Phonochirurgie des tumeurs bénignes des cordes vocales Cours de Chirurgie
Introduction
:
Il existe une grande variété de tumeurs bénignes au niveau des
cordes vocales et de nombreuses techniques chirurgicales ont été
décrites.
L’évolution vers une chirurgie de moins en moins invasive
est manifeste et, à l’heure actuelle, la microchirurgie endoscopique
représente la grande majorité des indications.
La microchirurgie laryngée correspond, en fait, à la combinaison de
plusieurs techniques : la laryngoscopie en suspension introduite
par Kirstein, le microscope opératoire binoculaire et les microinstruments
dérivés des micro-instruments utilisés en otologie.
Les progrès récents sont de deux ordres : d’une part, la meilleure
adéquation du geste chirurgical à la lésion opérée grâce à la
meilleure compréhension de la mécanique glottique par les
chirurgiens et, d’autre part, le laser qui a maintenant conquis ses
titres de noblesse et qui ne présente plus les lacunes et les
imperfections de ses débuts.
La prise en compte de la fonction laryngée et spécialement de la
fonction vocale est de plus en plus au centre des préoccupations des
chirurgiens.
C’est dans cet esprit qu’est né le concept de phonochirurgie (littéralement « chirurgie du son de la voix ») créé
par analogie avec la cophochirurgie ou chirurgie de la surdité.
Qu’il
s’agisse d’une intervention phonochirurgicale ou d’une intervention
d’exérèse à visée biopsique, le chirurgien doit connaître avec
précision l’anatomie chirurgicale fonctionnelle des cordes vocales et
le minimum de physiologie de la vibration cordale pour comprendre les conséquences « mécaniques » des gestes effectués.
Cette
préoccupation s’est traduite par des efforts pour adapter les
techniques disponibles dans le sens d’un respect toujours plus grand
des cordes vocales.
Le progrès le plus décisif a été réalisé au niveau
des indications chirurgicales sous l’impulsion de Bouchayer et
Cornut qui ont clarifié la nosologie des principales lésions
rencontrées au niveau des cordes vocales et montré que l’indication
d’une chirurgie de ce type doit toujours faire l’objet d’une réflexion
fonctionnelle approfondie, si possible en collaboration entre le
chirurgien et le médecin-phoniatre ainsi qu’avec l’orthophoniste
chargé de la rééducation.
Dans tous les cas, la phonochirurgie
est un geste chirurgical conçu dans le cadre d’un projet
thérapeutique d’ensemble avec la rééducation orthophonique.
L’apparition du laser CO2 dans les années 1970 a été un autre
élément décisif de l’évolution des idées dans le domaine de la
chirurgie des lésions bénignes du larynx.
Les premières années ont
été celles de l’engouement pour un instrument qui permettait
d’opérer dans un champ opératoire exsangue, ce qui est une des
premières nécessités de la chirurgie endoscopique.
Introduit
en France par Frèche, le laser CO2 a été rapidement reconnu comme
un instrument indispensable dans la chirurgie endoscopique de
tumeurs comme les papillomatoses juvéniles ou le traitement
endoscopique des laryngocèles, mais n’a pas cessé d’être au centre
de polémiques en ce qui concerne son utilisation dans le cadre de la
phonochirurgie et il a été l’objet de critiques sévères de la part des
tenants de la microchirurgie instrumentale.
Des progrès techniques
décisifs ont cependant permis de diminuer les effets indésirables du
laser et en particulier les dégâts thermiques latéraux causés par le
dégagement d’énergie : diminution du diamètre du « spot »,
amélioration de la précision des puissances délivrées surtout dans
les faibles puissances, développement de lasers travaillant dans
d’autres longueurs d’onde, donc avec des effets différents.
Surtout,
la clarification des techniques chirurgicales, encore par Bouchayer et
Cornut, a permis aux tenants du laser de situer celui-ci dans leur panoplie d’instruments chirurgicaux comme un simple instrument,
à la fois tranchant et coagulant.
C’est dans cet esprit que les travaux
récents ont été présentés et, actuellement, ces polémiques tendent
à disparaître, la plupart des phonochirurgiens pratiquant les deux
techniques suivant les cas.
Dans de rares cas, concernant surtout les patients présentant une
contre-indication à l’anesthésie générale, il est possible de réaliser
l’exérèse de petites lésions à la pince sous anesthésie locale et
laryngoscopie indirecte.
Ces techniques connaissent encore quelques
partisans mais leur usage tend indéniablement à se marginaliser.
Dans de très rares autres cas, il est nécessaire de recourir à la voie
externe cervicale pour réaliser l’exérèse de certaines lésions bénignes
difficiles d’accès en raison de la conformation particulière du patient.
Notions de base d’anatomie et
de physiologie « phonochirurgicales »
:
A - ANATOMIE FONCTIONNELLE DES CORDES
:
La partie ligamentaire de la corde vocale est responsable de la
vibration de la muqueuse cordale grâce à une structure feuilletée
tout à fait particulière et que le phonochirurgien doit apprendre à
respecter.
Il s’agit d’une sorte de feuilletage dont la superposition
est à la base des caractéristiques vibratoires des cordes.
Sur une
coupe frontale de la corde, on peut voir les différentes
couches.
La couche la plus superficielle est constituée par un
épithélium pavimenteux stratifié non kératinisé, d’une épaisseur de
0,05 à 0,1 mm qui encapsule le tissu plus fluide de la sous-muqueuse
à la manière d’un « ballon rempli d’eau ».
Cette zone correspond
chirurgicalement à l’espace décollable de Reinke qui recouvre le
muscle vocal.
La sous-muqueuse ou lamina propria est constituée de plusieurs
couches de tissu : on distingue habituellement trois couches :
superficielle, intermédiaire, et profonde.
La couche superficielle a
0,5 mm d’épaisseur et consiste en un enchevêtrement de fibres
d’élastine peu organisées dans une sorte de fluide interstitiel.
Les
fibres d’élastine ont une structure protéique adaptée aux contraintes
de l’étirement longitudinal.
La couche intermédiaire est également
constituée de fibres d’élastine mais les fibres sont préférentiellement
orientées dans le sens antéropostérieur et elle contient également
des fibres de collagène.
La couche profonde est surtout constituée
de fibres de collagène enchevêtrées dont la structure protéique est
moins favorable à l’élongation.
Ces deux dernières couches
correspondent à ce qu’il est habituel d’appeler le ligament vocal.
On voit donc qu’il existe une sorte de chevauchement entre le
concept histologique de lamina propria et le concept « chirurgical »
de ligament vocal.
En réalité, la notion d’espace de Reinke vide doit
être abandonnée au profit de la notion d’un tissu « fluide » d’une
importance vibratoire capitale car c’est lui qui permet le glissement
de la muqueuse grâce aux modifications structurales progressives.
De même, le chirurgien doit connaître cette différenciation
progressive entre les différentes couches : il est préférable d’éviter
de dénuder de façon extensive la couche la plus résistante identifiée
comme le ligament vocal car la structure vibrante correspond en
réalité à l’ensemble complexe des couches de la corde vocale.
Le chirurgien doit connaître également, pour ne pas les confondre
avec des formations kystiques, l’existence des macula flava.
Il s’agit
de renforcements du ligament vocal responsables d’épaississements
localisés aux extrémités de celui-ci, là où s’exerce le maximum de
tension sur les fibres.
Au cours de la croissance puis du
vieillissement, ces zones sont modifiées par les contraintes
mécaniques qui s’exercent sur elles.
B - VIBRATION GLOTTIQUE
:
Après la mise en position phonatoire, lorsque les cordes vocales sont
accolées, la vibration glottique est un phénomène cyclique caractérisé
par un écartement et un rapprochement du bord libre de la partie
ligamentaire des cordes vocales.
La théorie myoélastique offre
actuellement le modèle le plus pertinent de la vibration.
Le principe
général repose sur la mise en vibration passive des cordes vocales
sous l’influence de l’air expiratoire qui constitue la source d’énergie
du système.
La vibration glottique entraîne la vibration de l’air transglottique et génère ainsi le son laryngé.
L’image classique est une sorte de valve disposée dans le courant
aérien expiratoire.
Lors de l’installation du phénomène vibratoire,
une impulsion sous-glottique met en branle le vibrateur : le
déséquilibre entre la pression sous-glottique et la tension de
fermeture donnerait l’impulsion pour la première oscillation.
Les
films à grande vitesse ont montré que la muqueuse présentait en
phonation un mouvement de vague se propageant à partir de la sous-glotte et gagnant progressivement le bord libre puis la face
supérieure de la corde vocale.
Sur le plan phonochirurgical, on
comprend l’importance cruciale à la fois de la souplesse de la
muqueuse du bord libre et de la structure en couche qui autorise un
certain degré de découplage entre muqueuse et ligament.
On
comprend également que c’est la muqueuse du bord inférieur et du
bord libre de la corde vocale qui a le plus d’importance sur le plan
vibratoire.
La voix est donc une vibration aérienne produite par la vibration du
bord libre des cordes vocales et il s’agit d’un phénomène périodique
théoriquement parfaitement stable.
En réalité, même avec un larynx
strictement normal, certaines perturbations peuvent être observées car diverses irrégularités dans la géométrie des tissus et leurs
propriétés biomécaniques peuvent entraîner de légères différences
dans les forces exercées sur la glotte au cours du cycle et ainsi des
différences de fonctionnement.
Lorsqu’il existe une hétérogénéité
marquée comme en cas de nodule, de polype ou de kyste dans la
corde vocale, ces différences de contraintes biomécaniques
deviennent plus importantes et sont responsables de perturbations
plus marquées du mouvement périodique.
L’objectif du chirurgien
est donc, non pas seulement de reconstituer un bord libre rectiligne,
mais aussi de faire disparaître une hétérogénéité tissulaire.
Nosologie des lésions
« phonochirurgicales »
:
La phonochirurgie comprend donc un certain nombre de techniques
ayant toutes pour objectif de sauvegarder ou d’améliorer la voix des
patients.
En dehors des interventions concernant les tumeurs
bénignes qui sont développées ici, il existe d’autres techniques
chirurgicales faisant partie de la phonochirurgie mais qui ne sont
pas développées : chirurgie de la hauteur de la voix, chirurgie de
médialisation d’une corde paralysée, chirurgie de réinnervation
laryngée, chirurgie reconstructrice du larynx.
Les indications de la phonochirurgie pour lésion bénigne peuvent
être classées, du point de vue physiologique, en trois types : les
lésions dysfonctionnelles, les lésions kystiques, les lésions
cicatricielles.
A - LÉSIONS DYSFONCTIONNELLES OU EXSUDATIVES
:
Elles correspondent à des tumeurs bénignes réactionnelles à des
anomalies du fonctionnement glottique associées ou non à des
agents irritants extérieurs comme le tabac.
Ce groupe comprend
les nodules, les polypes, les oedèmes en « fuseau » et les
oedèmes de Reinke.
Dans certains cas, ce type de lésions est difficile à distinguer d’une
lésion suspecte, d’autant que les mécanismes et les facteurs de risque
sont voisins.
En réalité, il est vraisemblable qu’il existe un véritable
continuum, même si les modalités de passage de l’une à l’autre
forme sont encore mal connues.
La caractéristique histologique
commune de ces lésions est l’existence de phénomènes exsudatifs
dans l’espace de Reinke : oedème, fibrose, dépôt de fibrine et
développement d’ectasies vasculaires.
Bien que les polypes, les
nodules et les oedèmes de Reinke soient connus pour avoir des
caractéristiques spécifiques, il n’est pas rare de trouver des lésions
intermédiaires qui rendent chaque groupe relativement hétérogène.
Dans le modèle de Remacle, dérivé de celui de Michaels,
les lésions sont organisées selon un arbre plus ou moins hiérarchique
mettant en parallèle les caractéristiques histologiques et les facteurs étiologiques ainsi que les formes de passage.
Cette classification est
d’importance décisive pour le chirurgien car l’existence de formes
intermédiaires entre deux pathologies classiques va l’obliger à
adapter ses techniques et à sortir des schémas préétablis de façon
trop simple.
D’autre part, la prise en charge thérapeutique de ces
lésions dépasse manifestement la simple exérèse chirurgicale et les
facteurs étiologiques et favorisants doivent être connus et traités, en
particulier le forçage vocal. Nous reprenons ici le schéma de Remacle.
Pour toutes ces lésions, le mécanisme de la dysphonie est dominé
par l’existence d’une lésion muqueuse et sous-muqueuse limitant
les possibilités de vibration de la muqueuse et responsable d’une
fuite glottique.
Le ligament vocal est toujours intact et il n’existe pas
vraiment d’adhérence en dehors éventuellement des épisodes
inflammatoires les plus aigus.
Au niveau de la sous-muqueuse, il
n’est pas rare que les phénomènes inflammatoires soient
responsables d’une petite hémorragie en « nappe » au moment de la
section chirurgicale.
Dans la très grande majorité des cas, la
muqueuse de recouvrement est pathologique, atrophique ou au
contraire hyperplasique, voire dysplasique et ne peut pas être
conservée.
Il faut également citer les lésions réactionnelles postérieures comme
les granulomes des cordes qui ont des mécanismes
pathologiques voisins mais prédominant au niveau du tiers
postérieur du larynx.
Parmi ces facteurs, l’existence d’un reflux gastro-oesophagien, parfois infraclinique, est le plus classique, de
même que les antécédents de traumatisme de la corde vocale par
une sonde d’intubation, ainsi que le tabac.
Sur le plan technique,
ces lésions sont particularisées par leur situation en regard de
l’apophyse vocale : à leur niveau, le ligament vocal est remplacé par
le cartilage de l’apophyse vocale.
Leur situation aryténoïdienne
explique également les difficultés rencontrées parfois du fait de la
présence de la sonde d’intubation.
Ces patients représentent les
meilleures indications d’anesthésie sans intubation.
B - LÉSIONS KYSTIQUES
:
Il est d’usage de leur associer les sulcus glottidis qui sont considérés
comme des kystes épidermiques ouverts et les vergetures des cordes
(ou sulcus larges).
La nosologie de ces lésions a été clarifiée par Cornut et Bouchayer à qui nous faisons de larges emprunts.
Les kystes épidermiques sont des formations plus ou moins arrondies,
situées dans le chorion sous-muqueux, infiltrant parfois les fibres
conjonctivoélastiques du ligament vocal qui peuvent être dilacérées
ou atrophiées au contact du kyste.
Le contenu du kyste est en
général liquide ou caséeux, blanc nacré, correspondant à une
accumulation de squames et de cristaux de cholestérol dans la cavité
mais il peut également être solide ou mixte, lui donnant une
consistance mollasse ou ferme.
Sur le plan histologique, le kyste
épidermique comporte une cavité bordée par un épithélium
pluristratifié plus ou moins kératinisant, d’épaisseur variable,
croissant de façon centripète et reposant sur une membrane basale.
Le chorion autour du kyste est parfois le siège d’une réaction
inflammatoire responsable d’adhérences, en particulier avec le
ligament vocal.
C’est souvent au niveau d’une telle zone
d’adhérence que, pendant l’intervention, la poche du kyste est rompue.
La dissection entre le plan du kyste et le ligament vocal
peut être extrêmement difficile et expose à des résections abusives
de fibres ligamentaires.
Certains kystes épidermiques présentent une ouverture située le
plus souvent un peu en dessous du bord libre de la corde vocale, ce
qui peut permettre au contenu du kyste de se vider spontanément.
Ces formes sont à rapprocher des sulcus.
Ces kystes
s’observent à tout âge, y compris chez les enfants.
L’unicité des kystes est la règle mais Cornut et Bouchayer ont
décrit des kystes multiples sur la même corde ou sur chaque corde.
Il est donc nécessaire d’explorer par la palpation la totalité des deux
cordes pour ne pas laisser en place un kyste méconnu.
De même, un
kyste est associé dans 14 % des cas à un sulcus controlatéral.
Les kystes muqueux rétentionnels sont complètement différents.
Il s’agit également de kystes vrais mais leur paroi est
constituée par un épithélium glandulaire avec un contenu
typiquement muqueux.
Ici aussi, les réactions inflammatoires dans
le chorion sont fréquentes.
Lors de la dissection, la paroi des kystes
muqueux est très fragile et se rompt aisément.
Les pseudokystes muqueux font en réalité partie des lésions
exsudatives et ne sont pas des kystes vrais.
Ils ne correspondent
qu’à une imbibition séreuse du chorion sans formation de
prolifération cellulaire ou kystique et, donc, sans réelle paroi.
Le terme de sulcus a été utilisé dès le début du siècle pour définir
une lésion qui apparaissait en laryngoscopie indirecte sous la forme
d’un sillon blanchâtre courant parallèlement au bord libre de la
corde vocale et donnant un aspect de glotte ovalaire.
En réalité, pour Bouchayer et Cornut, le sulcus correspond à deux aspects
anatomiques bien différents : les sulcus glottidis (ou kystes ouverts)
et les vergetures.
Le sulcus glottidis proprement dit se présente sous la forme d’une
invagination de l’épithélium de revêtement, réalisant une poche plus
ou moins profonde située sous le chorion et qui s’enfonce en bas et
en dehors jusqu’au contact du ligament vocal.
À ce niveau, la poche
peut être très adhérente au ligament mais elle est le plus souvent
décollable, même si les fibres ligamentaires sont dilacérées ou
atrophiques.
Sur le plan histologique, le sulcus réalise un véritable
cul-de-sac dont les parois sont constituées par un épithélium
pluristratifié d’épaisseur variable avec hyperkératose.
Pour Cornut,
ces formes correspondent à des kystes ouverts dont ils partagent
vraisemblablement l’origine congénitale et l’essentiel des
caractéristiques histologiques.
Sur le plan de la biomécanique de la
dysphonie, ces lésions se rapprochent également beaucoup des
kystes avec une dysphonie liée à la présence du kyste (hétérogénéité intracordale) ainsi qu’aux adhérences avec le ligament vocal en cas
de réaction inflammatoire.
Sur le plan de la technique d’exérèse
chirurgicale, il n’existe pas de différence avec les kystes.
Les vergetures correspondent à un aspect de sillon atrophique plus
ou moins étendu à la surface de la corde, en général un peu en
dessous du bord libre.
La corde vocale prend en phonation
un aspect arqué. La berge inférieure du sillon comporte souvent une
bride fibreuse, tendue et rigide alors que la berge supérieure est plus
souple.
La muqueuse qui tapisse le fond de la poche est très mince,
atrophique et adhère intimement en profondeur au ligament cordal
sur lequel elle ne peut plus coulisser.
Les ponts muqueux se présentent comme une bride muqueuse
parallèle au bord libre, dont elle peut être détachée par une pince,
avec une attache antérieure et une attache postérieure.
Elle est
constituée par un épithélium pluristratifié croissant de façon
centrifuge.
Le pont muqueux est toujours associé à un sulcus, une
vergeture ou un kyste épidermique et sa pathogénie est également
vraisemblablement congénitale.
Pour Cornut, son explication serait
l’ouverture d’une poche kystique en deux points, individualisant
entre l’ouverture supérieure et l’ouverture inférieure une bande
muqueuse saine plus ou moins large qui détermine le pont muqueux.
C - CICATRICES DES CORDES VOCALES
:
Il ne s’agit pas à proprement parler de tumeur bénigne des cordes
vocales.
Néanmoins, les indications thérapeutiques qui en découlent
sont souvent la conséquence d’une chirurgie réalisée pour une tumeur bénigne et dont la cicatrisation n’a pas été à la hauteur de la
demande de résultat vocal du patient.
Elles sont un des domaines
où des progrès sont à attendre et qui constituent un des challenges
actuels de la phonochirurgie.
Il peut s’agir d’encoches cordales
correspondant à une exérèse excessive muqueuse et parfois
ligamentaire.
Il peut s’agir également d’une rigidité muqueuse avec
adhérences de la muqueuse au ligament cordal, lui-même plus ou
moins atrophique.
Ce type de lésions peut être lié à une exérèse
abusive au niveau de l’espace de Reinke, à une dissection trop
agressive du ligament vocal ou, dans certains cas, à des dégâts
thermiques liés au laser.
Sur le plan mécanique, ces lésions
cicatricielles sont responsables d’une disparition de l’ondulation
muqueuse.
Il est parfois possible d’observer une vibration en
stroboscopie dans le registre « lourd » qui met en vibration la totalité
de la masse musculaire.
Au total, il existe une grande parenté entre
les encoches et les cicatrices cordales d’une part et les vergetures
d’autre part. Sur le plan technique, nous avons choisi de les traiter
ensemble.
Laser
:
Nous n’entrons pas dans le détail des propriétés physiques des
lasers qui sont traitées ailleurs mais nous donnons uniquement les
caractéristiques qu’il est nécessaire de connaître pour le chirurgien
qui souhaite utiliser le laser dans le cadre de la phonochirurgie.
Le laser CO2 est le laser de référence utilisé en laryngologie, même
si des essais ont été effectués avec d’autres types de laser et en
particulier le laser KTP.
Dans le laser CO2, l’émission laser se fait
dans un mélange gazeux à partir des molécules du gaz.
La longueur
d’onde émise est de 10 600 nm (c’est-à-dire dans l’infrarouge et le
faisceau est invisible). Cette longueur d’onde est responsable du fait
que le laser CO2 est absorbé par l’eau et par le verre.
Les tissus
vivants qui contiennent 70 % d’eau sont donc très absorbants et les
effets du laser CO2 (coagulation et vaporisation) sont très
superficiels et visibles.
Les effets du laser sont donc toujours des effets thermiques
correspondant à la transformation de l’énergie laser en chaleur à
l’intérieur même des tissus.
Aux environs de 70 °C, les protéines sont
coagulées.
Cet effet peut être bénéfique lorsqu’on cherche à coaguler
des petits vaisseaux (jusqu’à 0,5 mm environ).
Il peut également être
nuisible car la coagulation des protéines des tissus de la lamina propria est susceptible de modifier les caractéristiques vibratoires
de la muqueuse et d’entraîner une cicatrice rigide.
Aux environs de 100 °C, les cellules explosent du fait de la
vaporisation de l’eau intra- et péricellulaire.
Cet effet destructeur
peut correspondre à un effet de coupe si le faisceau est suffisamment
fin.
Sur les lasers CO2 de première génération, le diamètre du
faisceau excédait parfois le millimètre alors que les lasers les plus
modernes offrent des dimensions de spot de moins de 300 µm.
La
largeur de coupe, c’est-à-dire de tissu détruit, est donc trois fois
moins importante.
Au point d’impact du laser, les cellules explosent et il existe un
cratère de destruction.
La dimension du cratère dépend des
caractéristiques physiques du laser utilisé (puissance, temps
d’émission), mais on vient de voir que les dimensions du cratère
dépendent surtout de la taille du faisceau.
Autour de ce cratère, on
peut trouver une étroite bande de tissu nécrosé, carbonisé dont
l’épaisseur ne dépend pas de la puissance utilisée mais du type de
laser, c’est-à-dire du type d’interaction avec la matière.
Avec le laser
CO2, cette bande a une épaisseur de 50 µm environ.
Tout autour de
cette bande, s’étend une zone plus ou moins large correspondant
aux effets thermiques latéraux du laser, c’est-à-dire à une zone dans
laquelle les protéines ont été coagulées.
La largeur de cette bande
dépend moins de la puissance utilisée que du temps d’émission.
Plus le temps d’émission est long, plus cet effet est marqué.
C’est pour cette raison que les lasers modernes disposent d’un mode
pulsé permettant de fournir l’énergie demandée pendant des temps
extrêmement courts.
Ces modes diminuent considérablement la
largeur de la bande d’effet thermique ou effet de coagulation autour
du cratère de destruction.
On peut dire qu’ils facilitent ainsi l’effet
de section aux dépens de l’effet de coagulation.
A - MISE EN JEU PRATIQUE DU LASER CO2
:
Le faisceau est invisible et doit être couplé à un laser visible de faible
puissance (hélium-néon) qui permet de diriger le faisceau laser CO2
vers la cible désirée.
La convergence des deux faisceaux est
importante à vérifier avant chaque intervention car elle est un
élément capital dans la précision du geste opératoire.
Le faisceau laser est absorbé par l’eau et le verre et ne peut donc pas
être conduit par des fibres optiques.
En phonochirurgie, le faisceau
laser doit donc être utilisé avec l’aide d’un microscope opératoire
auquel le laser est couplé par l’intermédiaire d’un micromanipulateur.
Par un système de miroirs semi-transparents conçus dans des
matériaux spéciaux, les deux faisceaux peuvent être acheminés
jusqu’aux cordes vocales à travers le laryngoscope.
On a vu qu’une grande partie des progrès récents a consisté en
l’amélioration de la focalisation du faisceau pour obtenir des
diamètres de spot les plus réduits possibles.
Les lasers conduits par
fibre comme le laser KTP et le laser Yag n’ont pas d’indication en
phonochirurgie et leur utilisation n’est pas détaillée ici.
Le laser KTP
peut également être véhiculé par un micromanipulateur et son
utilisation envisagée en laryngologie.
Cependant, ses caractéristiques
physiques privilégient l’effet de coagulation et son usage en phonochirurgie reste très limité.
B - DANGERS DU LASER EN PHONOCHIRURGIE
:
Les incidents et accidents dus à l’emploi du laser pour une
laryngoscopie en suspension ont été classifiés par Romanet.
Ils sont le fait, soit d’un égarement du rayon, soit d’un rayon trop
puissant, soit encore de la coexistence du rayon avec un gaz explosif.
1- Égarement du rayon
:
Il peut être dû à une réflexion du rayon laser sur des surfaces
réfléchissantes.
Il peut alors atteindre le personnel ou le malade si le
rayon n’est pas renvoyé dans le champ du laryngoscope.
La
réflexion peut également se faire à l’intérieur du laryngoscope et
réaliser des impacts intempestifs sur l’axe aérien du patient.
Parfois,
il s’agit d’un découplement des lasers hélium-néon et CO2.
Dans ce
cas, la cible est éclairée au bon endroit par le faisceau de visée mais
le rayon actif n’est pas correctement collimaté et l’impact CO2 se fait
à un autre endroit.
Cet incident est généralement sans gravité,
surtout lorsque de faibles puissances sont utilisées.
De même, la coaxialité de l’axe optique du microscope et de l’axe du faisceau
laser (objectivé par le laser hélium-néon) doit être vérifiée avant
toute intervention.
Ce défaut est plus grave que le précédent.
En effet, une partie du faisceau laser peut être réfléchie en dehors
du laryngoscope, sans que l’opérateur ne s’en aperçoive
immédiatement.
Les lésions chez le patient intéressent principalement la peau du
visage et en particulier la peau de la lèvre supérieure.
Elles peuvent
également intéresser les yeux.
Pour ces raisons, le patient doit avoir
les yeux fermés par un sparadrap et recouverts par des compresses
humides.
De même, le visage du patient doit être protégé par des
champs (type compresses intestinales) humides.
On veille avec un
soin particulier à bien plaquer ces protections contre le
laryngoscope, par exemple avec du ruban adhésif.
Les lésions chez le personnel peuvent être des brûlures légères de la
peau mais aussi des lésions oculaires.
Le port de lunettes
spéciales doit donc rester une règle absolue, de même que le
maintien des portes fermées avec un avertissement spécial
concernant l’usage du laser dans cette salle opératoire.
2- Trop grande puissance
:
Dans ce cas, la vaporisation est excessive et dépasse en profondeur
le site à détruire.
Surtout, la zone de coagulation protéique (zone
des dégâts « thermiques ») est plus étendue en profondeur et risque
de contribuer à « solidariser » la muqueuse et le ligament vocal ou à
entraîner une zone de rigidité muqueuse trop importante.
Le moyen
de prévention le plus efficace consiste à utiliser de faibles puissances,
les plus faibles possibles avec le mode pulsé.
Un autre moyen
consiste à étirer la lésion à enlever vers la ligne médiane de manière
à limiter la possibilité de lésion en profondeur.
En revanche, il existe
là un risque de lésion de la région sous-glottique qui doit être
prévenu par l’utilisation de cotonnettes mouillées.
Un rayon trop
puissant peut transpercer la paroi de la trachée sous-glottique en
entraînant un emphysème ou une hémorragie thyroïdienne.
Ces
accidents restent rares, surtout aux puissances utilisées en phonochirurgie et se rencontrent plutôt dans les cas de cordectomie
laser.
3- Inflammations
:
Elles sont dues à l’inflammation de la sonde d’intubation et/ou à la
présence d’un gaz explosif.
Le matériau des sondes n’est jamais
un gage absolu de sécurité et des accidents ont été décrits avec des
sondes en polychlorure de vinyle, en silicone, en Téflon et même
avec des sondes gainées d’aluminium.
Hirshman rapporte, par
exemple, un cas d’ignition d’une sonde protégée par de l’aluminium
mais échauffée par des rayons réfléchis.
Les accidents peuvent être graves avec des explosions entraînant
des déchirures et des brûlures graves de la trachée et du larynx ainsi
que des contusions pulmonaires.
La prévention de ces accidents
passe bien sûr par la protection de la sonde et surtout du ballonnet
avec des compresses humides et/ou de l’aluminium.
Elle passe aussi
par le remplacement de l’oxygène par de l’air au moment des tirs
laser.
Il est à noter que le chirurgien doit attendre une dizaine de
secondes après que l’oxygène a été coupé.
De même, l’anesthésiste
doit attendre un dizaine de secondes avant de réintroduire le gaz
explosif dans une sonde d’intubation potentiellement échauffée.
Indications
:
L’examen des cordes vocales est le préliminaire à toute discussion
thérapeutique.
Si les cordes vocales sont mal vues ou s’il n’est pas
possible d’éliminer formellement une lésion suspecte ou maligne,
un bilan sous anesthésie générale doit être prévu.
Dans les cas de lésions parfaitement identifiées comme bénignes et
relevant de la phonochirurgie, il faut construire avec le patient un
véritable projet thérapeutique tenant compte des possibilités
techniques chirurgicales mais aussi du caractère fonctionnel et bénin
de ces lésions.
L’objectif n’est pas de réaliser l’exérèse d’une lésion
mais bien de prendre en charge un problème fonctionnel parfois
complexe.
Dans ces conditions, la chirurgie doit rester en retrait par
rapport aux traitements rééducatifs, même en cas de lésion
parfaitement organique comme les kystes et les sulcus.
En
particulier, pour ce qui concerne les lésions nodulaires et assimilées,
la première place revient à la rééducation orthophonique.
On voit
donc que la rééducation orthophonique fait partie intégrante du
projet thérapeutique et qu’elle ne doit pas être proposée au patient
après l’intervention pour tenter de corriger les cas dont la voix
postopératoire est médiocre.
L’interrogatoire permet de cerner la demande du sujet, personnelle
ou professionnelle, de rechercher une demande implicite et de faire
la part de ce qui revient à l’inquiétude quant à la nature de la lésion
et à la pression de l’entourage.
Dans certains cas, le patient est en
effet parfaitement indifférent à son problème de voix et demande
simplement à être rassuré sur la nature de sa lésion.
Il n’est pas rare
de voir des patients qui n’avaient même pas conscience d’une
anomalie de leur voix (cas des examens réalisés systématiquement à
l’occasion d’une autre affection). Dans la plupart des cas cependant,
il existe une véritable souffrance due à la dysphonie.
Le fait est
évident chez les chanteurs et les comédiens mais il est également
réel chez tous les patients lorsque l’usage de leur voix est
indispensable pour leur profession ou leur activité principale.
Il est
important, lors du bilan préopératoire, de chercher à mettre en
évidence et éventuellement à quantifier cette gêne, ce qui permet de
mieux cerner le résultat.
Si la personne n’est pas motivée par sa dysphonie, ce qui est par
exemple le cas des enfants trop jeunes ou des personnes âgées, il peut être préférable de proposer une simple surveillance.
Du fait de
la bénignité de ces lésions, une surveillance annuelle est suffisante.
Dans certains cas, quelques conseils d’hygiène vocale sont prodigués
afin de diminuer l’importance du forçage vocal.
Si, à l’inverse, la
personne est motivée, nous proposons une attitude qui dépend du
diagnostic de la lésion présente sur les cordes vocales.
En cas de lésions nodulaires, nous jugeons de l’évolution de la voix
après une dizaine de séances de rééducation.
Si l’amélioration vocale
est jugée faible après une rééducation bien suivie et bien comprise,
nous proposons une intervention de phonochirurgie suivie d’une
nouvelle rééducation (12 à 20 séances).
La taille de la lésion n’est
donc pas un élément déterminant de l’indication : chez les
chanteurs, par exemple, on peut être amené à proposer parfois des
interventions pour des nodules de petite taille qui entraînent des
modifications importantes de la voix chantée alors que la voix parlée
peut être normale.
Si, au contraire, l’amélioration de la voix est jugée
satisfaisante, même avec des lésions persistantes sur les cordes
vocales, nous reposons le problème avec l’orthophoniste pour choisir
entre la poursuite des séances et une simple surveillance.
En ce qui concerne les polypes, on peut considérer que tout polype
est justiciable d’une intervention de phonochirurgie car il est
extrêmement rare qu’un polype disparaisse avec une rééducation
orthophonique.
Cependant, la rééducation orthophonique doit être
proposée et si possible commencée avant l’intervention.
Enfin,
l’hypothèse d’une lésion de type kyste doit être évoquée : 15 % des
polypes, pour Bouchayer et Cornut, seraient la complication d’une
lésion intracordale qu’il n’est pas toujours facile de mettre en
évidence lors de l’examen préopératoire.
Cette hypothèse doit être
évoquée au moment de l’indication de manière à décider avec le
patient de la conduite à tenir en cas d’une telle découverte pendant
l’intervention.
La règle générale est, bien sûr, l’exérèse de ces lésions
associées.
Mais elle peut être nuancée en cas de polype volumineux,
manifestement récent associé à un tout petit sulcus controlatéral.
Dans ces cas, il est possible d’avertir le patient de l’existence de la
lésion et de ne proposer qu’une simple surveillance.
Les kystes et les sulcus (kystes ouverts) sont également des
indications formelles de chirurgie mais il est important d’évoquer
avec le patient la possibilité d’une simple surveillance.
Lorsque le
patient est suffisamment motivé et qu’une intervention chirurgicale
est prévue, la rééducation orthophonique préopératoire doit être
proposée car elle peut permettre une diminution du forçage vocal et
favoriser la reprise d’une bonne voix postopératoire.
Les vergetures et les encoches doivent, en revanche, être opérées
avec beaucoup de parcimonie car les résultats sont souvent
décevants si la dysphonie préopératoire et l’inconfort vocal ne sont
pas assez importants.
Dans tous les cas, la rééducation préopératoire
doit être longtemps poursuivie pour ne proposer une intervention
qu’après avoir épuisé tous les autres moyens thérapeutiques.
En ce
qui concerne les encoches postopératoires, il est prudent de ne
jamais opérer moins de 1 an après l’intervention initiale.
De même, le caractère extrêmement récidivant des granulomes doit
être expliqué au patient avant l’intervention et l’indication ne doit
être posée qu’en cas de gêne très importante et uniquement après
échec de la rééducation orthophonique et des traitements à visée
étiologique (traitement médical du reflux gastrooesophagien en
particulier) et dans tous les cas après suppression des facteurs de
risque.
Bilan pré- et post-thérapeutique
:
Le bilan oto-rhino-laryngologique doit toujours être complet lors du
bilan préopératoire, à la recherche de signes d’inflammation au
niveau des muqueuses rhinopharyngées.
L’examen des cordes
vocales a bénéficié des progrès technologiques.
La démarche
diagnostique initiale est facilitée par l’utilisation du fibroscope mais
l’épipharyngoscope offre une image plus grande et une meilleure
appréciation de la tumeur.
Son utilisation ne pose pas de problème
habituellement, y compris chez l’enfant « raisonnable » à partir de
5 ans.
L’usage de la vidéo permet d’interpréter plus aisément les
examens, surtout en cas d’image fugace, chez les patients
pusillanimes ou nauséeux.
Le recours à l’examen sous anesthésie
générale à visée diagnostique doit être exceptionnel.
L’examen stroboscopique permet d’avoir une image artificiellement
ralentie du mouvement vibratoire des cordes et d’observer
l’amplitude et la symétrie de la vibration ainsi que la qualité de
l’affrontement des cordes vocales.
Cet examen nécessite quelques
secondes de phonation stable et il n’est pas toujours réalisable.
L’examen retrouve des aspects variés correspondant aux lésions cordales (nodules typiques, épaississements muqueux, etc) et aux
manifestations laryngées du forçage vocal (défaut d’affrontement
postérieur des cordes, bascule antérieure des aryténoïdes, hypertonie
et serrage des bandes ventriculaires).
Le bilan de la fonction vocale est idéalement réalisé par le médecinphoniatre
mais le phonochirurgien doit en connaître les principales
étapes et être capable de la réaliser en l’absence de phoniatre.
Cet
examen est capital du fait que la phonochirurgie est une chirurgie
fonctionnelle et que l’objectif thérapeutique du phonochirurgien
n’est pas l’aspect des cordes vocales mais l’amélioration de la
fonction vocale.
L’écoute directe, à l’oreille, reste la plus précise et la plus fiable pour
un opérateur entraîné.
La voix doit être enregistrée dans de bonnes
conditions techniques (magnétophone de qualité, microphone
électrostatique) et doit obéir à un minimum de standardisation
(listes de mots et/ou phrases types) pour permettre des
comparaisons avant et après intervention.
La voix est altérée par
la présence de la lésion et n’est que rarement spécifique d’une
affection particulière.
Elle est le plus souvent grave, rauque, plus ou
moins voilée. Il existe souvent de brèves extinctions ou
« désonorisations ».
La dysphonie est la plupart du temps
permanente chez les patients justiciables d’un traitement phonochirurgical.
Elle est cependant souvent variable dans la
journée avec un démarrage matinal difficile, une amélioration dans
la matinée, puis une nouvelle aggravation en fin de journée, surtout
après le travail.
Une dysodie (trouble du chant) est presque toujours
présente, avec amputation de la partie la plus aiguë de la tessiture.
L’observation du sujet en situation phonatoire doit accompagner
l’écoute de la voix : état de crispation des muscles du cou, type
respiratoire employé (thoracique, abdominal, mixte), posture
générale.
Ces renseignements font référence à la notion d’effort vocal
et doivent être surveillés lors de l’évolution.
Si cela est possible, un
document vidéo est encore plus explicite et facile à comparer.
Les mesures objectives concernant la voix sont plus rarement
réalisées en pratique quotidienne mais sont appelées à se développer
rapidement, qu’il s’agisse de mesures acoustiques « classiques » ou
de mesures aérodynamiques.
Anesthésie
:
La phonochirurgie est une chirurgie fonctionnelle à la limite de la
chirurgie esthétique, le risque opératoire doit donc être minimal et
les contre-indications à l’anesthésie générale doivent être
impérativement respectées.
A - RÈGLES GÉNÉRALES
:
En phonochirurgie, chirurgien et anesthésiste doivent se partager le
même champ opératoire mais les impératifs de l’un et de l’autre
doivent être respectés.
Pour l’anesthésiste, la préoccupation essentielle est le maintien d’une
hématose satisfaisante malgré une anesthésie générale qui doit être
profonde du fait du caractère très réflexogène du larynx.
Une autre
préoccupation, compte tenu d’interventions généralement brèves
(< 20 min) est la rapide réversibilité de l’anesthésie.
Pour le
chirurgien, la visibilité du plan glottique et son immobilité sont les
impératifs les plus importants.
Si le patient est intubé, le calibre de
la sonde doit être suffisamment petit pour ne pas gêner l’acte opératoire.
L’immobilité du plan glottique impose le maintien d’une
apnée (due à la dépression inspiratoire induite par l’anesthésie ou
par l’utilisation de curares).
La ventilation assistée, manuelle ou
mécanique, est donc indispensable.
Les techniques permettant une
ventilation spontanée (neuroleptanalgésie, narcoanalgésie) ne sont
plus utilisées dans les équipes qui pratiquent régulièrement cette
chirurgie.
En effet, l’immobilité parfaite du plan glottique et la
stabilité de l’anesthésie pendant l’intervention sont une condition
essentielle du déroulement du geste opératoire.
Le choix de l’accès trachéal ne fait pas l’objet d’un consensus entre
les artisans de la sonde trachéale de petit calibre et les tenants de la jet-ventilation.
L’intubation par sonde et la ventilation « conventionnelle »
nécessitent des sondes de petit calibre mais suffisamment longues,
venant se caler entre les aryténoïdes.
Il existe des sondes adaptées
au catalogue de toutes les grandes marques (Bivona, Mallinckrodt,
Portex).
En cas d’usage du laser, il est nécessaire de protéger la
sonde avec du papier aluminium, des compresses humides ou de
choisir une sonde spécialement conçue.
De même, comme on l’a vu,
au moment des impacts, les gaz potentiellement explosifs doivent
être remplacés par de l’air.
Les avantages de l’intubation sont la
possibilité d’utiliser des circuits anesthésiques conventionnels
convenant à d’autres types de chirurgie éventuellement réalisés dans
la même salle d’intervention.
Cet avantage est d’autant plus
important que le geste de laryngoscopie au laser est en général
court.
Un autre avantage est la présence du ballonnet qui protège la
trachée de la chute de débris et de sang.
La jet-ventilation à haute fréquence (JVHF) utilise l’injection de gaz
sous pression à travers un cathéter de petit calibre (3 à 4 mm de
diamètre) placé, soit entre les cordes vocales, soit directement dans
la trachée par ponction intercricothyroïdienne.
Pour le chirurgien,
cette technique a l’avantage de dégager complètement le champ
opératoire mais a l’inconvénient de ne pas protéger la région sousglottique
de la chute de débris ou de sang.
Cet argument est faible
dans le domaine de la phonochirurgie.
L’existence d’un petit
mouvement des cordes vocales sous l’influence des courants aériens
peut nécessiter l’arrêt de la ventilation au moment du geste
chirurgical lui-même. Pour l’anesthésiste, la JVHF permet le
maintien d’une hématose correcte et le risque de pneumothorax est
faible.
B - NOTRE PROTOCOLE
:
Le patient est installé sur une table munie d’une têtière réglable.
Après mise en place d’une voie veineuse périphérique et d’un
monitorage (électrocardioscope, oxymètre de pouls, brassard à
tension), il est préoxygéné au masque, déconnecté avec une injection
intraveineuse de benzodiazépine (par exemple, 10 mg de diazépam
[Valium]).
L’induction est faite avec 2 à 2,5 mg/kg de propofol (Diprivan) et
éventuellement 0,5 à 1 mg/kg de vécuronium bromure (Norcuron).
Après une anesthésie locale soigneuse (Xylocaïnet spray à 5 %), le
patient est intubé avec une sonde orotrachéale (le chirurgien peut
en effet mieux déplacer à sa guise la sonde que par voie
nasotrachéale).
Nous utilisons une sonde non armée à ballonnet, du
calibre le plus réduit possible pour ne pas obstruer le champ
opératoire.
Le maintien de l’anesthésie est assuré par l’utilisation d’halogénés
en ventilation assistée manuelle.
Lors de la chirurgie au laser, on
remplace l’oxygène par de l’air en surveillant la saturation du sujet
en O2.
Si la saturation descend en dessous de 95 %, le tir est arrêté
et le patient oxygéné à nouveau jusqu’au retour à la normale.
Le réveil du patient se fait en salle de réveil avec poursuite du
monitorage.
La corticothérapie intraveineuse est systématique pour
prévenir tout risque d’oedème postopératoire.
Les suites opératoires
sont en général peu ou pas douloureuses.
Le cas échéant, nous
prescrivons du paracétamol injectable (Prodafalgan).
Installation
:
Le patient est allongé sur la table, la tête relevée par une têtière
articulée de manière à lui faire prendre la position du « guetteur ».
Le cou est ainsi en légère flexion sur le tronc et la tête en hyperextension sur le cou.
Cette position permet de bien dégager la
commissure antérieure et de détendre la corde vocale.
On peut fixer
la tête sur la tablette à l’aide d’un ruban adhésif ou à l’aide d’un
anneau de caoutchouc.
La mise en place du laryngoscope nécessite un parfait
relâchement des muscles cervicaux et du larynx.
La coopération avec
l’anesthésiste est ici cruciale ; par exemple, il peut être nécessaire de
curariser le patient pour obtenir le relâchement musculaire désiré.
Le laryngoscope est choisi le plus large possible parmi les
laryngoscopes disponibles.
Il est introduit en prenant garde aux
dents et surtout aux incisives supérieures qui sont protégées par un
protège-dents ou, au moins, par une compresse humide.
L’introduction du laryngoscope doit être bien dosée.
Trop peu
enfoncé, les cordes vocales restent masquées par les bandes
ventriculaires et la commissure antérieure n’est pas visible.
Trop
enfoncé, il met trop en tension les cordes vocales et la commissure
antérieure n’est encore pas visible.
La bonne exposition est parfois
difficile à réaliser et il faut passer du temps car une bonne exposition
est nécessaire pour une bonne chirurgie.
Lorsque l’exposition est
correcte, le laryngoscope peut être fixé à une tablette préthoracique.
Celle-ci peut également être soulevée avec précaution pour
contribuer à visualiser correctement la commissure antérieure.
La bonne exposition de la commissure antérieure nécessite souvent
la mise en place d’un ruban adhésif au niveau de la face antérieure
du cou, fixé à la têtière.
Le ruban abaisse la commissure antérieure
et permet de la visualiser dans le laryngoscope.
Le microscope opératoire est alors mis en place devant l’ouverture
distale du laryngoscope, équipé d’une focale de 350 ou de 400 mm
suivant les habitudes de l’opérateur.
L’axe optique du microscope
(parallèle à l’axe de sa source de lumière et, bien sûr, parallèle à
l’axe du laser) doit être aligné avec l’axe central du laryngoscope.
Idéalement, cet axe forme un angle de 45° par rapport au plan de la
table opératoire.
Les instruments de phonochirurgie sont préparés et disposés sur une
tablette.
Ils sont dérivés de l’instrumentation de microchirurgie
otologique mais leur manche est plus long, environ 22 cm pour
l’instrumentation de Bouchayer (MicroFrance).
Ils comprennent
deux jeux, un pour chaque côté. De chaque côté, on trouve une micropince fine (dite pince de Kleinsasser) et une micropince en
« coeur » contre-coudée (dite pince de Bouchayer).
On trouve également un décolleur mousse et une paire de microciseaux
courbes.
Enfin, on dispose d’un bistouri lancéolé et d’une canule
d’aspiration.
Lorsqu’on utilise le laser, il est pratique de disposer
d’un système d’aspiration de la fumée.
Il peut s’agir d’une canule
d’aspiration supplémentaire, solidaire du laryngoscope, ou
d’instruments spéciaux comportant un fin canal d’aspiration intégré
(instrumentation de Remacle [Pouret]).
Les gestes ancillaires nécessitent également la préparation de
matériel.
Un bistouri électrique doit être installé de manière à faire
face à toute situation hémorragique. Son extrémité distale est munie
d’une micropince analogue aux micropinces fines de Kleinsasser.
On
dispose également de cotonnettes (0,5 X 0,5 cm) refroidies et
imbibées de vasoconstricteurs, de colle biologique pour certains
auteurs, de cotonnettes imbibées de sérum physiologique (0,5 X 2 cm) pour protéger la sous-glotte en cas d’utilisation du laser.