Ponction-biopsie hépatique : technique, incidents, accidents Cours d'Hépatologie
Introduction
:
Les progrès réalisés en matière d’exploration biologique,
immunologique, génétique, morphologique ont sensiblement
modifié la démarche diagnostique en hépatologie.
Cependant,
l’étude anatomopathologique d’un fragment de parenchyme
hépatique obtenu par ponction-biopsie hépatique (PBH) demeure un
moyen d’exploration précieux, déterminant dans l’approche
diagnostique, pronostique, et pour la surveillance.
La ponction transpariétale à l’aveugle développée par Menghini
reste la technique de référence.
Une enquête française récente a
cependant montré que 53 % des PBH transpariétales réalisées pour
une hépatopathie diffuse étaient effectuées avec une aide
échographique (repérage ou guidage).
La PBH est un geste
invasif.
Il est probable, mais non démontré, que l’échoguidage
diminue le risque de complication grave.
En fait, le bénéfice de
l’échoguidage en termes d’efficacité, de morbidité, de mortalité et
de coût fait l’objet de controverse.
Les indications de la PBH doivent être bien codifiées et le geste confié à un opérateur
entraîné car les incidents et accidents de cette technique, même s’ils
sont rares, sont à connaître.
Lorsqu’il existe des contre-indications à
une ponction transcutanée, un fragment hépatique peut être obtenu
par voie transveineuse.
Cette technique, réalisée dans des centres
spécialisés, nécessite un opérateur et un anatomopathologiste
confirmés.
Ponction-biopsie hépatique
transpariétale :
A -
MATÉRIEL :
1- Aiguille à aspiration
:
On distingue les aiguilles à aspiration de type Menghini, les plus
utilisées en France.
Il s’agit d’un dispositif comprenant une aiguille mandrin creuse dont l’extrémité, biseautée à 45°, est
tranchante.
Il en existe de différents diamètres (diamètre
externe/interne : 1,2/1,0 ; 1,4/1,2 ; 1,6/1,4 ; 1,8/1,6 mm)
correspondant respectivement à 18, 17, 16, 15 G (Hépafixt).
L’aiguille
permet l’excision et constitue le réceptacle pour le fragment de
parenchyme.
La carotte est maintenue dans le corps de l’aiguille par
aspiration.
Pour ce faire, l’aiguille est montée sur une seringue de
10 mL contenant 2 à 3mL de sérum physiologique.
Les seringues
actuelles comportent un loquet d’arrêt permettant un blocage du
piston en aspiration, ce qui facilite et limite les manipulations. Le
loquet est mis en oeuvre au moment où l’aiguille est en contact avec
la capsule de Glisson.
Ce type d’aiguille permet l’obtention d’une
carotte de 2 à 2,5 cm, mais a l’inconvénient de fournir parfois des
fragments exigus et morcelés.
2- Aiguille à excision
:
Les aiguilles à excision type Tru-cutt permettent l’obtention d’un
fragment sans aspiration.
Elles sont constituées d’un mandrin
biseauté muni d’une gorge correspondant à la chambre de réception.
Sur le mandrin coulisse une aiguille creuse à extrémité tranchante
jouant le rôle d’une guillotine.
3- Système automatique
:
Plus récemment, des systèmes de prélèvement automatiques ont été
évalués (ASAP Microvasivet).
Le principe est celui d’une aiguille de
type Tru-cutt montée sur une poignée, comprenant un système de
déclenchement automatique du mandrin et de la guillotine grâce à
la libération de l’énergie emmagasinée par un ressort bandé.
Ce
système simplifie les manipulations.
L’opérateur arme le dispositif
avant la pénétration de l’aiguille.
Lorsqu’il est au contact de la
capsule de Glisson, il le déclenche en actionnant une détente.
Ce
système assure une pénétration quasi instantanée de l’aiguille dans
le parenchyme hépatique, la longueur de l’aiguille pénétrant dans le
foie est de 2,5 cm.
Le choix de la taille de l’aiguille est un compromis entre la rentabilité
du prélèvement et le risque de complications, en particulier
hémorragiques.
Les résultats sont discordants, concernant le
risque accru de complications hémorragiques avec les aiguilles de
gros calibre.
L’utilisation d’aiguilles fines nécessite plus
souvent un second passage.
Le compromis idéal semble obtenu
avec une aiguille de 18 G.
Les aiguilles de type Tru-cutt semblent
plus traumatiques et à l’origine de plus de complications.
Toutefois, une étude randomisée a montré, sur un effectif de
1 192 malades, que la douleur n’était pas significativement plus
fréquente par rapport à une aiguille de type Menghini (4,1 versus
6,1 %) ; que la fréquence des complications sévères était
superposable dans les deux groupes ; enfin, que la rentabilité pour
le diagnostic de cirrhose était supérieure.
4- Ponction guidée
:
Les ponctions de lésions focales guidées par échographie ou
tomodensitométrie (TDM) peuvent utiliser des aiguilles analogues à
celles utilisées pour les biopsies à l’aveugle ou un système
automatique comprenant une aiguille type Tru-cutt et une aiguille
creuse coaxiale qui assure le trajet jusqu’à la lésion et permet un
prélèvement directement à son niveau.
Certains auteurs préfèrent
utiliser des aiguilles fines à aspiration type Chiba de 23 G à 21 G.
Ce type d’aiguille permet une étude cytologique parfois suffisante
lorsqu’il s’agit d’une lésion secondaire.
Cependant, une aiguille
de plus gros calibre (18 G) ne semble pas majorer le risque de
complications hémorragiques et surtout permet une étude
histologique.
B - INDICATIONS
:
Depuis quelques années, on assiste à une modification des
indications de la PBH.
Dans bon nombre de cas, le diagnostic
étiologique et lésionnel d’une hépatopathie peut être établi sur la confrontation des résultats des examens cliniques, biochimiques,
sérologiques, immunologiques et iconographiques.
La PBH
est un examen invasif, non dénué de complications.
Elle demeure le
moyen d’exploration ultime en hépatologie.
Les règles rapportées
par Martin et al il y a quelques années sont toujours d’actualité.
La PBH ne doit pas être réalisée en première intention.
L’indication
doit être posée avec soin en mesurant les risques encourus et le
bénéfice attendu.
Elle n’a pas d’indication si les renseignements
qu’elle apporte n’influencent en rien l’attitude thérapeutique ainsi
que le profil de surveillance, ou s’ils peuvent être obtenus par
d’autres moyens moins agressifs.
C
- CONTRE-INDICATIONS :
1- Contre-indications générales
:
Les contre-indications générales sont liées avant tout aux troubles
de l’hémostase.
Les critères autorisant la réalisation d’une PBH
varient sensiblement en fonction des équipes.
Un taux de
prothrombine supérieur à 70 ou 60 %, voire même à 50 %, est admis.
Le taux minimal de plaquettes oscille, suivant les centres,
entre 50 et 100 G/L.
Certains requièrent un taux de
fibrinogène supérieur à 1,5 g/L, un temps de céphaline activé
inférieur à 36 secondes ou à 1,5 fois le témoin.
Le temps de
lyse des euglobulines est testé par certaines équipes pour rechercher
une fibrinolyse lorsque le diagnostic de cirrhose est suspecté.
Le
temps de saignement, qui a l’avantage de dépister des thrombopathies congénitales ou acquises chez des malades ayant
un taux de plaquettes normal, n’est effectué que dans 25 % des
cas.
Une étude récente a montré qu’un allongement du temps de
saignement multipliait par cinq le risque de saignement.
Le risque
hémorragique est majoré lorsque la biopsie est réalisée pour un
processus néoplasique (14 versus 0,8 %) et chez des malades âgés.
Les autres contre-indications générales sont constituées par
l’agitation ou la non-coopération des patients pour lesquelles une
anesthésie générale peut être justifiée.
L’amylose peut être
considérée comme une contre-indication relative.
Même si
l’atteinte hépatique est constante, la rentabilité diagnostique de
la PBH transpariétale n’atteint pas 100 %.
Le risque hémorragique
de la PBH transpariétale au cours de l’amylose est multiplié par
25 et des complications graves ont été rapportées.
Lorsqu’une
amylose est suspectée devant certains signes cliniques et
biologiques, il est préférable d’apporter la preuve histologique
par des prélèvements moins risqués ou d’avoir recours à une
biopsie par voie transjugulaire.
2- Contre-indications locales
:
Les contre-indications locales absolues sont représentées par
l’infection, la dilatation des voies biliaires et le kyste hydatique.
L’ascite constitue une contre-indication relative,
l’assèchement étant nécessaire avant la réalisation d’une PBH par
voie transpariétale, sinon le geste peut être réalisé par voie
transjugulaire.
L’emphysème pulmonaire est une contre-indication
classique, en raison du risque accru de pneumothorax grave.
Elle
peut être relativisée lorsque le geste est effectué sous contrôle
échographique.
Il en est de même pour une lésion intraparenchymateuse hypervascularisée.
3- Malades sous anticoagulant
:
Un traitement antiagrégant doit être arrêté au moins 10 jours avant
le geste.
Chez un malade sous anticoagulant oral,
l’héparinothérapie ne doit pas être reprise moins de 72 heures après
la ponction.
Si aucun signe hémorragique n’est mis en évidence, le
traitement anticoagulant oral peut être réinstauré 48 à 72 heures plus
tard.
D - TECHNIQUE
:
1- Prémédication
:
Une prémédication visant à diminuer l’anxiété et/ou à prévenir des
manifestations vagales est parfois réalisée.
Elle utilise une benzodiazépine et/ou de l’atropine dans respectivement 30 et 16 %
des cas.
Cette attitude ne semble pas diminuer l’anxiété vis-à-vis
du geste.
Elle est faible chez 36 % des malades et importante chez
15 % d’entre eux.
Une étude prospective a montré que l’utilisation
de midazolam diminuait de façon significative l’anxiété et la
perception d’inconfort.
En entraînant une amnésie partielle, elle
favorisait, sans que cela soit significatif, l’acceptabilité vis-à-vis d’une
biopsie ultérieure.
L’acceptabilité semble meilleure lorsque la PBH
est réalisée en hôpital de jour.
L’information du patient
concernant l’intérêt et les risques de la PBH, au mieux réalisée par
un formulaire de consentement, ne semble pas majorer l’anxiété.
2- Ponction-biopsie
hépatique à l’aveugle :
Elle s’effectue
au lit du malade.
Ce dernier est
en décubitus dorsal, à plat, la main droite sous la tête. Le choix
du point de ponction s’effectue après la palpation et la percussion
qui repèrent les bords inférieur et supérieur du foie ; il se situe
sur la ligne axillaire moyenne droite au niveau du huitième au
dixième espace intercostal.
Après une désinfection large à la polyvidone iodée, une
anesthésie locale avec 5 à 10mL de lidocaïne à 1 % est effectuée plan par plan avec une aiguille intramusculaire.
L’injection est faite en
longeant le bord supérieur de la côte inférieure pour éviter de
blesser l’artère intercostale.
La capsule de Glisson est repérée grâce
à une sensation de crissement.
Une incision cutanée punctiforme au
bistouri facilite l’introduction de l’aiguille de Menghini montée sur
une seringue contenant 2 mL d’eau stérile.
La ponction proprement
dite s’effectue, le malade en apnée expiratoire, d’un geste rapide, en
appliquant une aspiration à la seringue.
Le trajet de l’aiguille est
perpendiculaire à la paroi et suit le trajet de l’anesthésie, légèrement
oblique vers la tête du malade pour éviter la vésicule.
En cas d’échec
ou de prélèvement insuffisant, un second passage peut être réalisé.
L’examen macroscopique du fragment non fixé peut fournir des
renseignements.
Ainsi, un foie normal apparaît homogène et de
couleur chocolat.
Une couleur verte évoque une cholestase. Une
couleur jaune suggère une stéatose.
La fragmentation du
prélèvement évoque une fibrose.
Le fragment recueilli est placé dans un flacon de fixateur puis transmis au laboratoire d’anatomopathologie avec une fiche de
renseignements cliniques qui précise les résultats attendus par
l’examen.
Un pansement sec est placé sur le point de ponction. Le malade est
mis en décubitus latéral gauche pendant une demi-heure et reste
alité pendant 6 heures.
Le pouls et la pression artérielle sont surveillés toutes les demiheures
pendant 2 heures, puis toutes les heures pendant 6 heures,
puis toutes les 3 heures jusqu’au lendemain matin.
Si le malade
remplit les conditions permettant un geste ambulatoire, la sortie est
autorisée après une surveillance minimale de 6 heures.
3- Ponction-biopsie hépatique guidée
:
La technique est identique, le repérage échographique du point de
ponction est simplement réalisé juste avant le geste.
Le site du point
de ponction (voie antérieure sous-costale, voie intercostale axillaire,
lobe gauche) ainsi que la direction sont établis après repérage des
structures vasculaires, biliaires et du « cul-de-sac » pleural.
L’échoguidage en temps réel avec ou sans adaptateur de ponction
est utile pour ponctionner une lésion focale visualisant le trajet de
l’aiguille et permettant de repérer les structures à traverser et à éviter.
L’intérêt du doppler couleur dans le cadre de la PBH
échoguidée n’a pas été évalué de façon satisfaisante.
La ponction guidée sous scanner repose sur le même principe.
Elle
est intéressante pour les lésions de petite taille, lorsque le malade
est peu échogène ou que la lésion est difficilement identifiable en
échographie.
Elle nécessite souvent plusieurs coupes TDM pour
déterminer le meilleur angle.
E - MOYENS D’ÉTUDES
D’UNE PONCTION-BIOPSIE HÉPATIQUE :
En fonction du ou des diagnostics suspectés, la biopsie peut faire
l’objet d’études particulières : cytologique (appositions),
histologique, bactériologique, biochimique, ultrastructurale,
cytogénétique, biologie moléculaire.
Selon la technique utilisée, le
laboratoire a recours à du matériel frais, fixé ou acheminé dans un
milieu nutritif.
L’étude en histologie conventionnelle apporte le plus de
renseignements.
Elle nécessite une fixation de qualité, le meilleur
fixateur étant celui qui permet une étude morphologique
satisfaisante tout en préservant un éventuel recours aux techniques
spéciales (histochimie, immunohistochimie, biologie moléculaire).
Le formol est certainement le fixateur le plus utilisé car il offre un
bon compromis entre histologie conventionnelle et techniques
spéciales, même s’il est un peu moins bon pour ces dernières.
L’acide acétique-formol-alcool (AFA), lui, est certainement préférable
car bon dans les deux cas.
Une bonne fixation doit être courte et réalisée sans délai : 4 heures
suffisent car, au-delà, le prélèvement durcit et devient difficile à
couper au microtome.
À partir de 2 à 3 jours, la surfixation entraîne
des artefacts.
F - COMPLICATIONS
:
1- Incidents
:
On peut définir les incidents comme une complication mineure sans
gravité et n’imposant pas d’hospitalisation, mais affectant le confort
du malade dans les suites immédiates de la PBH.
* Douleur :
Une douleur épigastrique peut être ressentie au moment de la
ponction, irradiant parfois vers la région scapulaire droite.
La
douleur est présente dans 20 à 50 % des cas.
Elle est plus
souvent transitoire et soulagée par des antalgiques simples, type
paracétamol.
Dans 3 à 40% des cas, elle est intense et nécessite
le recours à des antalgiques majeurs.
Dans 1 à 3% des cas, elle
persiste plus de 3 heures ou est associée à une hypotension artérielle, et justifie alors des explorations complémentaires à la recherche
d’une complication hémorragique.
Elle n’est pas
influencée par la voie d’abord ou par une éventuelle prémédication,
elle est diminuée avec l’expérience de l’opérateur.
Elle est plus fréquente
chez la femme, chez les malades jeunes, lorsqu’il y a plusieurs
passages et qu’il s’agit d’une infection par le virus de l’hépatite C
(VHC).
L’échoguidage
diminue de façon significative la fréquence des douleurs, de même que l’utilisation de
systèmes de biopsie automatiques.
* Réaction vagale
:
Elle est rare (0,4 %), évoquée devant une pâleur, des sueurs, une
hypotension puis une tachycardie dans les suites immédiates de la PBH ; elle peut être prévenue et traitée par l’injection sous-cutanée
de 0,25 mg d’atropine.
2- Accidents
:
L’accident peut se définir comme une complication majeure
justifiant une hospitalisation et éventuellement des soins spécifiques.
La morbidité est faible, entre 0,3 et 0,5 % dans les séries anciennes
de ponctions réalisées à l’aveugle.
Dans la série de Piccino, 61 % des complications surviennent dans
les 2 premières heures qui suivent le geste, 82 % dans les
10 premières heures et 96 % dans les 24 premières heures.
Elles
apparaissent toutes dans les 3 premières heures dans la série plus
modeste de Janes.
* Hémorragie :
Les complications hémorragiques sont les plus fréquentes, bien que
rares (1,2 à 1,7 %).
Elles ne semblent pas plus fréquentes chez
les malades transplantés.
·
+ Hémopéritoine
:
L’hémopéritoine constitue la principale cause de mortalité qui reste
faible (entre 0,13 et 0,05 %).
Évident devant une douleur
abdominale persistante, une pâleur cutanéomuqueuse, une
tachycardie, une matité des flancs, il doit être aussi évoqué devant
une hypotension artérielle persistante.
Il nécessite une transfusion
sanguine dans 40 % des cas et plus rarement un geste
chirurgical correspondant soit à une hémostase directe, soit à une
hépatectomie segmentaire.
Il s’agit d’une chirurgie difficile et la
récidive hémorragique nécessitant une reprise chirurgicale n’est pas
rare.
+ Hémothorax :
L’hémothorax est une complication rare, mais parfois mortelle.
Dans une série concernant des PBH réalisées chez 919 malades
transplantés hépatiques, cette complication s’est produite chez
quatre malades et a nécessité une thoracotomie dans deux cas.
+ Hématome intrahépatique et sous-capsulaire
:
Les hématomes intrahépatiques sont plus fréquents que les
hématomes sous-capsulaires.
L’incidence de cette complication est
très variable suivant les auteurs, allant de 18,3 à 23 % avec
l’utilisation d’une aiguille Tru-cutt à 2,3 % avec l’utilisation
d’une aiguille de type Menghini.
Sur une série de 181 malades, Sbolli n’a observé aucun hématome intrahépatique en utilisant une
aiguille de type Menghini.
Cette complication est certainement
sous-estimée en pratique courante, mais sans conséquence pratique
car les hématomes sont souvent de petite taille, moins de 2 cm de
diamètre, asymptomatiques et spontanément résolutifs, dans la
majeure partie des cas, en moins de 7 jours.
Plus rarement, des
signes échographiques peuvent être observés après plusieurs mois ; sur le plan échographique, ils se présentent sous la forme de
plage plus ou moins régulière, hyperéchogène ou hypoéchogène en
fonction de l’évolution.
De façon exceptionnelle, ils peuvent être
volumineux, à l’origine de douleur de l’hypocondre droit, de fièvre,
de perturbation des tests hépatiques, d’une hémobilie ou d’une
hémorragie intrapéritonéale parfois retardée de plusieurs jours.
+ Hémobilie :
Elle est la conséquence de la rupture d’un pseudoanévrisme de
l’artère hépatique ou d’un hématome intrahépatique au niveau
des voies biliaires.
Elle peut être symptomatique après un délai
de quelques jours ou semaines par rapport à la PBH.
Elle
doit être évoquée devant une douleur biliaire, un ictère, un méléna,
un tableau de pancréatite ou de cholécystite aiguë.
Le
diagnostic et le traitement sont réalisés grâce à une artériographie
hépatique qui objective un pseudoanévrisme et permet une
embolisation sélective.
* Fistules
:
+ Fistule artérioveineuse
:
Les fistules artérioportales sont fréquentes mais le plus souvent
asymptomatiques et se ferment spontanément.
Le diagnostic peut
être porté par échodoppler.
Elles sont rarement responsables
d’une hypertension portale, mais plusieurs cas d’hémorragie digestive par rupture de varice oesophagienne ont été rapportés.
Un cas d’hémopéritoine d’évolution dramatique en rapport avec une
fistule artério-porto-péritonéale a été décrit.
Elles peuvent être
responsables d’hémobilie retardée.
+ Fistule biliopleurale
:
Elles sont favorisées par une dilatation des voies biliaires.
De rares
cas de fistules biliopleurales ont été décrits au décours d’une
ponction hépatique alors qu’il n’y avait pas de dilatation des voies
biliaires intrahépatiques et que l’aiguille utilisée était fine.
+ Fistule veinobiliaire
:
Un cas de fistule veinobiliaire a été rapporté après PBH chez un
patient porteur d’un cavernome portal.
La symptomatologie a
débuté 48 heures après le geste sous la forme d’un ictère nu.
Le
diagnostic a été porté par la cholangiographie rétrograde qui a
objectivé une communication entre une branche périphérique du
canal biliaire droit et une veine.
L’évolution a été favorable en
10 jours, après la pose d’un drain nasobiliaire, avec tarissement de
la fistule à la cholangiographie de contrôle.
* Ponction d’organe de voisinage
:
La ponction d’un organe de voisinage est une complication
relativement rare dans les grandes séries de PBH réalisées à
l’aveugle.
La ponction accidentelle de l’intestin grêle, de la
surrénale, du côlon, du rein, du pancréas est en général sans
conséquence et reconnue à l’examen histologique du matériel
prélevé.
Dans les séries plus récentes de PBH échoguidées, le
risque de ponction d’un organe de voisinage est quasi nul.
* Ponction de la vésicule biliaire
:
Cette complication est évoquée devant une douleur abdominale
intense et une hypotension artérielle au décours immédiat de la PBH.
La ponction de la vésicule ou d’une voie biliaire dilatée peut
être à l’origine d’un épanchement bilieux intrapéritonéal et d’une
péritonite biliaire parfois mortelle. Un traitement médical
(antibiotique et antalgique) peut être suffisant ; plus rarement, on
peut avoir recours à un geste chirurgical.
*
Pneumothorax :
Le risque de pneumothorax est inférieur à 1 % pour les ponctions à
l’aveugle.
Le plus souvent, le malade est asymptomatique ;
exceptionnellement, le pneumothorax peut être suffocant ou à
l’origine d’un décès. Le risque est important en cas d’emphysème
pulmonaire, il est diminué lorsque le geste est échoguidé.
* Rupture d’aiguille
:
La rupture d’une aiguille au cours d’une PBH est une complication
anecdotique décrite à quatre reprises avec des aiguilles de Menghini
dans la série de Piccino.
Un cas d’emphysème sous-cutané a été
décrit dans cette même série.
* Complications septiques
:
Les complications septiques sont toutes aussi rares, de fréquence
inférieure à 0,01/1 000 Un cas de décès dans un tableau de
septicémie 48 heures après une PBH a été rapporté.
Les
complications septiques semblent plus fréquentes (0,6 %) quand la PBH est réalisée dans les suites d’une transplantation hépatique,
surtout chez les malades présentant des anomalies des voies biliaires
ou une anastomose cholédocojéjunale qui semble plus à risque
qu’une anastomose cholédococholédocienne.
* Dissémination de cellules néoplasiques sur le trajet de ponction
:
Il s’agit d’une complication rare, mais bien documentée.
La
fréquence varie entre 1/1 000 et 2,66 %.
Le passage à travers
une bande de parenchyme hépatique non tumoral d’au moins 1 cm
d’épaisseur semble diminuer le risque.
Les aiguilles de gros diamètre seraient un facteur favorisant, mais une dissémination
peut se voir après utilisation d’une aiguille fine et passage à travers
du parenchyme sain.
G - PONCTION-BIOPSIE EN AMBULATOIRE
:
Les complications sont suffisamment rares pour justifier, sous
certaines conditions, la réalisation de la PBH en ambulatoire. Contrairement à la pratique anglo-saxonne ou espagnole, l’attitude en France reste classique, la PBH est réalisée en
ambulatoire dans 27 % des cas le plus souvent pour une infection
virale C.
Plusieurs équipes ont montré que la PBH ambulatoire
n’était pas grevée d’une mortalité ou d’une morbidité supérieure.
La morbidité avant 6 heures est de 5,2 %, une
hospitalisation prolongée est nécessaire dans 1,9 à 4,4 %.
Une hospitalisation après retour à domicile est observée dans
0,08 %.
Il s’agit le plus souvent d’une douleur persistante (38 %)
ou d’une hypotension persistante (38 %), parfois des deux (8 %),
plus rarement de signes d’irritation péritonéale (8 %).
L’ensemble
des manifestations apparaissent précocement dans les 3 heures qui
suivent le geste.
Une étude échographique a montré que le repos
au lit pendant 24 heures versus 6 heures ne diminuait pas l’incidence
des hématomes intrahépatiques ou sous-capsulaires.
Cependant, le risque de complications doit toujours être envisagé et
la PBH ne peut être réalisée qu’à certaines conditions.
Elle
doit être réservée aux hépatopathies diffuses, cirrhose exclue.
Lorsque le geste s’est effectué sans difficulté, la sortie peut être
autorisée 6 heures après la PBH :
– si le patient, parfaitement informé, est asymptomatique ;
– s’il ne présente pas de maladie associée pouvant augmenter le
risque ;
– s’il est domicilié à moins de 30 minutes de l’hôpital ;
– s’il peut être surveillé par un proche jusqu’au lendemain matin.
H - COÛT :
Aucune étude française n’a évalué le surcoût occasionné lorsque la PBH est réalisée sous contrôle échographique. Deux études anglosaxonnes
ont montré qu’il n’était pas majeur.
Le bénéfice
attendu en termes de morbidité existe en ce qui concerne la douleur,
mais reste minime pour les complications graves et la mortalité
compte tenu de leur rareté.
Seule une étude sur un très large
effectif permettrait d’apporter la réponse.
D’autres éléments sont à prendre en compte dans le choix de la
technique, à savoir la disponibilité du matériel, la compétence de
l’opérateur.
En fait, la meilleure technique est certainement celle que
possède un opérateur expérimenté qui pratique des PBH
régulièrement.
Ponction-biopsie hépatique
transveineuse par voie jugulaire
:
Le cathétérisme veineux transjugulaire présente en hépatologie un
triple intérêt.
Cet abord vasculaire permet la mesure des pressions
veineuses sus-hépatiques, le prélèvement de tissu hépatique et
autorise la mise en place de prothèses vasculaires intrahépatiques.
La PBH transveineuse par voie jugulaire combine une quasi-absence
de contre-indications et une bonne tolérance, ce qui en fait une
technique sûre, désormais éprouvée.
Les troubles de
l’hémostase en constituent tout naturellement la première
indication, puisque le prélèvement hépatique est ici effectué sans
traverser la capsule de Glisson.
L’amélioration technique continue
des matériels et de la procédure va probablement
progressivement repousser la principale limite de cette technique, à
savoir l’insuffisance des prélèvements biopsiques surtout observée
dans la fibrose hépatique.
A - MATÉRIEL
:
L’aiguille de Ross modifiée a été initialement utilisée. D’une
longueur totale de 55 cm, elle présentait un diamètre de 1,66 mm et
une extrémité courbée dépassant de 5 cm l’extrémité du cathéter,
avec un biseau placé vers la convexité de la courbe distale de
l’aiguille pour limiter les risques d’effraction du cathéter.
Diverses
modifications ont été proposées afin d’obtenir une maniabilité plus
aisée et une diminution des risques de fragmentation du
prélèvement hépatique : aiguille avec un stylet intérieur type Menghini, biseau plus tangentiel ou inversé, aiguille à excision
avec chambre à guillotine.
Des dispositifs automatisés, à usage
unique, sont maintenant disponibles.
L’automatisation
présente de multiples avantages : raccourcissement du temps de
procédure, geste plus accessible pour des opérateurs non entraînés,
recueil aisé du fragment biopsié, diminution du nombre de
passages.
B - TECHNIQUE
:
L’examen est réalisé dans une salle de radiologie équipée d’une
fluoroscopie.
La méthode, habituellement indolore, ne nécessite pas
de prémédication systématique. Une surveillance électrocardiographique,
compte tenu du risque de troubles du rythme lors
du passage du cathéter dans l’oreillette droite, est préconisée.
Le
patient est placé en décubitus dorsal, les bras le long du corps, la
tête inclinée vers la gauche, en position de Trendelenburg avec une
inclinaison de 20° pour prévenir une embolie gazeuse et obtenir une
meilleure réplétion de la veine jugulaire interne.
Après antisepsie de
la peau, mise en place d’un champ fenêtré stérile et anesthésie locale,
la veine jugulaire interne est repérée selon la voie axiale de Miller
ou la voie postérieure, puis ponctionnée par un trocart. Un fil guide
est ensuite introduit.
Le trocart est retiré. Un dilatateur de vaisseaux
du même diamètre que le cathéter de cholangiographie qui est
ensuite utilisé (7 à 9 French) est introduit sur le fil.
Le fil guide est
retiré et remplacé par un deuxième fil guide plus long et plus
flexible, qui est descendu jusqu’à la veine cave inférieure.
Le passage
de l’oreillette droite dans la veine cave inférieure, en général facile,
peut nécessiter quelques manoeuvres de facilitation : « va-et-vient »
tout en exerçant une rotation antihoraire du fil, inspirations amples
du patient. Le cathéter de cholangiographie, glissé sur le fil guide,
est passé dans la veine cave inférieure.
Puis le fil guide est retiré, un
flacon de sérum glucosé isotonique étant immédiatement branché
sur le cathéter afin d’éviter toute coagulation intraluminale.
L’extrémité incurvée du cathéter est introduite dans une veine sushépatique,
habituellement la droite (en exerçant une poussée au
moment où l’opérateur perçoit un ressaut dans ses doigts, quand
l’extrémité du cathéter bute sur l’abouchement de la veine sushépatique).
Le cathétérisme sus-hépatique peut être difficile, en
particulier en cas de foie atrophique ou d’angulation trop aiguë entre
la veine sus-hépatique et la veine cave inférieure.
La répétition des
manoeuvres de poussées et retraits, d’inspiration forcée du patient,
voire le cathétérisme direct de la veine sus-hépatique par la
réintroduction du fil guide, permettent habituellement de pallier à
cet échec. Une mesure des pressions sus-hépatiques est requise ; elle
doit être effectuée avant toute manoeuvre endovasculaire
(opacification, biopsie).
L’aiguille à ponction-biopsie est introduite dans le cathéter et
poussée jusqu’à son extrémité, sans forcer et sous contrôle
fluoroscopique afin de ne pas perforer le cathéter.
La ponction
hépatique est réalisée, par la majorité des auteurs, le cathéter placé
en position « libre », la manoeuvre en position « bloquée » étant
source d’un plus grand nombre de perforations capsulaires.
Les
modalités de réalisation proprement dite de la biopsie hépatique
dépendent ensuite du modèle d’aiguille utilisé.
Les systèmes à
aspiration nécessitent une parfaite coordination, combinant une
apnée du patient et quatre gestes quasi instantanés et rapides de
l’opérateur : poussée de l’aiguille d’un coup sec pour la faire
pénétrer dans le parenchyme hépatique, rotation vers la droite de
l’ensemble cathéter-aiguille, aspiration franche et continue avec une
seringue connectée à l’aiguille et retrait de l’aiguille du cathéter.
Les aiguilles à excision, d’un emploi plus aisé, sont manipulées par une
poignée qui actionne le système à guillotine et emprisonne le
fragment biopsié dans une chambre de réception. Le prélèvement
est recueilli dans le fixateur.
Les ponctions peuvent être répétées en
cas d’échec ou de prélèvement insuffisant.
L’injection systématique
de produit de contraste pour vérifier l’absence d’effraction capsulaire
n’est pas réalisée par tous les opérateurs.
Après ablation du
cathéter, le point de ponction jugulaire est comprimé une dizaine de
minutes.
Le suivi des patients après ponction par voie transjugulaire
est superposable au suivi après biopsie hépatique par voie
transpariétale.
C - INDICATIONS ET CONTRE-INDICATIONS
:
Le recours à cette technique est indiqué principalement par les
contre-indications de la biopsie hépatique par voie transpariétale.
Le risque hémorragique est réduit puisque le saignement éventuel
se produit directement dans l’axe vasculaire.
D’autres affections
à haut risque hémorragique constituent également de bonnes
indications : amylose, hépatopathies associées à une insuffisance
cardiaque, une nécessaire anticoagulation ou une dilatation des
veines sus-hépatiques majorent les risques par voie percutanée.
D’autres indications sont moins souvent retenues : étude des
pressions veineuses sus-hépatiques pour apprécier le degré
d’hypertension portale et le niveau de l’obstacle veineux, étude veinographique. Seuls le kyste hydatique et l’angiocholite
constituent les contre-indications de cette technique.
D - COMPLICATIONS
:
Elles sont généralement peu fréquentes, observées dans 3 % des cas
dans la série de 1 000 biopsies de Lebrec et al, et le plus souvent
sans gravité (un décès dans la série de Lebrec).
Il s’agit
d’incidents liés à l’abord jugulaire : hématome du cou au point de
ponction en particulier lors de la ponction de l’artère carotide
interne, syndrome de Claude Bernard-Horner, thrombose de la
veine jugulaire interne, pneumothorax le plus souvent
asymptomatique.
La survenue de troubles du rythme lors du
cathétérisme de l’oreillette droite et des réactions fébriles liées à des
bactériémies au décours de la ponction est plus rare, de même
que des fistules artérioveineuses le plus souvent asymptomatiques. Les douleurs abdominales sont inconstantes.
Une
thrombose portale réversible après ponction vésiculaire a été
rapportée.
La complication la plus redoutée car potentiellement
responsable d’un hémopéritoine est la perforation de la capsule de
Glisson.
Souvent paucisymptomatique, voire totalement
asymptomatique, sa fréquence est donc sous-estimée, d’autant plus
qu’une injection de produit de contraste n’est pas systématiquement
réalisée en fin de procédure.
Colapinto a rapporté, à partir de
l’analyse de plus de 2 000 biopsies effectuées en 10 ans, 26 cas de
perforations capsulaires, soit 1,14 %, dont seulement 0,55 % se sont
compliquées d’hémopéritoine.
Plus récemment, Brenard et al
rapportent 17 perforations sur 500 biopsies (3,4 %), toutes
asymptomatiques, et Trejo et al, six perforations sur 829 biopsies
(0,8 %), dont un décès.
Le risque de perforation est majoré en cas
d’atrophie du foie droit, lors de la réalisation de la biopsie en
position « bloquée » ou lors d’une rotation excessive de l’aiguille.
La ponction avec le cathéter en position « libre » et sous contrôle scopique diminue ce risque.
La constatation peropératoire de la fuite
vasculaire peut faire proposer une hémostase par embolisation
immédiate de colle biologique ou de coils.
E - RÉSULTATS
:
Les échecs sont rares et sont observés à chacune des étapes de la
procédure : échec de ponction de la veine jugulaire interne lié à une
malformation ou une thrombose veineuse, à une tumeur cervicale
ou un goitre, échec du cathétérisme de la veine cave inférieure ou
des veines sus-hépatiques.
L’expérience de l’opérateur et la
possibilité de cathétérisme veineux par voie jugulaire interne
gauche, voire par voie fémorale, minimisent ces échecs.
La principale limite de cette technique est l’insuffisance de l’échantillon
biopsique hépatique.
La fibrose hépatique est souvent à l’origine
d’échantillons fragmentés et de petite taille rendant difficile l’étude
de l’architecture hépatique.
Les séries récentes font mention de
taux de succès régulièrement supérieurs à 94 %, avec une rentabilité
diagnostique comprise entre 88 et 100 %.
L’amélioration technique constante des kits à biopsie explique en
partie ce niveau de rentabilité.
La longueur moyenne de la carotte
biopsique est comprise entre 0,76 et 1,7 cm.
Le nombre moyen
de passages nécessaires est compris entre 1 et 5. De Hoyos et al
rapportent, dans leur série de 52 patients, une moyenne de plus de
six espaces portes par fragment hépatique.
Conclusion
:
La PBH est un examen essentiel en hépatologie. Il s’agit d’une
technique sûre lorsque les contre-indications sont respectées et qu’elle
est réalisée par un opérateur expérimenté.
Elle est à l’origine d’une
faible morbidité qui pourrait être encore diminuée par l’utilisation des
systèmes de biopsie automatiques ainsi que par la réalisation de la PBH
sous contrôle échographique, même pour des hépatopathies diffuses.
Le
surcoût occasionné pourrait être atténué par la réalisation de la PBH en
ambulatoire, pratique largement répandue dans les pays anglo-saxons,
lorsque toutes les conditions de sécurité sont réunies.