Prédisposition génétique à l’hépatotoxicité des médicaments Cours d'Hépatologie
Introduction
:
L’hépatotoxicité des médicaments est généralement imprévisible et
ne concerne qu’une faible proportion des patients exposés, même
lorsque le médicament en cause a été donné à la dose recommandée.
La fréquence de tels effets secondaires varie beaucoup :
de l’ordre
de 1 % pour l’isoniazide et la chlorpromazine, 1/10 000 avec
l’halothane et le kétoconazole, moins de 1/100 000 avec les
bêta-lactamines et moins de 1/1 000 000 pour les inhibiteurs de la
pompe à protons.
La plupart des médicaments étant
liposolubles, leur élimination nécessite des biotransformations
préalables en des métabolites plus hydrosolubles.
La plupart
des réactions de biotransformation sont effectuées dans le foie, en
particulier l’oxydation due aux cytochromes P450 (CYP) et diverses
conjugaisons : la N-acétylation, la sulfoconjugaison, la
glucuronoconjugaison, etc.
Les métabolites générés
par ces biotransformations sont généralement non toxiques.
Cependant, dans certains cas, les réactions faisant intervenir les CYP
peuvent entraîner la formation de métabolites réactifs toxiques.
Plus de 40 médicaments sont maintenant connus pour être
hépatotoxiques par l’intermédiaire d’un tel mécanisme, par exemple
le paracétamol, l’isoniazide, l’halothane et l’érythromycine.
L’hépatotoxicité
est généralement prévenue ou limitée par différents mécanismes de
protection ou de détoxication :
– l’inactivation des CYP par les métabolites réactifs eux-mêmes,
limitant ainsi leur production ;
– la conjugaison des métabolites réactifs à un détoxifiant, le
glutathion ;
– la transformation d’époxydes réactifs en des déhydrodiols stables
par les époxydes hydrolases ;
– la protection contre la peroxydation lipidique par la vitamine E,
la glutathion péroxydase et la catalase.
Tous ces systèmes de détoxication et de protection limitent ou
préviennent la fixation covalente des métabolites réactifs aux
constituants hépatiques, en particulier les protéines, les acides
nucléiques, les lipides insaturés ou les constituants des
mitochondries.
Les métabolites réactifs peuvent détruire les
hépatocytes soit en interférant avec l’homéostasie cellulaire, soit en
déclenchant des réactions immunologiques avec les métabolites
réactifs liés aux protéines de la membrane plasmique des
hépatocytes qui peuvent jouer le rôle d’haptène.
L’hépatotoxicité
peut survenir également par le déclenchement d’une destruction
programmée, l’apoptose par fragmentation des acides nucléiques du noyau.
Plus récemment enfin, il a été démontré que les altérations
du fonctionnement des mitochondries jouaient également un rôle
très important dans l’hépatotoxicité.
L’hépatotoxicité des médicaments peut être modulée par différents
facteurs thérapeutiques, physiologiques, nutritionnels, interférant
avec leur élimination, la formation des métabolites réactifs ou leur
détoxication.
L’accumulation de médicaments peut résulter
d’une inhibition métabolique causée par un médicament.
Par
exemple, la troléandomycine augmente fortement le risque de
cholestase avec contraceptifs oraux en inhibant les isoenzymes des
CYP 3A, la principale forme des CYP responsables de l’oxydation
des oestrogènes.
L’hépatotoxicité peut également être favorisée
par la formation accrue de métabolites réactifs due à une induction
des CYP.
Ainsi, la rifampicine induit les CYP 3A, favorisant la
transformation de l’isoniazide en métabolites toxiques.
De façon
analogue, la consommation excessive d’alcool augmente le risque
d’hépatotoxicité du paracétamol par induction du CYP 2E1,
impliqué dans la formation des métabolites réactifs du paracétamol.
L’hépatotoxicité peut aussi être facilitée par une altération des
mécanismes de détoxication et de protection.
La dénutrition diminue
la quantité de glutathion disponible dans le foie, favorisant ainsi la
toxicité du paracétamol.
Expérimentalement, chez les rongeurs,
la grossesse augmente également la toxicité du paracétamol en
diminuant le stock de glutathion disponible.
L’efficacité des systèmes de biotransformation et de détoxication, et
ainsi l’intensité de la réponse immunitaire, sont aussi influencées
par des variations génétiques qui peuvent par conséquent moduler
l’hépatotoxicité de certains médicaments.
Le but de cette
synthèse est d’analyser les exemples principaux illustrant
l’association entre pharmaco- et immunogénétique et l’hépatotoxicité
des médicaments.
Enzymes métabolisant
les médicaments :
A - CYTOCHROMES P450
:
Les CYP sont parmi les enzymes les plus efficaces de la détoxication.
Ils constituent une superfamille de gènes. On a identifié un
peu plus de 20 isoenzymes chez l’homme avec leur propre activité
catalytique et leur immunogénicité.
Certains d’entre eux
subissent de fortes variations génétiques, en particulier les sousfamilles
CYP 2D et CYP 2C.
1- CYP 2D6
:
Ce cytochrome est responsable du polymorphisme génétique de
nombreux médicaments comprenant plus de 25 agents
thérapeutiques très importants dont les bêta-bloqueurs, les
antidépresseurs tricycliques, la chlorpromazine et le maléate de
perhexilline.
Le gène est situé sur le chromosome 22 et la
transmission du déficit se fait sur le mode autosomique récessif.
Deux phénotypes ont été identifiés sur la base de l’oxydation de
la débrisoquine, du dextrométorphane et de la spartéine.
La
fréquence du déficit est généralement comprise entre 5 et 10 % dans
la plupart des populations, notamment en Europe et en France.
Ce polymorphisme génétique peut avoir des effets secondaires
sérieux, surtout chez les métaboliseurs faibles qui sont exposés à
des concentrations plasmatiques de médicaments plus élevées après
l’administration d’une dose standard.
On peut observer une hépatotoxicité accrue du maléate de perhexilline sous forme d’une
stéatohépatite pseudoalcoolique pouvant même conduire à une
cirrhose, en association à une phospholipidose.
Le déficit en CYP
2D6 est retrouvé, en effet, chez les trois quarts des patients
présentant une atteinte hépatique avec ce médicament.
Le
mécanisme proposé implique que chez les déficitaires la perhexilline
peut s’accumuler dans les hépatocytes, conduisant à une
phospholipidose, une production d’espèces réactives d’oxygène
accrue et la libération de cytokines aboutissant à la stéatohépatite.
Il faut cependant noter que cet exemple constitue plus l’exception
que la règle puisque plusieurs travaux ont montré que pour de
nombreux médicaments métabolisés par le CYP 2D6 il n’y avait pas
de corrélation entre génotype, phénotype et risque d’hépatotoxicité,
en particulier pour les antidépresseurs tricycliques tels que
l’amineptine et l’amitriptyline ou d’autres composés comme le
métoprolol, l’amodiaquine, l’halothane. Plusieurs allèles
déficients du CYP 2D6 ont été caractérisés.
Il existe plus de dix
mutants connus. La plupart des allèles variants causent une
diminution d’activité du CYP 2D6.
Les principaux d’entre eux, chez
les Blancs caucasiens, sont le CYP 2D6 4, (70 % des mutants
déficitaires), le CYP 2D6 5 (environ 15 %), le CYP 2D6 3 et CYP 2D6 7.
D’autres génotypes comme les CYP 2D6 8, 11 et 12 sont
défectifs et plus rares.
Chez les Japonais et les Coréens, les
principales formes déficitaires apparaissent être les génotypes CYP
2D6 10A et 10B.
À l’inverse, on note l’existence de supermétaboliseurs phénotypiquement.
Cela peut être soit lié à un
allèle particulièrement actif, le CYP 2D6 35, soit le fait d’une
répétition dans la séquence génétique du CYP 2D6.
Cela
pourrait conduire à une activation métabolique accrue.
Il n’est pas
encore établi que cela ait des conséquences sur le risque
d’hépatotoxicité.
Une telle hypothèse a été évoquée pour la
chlorpromazine il y a plus de 10 ans, mais de façon indirecte et sans
confirmation par des tests directs.
Le phénotype est pratiqué sur la base de l’oxydation de la débrisoquine, du dextrométorphane ou de la spartéine comme
médicaments-tests en analysant les urines après que les sujets ont
absorbé une dose standard de médicaments.
Le génotype peut
être déterminé sur l’analyse génomique à partir de lymphocytes.
2- CYP 2C19
:
Ce CYP fait aussi l’objet d’un déficit génétique transmis selon le
mode autosomique récessif.
La fréquence du déficit est de
l’ordre de 2 à 6% dans les populations caucasiennes et d’environ
20 % dans les populations asiatiques.
Ce polymorphisme implique le prototype, la 4-hydroxylation de S-méphénytoïne, ainsi
que celle de plusieurs médicaments couramment prescrits tels que
les benzodiazépines, certains bêta-bloqueurs comme le propranolol et
le labétolol, le nilutamide, l’acide tiénilique, les glucocorticoïdes, les
stéroïdes sexuels, le kétoconazole, l’oméprazole et la warfarine. Le gène du CYP 2C19 comprend au moins huit allèles.
L’allèle CYP 2C19 2 à l’état homozygote représente 88 % des
déficits observés chez les Blancs caucasiens.
Il est caractérisé par
une mutation G-A sur l’exon 5 qui produit une protéine tronquée et
inactive.
Les autres métaboliseurs faibles chez les Caucasiens sont
liés aux mutants plus rares CYP 2C19 4, 5, 6, 7 et 8.
Le
génotype peut être déterminé par une technique fondée sur
l’amplification génomique à partir de lymphocytes.
Le phénotype
peut être déterminé sur la capacité d’hydroxylation de la S-méphénytoïne.
Des travaux récents suggèrent que l’hépatotoxicité de l’Atriumt
(médicament comprenant une association de fébarbamate et de
difébarbamate) serait associée au déficit du CYP 2C19.
En effet,
chez trois patients ayant un antécédent d’hépatite à l’Atriumt, deux
se sont avérés déficitaires et le troisième était porteur d’un déficit
intermédiaire.
Ces résultats préliminaires nécessitent confirmation
par l’étude d’autres patients.
La molécule impliquée dans
l’hépatotoxicité de l’Atriumt n’a pas encore été identifiée.
La troglitazone est un nouvel antidiabétique oral.
Ce médicament
s’avère fréquemment hépatotoxique.
Cette hépatotoxicité apparaît
significativement influencée par le déficit en CYP 2C19 puisqu’on
retrouve le déficit chez 45,5 % des patients ayant une hépatite à la
troglitazone par comparaison à 13,3 % des patients prenant le
médicament, mais sans hépatite, et 18,8 % dans une population
témoin de référence.
* N-acétylation:
La N-acétylation est contrôlée par une perte d’allèles situés sur un
seul site génique, le déficit transmis sur le mode autosomique
récessif.
Ce déficit est lié à une anomalie génétique en N-acétyltransférase de type 2 (NAT2).
Les sujets homozygotes
pour le déficit NAT2 ont le phénotype acétyleur lent alors que les
sujets homozygotes sans le déficit ou n’ayant qu’un des deux allèles
(hétérozygotes) ont le phénotype acétyleur rapide.
L’expression de
NAT2 peut être déterminée par des techniques de génotypage à
partir de lymphocytes.
Outre l’allèle de référence correspondant au
phénotype acétyleur rapide, NAT2 4, il existe au moins 25 allèles
mutants.
Certains mutants n’ont pas de conséquence sur le
phénotype et la capacité d’acétylation. Le phénotype peut être
étudié à partir de l’acétylation de l’isoniazide, et plus couramment
maintenant de la caféine.
La prévalence du déficit
d’acétylation est fréquente dans de nombreuses populations
européennes et d’Amérique du Nord (de 40 à 70 %).
Il est
plus faible en Asie, où il est inférieur à 30 %.
Dans certains
groupes ethniques comme chez les Esquimaux, le déficit est presque
inexistant. Le déficit en NAT2 implique de nombreux médicaments
dont l’isoniazide, les sulfamides, la procaïnamide, l’hydralazine, la
dapsone, la phénelzine, l’acébutolol et la caféine.
Les
conséquences cliniques sont extrêmement variées.
Concernant
l’hépatotoxicité, il semble que celle des sulfamides soit favorisée par
ce type d’acétylation.
Dans une étude prospective, tous les
patients atteints d’hépatite aux sulfonamides étaient acétyleurs lents
(100 %) alors que, dans la population témoin, ce phénotype n’était
observé que chez 55 % des sujets.
Dans d’autres études, les
atteintes hépatiques et d’autres types d’hypersensibilité aux
sulfamides étaient aussi reliés au phénotype acétyleur lent. Le
rôle du déficit d’acétylation dans l’hépatotoxicité du sulfamide
pourrait être le suivant.
Dans ce cas, les sulfamides sont
métabolisés de façon préférentielle par une autre voie métabolique,
l’oxydation par des CYP.
Cela pourrait conduire à une formation
accrue de métabolites réactifs, en particulier des hydroxylamines qui
nécessitent une détoxication très active.
L’augmentation de ces
métabolites toxiques pourrait favoriser la survenue d’hépatites.
La
fréquence des hépatites aux sulfamides est de l’ordre de 1 % alors
que le phénotype acétyleur lent est de l’ordre de 50 %.
Cela montre qu’il n’est pas le seul facteur impliqué dans l’hépatotoxicité
de ces médicaments. Un déficit dans la capacité de détoxiquer les
métabolites réactifs pourrait également être en jeu.
En revanche,
ce déficit n’apparaît pas impliqué dans l’hépatotoxicité de
l’association sulfaméthoxazole-triméthoprime chez les patients coinfectés
par le virus de l’immunodéficience humaine.
De façon similaire, la capacité d’acétylation paraît influencer
l’hépatotoxicité de la dihydralazine.
Chez les acétyleurs rapides,
la dihydralazine est principalement détoxifiée par acétylation.
Chez
les acétyleurs lents, une plus grande fraction de médicaments est
oxydée par le CYP 1A2 en un métabolite réactif modifiant le CYP
1A de lui-même et conduisant ainsi à la formation d’anticorps anti-
CYP 1A2 et à une hépatite de type auto-immun.
* Sulfoxydation
:
Un déficit génétique en sulfoxydation a été décrit pour la
carbocystéine avec une distribution trimodale.
Environ deux tiers
des sujets sont décrits comme métaboliseurs actifs, 12 % comme
métaboliseurs intermédiaires et 22 % comme déficitaires.
Cette
distribution suggère une participation génétique avec une
transmission sur le mode autosomique partiellement récessif.
Cependant, la base génétique de ce déficit n’a pas été clairement
documentée. Elle reste donc sujet à caution.
Pour cette raison,
l’association qui a été décrite entre déficit en sulfoxydation et
hépatotoxicité de la chlorpromazine reste à prouver.
* Glutathion S-transférases
:
Cette famille multienzymatique fait l’objet de variations
génétiques. Le polymorphisme de la forme s a été impliqué dans
l’hépatotoxicité de la tacrine utilisée dans la maladie d’Alzheimer.
Cependant, cette association a été récemment remise en cause.
3- CYP 2C9
:
La relation entre les mutants du CYP 2C9 et l’hépatotoxicité du
diclofénac n’a pas été confirmée.
B - SYSTÈMES DE DÉTOXICATION
:
1- Test de toxicité médicamenteuse in vitro
:
L’efficacité des systèmes de détoxication et de protection contre les
métabolites réactifs peut être testée par un test de cytotoxicité in
vitro décrit par Spielberg.
Dans ce test, les lymphocytes sont
utilisés comme cellule cible et exposés à l’agression par des
métabolites réactifs produits par un système standardisé
d’oxydation comprenant des microsomes hépatiques de souris
induits par du phénobarbital, un système générateur de NADPH et
le médicament testé.
La capacité de détoxication et la susceptibilité
des cellules sont évaluées d’après le pourcentage de lymphocytes
détruits.
Le choix des lymphocytes comme cellules cibles est fondé
sur les considérations suivantes :
– les lymphocytes sont facilement disponibles ;
– ils contiennent les principaux systèmes de détoxication de
métabolites réactifs, en particulier les époxydes hydrolase, le
glutathion et les enzymes nécessaires à sa synthèse et à son action ;
– les lymphocytes ne contiennent pas de concentration de CYP
suffisante pour produire une quantité significative de métabolites
réactifs ; par conséquent, il est possible, avec des lymphocytes,
d’analyser sélectivement les capacités de détoxication cellulaire
après une exposition à des métabolites réactifs produits par des
microsomes.
Sur la base de
ce test, plusieurs études ont été réalisées pour détecter une
susceptibilité génétique à l’action de métabolites réactifs produits
à partir de médicaments mis en cause dans la survenue d’hépatites.
Le glutathion est un composé essentiel pour
la détoxication des métabolites réactifs car il les stabilise.
De plus, le
glutathion permet la limitation de la peroxydation lipidique.
Le glutathion est synthétisé à partir de la gammaglutamylcystéine et
de la glycine en présence de glutathion synthétase.
Cette biosynthèse
est réalisée dans de nombreuses cellules dont les hépatocytes et les
lymphocytes. Un déficit en glutathion synthétase est identifié chez
quelques sujets.
Ce déficit est transmis sur un mode
autosomique récessif.
Chez les sujets homozygotes pour le déficit,
l’activité de la glutathion synthétase est fortement diminuée et le
stock intracellulaire de glutathion est diminué de près de 90 %.
Les sujets déficitaires ont une maladie caractérisée par une
5-oxoprolinurie, une anémie hémolytique, une anomalie des
globules blancs et une acidose.
Chez les sujets hétérozygotes,
l’activité glutathion synthétase est diminuée de 50 %, la
concentration basale de glutathion est normale dans les conditions
basales et il n’y a pas de conséquences cliniques.
La prévalence des
sujets hétérozygotes pour ce déficit pourrait être de l’ordre de
1/10 000.
L’influence du déficit en glutathion synthétase sur
l’hépatotoxicité des médicaments a été analysée en utilisant le test
de cytotoxicité in vitro avec des lymphocytes.
En particulier, il a été
montré que les sujets déficitaires avaient une susceptibilité accrue
au paracétamol, au métronidazole, à la nitrofurantoïne.
2- Autres systèmes de détoxication encore non identifiés
:
Plusieurs autres types d’hépatites médicamenteuses paraissent
modulés par des variations génétiques dans la capacité de détoxifier les
métabolites réactifs et/ou à une susceptibilité cellulaire
constitutionnelle à ces métabolites.
Dans tous les cas, les
données reposent sur des études utilisant le test de cytotoxicité
médicamenteuse in vitro de Spielberg.
L’hépatotoxicité de ces trois médicaments pourrait mettre en jeu un
mécanisme commun, en particulier la production d’époxydes
toxiques.
Il a été postulé que le système de détoxication déficitaire
pourrait être une époxyde hydrolase microsomale.
Cette hypothèse
est compatible avec les résultats du test de toxicité in vitro puisqu’en
présence d’un inhibiteur d’époxyde hydrolase, le trichloropopène
oxyde, on observe une majoration de la toxicité.
Toutefois, des
études génomiques récentes n’ont pas confirmé d’anomalies de
l’époxyde hydrolase microsomale chez les patients ayant une
hépatite avec ces antiépileptiques.
Le mécanisme en cause dans la
toxicité de ces médicaments reste donc à élucider.
* Sulfamides :
Les lymphocytes de sujets présentant des antécédents d’hépatite aux
sulfamides ont une susceptibilité élevée aux métabolites réactifs
produits à partir de ces médicaments, en particulier les
hydroxylamines.
Cette susceptibilité est également retrouvée chez
certains parents directs des patients.
Ceci suggère donc la mise en
jeu d’un mécanisme génétique. Le mécanisme en cause n’est pas
déterminé.
* Halothane :
Cet anesthésique halogéné est fréquemment responsable d’atteintes
hépatiques cytolytiques avec une forte mortalité.
Un rôle génétique
est suggéré par l’observation d’hépatites à l’halothane chez plusieurs membres d’une même famille exposés à cette anesthésie.
La toxicité
de l’halothane est liée à la production d’un métabolite réactif trifluoroacétylé qui joue le rôle d’haptène en se fixant sur des
protéines hépatocytaires, déclenchant ainsi une réaction
immunologique.
Une susceptibilité accrue, particulièrement élevée,
a été retrouvée chez des sujets atteints d’hépatite à l’halothane en
utilisant le test de cytotoxicité in vitro de Spielberg. Le mécanisme
en cause reste encore inconnu.
* Amineptine :
Cet antidépresseur tricyclique qui induit des hépatites immunoallergiques est transformé par les CYP, notamment de la
famille 3A, en métabolites réactifs.
Une prédisposition génétique à
l’hépatotoxicité de ce médicament est suggérée par l’observation de
cas familiaux.
Une susceptibilité accrue aux métabolites réactifs de
ce médicament a été mise en évidence par le test de Spielberg.
Le
mécanisme en cause reste inconnu.
C - MODULATION IMMUNOLOGIQUE
:
De très nombreuses hépatites médicamenteuses sont associées à des
signes d’hypersensibilité en faveur d’un mécanisme immunoallergique.
Les molécules human leukocyte antigen (HLA) de
classes I et II participent à la présentation des antigènes peptidiques,
aux cellules immunologiques et à la régulation de la réponse
immunitaire.
L’expression des cellules HLA étant génétiquement
polymorphe, il est concevable que certains haplotypes HLA puissent
moduler l’hépatotoxicité.
Plusieurs exemples suggèrent en effet
une association entre expression HLA et hépatotoxicité médicamenteuse.
Dans une étude récente chez 71
patients, HLA11 était deux fois plus fréquent que dans le groupe
contrôle (22 % versus 12 %) et était présent chez 60 % des patients
avec une hépatite aux antidépresseurs tricycliques et chez 75 % des
patients avec une hépatite au diclofénac comparé à 12 % pour les contrôles.
HLA DR6 était présent chez 80 % des
patients avec une hépatite à la chlorpromazine comparé à 22 % chez
les contrôles.
Il existe également une forte corrélation entre HLA
DRB1-1501 et l’hépatotoxicité de l’association amoxicilline-acide
clavulanique.
Conclusion
:
Ces données montrent que l’hépatotoxicité des médicaments est,
dans certains cas, influencée par des facteurs génétiques intervenant
dans le métabolisme médicamenteux ou dans les capacités de
détoxication des métabolites produits ; dans certains cas
(perhexilline, sulfamides), les mécanismes compliqués ont été
clairement identifiés (CYP 2D6, NAT2) et le déficit métabolique
peut être facilement identifié par des techniques de génotypage ou de
phénotypage.
Dans d’autres cas, comme la troglitazone ou
l’Atriumt, il existe une forte suspicion du rôle du CYP 2C19.
Ces
données doivent être néanmoins confirmées.
Dans d’autres cas
comme la chlorpromazine, le rôle de la sulfoxydation nécessite d’être
complètement revu sur la base de méthodes analytiques indiscutables
pour le génotype et le phénotype.
Un déficit constitutionnel dans la capacité de détoxication est suggéré par plusieurs exemples
tels que les antiépileptiques, l’halothane, les sulfamides et
l’amineptine.
Le mécanisme en jeu reste inconnu au niveau
moléculaire.
On note que le système immunitaire, en particulier
l’expression du système HLA, paraît moduler l’hépatotoxicité de
certains médicaments.
On peut noter enfin que pour certains
médicaments la génétique peut jouer à différents niveaux.
Ainsi,
pour les sulfamides, la toxicité survient préférentiellement chez les
sujets ayant un déficit en NAT2 et, en plus, une susceptibilité accrue vis-à-vis des métabolites réactifs toxiques produits par une autre voie
métabolique.
Les progrès dans la génétique moléculaire devraient permettre de
mieux comprendre le rôle de la génétique dans l’hépatotoxicité des
médicaments et d’apporter des mesures préventives en testant les
patients avant la mise en route des traitements.
Dans une ère
relativement proche, on peut espérer disposer d’une cartographie
génétique des principales réactions métaboliques avec des tests faciles
à réaliser grâce aux progrès de la génomique.