Prééclampsie. Éclampsie
(Suite) Cours de
Gynécologie
Obstétrique
4- Traitement de la microangiopathie
et de la coagulopathie :
Les échanges plasmatiques avec du plasma frais ont été proposés
au cours du syndrome HELLP, par analogie avec le
purpura thrombopénique thrombotique et le syndrome
hémolytique-urémique.
La prostacycline a été utilisée dans des syndromes HELLP apparus
au cours du post-partum pour ses propriétés vasodilatatrices et
antiagrégantes plaquettaires.
De même, l’antithrombine III a été
perfusée chez des femmes présentant un syndrome HELLP (30 à
60 UI/kg).
L’une comme l’autre exposent à une aggravation
du risque hémorragique de l’accouchement.
Les glucocorticoïdes sont actuellement proposés pour permettre la
prolongation de la grossesse et pour accélérer la guérison des
syndromes HELLP du post-partum.
Leur efficacité chez la mère a
été observée lors de leur utilisation pour faciliter la maturation
pulmonaire foetale (bétaméthasone, Célestènet, 12 mg/j pendant
48 heures).
Ils font régresser la thrombopénie et la cytolyse
hépatique.
En cas d’utilisation prolongée (> 48 heures), un produit
ne franchissant pas la barrière placentaire est substitué à la bétaméthasone (prednisone, Cortancylt).
L’amélioration du
syndrome HELLP permet une réduction des besoins en dérivés
sanguins labiles et l’utilisation d’une anesthésie périmédullaire pour
l’accouchement.
Toutefois, cette corticothérapie pourrait augmenter
l’incidence des complications infectieuses péripartum et induire une
dysfonction de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénal chez la
mère.
La transfusion de plaquettes est nécessaire lorsque la numération
plaquettaire est inférieure à 50 X 109/L avant l’accouchement.
Une
transfusion de plaquettes peut être peu ou non efficace dans les
formes les plus graves de syndrome HELLP ; il est parfois nécessaire
de la renouveler.
En cas de manifestation hémorragique, de coagulopathie intravasculaire disséminée, d’insuffisance hépatique,
la transfusion de plasma frais est indiquée par un temps de Quick
inférieur à 40 %.
La transfusion d’érythrocytes ne doit pas être
retardée en cas d’hémolyse ou de coagulopathie, car elle contribue à
stabiliser le processus pathologique.
La correction des anomalies de
l’hémostase par la transfusion de dérivés sanguins labiles est urgente
dans les formes sévères, rapidement évolutives et avant
l’accouchement pour prévenir une hémorragie cérébrale fatale à
l’occasion d’un pic hypertensif.
5- Traitement de l’éclampsie
:
Le contrôle de la pression artérielle est obtenu dans les mêmes
conditions qu’au cours de la prééclampsie (20 % de réduction de la
pression artérielle moyenne, qui reste proche de 105 mmHg).
Toute
hypertension artérielle menaçante doit être contrôlée par des bolus intraveineux de nicardipine.
En cas de survenue de crises
convulsives généralisées, les erreurs thérapeutiques peuvent être un
facteur aggravant.
L’hypotension artérielle secondaire à un
traitement antihypertenseur trop agressif ou à une hypovolémie
aiguë mal contrôlée a un effet catastrophique sur la pression de
perfusion cérébrale.
Le vasospasme cérébral est le mécanisme
prédominant justifiant l’administration de médicaments
vasodilatateurs.
Le sulfate de magnésium est le traitement de référence, malgré un
mode d’action inconnu et une efficacité mal établie.
La dose de
charge de magnésium lève le spasme vasculaire cérébral par son
effet inhibiteur calcique ; un effet antioedémateux cérébral a été
également suggéré.
Deux grammes de sulfate de magnésium sont
perfusés en 5 minutes et cette dose de charge est suivie par une
perfusion continue de 1 à 2 g/h jusqu’au premier ou au deuxième
jour de la période post-partum.
Une dose de sulfate de magnésium
supérieure à 6 g pour contrôler la crise convulsive est déconseillée,
car elle expose au risque d’arrêt respiratoire.
L’administration de
10 mg de diazépam suivie de la perfusion d’entretien de magnésium
est préférable.
Les concentrations plasmatiques thérapeutiques de
magnésium sont comprises entre 2 et 3 mmol/L.
Pendant la
perfusion d’entretien, la surveillance horaire des réflexes ostéotendineux, de la fréquence respiratoire, de
l’électrocardiogramme et de l’oxymétrie pulsée s’impose.
Le dosage
de la concentration plasmatique est pratiqué après 1 heure de
perfusion, puis toutes les 6 heures.
Une réduction du débit de
perfusion à 1 g/h est nécessaire en cas d’oligurie et d’urée sanguine
supérieure à 10 mmol/L.
La toxicité se manifeste par une disparition
des réflexes ostéotendineux, une faiblesse musculaire, des nausées,
un flush cutané, une somnolence, une diplopie ou des troubles de
l’élocution.
Un arrêt respiratoire et une paralysie surviennent
lorsque les concentrations atteignent 6 à 7 mmol/L et un arrêt
cardiaque est à craindre lorsque la magnésémie dépasse 12 mmol/L.
En cas de surdosage, il faut arrêter la perfusion, administrer de
l’oxygène, voire placer la femme sous assistance ventilatoire par
intubation trachéale, vérifier la magnésémie plasmatique et perfuser
du gluconate de calcium (1 g) pour son effet antagoniste du
magnésium à la jonction neuromusculaire.
Les fortes doses ont un
effet antiagrégant plaquettaire avec allongement du temps de
saignement.
Une augmentation du volume de sang perdu pendant
la délivrance a été rapportée chez les femmes traitées par le sulftate
de magnésium.
Les inhibiteurs calciques de type dihydropyridine sont une
alternative.
La nimodipine (Nimotopt) en l’absence d’hypertension
artérielle et la nicardipine (Loxent) en cas d’hypertension artérielle
ont un effet antispastique sur la circulation cérébrale.
L’association sulfate de magnésium-inhibiteur calcique est
déconseillée, car elle potentialise le blocage neuromusculaire et
favorise l’hypotension.
La durée du traitement est au minimum de 48 heures après
l’accouchement et est prolongée en cas de crise intercurrente.
L’oxygénothérapie est impérative. L’intubation orotrachéale est
indiquée lorsque le score de Glasgow est égal à 9.
L’intubation
permet la ventilation assistée.
Elle est réalisée sous thiopental et
anesthésie locale pharyngolaryngée.
L’administration de plasma
frais et d’unités plaquettaires corrige en urgence les éventuelles
anomalies de l’hémostase.
L’intérêt d’un traitement préventif par le sulfate de magnésium en
l’absence d’éclampsie est discuté ; inversement, le contrôle rapide
de l’hypertension artérielle par un inhibiteur calcique de type dihydropyridine est indispensable.
Le thiopental est l’hypnotique de choix à utiliser en cas
d’accouchement par césarienne en urgence dans le cadre d’une
éclampsie.
L’accouchement est impératif après une crise
d’éclampsie ; un traitement conservateur peut être envisagé dans de
rares cas, lorsque le terme de la grossesse est très précoce, l’état de
la mère stabilisé après la crise et en l’absence de souffrance foetale.
Dans la majorité des cas, l’amélioration neurologique est rapide
après la naissance de l’enfant.
La persistance du coma au-delà de
4 à 6 heures après l’accouchement existe dans 10 à 12 % des cas.
Elle
impose la pratique d’un examen par TDM ou d’une IRM cérébrale.
Celui-ci met en évidence, dans 70 % des cas, un oedème cérébral
dont l’importance est proportionnelle à la durée des convulsions.
Le
traitement est alors celui d’une hypertension intracrânienne.
D - PRISE EN CHARGE DE L’ACCOUCHEMENT :
1- Généralités :
En raison de la rapidité évolutive de la maladie dans sa forme grave,
un examen clinique et un bilan biologique doivent être pratiqués
moins de 2 heures avant l’accouchement.
Cette évaluation permet
d’autoriser ou non un accouchement par voie basse et de pratiquer
ou non une anesthésie périmédullaire.
Le plus souvent proposée
après une éclampsie, la césarienne n’est pas systématique en
présence d’un syndrome HELLP au cours duquel une induction du
travail peut être entreprise, pourvu qu’il n’existe ni hémorragie
active, ni hématome sous-capsulaire du foie, ni détresse respiratoire.
L’anesthésie périmédullaire est contre-indiquée en présence de
signes cliniques d’un syndrome hémorragique, d’un hématome
rétroplacentaire, d’une thrombopénie (< 100 X 109 plaquettes/L),
d’une baisse du temps de Quick ou d’un allongement du temps de
céphaline activée, d’une coagulopathie intravasculaire disséminée.
Deux situations font l’objet de controverses.
La thrombopénie est modérée (environ 100 X 109 plaquettes/L), mais
l’aggravation de la maladie est rapide.
L’anesthésie locorégionale
est contre-indiquée si le rapport entre le risque et le bénéfice ne
plaide pas en sa faveur : absence de critère d’intubation difficile,
contrôle efficace de la pression artérielle.
L’anesthésie locorégionale
semble nécessaire si le risque lié à l’anesthésie générale est majeur.
Un éventuel cathéter péridural ne sera retiré au cours de la période
post-partum que si l’hémostase est normale.
Une rachianesthésie
peut être proposée à l’aide d’une aiguille de 25G en cas de geste en
fin de travail ou d’accouchement par césarienne.
Quelle que soit la
technique d’anesthésie locorégionale, une surveillance neurologique
s’impose pendant les 48 heures qui suivent sa réalisation.
La patiente a reçu de l’aspirine. Dans ce cas, le risque d’une
anesthésie locorégionale est faible mais non nul.
Il est d’autant
plus réel qu’il existe, au cours de la prééclampsie, une agrégation
plaquettaire anormale et une coagulopathie intravasculaire
disséminée latentes.
Le sulfate de magnésium a une activité antiagrégante plaquettaire.
Des anesthésies périmédullaires sont
pratiquées néanmoins au cours d’une perfusion de sulfate de
magnésium.
Aucun test biologique (temps de saignement,
thromboélastogramme, tests d’agrégation plaquettaire) ne permet de
prévoir le risque hémorragique.
En pratique, une anesthésie
locorégionale est probablement acceptable lorsque le risque
d’anesthésie générale est considéré comme majeur et lorsque le délai
entre la dernière prise d’aspirine et la ponction est supérieur
à 3 jours, alors que la numération plaquettaire est supérieure à
200 X 109 plaquettes/L.
2- Analgésie pour accouchement par voie basse :
L’anesthésie péridurale a de nombreux avantages.
Elle fournit une
analgésie stable au cours du travail et prévient les conséquences
cardiovasculaires des stimulations nociceptives.
Elle améliorerait le
flux sanguin utéroplacentaire par réduction des catécholamines
circulantes.
Tout le travail doit se dérouler chez une femme en léger
décubitus latéral gauche.
L’innocuité de l’anesthésie péridurale a été
démontrée par plusieurs études ches les femmes présentant une
prééclampsie.
La réalisation de l’anesthésie péridurale est parfois difficile chez la
femme toxémique. L’infiltration oedémateuse des lombes complique
la ponction.
L’hypotension artérielle peut apparaître brutalement par
association de la vasoplégie anesthésique à une hypovolémie et/ou
au traitement antihypertenseur dont la posologie n’a pas été réduite
avant l’anesthésie.
De faibles doses d’éphédrine (3 mg) doivent être
employées pour traiter l’hypotension en raison de la sensibilité de
ces femmes aux médicaments vasoconstricteurs.
L’interprétation des
effets cardiovasculaires de la dose-test est difficile chez la femme
enceinte en cours de travail, en particulier en cas de traitement par
les bêtabloquants.
Cependant, le retentissement de l’anesthésie
péridurale sur la pression artérielle est négligeable si de faibles
concentrations d’anesthésique local sont utilisées, en association avec
un morphinique (par exemple, dose de charge de 12 mL suivie d’une
perfusion de 10 à 12 mL/h d’une solution bupivacaïne 0,08 % et
sufentanil 0,5 µg/mL) après un remplissage vasculaire prudent par
un soluté cristalloïde (Ringer lactate, 10 mL/kg).
En cours
d’anesthésie, de l’oxygène est administré en permanence à la femme,
dont l’électrocardiogramme et la pression artérielle sont surveillés.
La perfusion intraveineuse de faibles doses d’oxytocine
(Syntocinont) en cours de travail et après la délivrance n’est pas
contre-indiquée.
En revanche, l’utilisation de la méthylergométrine
(Méthergint) est proscrite.
En cas de contre-indication à l’anesthésie
péridurale, l’analgésie peut être obtenue par une perfusion
intraveineuse d’un morphinique (fentanyl ou sufentanil) de manière
continue ou contrôlée par la patiente elle-même.
3- Anesthésie pour accouchement par césarienne :
La chute du débit sanguin utéroplacentaire est le risque de
l’anesthésie au cours de la toxémie grave, soit par hypotension
artérielle au cours de l’anesthésie périmédullaire, soit par
vasoconstriction adrénergique au cours de l’induction de
l’anesthésie générale.
Cependant, l’hypotension reste modérée et
contrôlable pendant une anesthésie locorégionale, alors qu’aucune
technique ne prévient efficacement la poussée hypertensive au cours
de l’intubation trachéale.
*
Anesthésie locorégionale :
Si l’anesthésie péridurale est la technique classique, la
rachianesthésie est utilisable car l’injection intrathécale d’un
morphinique permet de réduire la posologie d’anesthésique local et
de garantir ainsi une stabilité hémodynamique comparable à celle
observée au cours de l’anesthésie péridurale.
La rachianesthésie
comporte moins de risque de plaie vasculaire lors de la réalisation
et ceci peut la faire préférer dans des situations à risque.
L’anesthésie locorégionale est pratiquée après l’ingestion
d’antiacides (Tagamett 200 effervescent) et une expansion volémique
prudente guidée dans les formes les plus graves par le monitorage
cardiovasculaire.
Par voie péridurale, l’anesthésie est obtenue par
des injections fractionnées de bupivacaïne à 0,5 % ou de lidocaïne à
2 % dans le cathéter péridural.
Vingt à 25 mL de la solution
d’anesthésique local sont nécessaires pour obtenir une anesthésie
chirurgicale ; l’anesthésie peut être complétée par l’injection
péridurale de 50 µg de fentanyl ou de 10 µg de sufentanil.
L’utilisation d’éphédrine est parfois nécessaire.
Par voie intrathécale
ou en cas d’anesthésie « périrachi » combinée, un mélange de
sufentanil (2,5 µg) et de bupivacaïne hyperbare (10 mg dans le
premier cas ou 7,5 mg dans le second) est injecté pendant la
perfusion intraveineuse de 500 mL de soluté de Ringer lactate
contenant 30 mg d’éphédrine.
La sensibilité à la toxicité des
anesthésiques locaux des femmes porteuses d’une hypertension
gravidique est plus grande que celles des femmes enceintes normotendues, en raison de l’hypovolémie, de l’hypoprotidémie
(bien que l’alpha-1-glycoprotéine acide soit augmentée) et d’une
atteinte hépatique.
Cependant, l’utilisation d’anesthésique local adrénaliné est sujette à controverse : l’adrénaline provoque des
à-coups hypertensifs pour certains et des hypotensions artérielles
pour d’autres.
L’administration intraveineuse des antihypertenseurs est suspendue
jusqu’à l’installation complète de l’anesthésie.
* Anesthésie générale :
Elle est le plus souvent utilisée en raison de la fréquence des coagulopathies et de l’extrême urgence ; cette fréquence augmente
avec la pratique du traitement conservateur des formes graves et
précoces de la maladie.
Les avantages de l’anesthésie générale sont
sa rapidité, sa fiabilité et la possibilité d’obtenir une ventilation
adéquate, surtout s’il existe un oedème pulmonaire, une altération
de la conscience, voire des convulsions. Le monitorage peropératoire
de la saturation partielle en oxygène (SpO2) et de la PETCO2 est
important.
Les inconvénients de l’anesthésie générale restent
significatifs.
Les fréquentes poussées hypertensives graves exposent
au risque d’hémorragie cérébrale ou de défaillance ventriculaire
gauche avec oedème pulmonaire.
Les médicaments
antihypertenseurs d’urgence doivent être prêts pendant l’induction
anesthésique.
Le risque d’inhalation de liquide digestif est majoré
par une intubation trachéale souvent difficile (oedème pharyngolaryngé, saignement des muqueuses fragilisées).
Quelle
que soit l’ancienneté de la consultation d’anesthésie, la difficulté
d’intubation doit être réévaluée avant l’induction anesthésique en
raison de la rapidité de survenue des anomalies liées à l’oedème.
Le
matériel nécessaire pour pallier une difficulté d’intubation est
préparé dans la salle d’opération (mandrin d’Eschmann, masque
laryngé).
Les anomalies de l’hémostase doivent être corrigées par la
transfusion de plaquettes en cas de numération inférieure à 50 X 109
plaquettes/L et la transfusion de plasma frais en cas d’allongement
du temps de Quick.
L’induction anesthésique est précédée par l’ingestion de l’antiacide,
une expansion volémique (500 mL de soluté cristalloïde), une
dénitrogénation par la ventilation au masque en oxygène pur
(5 minutes) et une anesthésie locale pharyngolaryngée si possible.
L’induction anesthésique est obtenue par l’injection intraveineuse
de thiopental (5 mg/kg), d’étomidate (0,3 à 0,4 mg/kg) ou de
propofol (2,5 mg/kg) associée à la succinylcholine (1 mg/kg).
La
manoeuvre de Sellick est pratiquée dès l’injection de l’hypnotique et
poursuivie jusqu’à l’inflation du ballonnet de la sonde d’intubation
en bonne place.
La prévention de la poussée hypertensive au cours
de l’induction anesthésique est réalisée par les médicaments
antihypertenseurs et les morphiniques.
Le traitement
antihypertenseur parentéral est poursuivi.
Des bolus intraveineux
de nicardipine sont injectés si la pression artérielle moyenne est
supérieure à 120 mmHg.
L’administration d’esmolol est
controversée pendant l’accouchement car elle a été rendue
responsable de bradycardies foetales et la lidocaïne peut
provoquer des hypertonies utérines.
Les doses utiles de
morphinique (sufentanil, 0,2 µg/kg ; alfentanil, de 10 à 20 µg/kg ;
rémifentanil, de 0,1 à 0,2 µg/kg/min), 3 minutes avant l’induction,
sont sans effet sur le foetus.
Il convient toutefois de prévenir le
pédiatre de cette injection, afin que la surveillance du nouveau-né
soit adaptée et l’administration de naloxone prévue dans
l’éventualité de pauses respiratoires du bébé.
Un déficit en pseudocholinestérases augmentant la sensibilité aux curares
dépolarisants n’a pas de traduction clinique.
L’entretien de l’anesthésie est assuré par un anesthésique halogéné.
Une concentration de 0,6 CAM d’isoflurane ou de sévoflurane
vaporisée par de l’oxygène pur est recommandée avant l’extraction
foetale.
Après l’extraction, l’administration de morphinique est
nécessaire et elle est éventuellement associée à des bolus de
nicardipine en fin d’intervention pour prévenir les à-coups
hypertensifs liés à l’extubation.
L’assistance ventilatoire est facilitée
par la curarisation (vécuronium, de 0,04 à 0,05 mg/kg ; rocuronium,
de 0,3 à 0,4 mg/kg ; atracurium, de 0,25 à 0,30 mg/kg) ; les
paramètres ventilatoires assurent une PETCO2 proche de 35 mmHg tandis que la FIO2 du mélange gazeux est supérieure ou égale à
50 %.
Un risque d’obstruction laryngée existe à l’extubation par
aggravation de l’oedème due à l’intubation trachéale.
La prévision
de cet accident justifie de vérifier que la patiente assure une partie
de sa ventilation autour de sa sonde d’intubation lorsque le
ballonnet de celle-ci est dégonflé pendant la phase d’éveil (cuff-leak
test).
Le sulfate de magnésium potentialise l’action des curares et
facilite l’hypotension sous anesthésie générale.
C’est également le
cas des inhibiteurs calciques, dont l’effet hypotenseur est plus net
en cas d’anesthésie avec le sévoflurane qu’avec l’isoflurane.
4- Analgésie postopératoire
:
Les modalités dépendent de la technique anesthésique : perfusion
d’une solution d’anesthésique local et de morphinique par le
cathéter péridural, injection intrathécale de 100 µg de morphine,
administration de morphine par voie sous-cutanée à la demande ou
intraveineuse contrôlée par la patiente.
Les anti-inflammatoires non
stéroïdiens améliorent l’analgésie, mais leur administration doit être
prudente en raison de la coagulopathie et de la néphropathie
latentes.
E - PRISE EN CHARGE MÉDICALE POST-PARTUM :
1- Risque
:
Le risque de complications de la prééclampsie persiste, voire se
majore dans les suites de l’accouchement.
Il est maximal au cours
des 3 premiers jours, mais des accidents ont été décrits jusqu’à la fin
de la première semaine.
Outre l’augmentation brutale du retour
veineux après la délivrance, il existe une augmentation du volume
sanguin circulant au cours du deuxième et du troisième jour suivant
l’accouchement par transfert de liquide de l’interstitium vers les
vaisseaux.
Ces phénomènes se traduisent par une élévation des
pressions de remplissage cardiaque et une réduction de la pression
oncotique.
Après une baisse transitoire de la pression artérielle au
cours des 12 premières heures du post-partum, celle-ci remonte
souvent à des chiffres élevés chez les femmes porteuses d’une
hypertension gravidique, augmentant ainsi la postcharge du
ventricule gauche.
Pendant cette période, le risque de défaillance
cardiaque avec oedème pulmonaire ou de crises d’éclampsie
(environ 14 % des éclampsies) est très grand, surtout si la femme
présentait des oedèmes volumineux et/ou si une expansion
volumique conséquente a été réalisée au moment de l’accouchement.
Ce risque est d’autant plus réel que la polyurie spontanée du postpartum
est parfois retardée au-delà de la vingt-quatrième heure.
L’oedème pulmonaire peut aussi traduire la décompensation d’une
cardiopathie liée à une hypertension artérielle chronique ou d’une
cardiomyopathie dilatée.
Dans de rares cas, la mobilisation
liquidienne vers le secteur vasculaire est retardée ; ce retard peut
conduire à une hypotension artérielle avec hyponatrémie sévère
évoquant une insuffisance surrénale.
Un syndrome HELLP est toujours possible au cours du postpartum
: 30 % de l’ensemble des syndromes apparaissent après
l’accouchement.
Le nadir de la thrombopénie constitutive d’un
syndrome HELLP ayant fait décider l’accouchement se situe à la
vingt-neuvième heure post-partum.
L’élévation de l’ASAT peut
durer 48 heures.
La corticothérapie peut accélérer la normalisation
des anomalies biologiques du syndrome HELLP (thrombopénie et
cytolyse hépatique) ; leur aggravation au-delà de la soixantedouzième
heure post-partum doit faire évoquer le diagnostic de
syndrome hémolytique urémique ou de purpura thrombotique
thrombocytopénique.
Une cholestase cytolytique succède
fréquemment à la cytolyse hépatique à partir du septième jour de la
période post-partum.
La guérison radiologique des hématomes
hépatiques survient au cours des 6 mois suivant l’accouchement.
2- Surveillance :
Elle est donc très attentive au cours de cette période.
Elle comporte
une surveillance clinique : prise de la pression artérielle toutes les
4 heures, recherche d’une dyspnée et des prodromes de convulsion,
mesure de la SpO2, surveillance de la diurèse et recherche de
protéinurie, dépistage d’une atonie utérine, détection d’un syndrome
hémorragique.
Une surveillance biologique et ultrasonore est
associée : examens hématologiques, fonctions hépatique et rénale,
échographies hépatiques répétées tant que le syndrome HELLP
s’aggrave ou s’il existe un hématome hépatique.
3- Traitement médical
:
Un bilan hydrique négatif doit être obtenu par la réduction des
apports liquidiens.
Les diurétiques peuvent être utilisés sans
hésitation au cours de cette période (furosémide, de 20 à 80 mg/j).
Le traitement antihypertenseur est adapté aux chiffres tensionnels et
à un éventuel allaitement.
La perfusion d’un médicament
antihypertenseur (labétalol, nicardipine), instituée au cours de la fin
de la grossesse ou du travail, est poursuivie pendant 24 heures avant
le relais par la voie orale.
L’utilisation des inhibiteurs calciques est
d’autant plus recommandée après l’accouchement qu’ils contribuent
à la levée du spasme vasculaire cérébral.
Si la mère allaite, le
traitement comporte surtout l’Aldomet 250t (de 1 000 à 1 500 mg/j).
Certains bêtabloquants, passant peu dans le lait maternel, peuvent
être utilisés, comme le propranolol et le labétalol.
La nifédipine serait
également utilisable en cours d’allaitement à une posologie
inférieure à 90 mg/j.
En cas d’hypertension artérielle sévère,
l’allaitement doit être interrompu pour permettre l’administration
de l’aténolol et de médicaments inhibiteurs de l’enzyme de
conversion.
La bromocriptine (Parlodelt) est contre-indiquée chez
la femme présentant une prééclampsie en raison du risque de
survenue de crise hypertensive, de convulsions, d’accidents
ischémiques cérébraux ou myocardiques.
La corticothérapie est recommandée face à l’apparition d’un
syndrome HELLP pour en accélérer la guérison.
La prévention du risque thromboembolique est importante chez les
femmes présentant une prééclampsie en raison du risque accru de
thromboses cérébrales ou périphériques, en particulier si la
protéinurie est massive, si une coagulopathie de consommation
existait au moment de l’accouchement, si le syndrome HELLP est
sévère ou si la femme présente une maladie thrombophilique.
Le
traitement préventif est commencé le plus tôt possible en fonction
de l’hémostase biologique ; il fait appel à une héparine calcique non
fractionnée ou à une héparine de bas poids moléculaire.
La
posologie et la durée du traitement sont adaptées en fonction du
terrain.
Il n’existe pas de recommandations sur la durée du
traitement préventif de la maladie thromboembolique ; une durée
minimale de 6 semaines est fréquemment proposée.
La contraception orale n’est contre-indiquée qu’en cas de lésion
hépatique attribuable au traitement oestroprogestatif et en cas de
thrombophilie.
À distance de l’accouchement, la protéinurie disparaît et la pression
artérielle se normalise dans un délai variable entre 2 jours et 3 mois.
Une surveillance hebdomadaire permet d’adapter le traitement
antihypertenseur.
F - SUIVI À LONG TERME
:
L’évolution cardiovasculaire de la mère à long terme varie en
fonction de la sévérité et de la précocité de la maladie.
Une
femme ayant présenté une prééclampsie précoce ou une
hypertension gravidique à chaque grossesse a un risque élevé de
développement d’une hypertension artérielle chronique.
1- Bilan maternel
:
Un bilan est souhaitable vers le troisième mois de la période postpartum,
à distance d’un éventuel accident thrombotique ou d’un
traitement oestroprogestatif.
Il recherche une thrombophilie par le
dosage de l’antithrombine III, des protéines C et S, de
l’homocystéine, et la recherche d’anticorps antiphospholipides et
anticardiolipides, d’une mutation du gène du facteur V (facteur V
Leyden), de la prothrombine G20210A, de la méthylènetétrahydrofolate
réductase en cas d’homocystéinémie élevée.
Une
maladie auto-immune doit être dépistée.
Une recherche de cause, en
particulier rénale, est nécessaire en face d’une hypertension artérielle
persistante.
Une biopsie rénale peut être nécessaire en présence
d’une albuminurie résiduelle au-delà du sixième mois ou en cas de
suspicion d’une maladie de système.
2- Prise en charge des grossesses ultérieures
:
Le risque de récidive dépend essentiellement de la précocité
d’apparition de la première prééclampsie et du terrain.
Le
développement précoce d’un syndrome HELLP (avant la 32e
semaine) permet de prédire une récidive dans 50 % des cas.
Un état thrombophilique, une hypertension artérielle chronique, une
néphropathie persistante sont autant de facteurs de récidive de la
prééclampsie.
Un suivi précoce d’une grossesse ultérieure est
nécessaire.
Un traitement préventif est proposé en début de
grossesse.
La positivité du bilan à la recherche d’une thrombophilie
impose l’administration d’une héparine de bas poids moléculaire
dès le premier trimestre.
La méta-analyse des essais
thérapeutiques comportant la prescription de faibles doses
d’aspirine ne permet pas de recommandations précises : une dose
quotidienne de 100 mg est justifiée dès le premier trimestre chez les
femmes ayant un antécédent de prééclampsie sévère ou de retard
de croissance in utero important.
Plus récemment, la prescription
de substances antioxydantes (vitamines C et E) pendant toute la
durée de la grossesse a été proposée.
Finalement, une
corticothérapie doit être discutée en présence d’une maladie
auto-immune.
Conclusion :
La prééclampsie est caractérisée par une grande variabilité
interindividuelle d’expression et une rapidité d’évolution vers des
complications potentiellement mortelles.
Le traitement médical doit être
adapté à chaque cas en fonction des modalités d’expression de la
maladie.
En cas d’apparition précoce de la maladie, la grossesse peut
parfois être prolongée en retardant l’accouchement, qui représente
néanmoins la seule modalité thérapeutique définitive.
Il est du devoir
des professionnels de santé de connaître les options thérapeutiques et les
limites d’une prise en charge qui ne serait ni multidisciplinaire, ni basée
sur une expérience quotidienne de la prééclampsie.
L’amélioration du
pronostic de la maladie repose sur les réseaux régionaux de soins
incluant des centres de référence et sur l’affinement des traitements :
limites et danger du remplissage vasculaire, prépondérance des
inhibiteurs calciques dans le traitement de l’hypertension artérielle,
efficacité des glucocorticoïdes face à la lésion endothéliale.
L’identification de tous les facteurs de risque, la découverte de
marqueurs précoces de la maladie et la recherche d’une prophylaxie
efficace sont les voies d’investigation du futur pour les équipes
spécialisées dans cette affection.