl à 9 ‰ apporte
154 mmol de sodium et 154 mmol de chlore/L.
Il est
isotonique (iso-osmotique) au plasma.
Les solutions de Ringer sont des solutions ioniques, apportant du sodium
(130 à 131 mmol/L), mais aussi du potassium et du
calcium ; les anions y sont représentés par le chlore dans
la solution de Ringer simple (environ 155 mmol/L),
par le chlore (environ 110 mmol/L) et l’anion lactate
(environ 27 mmol/L) dans le Ringer lactate.
Dans une
des présentations du Ringer lactate il s’y ajoute 5% de
glucose.
La solution de Ringer simple est isotonique au
plasma.
Les solutions de Ringer lactate, bien qu’elles
soient présentées comme « isotoniques », sont en réalité
hypotoniques par rapport au plasma (osmolalité :
282 mOsm/L).
Celle qui contient du glucose à 5% a
une osmolalité de 550 mOsm/L, mais sa composition
ionique est analogue à celle d’une solution de Ringer
lactate pure et, après métabolisme du glucose, l’apport
osmolaire correspond à une osmolalité de l’ordre de
280 mOsm/L, semblable donc à celle du Ringer lactate
sans glucose.
• L’effet d’expansion volémique des cristalloïdes est
relativement faible.
Un volume donné de solutions de
cristalloïdes isotoniques comme le NaCl à 9 ‰ ou le
Ringer simple se répartit dans tout le compartiment
extracellulaire.
Un quart du volume perfusé environ
reste dans le secteur vasculaire et trois quarts du volume
perfusé diffusent dans le secteur interstitiel.
Le pouvoir
d’expansion volémique des solutés hypotoniques est
encore moins grand car une partie de l’eau perfusée
diffuse dans le compartiment cellulaire ; 20 % du volume perfusé reste dans le secteur vasculaire.
Les quantités de
solutés cristalloïdes à perfuser pour obtenir un effet
d’expansion volémique suffisant sont donc assez élevées :
par exemple 2 L de NaCl à 9‰ ou de Ringer simple
pour obtenir une expansion volémique de 500 mL.
• La durée de l’effet d’expansion volémique des
cristalloïdes, dont l’élimination se fait par voie rénale,
est de l’ordre de 1 à 3 h.
L’élimination peut être retardée
par l’insuffisance rénale liée à l’hypovolémie.
• Il faut remarquer que, dans la majorité des cas où les
cristalloïdes sont prescrits, le choix peut se porter indifféremment
sur le NaCl à 9‰, le Ringer simple ou le
Ringer lactate.
Le Ringer lactate peut être préféré s’il
existe une acidose métabolique qu’il contribue à traiter,
à condition qu’il ne s’agisse pas d’une acidose lactique
et que le fonctionnement hépatique soit conservé,
condition nécessaire à la transformation du lactate en
bicarbonate.
Quelques contre-indications du Ringer
lactate doivent cependant être respectées.
C’est le cas
lorsque l’hypotonie de la solution fait courir un risque
d’hyperhydratation cellulaire, indésirable (ex. : traumatisé
crânien avec signes neurologiques).
Toutes les solutions
de Ringer sont contre-indiquées chez le malade hyperkaliémique.
2- Colloïdes
:
Les solutés colloïdes sont des solutés macromoléculaires.
Ils se subdivisent en 2 catégories : les colloïdes naturels,
représentés par l’albumine, et les colloïdes de synthèse,
souvent désignés sous le terme de substituts colloïdaux
du plasma.
Ceux-ci comportent 3 classes de produits : les dextrans, les gélatines et les hydroxyéthylamidons (HEA).
• Le pouvoir d’expansion volémique immédiat des
solutés colloïdes est régi par leur pouvoir oncotique (ou
colloïdo-osmotique), qui dépend en partie de la taille de
leurs molécules (et du poids moléculaire) et en partie de
la concentration de la solution.
La durée de l’expansion volémique dépend des phénomènes
métaboliques intervenant sur les molécules dans
le plasma et de leur voies d’élimination.
C’est donc d’un ensemble de phénomènes très complexes
que résulte le pouvoir d’expansion volémique
d’un soluté colloïde, en termes d’expansion volémique
immédiate et de durée.
Il n’est pas déductible d’une
seule caractéristique du produit.
• Les solutions d’albumine humaine disponibles en
France sont des solutions à 4% ou 20 %, dans du sérum
physiologique.
L’albumine à 4%, bien qu’elle soit dite parfois isooncotique
au plasma, a un pouvoir oncotique inférieur à
celui du plasma (rapport oncoticité de l’albumine à
4 %/plasma = 0,8).
L’albumine dite iso-oncotique dans
la littérature anglo-saxonne et effectivement utilisée
dans les pays anglo-saxons est à 5 %.
Elle est donc
réellement iso-oncotique au plasma.
C’est pourquoi,
lorsqu’il est question de l’efficacité des solutions
d’albumine dites iso-oncotiques, les données de la littérature
anglo-saxonne ne peuvent pas être transposées
intégralement dans la pratique française.
On admet que l’albumine à 4% détermine une expansion volémique
égale à 70 à 80 % de la quantité perfusée, et que la durée
de l’expansion volémique obtenue est de l’ordre de 6 à 8 h.
L’albumine à 20 % a un pouvoir oncotique supérieur à
celui du plasma (rapport = 4).
Son effet volémique
résulte de cette hyperoncoticité.
L’expansion volémique
se fait ici grâce au drainage d’eau et d’ions du secteur
interstitiel vers le secteur vasculaire.
L’albumine à
20 % n’a d’indications que marginales dans le remplissage
vasculaire.
En pratique, il n’y est fait recours
que dans les hypovolémies associées à une hypoalbuminémie
et à une hyperhydratation du secteur interstitiel,
traduite par des oedèmes ou des épanchements des
séreuses.
• Les dextrans sont des polysaccharides monocaténaires
d’origine bactérienne. Les solutions de dextrans
sont des solutions polydispersées.
Leurs effets d’expansion volémique sont liés essentiellement à leur poids moléculaire
moyen et à leur concentration.
Ils s’éliminent surtout par
voie urinaire.
Les dextrans disponibles, dextrans 60
(Hémodex) ou dextrans 40 (Rhéomacrodex) sont peu
utilisés désormais.
• Les gélatines sont produites par hydrolyse du collagène
de boeuf et sont de 2 types : les gélatines succinylées,
appelées plus couramment gélatines fluides modifiées
(GFM), et les gélatines à ponts d’urée qui sont des polypeptides
réticulés.
Les gélatines fluides modifiées sont
commercialisées sous les noms de Plasmion, de
Plasmagel et de Gélofusine.
Une gélatine à ponts d’urée
est disponible (Haemaccel). L’expansion volémique
qu’elles induisent est égale à environ 80 % du volume
perfusé.
Et la durée de l’effet volémique est de l’ordre
de 4 à 6 h.
Dans le Plasmion, la gélatine est en solution
dans du Ringer lactate ; dans le Plasmagel, la Gélofusine
et l’Haemaccel, elle est en solution dans du sérum physiologique.
• Les hydroxyéthylamidons sont des polysaccharides
naturels modifiés, extraits du maïs.
Ce sont des colloïdes polydispersés. Le pouvoir d’expansion volémique des
solutions d’hydroxyéthylamidons dépend non seulement
de leur poids moléculaire moyen, de leur concentration
mais aussi de leur taux d’hydroxyéthylation.
Le taux
d’hydroxyéthylation est exprimé habituellement par les
taux de substitution molaire qui représente le pourcentage
de groupements hydroxyéthyl présent par rapport au
nombre de molécules de glucose entrant dans la constitution
des molécules d’ hydroxyéthylamidons.
L’hydrolyse intravasculaire par l’a-amylase, en multipliant le nombre
de molécules dotées de pouvoir oncotique, entraîne une
augmentation secondaire de l’effet d’expansion volémique.
Cet effet multiplicateur apparaît dans les 15 minutes
suivant l’injection ; pendant environ 3 h le rapport
augmentation volémique/volume perfusé est supérieur à 1.
La durée totale de l’effet d’expansion volémique des
hydroxyéthylamidons est actuellement de 6 à 12 h.
Ceux-ci sont en solution dans du sérum physiologique.
Les hydroxyéthylamidons actuellement disponibles
sont commercialisés sous le nom de Elohes, Hestéril
et Héafusine.
B - Effets secondaires des solutés
de remplissage vasculaire
:
Les solutés de remplissage vasculaire peuvent entraîner
3 types d’effets secondaires défavorables.
Ceux-ci relèvent
de la transmission d’agents infectieux, de réactions
anaphylactiques ou anaphylactoïdes, d’anomalies de
l’hémostase, de troubles de la fonction rénale. Enfin,
lorsqu’il n’y a pas de raison médicale particulière de
préférer un soluté à un autre, le coût des produits peut
être un argument du choix.
1- Transmission d’agents infectieux
:
Seuls les produits biologiques d’origine humaine ou
animale, l’albumine et les gélatines par conséquent,
peuvent être théoriquement responsables de la transmission
d’agents infectieux.
En ce qui concerne l’albumine,
le risque de transmission des virus de l’hépatite virale
est écarté par le mode de préparation du produit.
La
responsabilité de l’albumine ou de gélatines n’a pas été
prouvée jusqu’à présent dans la survenue d’affections
imputables à des agents transmissibles non conventionnels
tels que celui de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Cependant, ce risque ne peut être considéré comme nul,
ni pour l’albumine qui est d’origine humaine, ni pour les
gélatines qui sont toutes d’origine bovine.
2- Réactions anaphylactiques ou anaphylactoïdes
:
De tous les solutés de remplissage vasculaire, seuls les
solutés de cristalloïdes sont exempts de risque anaphylactique
ou anaphylactoïde.
L’incidence de ces réactions
est de l’ordre de 0,010 à 0,150 pour 100 unités de
produits colloïdaux perfusées et de 0,1 à 0,850 pour
100 malades recevant l’un de ces produits.
Les gélatines,
et particulièrement les gélatines à pont d’urée, représentent
le risque le plus élevé, les hydroxyéthylamidons et
l’albumine le risque le plus faible.
Les réactions anaphylactiques
dues aux dextrans peuvent être prévenues
par l’injection, 2 à 5 min avant la perfusion, de 20 mL d’un
dextran de très faible poids moléculaire (1 000) [Promit]
qui bloque les anticorps fixés sur les cellules basophiles.
Mais la nécessité de la mise en oeuvre du remplissage
vasculaire différé, ne serait-ce que de quelques minutes,
rend les dextrans très difficiles à utiliser dans les
situations souvent urgentes que représentent les hypovolémies.
3- Troubles de l’hémostase
:
Les solutés de remplissage vasculaire interfèrent de
2 manières avec l’hémostase.
Tous peuvent induire une dilution des facteurs plasmatiques
de l’hémostase. Elle est rarement suffisante pour
entraîner des anomalies du temps de coagulation et du
temps de saignement et des manifestations cliniques
hémorragiques.
Il a été démontré récemment que les
cristalloïdes provoquent une hypercoagulabilité pour
des niveaux d’hémodilution de l’ordre de 10 à 30 %,
allant de pair avec une diminution de l’antithrombine III
et sans traduction clinique particulière.
Les colloïdes de synthèse ont, à des degrés divers, une
action spécifique sur le facteur von Willebrand d’où il
résulte un allongement du temps de saignement et un
risque hémorragique, qui se révèle surtout en cas de
traumatisme ou d’intervention chirurgicale.
Le risque,
négligeable avec les gélatines, est plus important avec
les dextrans et les hydroxyéthylamidons.
Il justifie la
contre-indication de ces produits chez les malades
atteints de troubles de l’hémostase et notamment de
maladie de von Willebrand. Il est également à la base
des limitations de doses recommandées.
Pour les hydroxyéthylamidons, suivant une recommandation
récente de l’Agence française de sécurité des produits de
santé, formulée à propos de l’Elohes, la dose préconisée
est de 33 mL/kg/j le 1er jour, la durée du traitement ne doit
pas dépasser 4 jours et la dose totale perfusée 80 mL/kg.
4- Insuffisance rénale
:
Les dextrans 40 et les hydroxyéthylamidons peuvent
être responsables d’une altération de la fonction rénale.
Les dextrans 40 précipitent dans le tubule proximal en
cas d’hypoperfusion rénale et de diminution de la filtration
glomérulaire ; les hydroxyéthylamidons sont responsables de lésions de néphrose
osmotique touchant les tubes contournés proximal et distal,
tandis que les gélatines donnent, à un moindre degré, des
lésions de néphrose osmotique limitées au tube contourné
proximal.
C -
Coûts :
Les coûts
des produits utilisables pour le remplissage vasculaire sont
très différents.
L’albumine
est le produit le plus coûteux et les cristalloïdes les moins
coûteux.
D - En
pratique :
Compte tenu
des propriétés et des effets secondaires comparés des différents
produits, parmi les solutés de remplissage vasculaire
disponibles, certains sont utilisés de préférence.
Pratique de la prescription
:
Le choix d’un soluté dépend de l’indication et du
terrain.
Les doses de produits à utiliser et les vitesses de
perfusion sont impossibles à systématiser ; seules peuvent
être données, à ce sujet, quelques orientations très
générales.
La prescription ne peut être complète sans
que soit précisée la voie d’abord.
Quelques données
complémentaires à prendre en compte dans la prescription
doivent également être mentionnées.
A - Choix d’un soluté
:
Le choix d’un produit de remplissage vasculaire pour le
traitement d’une hypovolémie dépend d’abord de la
nature de cette hypovolémie : hypovolémie absolue par
pertes hémorragiques, plasmatiques ou hydrosodiques ;
hypovolémie relative par vasodilatation dans le choc
septique, le choc anaphylactique ou les vasoplégies
d’origine neurologique (médicamenteuses ou anesthésiques).
Mais les prescriptions doivent aussi être modulées
en fonction du terrain (femme enceinte, traumatisé crânien,
donneur d’organe potentiel).
1- En fonction de la nature de l’hypovolémie
:
• Dans les hypovolémies absolues, le choix du ou des
solutés de remplissage vasculaire est orienté par la nature
du déficit volémique et par l’intensité des signes d’hypovolémie.
Dans les hypovolémies d’origine hémorragique, lorsque
la perte sanguine est évaluée à moins de 20 % de la
masse sanguine, il est tout à fait possible de n’utiliser
que des cristalloïdes.
Si le remplissage par les cristalloïdes
prescrits en première intention, à doses suffisantes,
paraît insuffisamment efficace ou d’efficacité temporaire,
le relais est pris par les colloïdes.
Pour un choc hémorragique
patent où, en règle générale, la perte sanguine
dépasse 20 % de la masse sanguine, l’utilisation des
colloïdes est recommandée d’emblée car leur efficacité
se manifeste plus rapidement que celle des cristalloïdes.
Dans les hypovolémies par pertes plasmatiques, comme
celles des brûlés ou des dermatoses bulleuses généralisées
(syndrome de Lyell ou pemphigus généralisé), bien que
les pertes soient plasmatiques et pas seulement hydrosodiques,
le traitement habituellement recommandé fait
appel d’abord aux cristalloïdes s’il n’existe pas d’état de
choc avéré.
Le recours aux colloïdes n’est requis d’emblée
que s’il existe un état de choc.
Dans les hypovolémies par pertes hydrosodiques (pertes
extériorisées : urinaires, digestives ou sudorales ; ou non
extériorisées : occlusions intestinales, péritonites), le
traitement de l’hypovolémie, qui n’est qu’un aspect de
la déshydratation extracellulaire, repose sur les cristalloïdes
s’il n’existe pas de signes de choc.
Dans le cas
contraire, le choix du soluté de remplissage se porte sur
les colloïdes jusqu’à la disparition des signes de choc.
Le relais est pris ensuite par les cristalloïdes afin de
combler la totalité du déficit hydrosodique.
• Lors des hypovolémies relatives, dans le choc septique,
le remplissage vasculaire représente la première mesure
thérapeutique.
La restauration de l’équilibre hémodynamique
est urgente et, de ce fait, le choix se porte
d’emblée sur les colloïdes.
Dans les hypovolémies relatives par vasodilatation
d’origine médicamenteuse ou anesthésique, dont on sait
qu’elles seront rapidement réversibles, il est recommandé
au contraire de prescrire des cristalloïdes.
Dans le choc anaphylactique ou anaphylactoïde, le
remplissage vasculaire n’est pas souvent indiqué car le
traitement repose avant tout sur l’injection intraveineuse
ou intramusculaire d’adrénaline.
Le remplissage vasculaire
n’est nécessaire d’emblée que si l’intensité de la vasodilatation
entraîne un arrêt circulatoire par désamorçage
de la pompe cardiaque.
Les cristalloïdes sont ici recommandés
parce que la vasodilatation est transitoire, et
aussi parce que les cristalloïdes ne font pas courir le
risque d’aggraver l’histamino-libération.
Le remplissage
vasculaire peut aussi être nécessaire secondairement si
l’hypotension se prolonge malgré le traitement par
l’adrénaline, ou si une hypotension secondaire se produit
après que le choc a été initialement jugulé.
Dans ces
2 derniers cas, l’hypovolémie n’est plus une hypovolémie
relative mais une hypovolémie absolue, liée à la fuite
plasmatique engendrée par l’hyperperméabilité capillaire
due à la libération d’histamine et des autres médiateurs
de l’anaphylaxie.
La prescription de solutés de remplissage
repose ici encore sur les cristalloïdes.
2- En fonction du terrain
:
Le choix d’un soluté de remplissage vasculaire doit tenir
compte aussi du contexte dans lequel survient l’hypovolémie
et particulièrement du terrain.
Trois contextes
cliniques sont ici importants : femme enceinte, traumatisé
crânien, donneur d’organes.
• Chez la femme enceinte, en raison de la gravité, pour
le foetus, d’un choc anaphylactique ou anaphylactoïde,
les colloïdes de synthèse sont contre-indiqués.
Le traitement
d’une hypovolémie modérée repose sur les cristalloïdes
et, s’il existe des signes de choc, le recours aux
colloïdes devenant nécessaire, l’albumine à 4 % est le
produit recommandé.
• Chez le traumatisé crânien présentant des signes
neurologiques, en raison de la perte de l’autorégulation
vasculaire cérébrale, le flux sanguin cérébral dépend
étroitement de la pression de perfusion cérébrale.
Il
importe donc de corriger sans délai toute hypovolémie
afin de maintenir la pression artérielle moyenne entre
80 et 100 mmHg.
Les cristalloïdes isotoniques et les
colloïdes peuvent être utilisés. Mais le Ringer lactate est
contre-indiqué en raison de son hypotonie.
• Chez les malades en état de mort cérébrale, potentiellement
donneurs d’organes, le maintien d’un état
hémodynamique satisfaisant est indispensable à la
préservation des organes qui seront prélevés.
Pour la
correction de l’hypovolémie, absolue ou relative, les
colloïdes sont préférables aux cristalloïdes car ils n’induisent
pas d’oedème des organes prélevés.
Cependant, parmi les colloïdes, les dextrans sont contre-indiqués en
raison de la fréquence avec laquelle ils induisent des
lésions de néphrose osmotique.
Les hydroxyéthylamidons
peuvent être utilisés, dans la limite des doses recommandées
de façon générale.
Ils induisent des lésions de
néphrose osmotique dans un pourcentage de cas encore
discutés.
Les gélatines en donnent moins et il semble
que dans les suites immédiates de la transplantation, la
fonction rénale se rétablisse plus vite si le donneur a
reçu des gélatines.
Mais à long terme, il n’y a actuellement
pas de preuve de la supériorité des gélatines sur les hydroxyéthylamidons dans
cette indication.
3-
Repères :
B -
Doses prescrites et vitesse de perfusion
:
Il n’est pas possible de fixer a priori la quantité de soluté
de remplissage à perfuser, ni la vitesse de perfusion.
La
1re prescription tient compte des données disponibles
sur l’ordre de grandeur du déficit volémique, de la nature
du soluté choisi (cristalloïde ou colloïde), en sachant
que pour atteindre le même résultat les quantités de
cristalloïdes nécessaires sont égales à environ 4 fois les
quantités de colloïdes nécessaires.
La prescription prend
en compte également la gravité des troubles hémodynamiques
engendrés par l’hypovolémie, ainsi que le risque
de mauvaise tolérance au remplissage que peut entraîner
une fonction myocardique déficiente.
Par exemple, en
l’absence de suspicion de défaillance cardiaque, une
hypotension sévère accompagnée de signes d’insuffisance
circulatoire périphérique conduit à prescrire, pour commencer,
la quantité de
produit qui permet une
expansion volémique de
l’ordre de 500 mL en 10 à
20 min.
En revanche, en
présence d’une hypovolémie
modérée chez un
malade connu comme
ayant une insuffisance
myocardique ou pouvant
présenter cette particularité,
il est préférable de
limiter les prescriptions
initiales à une expansion
volémique de l’ordre de
200 mL en 15 à 20 min.
Les quantités de produits
de remplissage utilisées,
de même que la vitesse de
perfusion sont ensuite
réglées, puis modulées,
au fur et à mesure, grâce
aux résultats de la surveillance
étroite du traitement.
Une situation clinique fait
exception à ce schéma,
le remplissage vasculaire
des brûlés, indiqué en cas
de brûlures des 2e et
3e degrés.
Réalisé à l’aide
de cristalloïdes dans les
24 premières heures, il est
prescrit en appliquant des
formules qui tiennent
compte, chez l’adulte, de
la surface brûlée et du
poids.
La plus simple est
la formule de Parkland :
volume (mL) = 4 x surface
brûlée (%) x poids (kg).
La moitié du volume calculé doit être administrée dans les 8 premières
heures, un quart dans les 8 heures suivantes, un quart
dans les 8 dernières heures.
La prescription de colloïdes
intervient après 24 h si les cristalloïdes sont insuffisants
pour corriger l’hypovolémie.
Les formules établies pour
l’adulte ne sont pas utilisables chez l’enfant, pour qui il
existe des formules spécifiques auxquelles il faut se
référer.
C - Voies d’abord
:
La voie d’abord est en règle générale une voie veineuse.
Elle doit permettre l’insertion d’un dispositif de diamètre
suffisant.
En urgence, elle doit être facile à poser et être
grevée des moindres complications possibles.
En pratique,
le remplissage vasculaire en urgence est réalisé
par une voie périphérique, à l’aide d’un dispositif court
et de gros calibre (par exemple 14 gauge chez l’adulte).
Il peut être nécessaire de mettre en place 2 voies périphériques
pour obtenir la vitesse de remplissage souhaitée.
L’utilisation d’un cathéter veineux central n’est recommandée
que lorsque l’abord périphérique n’est pas
possible, en raison d’un collapsus veineux important.
Le
choix de la veine dépend de l’expérience de l’opérateur.
La voie fémorale est la plus facile à aborder et celle qui
offre le plus de sécurité immédiate, mais le cathéter doit
rester en place le moins longtemps possible afin d’éviter
les complications infectieuses.
La voie sous-clavière est
celle dont les complications immédiates sont les plus
graves (pneumothorax ou hémothorax).
L’abord jugulaire
interne expose à moins de complications que l’abord
sous-clavier.
Chez l’enfant, les voies d’abord sont les mêmes que
chez l’adulte.
Le recours au cathéter central doit être
limité aux échecs des voies veineuses périphériques.
À noter que, chez l’enfant de moins de 6 ans, en cas
d’urgence vitale, la voie intra-osseuse peut être utilisée.
Le site de ponction est l’extrémité supérieure du tibia,
2 cm au-dessous de la tubérosité tibiale antérieure,
au centre de la face antéro-interne du tibia.
D - Autres données à prendre en compte
dans la prescription :
Dans de nombreux cas, la prescription d’un soluté de
remplissage vasculaire s’inscrit dans un ensemble de
prescriptions nécessaires au traitement complet d’anomalies
hémodynamiques, du transport de l’oxygène ou
de l’hémostase.
Le traitement de ces différentes anomalies
peut avoir un impact sur la prescription des solutés de
remplissage vasculaire.
Ainsi, bien que le plasma
humain ne soit plus utilisé en tant que produit destiné au
remplissage vasculaire, il n’en possède pas moins un
pouvoir d’expansion volémique.
Pour cette raison,
lorsque, au cours du traitement d’une hypovolémie, des
perfusions de plasma sont indiquées pour traiter des
troubles concomitants de l’hémostase, les quantités de plasma perfusées interviennent, en pratique, dans la restauration
de la volémie et doivent être prises en compte
lors de la prescription des autres produits.
E - Surveillance du traitement
:
La prescription de la surveillance du traitement est
fondée sur la nécessité de s’assurer de l’efficacité du
traitement et de recueillir les données qui pourraient
amener à intensifier le remplissage ou à le modérer,
voire à y associer d’autres traitements.
Dans certains
cas, la nécessité de mettre en place un cathétérisme droit
ou d’obtenir une échocardiographie se révèle en cours
de traitement par l’absence de réponse à un traitement
intensif, ou par l’apparition de signes d’intolérance au
remplissage.
La surveillance doit également s’attacher à
dépister les effets secondaires défavorables des produits
utilisés.
1- Efficacité du remplissage vasculaire
:
La surveillance de l’efficacité du remplissage vasculaire
consiste à observer les signes qui ont permis de porter le
diagnostic d’hypovolémie.
Elle porte donc sur la
fréquence cardiaque, la tension artérielle, les signes
cutanés d’insuffisance circulatoire périphérique, la
diurèse, la pression veineuse centrale.
L’atténuation progressive, puis la disparition des
anomalies notées initialement témoignent de l’efficacité
du remplissage qui est poursuivi jusqu’à leur totale
disparition.
L’interprétation de la diurèse doit cependant
tenir compte du fait que la persistance d’une oligoanurie
peut traduire non pas la persistance de l’hypovolémie
mais l’installation d’une insuffisance rénale
aiguë organique.
Il faut noter aussi que, lorsque la cause de l’hypovolémie
est une hémorragie, si un traitement chirurgical
est nécessaire à l’hémostase (ex. : plaie pénétrante du
thorax ou rupture d’anévrisme de l’aorte), l’objectif du
remplissage vasculaire, dans un premier temps, n’est
que d’obtenir une pression artérielle moyenne de l’ordre
de 70-80 mmHg ; la normalisation de tous les paramètres
sur lesquels repose la surveillance ne peut être espérée
qu’après la réalisation de l’hémostase chirurgicale.
La surveillance doit être poursuivie après l’arrêt du
traitement, à la recherche de la réapparition des signes
d’hypovolémie, obligeant à reprendre le traitement.
2- Tolérance au remplissage vasculaire
:
La survenue d’un oedème pulmonaire doit être
redoutée au cours de tout remplissage vasculaire, et
recherchée par l’auscultation répétitive des bases
pulmonaires et la surveillance radiographique des
poumons.
La découverte de signes d’oedème pulmonaire
conduit à l’arrêt, au moins momentané du
remplissage vasculaire, à la prescription d’amines
sympathomimétiques inotropes positives (dopamine,
dobutamine) et, en cas d’échec, à la mise en oeuvre d’un
cathétérisme droit ou d’une échocardiographie.
3- Surveillance des effets secondaires
défavorables :
Toute manifestation de nature allergique (rash cutané,
éruption urticarienne, oedème de Quincke, dyspnée
asthmatiforme, chute brutale et intense de la pression
artérielle) doit être repérée immédiatement et conduire à
l’arrêt de la perfusion.
Le changement de catégorie de
produit est nécessaire si le remplissage doit se poursuivre.
Si les signes observés sont ceux d’un état de choc
anaphylactique, l’injection d’adrénaline intraveineuse
est nécessaire.