Chirurgie des pertes de substance cutanée du thorax Cours de Chirurgie
Introduction
:
Anatomiquement, le thorax se définit par rapport au squelette costal et
au sternum mais, du point de vue pratique, nous y ajouterons la région
scapulaire qui fait la jonction avec le membre supérieur.
Les PDS du
thorax se caractérisent par leur étiologie, le plus souvent
postchirurgicale, et par la nécessité de rétablir la stabilité du gril costal
pour préserver la fonction respiratoire en cas de PDS étendue de pleine
épaisseur de la paroi thoracique.
L’étiologie est dominée par les
médiastinites après sternotomie et les résections tumorales, mais il faut
également envisager les séquelles d’irradiations de la région
deltopectorale après radiothérapie d’un cancer du sein.
Nous ne
considérerons dans ce chapitre que le traitement des PDS cutanées, sans
envisager la reconstruction costale et nous ne traiterons pas le problème
spécifique de la reconstruction mammaire, bien que certaines techniques
de reconstruction mammaire puissent être indiquées pour la
reconstruction du thorax.
Lambeaux utilisables
:
A - Lambeaux cutanés
:
Ils représentent les techniques les plus anciennes et ils ont vu leurs
indications remplacées par les lambeaux musculocutanés.
Cependant, il
ne faut pas les méconnaître car ils peuvent être encore indiqués dans des
cas d’exception.
1- Lambeaux au hasard
:
Ils sont vascularisés par le réseau sous-dermique et ils respectent la règle
classique du rapport longueur/largeur de un demi.
Il s’agit le plus
souvent de lambeaux locaux de rotation et il doivent emporter si possible
l’aponévrose pour en accroître la fiabilité.
En cas de doute sur la
vascularisation distale, il ne faut pas hésiter à autonomiser le lambeau
en le remettant en place et à différer sa rotation d’une quinzaine de
jour.
2- Lambeaux cutanéoglandulaires
:
Ces lambeaux de description ancienne utilisent la glande mammaire en
excès pour combler la PDS ; ils n’ont plus que des indications
d’exception.
La technique la plus classique de dédoublement du sein a
été décrite par Sanvenero-Rosseli, mais a été réactualisée.
3- Lambeaux à vascularisation axiale
:
Les lambeaux à vascularisation axiale présentent une fiabilité supérieure
et l’existence d’un pédicule vasculaire permet de réduire la largeur du
pédicule et de faciliter la rotation du lambeau.
* Lambeau deltopectoral de Bakamjian
:
Ce lambeau peut être utilisé comme lambeau local de rotation en un
temps mais, le plus souvent, il est réalisé en lambeau pédiculé régional
en deux temps.
Il emporte la peau du sillon deltopectoral vascularisée
par des perforantes issues des deuxième et troisième espaces
intercostaux.
Il est préférable de le prélever en fasciocutané et, du fait
des fréquents antécédents de radiothérapie, le prélèvement se fait du côté
controlatéral à la lésion.
Cela lui fait subir une rotation importante et
il a été proposé de le retourner en « feuillet de livre » en désépidermisant
la face profonde.
* Lambeaux parascapulaire et scapulaire
:
+ Bases anatomiques
:
L’artère sous-scapulaire naît de l’artère axillaire au sommet du creux
axillaire.
Elle se divise en deux branches terminales qui sont l’artère thoracodorsale et l’artère circonflexe scapulaire.
Cette dernière se dirige
en arrière, passe dans la fente omotricipitale et contourne le pilier
externe de l’omoplate pour se diviser en deux branches cutanées
terminales qui vascularisent la peau de la région scapulaire.
La branche
scapulaire se dirige horizontalement en dedans, la branche parascapulaire longe le bord externe de l’omoplate qu’elle vascularise.
Le drainage veineux est assuré par les veines satellites des artères.
+ Technique opératoire
:
Le prélèvement s’effectue en décubitus ventral ou latéral.
Le repérage
de l’émergence de l’artère circonflexe scapulaire peut s’effectuer en
palpant la dépression de la fente omotricipitale au bord externe de
l’omoplate, ou par doppler.
Ce point doit être intégré dans le dessin de la
palette cutanée, qui sera soit horizontal (lambeau scapulaire), soit
oblique le long du bord externe de l’omoplate (lambeau parascapulaire).
– Lambeau parascapulaire : le prélèvement se fait de bas en haut, sans
emporter l’aponévrose.
Le pédicule est mis en évidence à la face
profonde de la palette cutanée.
La branche scapulaire horizontale est
ligaturée.
La dissection doit être particulièrement prudente en arrivant
sur le muscle teres major : le pédicule s’enfonce à son bord supérieur
vers la fente omotricipitale.
La dissection doit être poursuivie dans la
fente omotricipitale, en réclinant les muscles teres major en bas, teres
minor en haut et triceps en dehors.
Lorsque le pédicule est individualisé,
il est possible de faire subir au lambeau une rotation pour le mettre en
place.
La fermeture directe du site donneur est possible si la largeur du
lambeau n’excède pas 12 cm.
Un drainage aspiratif est mis en place.
– Lambeau scapulaire : le prélèvement est identique, se faisant de
dedans en dehors.
La limite interne de la palette cutanée se situe à 2 cm
de la ligne médiane.
+ Indications
:
Les lambeaux scapulaires ou parascapulaires sont des lambeaux fiables
dont les séquelles au site donneur sont minimes si l’on respecte des
dimensions permettant sa fermeture.
Ils sont indiqués pour des PDS du
creux axillaire ou de la région axillaire moyenne.
* Lambeau thoracoabdominal transverse à pédicule interne
:
Le principe de ce lambeau a été initialement décrit par Tai et
Hasegawa, puis repris par d’autres auteurs.
Il est vascularisé
par des perforantes du rectus abdominis.
Le lambeau est rectangulaire à
grand axe horizontal.
Le bord supérieur se situe dans le sillon sousmammaire.
La largeur du lambeau est de 10 à 16 cm.
Le bord externe du
lambeau se situe sur la ligne axillaire moyenne ; il est possible de
prélever un lambeau plus long, mais l’extrémité doit être autonomisée
au préalable.
La dissection se fait de distal en proximal, en emportant le
fascia.
Des branches des artères intercostales doivent être liées avant de
mettre en évidence, sur la zone médiane, les perforantes issues du rectus
abdominis à préserver.
Le lambeau est alors mobilisé par simple rotation
sur la PDS ; le site donneur est ensuite fermé par approximation, après
avoir réalisé un lifting abdominal par décollement sous-cutané.
Ce
lambeau cutané permet la couverture de petites PDS de la région
antérolatérale du thorax.
* Lambeau fasciocutané abdominal vertical
:
Ce lambeau fasciocutané est vascularisé par les perforantes supérieures
du rectus abdominis.
Le lambeau est quadrangulaire à grand axe vertical,
le bord interne du lambeau est situé sur la ligne médiane.
La limite
distale inférieure peut atteindre le tiers inférieur de la paroi abdominale.
Le bord externe est parallèle au bord interne du lambeau.
La largeur doit
être telle que le rapport largeur/longueur doit être supérieur à un tiers.
La dissection se fait de distal en proximal, en emportant le feuillet
antérieur de la gaine du rectus abdominis, et doit respecter dans la région
sous-costale les perforantes.
La mobilisation du lambeau se fait par une
simple rotation, et la fermeture du site donneur par simple
approximation, sans risque d’éventration car le rectus abdominis et son
feuillet postérieur sont préservés.
B - Lambeaux musculocutanés
:
Ils ont largement supplanté les lambeaux cutanés dans le traitement des
PDS du thorax, du fait de leur fiabilité et de leur épaisseur qui permet
des reconstructions plus rigides pouvant éviter le recours à des implants
prothétiques en cas de reconstruction de pleine épaisseur de la paroi
thoracique.
1- Pectoralis major (PM)
:
* Bases anatomiques
:
Le muscle pectoralis major ou grand pectoral est le muscle le plus
superficiel de la paroi thoracique, s’étendant en éventail de l’humérus à
la paroi thoracique.
Il s’insère au niveau de la clavicule, du sternum, des
cinq ou six premiers cartilages costaux et à la partie antérieure de la
gaine des droits.
Son insertion humérale se fait au niveau de la gouttière
bicipitale externe.
La vascularisation du muscle est double, avec un pédicule principal et
des pédicules accessoires. Le PM appartient au groupe V de la
classification de Mathes et Nahai.
L’artère du PM constitue le
pédicule principal, elle naît constamment de l’artère acromiothoracique.
Elle a un trajet en L, les parties proximale et distale étant respectivement
oblique en bas et en dehors, et oblique en bas et en dedans.
Les pédicules
accessoires sont des branches acromiales destinées au chef claviculaire
du grand pectoral, et la branche pectorale de la mammaire externe qui vascularise le bord externe du muscle.
Le drainage veineux est assuré
par les veines satellites de l’artère.
* Techniques chirurgicales
:
Plusieurs types de lambeaux peuvent être utilisés en fonction du
pédicule vasculaire utilisé (pédicule principal ou accessoire branche de
la mammaire interne).
+ Lambeau musculocutané en îlot de PM
:
La projection cutanée du pédicule est repérée par deux lignes, la ligne acromioxyphoïdenne et la ligne perpendiculaire à celle-ci à partir de la
moitié de la clavicule.
Le lambeau cutané est dessiné sur la paroi thoracique en regard de la
projection du muscle.
Chez la femme, il est possible de prélever le
lambeau au niveau du sillon sous-mammaire, ce qui permet de
dissimuler la cicatrice du prélèvement.
Le centre de rotation du lambeau
se situe au milieu de la clavicule.
Le lambeau est disséqué de bas en haut en soulevant l’ensemble peau et
muscle.
Au-dessus de la palette cutanée, seul le muscle est prélevé.
En
se centrant sur l’axe vasculaire qui apparaît à la face profonde du muscle,
il est possible d’affiner le pédicule musculaire.
La dissection est ainsi
menée jusqu’au niveau de la clavicule.
Le lambeau est mobilisé sur la PDS par simple rotation.
La fermeture du prélèvement se fait par suture
directe après décollement ou est complétée par une greffe de peau mince.
Ce lambeau permet la couverture des PDS antérieures et supérieures
+ Lambeau musculocutané total de PM
:
Ce lambeau décrit par Dautry mobilise tout l’ensemble musculocutané en monobloc après avoir sectionné les insertions
humérales, sternocostales ou sterno-costo-claviculaires du PM.
Le tracé
du lambeau varie selon qu’il s’agit d’une PDS sternale supérieure ou
inférieure.
+ Lambeau musculaire de PM
:
Le muscle est abordé par le bord externe de la PDS sternale, puis il est
décollé de la paroi thoracique et il est mobilisé en dedans après avoir sectionné ses insertions humérales par une contre-incision directe.
Cette
technique simple et rapide permet de combler les PDS de la partie
supérieure la région sternale.
+ Lambeau musculaire de PM sur les pédicules accessoires
:
Le retournement du PM sur ses insertions costales et sternales est
possible si l’artère mammaire interne est préservée.
Le décollement
sous-cutané de la peau de la région antérieure par la berge externe de la PDS sternale permet d’aborder la face antérieure du muscle.
Il faut le désinsérer au niveau huméral et claviculaire avant de le retourner sur luimême
pour combler la PDS.
Cette technique permet d’utiliser une plus
grande surface musculaire et de n’utiliser qu’un seul muscle, alors que
deux seraient nécessaires lorsqu’il reste vascularisé par son pédicule
principal.
Il faut savoir, néanmoins, que l’artère mammaire interne n’est
pas toujours utilisable et que le décollement nécessaire à son
prélèvement n’est pas exempt de complications.
* Indications
:
Le PM permet la couverture des PDS de la partie supérieure de la face
antérieure du thorax au prix d’une morbidité modérée, mais il ne couvre
pas la partie basse de la région sternale et la surface disponible est
modérée.
2- Latissimus dorsi (LD)
:
Le lambeau musculaire de LD ou grand dorsal est l’un des premiers
lambeaux musculaires décrits.
Il avait été proposé dès 1896 par Tansini pour une reconstruction de la partie antérieure du thorax.
Il
peut être utilisé comme lambeau musculaire pur greffé ou comme
lambeau musculocutané.
* Bases anatomiques
:
Le muscle LD est triangulaire et plat.
Ses insertions proximales se font
par l’intermédiaire de l’aponévrose lombodorsale sur les apophyses
épineuses des sept dernières vertèbres thoraciques et des vertèbres
lombaires, sur les ligaments interépineux correspondants, sur la crête
sacrée et sur la partie postérieure de l’aile iliaque.
De là, les fibres
musculaires convergent en se dirigeant en haut et en dehors.
Le LD
contourne alors le bord inférieur du teres major en décrivant un
mouvement de torsion.
L’insertion distale se fait par un tendon
quadrangulaire qui s’insère sur la lèvre interne de la coulisse bicipitale.
De par sa situation, il devrait s’appeler le grand dorsolatéral plutôt que
le grand dorsal selon l’ancienne terminologie.
La vascularisation du LD est double avec un pédicule principal et des
pédicules accessoires.
Il appartient au groupe V de la classification de Mathes et Nahai.
Son pédicule principal provient de l’artère thoracodorsale, branche de division de l’artère scapulaire inférieure,
elle-même issue de l’artère axillaire.
L’artère thoracodorsale donne une
branche au teres major et une ou deux branches au serratus anterior, puis
pénètre dans le LD par sa face profonde, à 10 cm environ de son
insertion humérale.
La vascularisation accessoire segmentaire du
muscle est assurée par des branches perforantes issues des artères
intercostales et lombaires, qui pénètrent dans le muscle par sa face
profonde, à proximité de ses insertions rachidiennes.
L’innervation provient du nerf du LD (C7 principalement), issu du tronc
secondaire postérieur et accompagnant le pédicule vasculaire principal.
Il est possible de prélever avec le LD la totalité de la peau située en
regard, vascularisée avec une grande fiabilité par des branches
perforantes musculocutanées.
* Techniques chirurgicales
:
Le patient peut être installé en décubitus dorsal, le bras en abduction sur
une table, deux billots placés respectivement sous l’omoplate et la fesse
homolatérale.
L’installation en décubitus latéral facilite la dissection
d’un lambeau musculocutané, mais peut imposer un changement de
position.
Le repère cutané essentiel est le bord antérieur du muscle qui
est palpé à travers la peau, depuis le creux axillaire jusqu’à la crête
iliaque ; il doit être tracé pour visualiser la silhouette du muscle.
Le
pédicule pénètre dans le muscle par son bord antérieur à 6-10 cm du
sommet du creux axillaire qui constitue le centre de rotation du muscle.
+ Lambeau musculocutané
:
La richesse des perforantes musculocutanées autorise le prélèvement de
lambeau musculocutané.
La palette cutanée peut être dessinée en regard
du muscle, ou débordant légèrement son bord antérieur. Pour permettre
une fermeture directe du site donneur, elle doit être elliptique et sa
largeur ne doit pas excéder 10 à 12 cm.
Le dessin d’un lambeau
elliptique à grand axe horizontal a l’avantage, chez la femme, de
dissimuler la cicatrice sous un soutien-gorge.
La solidarisation de la
peau au muscle permet d’éviter de léser les perforantes musculocutanées
par des manoeuvres de cisaillement.
Lorsqu’un arc de rotation important
est nécessaire, il faut dessiner la palette cutanée à la partie basse du
muscle et il est recommandé de dessiner une palette de grande surface
pour accroître la fiabilité du lambeau en augmentant le nombre des
perforantes musculocutanées, en désépidermisant si nécessaire la partie
proximale du lambeau.
La périphérie du lambeau est incisée et la peau est solidarisée au muscle
pour éviter les cisaillements.
La peau est décollée en périphérie du
lambeau, permettant d’aborder la face superficielle du muscle et on
repère le bord antérieur du muscle qui est toujours plus antérieur que le
repère cutané.
On contourne ensuite le bord antérieur du muscle pour
disséquer le plan situé entre le serratus anterior et la face profonde du
LD.
Les insertions costales du muscle sont libérées, et on procède à la
ligature des pédicules accessoires provenant des artères intercostales et
lombaires.
La dissection de la face profonde est poursuivie de distal en
proximal. Le pédicule vasculonerveux est repéré à la face antérieure du
muscle, sa visualisation n’étant pas nécessaire.
Les insertions distales
du LD sont alors sectionnées et le lambeau peut être transposé vers le
site receveur.
La section de l’insertion humérale du muscle, associée à
une dissection soigneuse du pédicule avec ligature des branches
destinées au serratus anterior et au teres major, permet d’augmenter l’arc
de rotation du lambeau.
Enfin, il faut veiller à éviter une traction
excessive sur le pédicule.
L’incision du site donneur est fermée après
hémostase soigneuse sur un drainage aspiratif.
+ Lambeau musculaire pur
:
L’utilisation d’un lambeau musculaire pur permet d’augmenter la
surface disponible tout en limitant la séquelle cicatricielle au site
donneur.
Le prélèvement peut être fait en décubitus dorsal, l’incision se
faisant directement sur le bord antérieur du muscle préalablement
repéré.
Le lambeau mis en place est recouvert d’une greffe de peau
mince en général dans le même temps.
+ Prélèvement partiel
:
La distribution intramusculaire du pédicule vasculonerveux en deux
branches antérieure et postérieure permet d’individualiser deux
territoires musculaires distincts.
Muller a décrit un prélèvement isolé de
la partie antérieure du muscle, laissant en place la partie postérieure du
muscle normalement innervée et fonctionnelle.
+ Lambeau ostéo-musculo-cutané
:
L’existence de branches à destinée costale à la face profonde du muscle
donne la possibilité d’inclure dans le prélèvement une partie des 11e et
12e côtes, ce qui permet des reconstructions complètes de la paroi
thoracique.
+ Lambeau reverse
:
Le muscle peut être prélevé sur ses pédicules accessoires intercostaux ;
il est alors retourné en « feuillet de livre » sur ses insertions vertébrales.
Ce lambeau permet la couverture de la région lombosacrée et a même
été proposé pour la reconstruction diaphragmatique.
Il a été proposé
d’en accroître la fiabilité par une section préalable du pédicule thoracodorsal pour permettre le développement des pédicules
intercostaux.
* Indications
:
L’existence et la viabilité du LD doivent toujours être vérifiées avant
d’en poser l’indication.
Il faudra se méfier d’une irradiation du creux
axillaire ou des antécédents de curage, ainsi que des thoracotomies qui
peuvent avoir sectionné le muscle (il faut encourager les chirurgiens
thoraciques à le préserver pour des reconstructions éventuelles).
Ce
lambeau constitue le lambeau de base des reconstructions des PDS du
thorax.
Son arc de rotation sur son pédicule principal lui
permet de couvrir la face antérieure du thorax homolatéral et la partie antérosupéreure de la paroi thoracique controlatérale.
Le
prélèvement costal associé permet les reconstructions de pleine
épaisseur de la paroi.
La mobilisation sur son pédicule accessoire
autorise la couverture des PDS postérieures dorsolombaires.
3- Rectus abdominis (RA)
:
Le lambeau de RA décrit par Hartramf est largement utilisé en
reconstruction mammaire, mais il peut être également indiqué pour le
traitement des PDS du thorax.
* Bases anatomiques
:
Le RA est un muscle pair et symétrique qui participe à la constitution de
la paroi abdominale.
Il est allongé, épais, aplati, étendu le long de la ligne
médiane du pubis à la partie antéro-inférieure du thorax.
Chacun des
deux muscles est contenu dans une gaine aponévrotique ; les deux
muscles sont séparés sur la ligne médiane par un raphé tendineux, la
ligne blanche.
La vascularisation musculaire est assurée par les deux pédicules
épigastriques.
Elle est du type II de la classification de Mathes et
Nahai.
L’artère épigastrique inférieure naît sur le côté interne de
l’artère iliaque externe, et chemine de dehors en dedans pour rejoindre
le bord externe du RAau niveau de l’arcade de Douglas.
Elle a un trajet
ascendant à la face profonde du muscle qu’elle pénètre au niveau de la
région ombilicale.
L’artère épigastrique supérieure est une branche
terminale de l’artère mammaire interne : elle a un trajet descendant et
chemine à la face profonde du muscle depuis son origine thoracique pour
pénétrer le muscle au niveau périombilicale.
Les deux pédicules
s’anastomosent de façon variable au niveau de la région ombilicale.
Le
drainage veineux est satellite des artères. Du fait de son calibre, le
pédicule inférieur est dominant, mais l’ensemble du muscle peut être
vascularisé par l’un ou l’autre de ces pédicules.
Il est donc possible de
prélever deux types de lambeau à pédicule supérieur et inférieur.
La
mobilisation en lambeau libre ne peut être envisagée que sur le pédicule
inférieur dont la longueur utile est de 5 à 10 cmpour un diamètre de 2 à
5 mm.
Par le biais des perforantes musculocutanées, le RA participe à la
vascularisation de la peau de l’abdomen.
Toute la peau en regard du
muscle est vascularisée par celui-ci.
Au niveau de la région ombilicale,
les artères musculocutanées ont une direction radiaires et il est possible
de prélever des lambeaux vascularisés par le RA dont la partie cutanée
dépasse largement le muscle si on inclut la région périombilicale.
La
vascularisation de la peau sous-ombilicale a été bien décrite par
Hartrampf qui a défini quatre zones de vascularisation de fiabilités
différentes en fonction de la position de la palette cutanée par rapport au
muscle.
La zone la moins fiable est la zone IV, constituée par la portion
cutanée du côté opposé au muscle sans être en regard du muscle
controlatéral ; la fiabilité de cette zone est d’autant moins importante que
le muscle est vascularisé par son pédicule supérieur.
Le RA est un élément important de la paroi abdominale et son
prélèvement n’est pas dénué de séquelles fonctionnelles notamment du
point de vue respiratoire, et ce d’autant plus que la respiration d’origine
thoracique est altérée par la lésion initiale.
* Technique chirurgicale
:
Nous décrirons uniquement le transfert pédiculé sur le pédicule
épigastrique supérieur, le lambeau pouvant être musculaire ou musculocutané.
+ Bilan préopératoire
:
Il doit comporter une analyse des cicatrices abdominales qui pourrait
modifier le dessin des lambeaux cutanés.
L’existence d’une artère
mammaire interne perméable est indispensable pour la réalisation de ce
lambeau.
Il faut se méfier d’une lésion du pédicule mammaire interne
après toute chirurgie cardiaque : l’artère mammaire interne est souvent
utilisée pour le pontage coronarien et le pédicule peut avoir été lésé lors
du parage indispensable avant couverture d’une ostéite sternale.
+ Dessin préopératoire
:
Le centre de rotation du lambeau se situe au niveau de l’appendice
xiphoïde.
La surface et la position du lambeau cutané seront calculées
en fonction de la PDS à traiter, mais il devra toujours emporter la peau
périombilicale en regard du muscle utilisé.
En cas de PDS latéralisée, le
lambeau sera prélevé du côté opposé à la lésion.
La silhouette du muscle
est dessinée pour bien visualiser les rapports entre le muscle et la peau.
+ Prélèvement du lambeau
:
Le muscle est abordé entre son origine proximale et la partie supérieure
du lambeau cutané par une incision qui peut être médiane, mais plutôt
paramédiane pour permettre un abord plus direct du muscle.
Le feuillet
antérieur de la gaine musculaire est incisé et est séparé du muscle en
« feuillet de livre ».
Le clivage est facile à la partie haute et plus difficile
au niveau des bandelettes musculaires ; certains auteurs proposent
d’ailleurs de faire des incisions horizontales à ce niveau pour faciliter la
dissection.
Le lambeau cutané est incisé à sa périphérie ; la partie qui
n’est pas en regard du muscle est soulevée jusqu’à l’aplomb du muscle
en emportant l’aponévrose.
La peau en regard du muscle est fixée par
quelques points pour éviter tout cisaillement.
Le muscle est
individualisé à sa partie basse après section de la gaine musculaire.
Il est
facile de le cliver de sa face profonde après l’avoir sectionné et avoir
individualisé le pédicule épigastrique inférieur qui doit être sectionné
entre deux ligatures.
L’ensemble muscle et peau est progressivement
soulevé de bas en haut, le clivage par rapport au feuillet postérieur de la
gaine du muscle se faisant facilement au doigt.
Le pédicule épigastrique
supérieur peut être visualisé à la face profonde du muscle, mais il n’est
pas nécessaire de l’individualiser.
+ Fermeture du site donneur
:
La fermeture de la gaine musculaire doit être soigneuse pour éviter tout
risque d’éventration.
Elle est facile à la partie haute où elle a été
simplement incisée ; elle n’est pas possible en regard du lambeau cutané
où elle a été prélevée.
Au-dessus de l’arcade de Douglas, la
reconstruction de la gaine musculaire antérieure n’est pas utile, mais audessous
il faut la reconstruire par mise en place d’une plaque prothétique
ou par retournement du feuillet antérieur du muscle controlatéral
pédiculé sur la ligne médiane.
La fermeture cutanée se fait par simple
rapprochement si le lambeau est étroit et peut nécessiter un décollement
de la peau de l’abdomen s’il est plus large.
+ Variantes techniques : lambeau musculaire pur
La peau est incisée sur la ligne médiane ou mieux paramédiane.
La gaine
musculaire est ouverte verticalement et est clivée de la face antérieure
du muscle.
Le muscle est séparé du feuillet postérieur de la gaine et le
pédicule épigastrique inférieur est sectionné entre deux ligatures au bord
externe du muscle.
Le muscle est mobilisé sur son insertion proximale
après l’avoir sectionné à la partie basse.
La gaine musculaire est
refermée sur toute sa longueur.
* Indications
:
Sous réserve de l’intégrité du pédicule mammaire interne, le lambeau
de rectus abdominis couvre toutes les PDS de la face antérieure du
thorax.
Tout en respectant les zones décrites par Hartrampf et en cas d’un excès
cutanéoabdominal, il est possible de prélever la quasi-totalité de la peau
sous-ombilicale, ce qui permet la couverture de PDS de surface
importante.
Afin d’améliorer le drainage veineux du lambeau et la
surface cutanée disponible, il a été proposé de rebrancher le pédicule
épigastrique inférieur au niveau du creux axillaire.
La partie cutanée
peut être désépidermisée pour combler une cavité de pneumonectomie.
Le lambeau musculaire pur permet de couvrir toute la région sternale.
Il
est donc particulièrement indiqué pour le traitement des ostéites
sternales, mais les séquelles fonctionnelles respiratoires doivent
toujours être prises en compte.
4- Lambeau intercostal
:
Décrit par Daniel, c’est un lambeau musculaire vascularisé par le
pédicule intercostal qui permet le prélèvement de lambeau composite ostéomyocutané sensible.
Dans la majorité des cas, il est centré sur le
neuvième ou le dixième espace intercostal et son centre de rotation se
situe au niveau du bord externe des muscles paravertébraux.
Sa taille et
sa forme sont limitées par les possibilités de fermeture directe du site
donneur et peuvent aller jusqu’à 18 cm sur 12,5 cm.
Le bord supérieur
du lambeau se situe à la partie supérieure de la côte sus-jacente à l’espace
intercostal choisi, et le bord inférieur à la partie inférieure de la côte
inférieure.
Le décollement costal se fait en sous-périosté, d’avant en
arrière entre plèvre pariétale et muscles intercostaux.
Le bord antérieur
du lambeau est incisé en traversant les muscles et en liant le pédicule
intercostal.
L’incision postérieure qui permet de mobiliser le lambeau
en « îlot » doit être plus prudente pour respecter le pédicule neurovasculaire.
En centrant le lambeau sur deux espaces intercostaux,
il est possible de prélever la côte intermédiaire pour reconstruction
composite.
Il est possible de prolonger le lambeau dans la région
épigastrique, à condition d’inclure le segment de RA sous-jacent ou de
retarder le lambeau.
5- Autres lambeaux
:
D’autres lambeaux ont été décrits pour la couverture des PDS du thorax,
notamment le grand oblique qui permet la couverture de la partie
basse de la paroi latérale du thorax.
C - Grand épiploon
:
L’épiploon, par ses qualités trophiques et sa bonne vascularisation,
constitue un tissu tout à fait adapté pour le traitement des infections.
Initialement décrit par Kiricuta pour le traitement des ostéites
sternales, l’épiploon pédiculé a été également proposé pour le traitement
des plexites radiques afin de favoriser la revascularisation nerveuse et
décomprimer le plexus brachial.
1- Bases anatomiques
:
Le grand épiploon ou épiploon gastrocolique est un repli péritonéal qui
relie l’estomac au côlon transverse, il descend de l’estomac vers le
bassin en avant de l’intestin et en arrière de la paroi abdominale
antérieure.
Il a une forme quadrilatérale dont le bord inférieur libre est
convexe.
Son aspect, sa forme et son épaisseur sont très variables et sont
fonction de l’âge et de l’embonpoint du sujet.
La vascularisation de l’épiploon est sous la dépendance de l’arcade gastroépiploïque.
Elle est constituée par l’anastomose des artères gastroépiploïques droite et gauche qui longent la grande courbure de
l’estomac à distance de celui-ci et donnent des branches à destinées
gastrique et épiploïque.
Ces artères se distribuent dans l’épaisseur de
l’épiploon et réalisent un réseau largement anastomotique.
L’épiploon peut être mobilisé sur l’artère gastroépiploïque droite ou
gauche.
2- Technique chirurgicale
:
L’abord de l’épiploon se fait par une laparotomie médiane susombilicale,
mais il a été proposé de le prélever par laparoscopie.
L’épiploon apparaît en avant de l’intestin et il faut le soulever en partie
basse pour le cliver du côlon transverse.
Cette libération se fait
facilement au bistouri électrique dans un espace avasculaire.
Le tablier épiploïque est alors soulevé et la grande courbure de l’estomac est
facilement identifiée, de même que l’arcade vasculaire.
Les branches à
destinée gastrique sont sectionnées entre deux ligatures.
L’artère gastroépiploïque
gauche est individualisée avant d’être ligaturée, permettant
de mobiliser l’épiploon sur le pédicule gastroépiploïque droit qui est
disséqué jusqu’à son origine.
L’épiploon peut alors être mobilisé vers la PDS.
Les vaisseaux sont
repérés par transillumination, ce qui permet d’allonger le pédicule par le
biais de la vascularisation en « échelle ».
La manipulation de l’épiploon
doit être prudente car il s’agit d’un tissu fragile qui doit être maintenu
dans des compresses humides pour éviter le dessèchement. L’épiploon
peut ainsi facilement recouvrir le sillon deltopectoral.
La paroi
abdominale est refermée en ménageant un espace pour laisser passer le
pédicule.
L’espace laissé libre doit être suffisamment large pour ne pas
comprimer le pédicule, mais pas trop pour ne pas entraîner
d’éventration.
En fonction de l’indication, une greffe de peau mince sera
posée sur ce tissu bien vascularisé soit immédiatement, soit après
bourgeonnement.
3- Indications
:
Par ses qualités trophiques, l’épiploon est largement indiqué pour le
traitement de lésions septiques.
Sa surface et sa souplesse permettent de
le positionner dans des anfractuosités et de combler les espaces morts.
Il
est donc particulièrement indiqué pour le traitement des médiastinites
après ostéites sternales.
L’épiploon n’est pas toujours utilisable, soit du fait d’antécédent de
chirurgie abdominale, soit du fait de sa petite taille.
Certains auteurs ont
d’ailleurs proposé une laparoscopie préopératoire afin de visualiser
l’épiploon et de confirmer la faisabilité de l’opération.
Son prélèvement impose une laparotomie dont les risques immédiats et
secondaires doivent être pris en considération.
D - Lambeaux à distance
:
Ils n’ont que peu d’indications dans le traitement des PDS du thorax,
mais il faut savoir y penser en cas d’impossibilité des lambeaux
pédiculés.
Il a été proposé d’utiliser des lambeaux prélevés au niveau du
bras, mais actuellement ce sont essentiellement les lambeaux libres
qui sont utilisés comme lambeau à distance et tous les lambeaux peuvent
être indiqués.
Le problème essentiel est celui du choix du
pédicule receveur.
Le pédicule thoracodorsal peut être utilisé et il faut
savoir penser au « lambeau ascenseur » de LD en prolongeant le pédicule
thoracodorsal par un pontage veineux sur l’artère et sur la veine, ce qui
permet d’augmenter d’autant l’arc de rotation du lambeau.
Les
anastomoses peuvent être réalisées au niveau du cou, sur le pédicule
cervical transverse, ou bien sur le pédicule mammaire interne qui est
abordé par résection du cartilage costal de la cinquième ou sixième côte,
ou sur le pédicule gastroépiploïque.
Indications
:
Les techniques de reconstruction sont choisies non seulement en fonction
de la profondeur de la PDS, de sa surface et de sa localisation, mais aussi
en tenant compte de l’infection sous-jacente et de l’état général du patient
qui peut limiter les possibilités thérapeutiques.
Les lambeaux cutanés purs sont indiqués pour des PDS cutanées pures :
le choix sera fonction de la localisation de la PDS, mais également de la
rançon cicatricielle.
Mais, du fait de leur fiabilité, les lambeaux musculocutanés ont largement supplanté les lambeaux cutanés, même
pour des PDS superficielles.
Seul le lambeau scapulaire garde des
indications pour la couverture de la région axillaire.
Les PDS de pleine épaisseur de la paroi, de surface limitée n’emportant
pas plus d’un arc costal, peuvent être traitées par lambeau
musculocutané associé à une plaque de treillis prothétique.
Le lambeau
de PM est indiqué pour des PDS de la partie supéroantérieure du thorax
et de la région antérieure de l’épaule.
Le LD couvre une surface plus
importante, notamment à la partie basse et, sur ses pédicules accessoires,
il assure la couverture de la région dorsolombaire.
Le lambeau de RA
couvre toute la région antérieure du thorax sans atteindre la partie haute
du sillon deltopectoral.
Le traitement des lésions infectées de la région sternale doit commencer
par un temps de parage qui doit enlever tout l’os infecté et les cartilages
costaux, en se méfiant des pédicules mammaires internes.
Le lambeau
d’épiploon prend toute sa valeur dans ce type d’indication, car il permet
de combler les espaces morts et d’assécher les lésions par ses qualités
trophiques ; son indication peut être limitée par l’état général du patient
qui peut contre-indiquer la laparotomie.
La partie haute du sternum peut
être comblée par un lambeau de PM, mais celui-ci ne permet pas de
combler la région xiphoïdienne, à moins de lui associer un lambeau de
RA.
Ces trois lambeaux ont des indications communes et leurs
indications respectives se feront en fonction des séquelles fonctionnelles
et cicatricielles au niveau du site donneur et des habitudes du
chirurgien.
Les lésions de pleine épaisseur de la paroi thoracique, nécessitant une
reconstruction des arcs costaux, doivent être traitées par des techniques
fiables pour ne pas courir de risque infectieux.
La possibilité de prélever
des lambeaux composites emportant des fragments de côte doit être
considérée, mais il faut savoir que le positionnement exact de ces
lambeaux composites n’est pas facile.
Les lésions de grande surface peuvent bénéficier de lambeaux libres,
mais il ne faut pas en méconnaître le risque d’échec qui peut mettre en
jeu le pronostic vital.
Les PDS du thorax se caractérisent par leur origine
postchirurgicale, résection tumorale ou ostéite sternale.
L’état
général du patient et sa fonction respiratoire doivent toujours être
considérés.
L’utilisation des lambeaux musculocutanés pédiculés
a limité les indications des lambeaux cutanés, mais ils méritent
d’être connus pour le traitement de certains patients.
Les
lambeaux de LD etPMpermettent de résoudre la plupart desPDS
du thorax.
Le lambeau de RA est indiqué pour les vastes PDS de
la région antérieure, à la partie basse notamment.
Le lambeau
d’épiploon garde ses indications en milieu infecté ou irradié.
L’utilisation des lambeaux libres ne doit être réservé qu’à des cas
d’exception.