Chirurgie des pertes de substance du cuir chevelu Cours de Chirurgie
Introduction
:
La chirurgie réparatrice du cuir chevelu est actuellement dominée
par deux notions récentes :
– celle des lambeaux vasculaires qui permettent des reconstructions
importantes en toute sécurité ;
– celle des dispositifs d’expansion tissulaire (expandeurs) qui
augmentent considérablement les possibilités de couverture
chevelue par lambeaux.
Particularités anatomiques du cuir
chevelu :
A - TOPOGRAPHIE
:
La présence de cheveux (actuelle ou ancienne en cas de calvitie) en
fait une entité anatomique qui s’étend jusqu’au pourtour de la
convexité crânienne, limitée en avant par le front et ses deux golfes,
latéralement par l’insertion des pavillons auriculaires et en arrière
par la ligne d’insertion des cheveux sur la nuque.
Sa surface est
estimée de 600 à 700 cm_ chez l’adulte sans calvitie.
Sa forme est
comparable à un parallélépipède à sommet sphérique car elle épouse
celle du crâne sous-jacent et on distingue (Rouvière) quatre régions
de chaque côté : frontale, pariétale, temporale et occipitale.
B - DIFFÉRENTES COUCHES DU CUIR CHEVELU
:
De la superficie à la profondeur, une coupe de cuir chevelu permet
de distinguer :
– la peau avec un derme richement vascularisé et épais (en
moyenne 2,5 mm) ;
– le tissu sous-cutané, constitué d’un tissu graisseux lobulé et
cloisonné par des travées conjonctivoélastiques.
Le bulbe pileux qui descend profond dans l’hypoderme, siège en règle à 3,5 mm de la
surface ;
– la galéa (ou épicrâne) est une aponévrose fibreuse et inextensible
tendue entre le muscle frontal en avant, le muscle occipital en arrière
et les muscles auriculaires latéralement.
La peau et la galéa sont
solidement reliées entre elles par les travées fibreuses du tissu souscutané
et constitue le scalp « chirurgical », de 6 à 7 mm d’épaisseur
en moyenne ;
– l’espace sous-aponévrotique de Merkel est constitué de tissu
conjonctif très lâche et relativement avasculaire.
Cet espace virtuel
réalise un plan de clivage chirurgical aisé sous la galéa ; il s’arrête
en arrière au niveau de la crête occipitale supérieure sous laquelle le
tissu sous-cutané adhère directement à l’aponévrose des muscles
trapèzes ;
– le périoste (ou péricrâne) est mince et adhère peu à la table externe
de la voûte crânienne, sauf le long des sutures.
Lorsqu’il est intact, il
constitue un sous-sol qui peut recevoir une greffe cutanée.
Il est
toutefois fragile, en particulier extrêmement sensible à la
dessiccation.
C - VASCULARISATION ARTÉRIELLE
:
L’originalité du scalp tient à sa richesse vasculaire et à l’importance
des anastomoses entre les différents systèmes expliquant les
possibilités des différents lambeaux du cuir chevelu.
La
vascularisation artérielle est assurée par cinq pédicules de chaque
côté :
– artère temporale superficielle : c’est la plus importante et elle naît de
la bifurcation de la carotide externe en artère temporale superficielle
et artère maxillaire interne.
Son calibre à l’origine est d’environ
2 mm.
Son trajet est d’abord intraparotidien, puis elle monte en
avant de l’oreille, son point d’émergence se situant 4 à 5 mm en
avant du tragus sur une ligne reliant le bord supérieur du conduit
auditif externe au bord supérieur de l’orbite (Eustathianos).
L’artère
temporale superficielle devient alors superficielle, dans un plan
sous-cutané et après 2 à 3 cm, elle se divise en une branche
antérieure temporofrontale et une branche postérieure
temporopariétale ;
– artère auriculaire postérieure : c’est une branche collatérale de la
carotide externe.
Elle est assez grêle, et après avoir croisé la
mastoïde, elle se ramifie au niveau de l’oreille et de la région susmastoïdienne,
puis se divise en deux branches anastomotiques :
l’une avec la branche temporopariétale postérieure de la temporale
superficielle, l’autre avec l’artère occipitale ;
– artère occipitale : elle naît de la face postérieure de la carotide
externe puis perfore le muscle trapèze et devient sous-cutanée sur la
ligne courbe occipitale supérieure, à 3,5 cm ou 4 cm de la ligne
médiane.
Elle se termine par bifurcation en deux branches
ascendantes (interne et externe) qui s’anastomosent avec les
branches du rameau temporopariétal de la temporale superficielle ;
– artère frontale interne (supratrochléaire) et artère frontale externe
(supraorbitaire) : elles sont issues de l’artère ophtalmique (branche
de la carotide interne) et croisent le rebord supraorbitaire pour se
limiter au territoire frontal.
Anastomoses et plan de passage des vaisseaux
:
Les vaisseaux abordent le cuir chevelu à sa périphérie en passant
superficiellement aux muscles peauciers, puis ils cheminent à la face
superficielle de la galéa, véritable « lame porte-vaisseaux ».
Tout au
long de leur parcours, les branches terminales décochent, par leur
versant supérieur, des rameaux qui montent à travers l’hypoderme
jusqu’au réseau sous-dermique.
Le cuir chevelu possède ainsi un double réseau anastomotique très
riche :
– d’une part, au niveau du plexus sous-dermique, dont les artères
restent béantes par leur adhérence au tissu conjonctif ;
– d’autre part, au niveau de la galéa, les vaisseaux s’anastomosant
à plein canal et cheminant dans de véritables tunnels fibreux peu
contractiles.
D - VASCULARISATION VEINEUSE
:
Elle est de disposition plus variable.
La classique notion selon
laquelle les veines suivent le trajet des artères s’avère ici
particulièrement sujette à caution.
Ainsi, il existe d’importantes
variations, notamment au niveau frontotemporal où le système
veineux est souvent assez grêle, voire inexistant.
Au total, le drainage s’effectue essentiellement :
– en avant, vers la veine angulaire, par l’intermédiaire d’une grosse
veine médiane frontale ;
– latéralement, vers la veine jugulaire externe, par l’intermédiaire
de la veine temporale superficielle et de la veine auriculaire
postérieure, ces deux veines formant d’ailleurs un cercle
anastomotique sus- et rétroauriculaire ;
– en arrière, une petite partie du scalp (pariétal notamment) se
draine dans le système veineux intracrânien (sinus longitudinal
supérieur) par quelques veines émissaires qui perforent la voûte
crânienne.
E - DRAINAGE LYMPHATIQUE
:
Les vaisseaux lymphatiques cheminent dans le même plan que les
artères et les veines et le drainage se fait préférentiellement :
– pour les régions frontales et temporales, vers les ganglions
parotidiens ;
– pour les régions temporales pariétales, vers les ganglions
mastoïdiens et les ganglions latéraux profonds du cou (chaînes
jugulaire interne, spinale et cervicale transverse) ;
– pour la région occipitale, vers les ganglions occipitaux et la chaîne
spinale.
F - INNERVATION
:
À part quelques filets moteurs provenant du nerf facial et se
distribuant aux muscles frontal et occipital, le cuir chevelu reçoit
essentiellement des rameaux sensitifs provenant :
– en avant, du trijumeau, par la branche frontale du nerf
ophtalmique, qui donne le frontal externe (ou sus-orbitaire) et le
frontal interne ;
– latéralement, d’une part du trijumeau, par le nerf auriculotemporal issu du nerf maxillaire inférieur, d’autre part du
plexus cervical superficiel, par ses branches mastoïdienne et
auriculaire ;
– en arrière, par les branches postérieures des deuxième (grand nerf
occipital d’Arnold) et troisième nerfs cervicaux.
G - APPLICATION AUX LAMBEAUX
:
La situation superficielle des vaisseaux du cuir chevelu explique que
le décollement des lambeaux se fait toujours sous la galéa qui assure
un plan de protection vasculaire.
Les vaisseaux qui nourrissent le scalp sont tous périphériques.
Ainsi,
ce riche réseau artériel, qui est terminal et se fait par des artères
allant de bas en haut, permet l’utilisation de différents lambeaux
centrés (lambeaux vasculaires axiaux) ou non (lambeaux
conventionnels) sur un ou plusieurs pédicules.
Les anastomoses entre les branches des différents pédicules se font
non seulement entre les branches des pédicules homolatéraux, mais
également et après croisement de la ligne médiane entre chaque côté
(droit et gauche).
Ceci explique :
– d’une part, qu’il existe un système de compensation tel que la
défaillance ou la ligature d’une branche ou d’un pédicule est
suppléée par un autre pédicule ;
– d’autre part, que l’on puisse pratiquer non seulement des
lambeaux vasculaires pédiculés utilisant les anastomoses entre les
différents pédicules homolatéraux, mais également des lambeaux
vasculaires étendus en zone controlatérale, le système de
compensation vasculaire faisant alors fonctionner les anastomoses à
contre-courant (lambeaux vasculaires axioanastomotiques).
Au
maximum, le pédicule temporal superficiel peut assurer à lui seul la
quasi-totalité de la vascularisation du scalp.
Principes en chirurgie du cuir chevelu
:
A - AVANT L’INTERVENTION
:
L’étendue et la qualité des zones restantes sont le facteur primordial
qui conditionne la reconstruction : leurs mesures comparées à celle
de la perte de substance à couvrir sont consignées sur un schéma.
Au mieux, on trace le dessin du futur lambeau et, avec un patron,
on s’assure que celui-ci vient aisément se placer sur la future perte
de substance (prévoir un excès de longueur de 1 à 2 cm).
La forme du crâne (variable selon les individus) influence le tracé
du lambeau ; la boîte crânienne étant assimilée à un parallélépipède
à sommet sphérique, il faut prévoir des lambeaux plus grands
lorsqu’ils sont prélevés dans des zones assez plates (front, tempe,
nuque, lambeaux à distance) et qu’ils sont destinés à des zones plus
convexes.
Enfin, il faut penser à la direction future des cheveux qui sont
transposés par la reconstruction et également prévoir une éventuelle
calvitie ultérieure.
B - AU COURS DE L’INTERVENTION
:
– L’infiltration est toujours indispensable, que ce soit en cas
d’intervention sous anesthésie locale (Xylocaïne adrénalinée à 1 %
diluée ou non avec du sérum physiologique) ou sous anesthésie
générale (sérum adrénaliné avec ou sans Xylocaïne) car elle
diminue toujours le saignement.
On débute par une infiltration
superficielle traçante intradermique (blanchiment), puis l’infiltration
rapide et profonde sous la galéa pour faciliter le geste chirurgical.
– L’incision respecte au mieux l’obliquité des follicules pileux et est
parallèle à leur direction.
– L’hémostase se fait à deux niveaux :
– en superficie, au niveau du réseau sous-dermique par simple
pression (surjet passé ou clips) puis la suture cutanée ;
– en profondeur avec une coagulation très fine près de la galéa
en évitant d’endommager les follicules.
– Les décollements se font dans l’espace peu vasculaire de Merkel,
mais au niveau de la région occipitale, il faut changer de plan
(passer en sous-cutané ou sous l’aponévrose des muscles du cou) et
contrôler les pédicules vasculonerveux.
– La mise en place des lambeaux se fait en douceur. Il faut toujours
prévoir de vastes lambeaux (par rapport aux pertes de substance),
éviter toute plicature et/ou tension excessive.
Il est d’ailleurs
prudent de mettre provisoirement en place le lambeau avant
d’exciser tout ou partie de la future perte de substance, de façon à
s’assurer d’une mise en place parfaite et d’une bonne vitalité.
On
utilise au mieux une suture par pose d’agrafes automatiques qui
sont peu ischémiantes.
– La vitalité d’un lambeau peut être appréciée en peropératoire par
sa couleur (ni violacée, ni blanche mais légèrement rosée).
Une
compression passagère avec la pulpe du doigt permet de vérifier
une bonne recoloration rapide.
Enfin, sa tranche de section doit avoir
un saignement bien rouge.
S’il y a un doute sur l’extrémité, il vaut
mieux, après l’avoir entourée d’un champ imbibé de sérum tiède,
réséquer la partie douteuse.
Au besoin, il ne faut pas hésiter à
remettre en place temporairement le lambeau sur le site donneur
pendant 1 à 2 semaines.
– Le drainage se fait sous les zones décollées (drains aspiratifs ou
lames) et l’ablation se fait 24 à 48 heures après l’intervention.
– Le pansement est volumineux et absorbant, mais évite toute
pression sur le pédicule et permet une surveillance du lambeau.
C - APRÈS L’INTERVENTION
:
Il faut éviter tout à-coup tensionnel.
La position du patient évite
toute compression d’appui, la surélévation de la tête étant
souhaitable.
Une surveillance attentive de l’extrémité du lambeau
est indispensable, surtout les premières heures, avec graissage
(vaseline) et massages répétés en cas de légère stase.
On n’hésite pas
à pratiquer l’ablation de quelques points pour soulager une
éventuelle tension excessive.
Enfin, en cas de nécrose partielle du lambeau en place, on attend
généralement qu’elle soit bien limitée avant toute excision.
Différentes techniques
:
Toutes les techniques de réparation visent à retrouver une
couverture cutanée qui est au mieux « chevelue ».
Ainsi, en allant
du plus simple au plus complexe, on peut choisir : la suture directe, la cicatrisation dirigée, la greffe cutanée, les lambeaux du cuir
chevelu, l’expansion du cuir chevelu, les lambeaux à distance.
A - SUTURE DIRECTE
:
Elle est en principe réservée à des pertes de substance n’excédant
pas 2 à 3 cm de large, sachant cependant que le manque d’élasticité
du cuir chevelu varie beaucoup en fonction des individus et de l’âge
(plus importante chez le jeune enfant et plus faible chez le sujet âgé),
en fonction des régions (les zones temporales et surtout au niveau
de la nuque, qui sont laxes).
Il faut également se méfier en cas de
scalp cicatriciel.
Dans tous les cas, il est important d’apprécier la souplesse du cuir
chevelu avant l’intervention (test de pincement cutané).
Les possibilités de fermeture peuvent par ailleurs être largement
majorées :
– dans l’immédiat par un décollement bilatéral extensif, parfois
associé à des incisions de la galéa ou même en tassant beaucoup de
compresses entre la galéa et la voûte crânienne (attendre au moins
30 minutes) ;
– nous verrons également que l’on peut attendre plusieurs mois
pour voir le scalp s’assouplir à nouveau ;
– enfin, une intervention en deux étapes permet l’utilisation des
extenseurs (type Freche) ou des expandeurs.
B - CICATRISATION DIRIGÉE
:
Seule, elle ne peut s’appliquer qu’à des pertes de substance très
petites, c’est pourquoi elle n’est souvent que le temps préparatoire à
la greffe.
C - GREFFE CUTANÉE
:
Elle n’est possible que si le sous-sol est correctement vascularisé :
tissu sous-cutané, galéa, périoste, voire tissu de granulation
spontané ou obtenu par de multiples perforations de la table externe
de la voûte crânienne (bourgeonnant à partir de la diploé).
Il s’agit surtout de peau mince ou semi-épaisse à partir des sites
habituels (souvent la face interne de la cuisse) ou même sur le cuir
chevelu restant.
Cette technique a l’avantage d’être simple et très fiable lorsque le
sous-sol est bon, mais la zone greffée est alopécique et la greffe a
parfois tendance à s’ulcérer au moindre traumatisme.
D - LAMBEAUX DU CUIR CHEVELU
:
La grande richesse vasculaire du scalp explique qu’il soit possible
d’envisager, non seulement des lambeaux conventionnels (sans
pédicule macroscopique particulier), mais également des lambeaux
vasculaires axés sur un pédicule artérioveineux.
1- Lambeaux conventionnels
:
Ils sont dits « au hasard » et ont une longueur limitée par leur
largeur, l’importante vascularisation du cuir chevelu autorisant des
lambeaux longs de trois à quatre fois leur largeur ; au-delà, une
autonomisation est préférable.
Classiquement, on distingue trois sortes de lambeaux « au hasard »
en fonction du déplacement que l’on veut leur imposer :
l’avancement, la rotation et la transposition.
* Lambeaux d’avancement
:
C’est la taille d’un lambeau généralement quadrilatère et allongé que
l’on fait glisser vers la perte de substance en utilisant l’élasticité du
lambeau depuis son pédicule et jusqu’à son extrémité libre (le
lambeau doit être relativement long car le gain vient du lambeau
lui-même).
L’avancement peut être facilité par la taille de deux petits
triangles à sa base.
On peut également associer deux lambeaux
d’avancement (plastie en « H »).
En pratique, le cuir chevelu étant
peu élastique, on utilise peu l’avancement en dehors des zones laxes
(nuque) ou de l’emploi d’un expandeur.
* Lambeaux de rotation
:
Ces lambeaux sont inspirés de la technique d’Imre : à partir du petit
côté de la perte de substance, le lambeau est tracé dans une large
courbe qui permet sa rotation.
Au niveau du cuir chevelu, ces
lambeaux conviennent particulièrement bien à la forme convexe du
crâne. Ils doivent toujours avoir un axe de rotation très grand et un back-cut à la base peut faciliter la rotation.
Le gain de ce lambeau provient non seulement du lambeau luimême
(qui est très grand), mais également, si cela est possible, de la
zone donneuse très à distance (pied du lambeau) lorsque celle-ci est
très élastique (nuque par exemple).
Dans certains cas, on peut même associer ces lambeaux :
– deux lambeaux de rotation à concavité opposée et fermés en « S »
ou avec greffe des zones donneuses ;
– voire même une technique à trois lambeaux de rotation (en
« hélice ») pour des pertes de substance des zones apicales.
* Lambeaux de transposition
:
Qu’ils soient adjacents à la perte de substance ou qu’ils enjambent
une zone chevelue laissée en place, leur gain provient entièrement
de la zone donneuse qui est, soit fermée (lambeau peu large venant
de régions assez laxes : tempe, nuque), soit greffée sur le périoste.
Parmi les lambeaux de transposition, on distingue également les
lambeaux d’échange, les lambeaux bipédiculés et les lambeaux
multiples.
* Lambeaux d’échange
:
Comme la plastie en « Z » : l’échange de deux lambeaux
triangulaires permet l’allongement d’une zone de rétraction et
permet de briser certaines cicatrices alopéciques trop visibles.
* Lambeaux bipédiculés
:
Ils consistent à transférer par glissement un lambeau en « anse de
seau », dont les extrémités correspondent au mieux à un pédicule.
Les lambeaux sont larges, utilisant la quasi-totalité du scalp restant,
la zone donneuse étant greffée.
En fonction de la localisation des pertes de substance, plusieurs
types de lambeaux bipédiculés sont possibles :
– pour des pertes de substance latéralisées : soit un lambeau à axe
longitudinal (pédicule frontal en avant et occipital homolatéral en
arrière), soit un lambeau à axe oblique (pédicule frontal en
avant et occipital controlatéral en arrière) ;
– pour les pertes de substance antérieures ou postérieures :
lambeaux transversaux (pédicules temporaux droit et gauche)
basculant vers l’avant ou vers l’arrière.
Leur avantage est leur extrême fiabilité qui les rend très utiles
lorsque l’on doit sacrifier la voûte crânienne, dans certaines exérèses
carcinologiques par exemple.
Leurs inconvénients sont, outre l’existence d’importantes oreilles,
surtout les problèmes de leur mobilisation et il faut anticiper les
difficultés que peut poser le franchissement de zones de convexité
maximale (vertex).
* Lambeaux multiples
:
On peut associer deux lambeaux de transposition, additionnant ainsi
leurs possibilités de couverture.
Au maximum, ce sont les procédés
décrits par Orticochea qui utilise tout le scalp restant, qui est décollé
très loin puis fragmenté en plusieurs lambeaux (initialement quatre
puis trois), au mieux axés sur un pédicule.
La striation de la galéa de ces lambeaux, associée à leur transposition et à leur
glissement, permet la couverture d’importantes pertes de substance
(de 100 à 150 cm2) des régions frontale, occipitale, pariéto-occipitale,
ou même du vertex.
Cette technique a l’avantage de laisser un
minimum de zone alopécique tout en permettant la fermeture des
pertes de substance très importantes.
Cependant, elle reste parfois
un peu complexe et a surtout l’inconvénient de morceler
complètement le scalp restant.
Il faut bien admettre que la distinction entre toutes ces autoplasties
est un peu artificielle, un lambeau travaillant souvent plus ou moins
avec toutes ces composantes dans un mouvement général de
glissement.
2- Lambeaux vasculaires
:
* Définition
:
Ces lambeaux correspondent au propre territoire vasculaire de leur
pédicule artérioveineux les libérant de leur taille, des impératifs de
rapport de longueur/largeur.
Ils ont l’avantage de pouvoir être très étendus tout en restant fiables,
mais ils sont astreints à la localisation de leur pédicule qui est
habituellement proximal (flux antérograde) ; la surface du lambeau
étant incluse dans le territoire vasculaire du pédicule, on peut
utiliser ces lambeaux :
– soit, le plus souvent, en « péninsule » (leur base cutanée contenant
le pédicule vasculaire) ;
– soit, plus rarement et pour augmenter leur mobilité, en « îlot »
(section totale des berges du lambeau qui n’est relié qu’à son
pédicule vasculaire) ;
– soit, au maximum, en lambeau libre (pédicule réanastomosé sous
microscope).
Nous distinguons les lambeaux axiaux simples (qui correspondent
aux territoires physiologiques habituels des pédicules majeurs du
scalp) et les lambeaux axioanastomotiques parfois très étendus et
dont la largeur doit forcément inclure les anastomoses (artères et
veines) avec un autre territoire.
* Lambeaux axiaux
:
+ Temporaux
:
Les lambeaux temporaux simples peuvent généralement être
transposés vers l’avant ou l’arrière (on peut même associer deux
lambeaux temporaux droit et gauche).
La mobilité de ces lambeaux
peut encore être augmentée en utilisant, comme le fait Onizuka, un
îlot sur la branche temporopariétale et destiné à des pertes de
substance temporales ou occipitales.
+ Occipitaux
:
Ces lambeaux peuvent être transposés latéralement, voire même
utilisés en îlot, plus mobiles et pouvant alors atteindre la région
temporale (Lequang).
+ Frontaux
:
Ils restent essentiellement limités à leur transposition dans cette
région.
* Lambeaux axioanastomotiques
:
Ils permettent d’importantes réparations telles que :
– les grands lambeaux temporaux, qui dépassent très largement la
ligne médiane et peuvent être transposés sur de vastes pertes de
substance antérieures ou postérieures.
Au maximum, Real a montré
que le pédicule temporal superficiel peut assurer à lui seul la vascularisation de tout le scalp restant (lambeau de scalp total).
Ce
lambeau est très utile pour reconstruire d’importantes pertes de
substance du secteur pariéto-orbitaire ;
– les grands lambeaux à large pédicule occipital et à vaste étendue
antéropostérieure, qui peuvent même inclure la peau frontale
(controlatérale à la lésion), leur transposition pouvant alors couvrir
d’importantes pertes de substance pariéto-temporo-frontales
controlatérales ; ces lambeaux étant très fiables à partir du moment
où leur base est suffisamment large pour y inclure à coup sûr le
retour veineux postérieur.
* Lambeaux libres du cuir chevelu
:
Ils ont été initialement décrits par Harii (lambeau axé sur la branche
des vaisseaux temporaux superficiels), puis par Juri (lambeau
pariéto-temporo-occipital) et surtout utilisés par Ohmori (lambeau
temporo-pariéto-occipital modifié, lambeau occipitopariétal,
lambeau temporo-occipito-pariétal étendu à la région temporale
controlatérale, lambeau occipito-occipital).
Ces lambeaux restent soumis aux aléas classiques de la
microchirurgie (temps, fiabilité).
Ils sont d’indication assez rare et
restent réservés à la reconstruction de la ligne chevelue antérieure
lorsque aucune autre technique n’est possible.
E - EXPANSION DU CUIR CHEVELU
:
1- Principe
:
Le procédé consiste à placer sous le cuir chevelu une ou plusieurs
prothèses progressivement gonflées au sérum physiologique de
façon à augmenter les possibilités de couverture par des régions
chevelues expansées.
Le cuir chevelu est le site idéal car c’est un tissu épais, solide,
progressivement extensible, et la prothèse repose sur une surface
dure.
Le cuir chevelu expansé est un peu aminci mais il conserve toutes
ses qualités, la baisse de la densité chevelue entraînée étant
habituellement peu visible.
Enfin, l’expansion entraîne une meilleure vascularisation, avec
prédominance au niveau de la capsule périprothétique.
La fiabilité
des lambeaux expansés devient comparable à celle des lambeaux
autonomisés.
2- Choix de la prothèse
:
Il existe de multiples modèles de prothèse : valve incorporée ou à
distance à formes variées (cubique, rectangulaire, cylindrique, ronde,
ovale, en « croissant », à expansion différentielle, etc) ; volumes de
remplissage multiples, ceux-ci pouvant souvent être largement
dépassés ; taille et surtout dimension de la base variables.
La ou les régions chevelues destinées à l’expansion sont mesurées.
Ces zones doivent être toujours de bonne qualité (épaisseur,
souplesse, solidité, bonne vascularisation, densité chevelue
suffisante, absence de tout phénomène inflammatoire).
Ces mesures permettent le choix de la prothèse :
– les gains obtenus varient selon les formes de prothèses
(en moyenne 50 à 80 % d’accroissement cutané utilisable), mais en
pratique, il vaut mieux prévoir un apport supplémentaire et souvent
la prothèse la plus adaptée est celle qui possède le plus gros volume
et surtout la plus grande base que l’on puisse implanter.
– pour de larges zones à couvrir, l’utilisation de plusieurs prothèses
facilite souvent la reconstruction et diminue aussi la durée de
l’expansion.
3- Technique
:
* Mise en place de la prothèse
:
La voie d’abord est au mieux :
– située en pleine peau saine et sans gêner la vascularisation du
futur lambeau ;
– soumise aux moindres contraintes, c’est-à-dire si possible à
distance de l’expansion et par des incisions orientées de façon
radiaire (par rapport aux zones à couvrir) ou des incisions
perpendiculaires à la direction des tensions les plus importantes qui
s’exercent lors du remplissage.
Le décollement s’effectue entre péricrâne et galéa.
Il doit
correspondre aux dimensions de la base de la prothèse envisagée.
La valve est placée très à distance de la prothèse et en zone
facilement repérable.
Pour certains, les valves peuvent être
extériorisées.
La loge décollée est drainée et un premier gonflage aide au bon
étalement de la prothèse.
* Remplissage
:
Il s’effectue avec du sérum physiologique injecté lentement dans la
valve et par l’intermédiaire d’une aiguille de diamètre 23 G.
Il débute généralement 2 à 3 semaines après la première
intervention.
Il doit théoriquement être continu et progressif.
En pratique, les
séances sont espacées entre 3 et 10 jours mais le rythme et les
quantités sont adaptés à chaque cas, selon les critères de tolérance
constitués par la douleur, la tension ressentie et palpée, l’aspect et la
coloration cutanés.
Le remplissage se termine généralement au bout de 1 à 3 mois.
À ce
moment, les mesures de zones distendues comparées aux valeurs
initiales permettent de prévoir l’avancée du lambeau avec quelques
centimètres de sécurité.
* Reconstruction
:
Le lambeau le plus souvent utilisé a une composante majeure de
glissement (expansion adjacente à la zone à couvrir) mais, pour bien
profiter de l’expansion, les berges doivent toujours être incisées en
zones correctement expansées.
La surface distendue a donc été
prévue pour bien déborder la zone de prélèvement du lambeau.
Ainsi, sur une expansion ronde, le lambeau qui profite au mieux de
l’expansion est théoriquement celui qui a la forme dessinée par le
sillon d’une balle de tennis (Servant).
Moins souvent, on utilise un lambeau de transposition dont la zone
donneuse est plus facilement fermée.
Pour donner un peu plus de jeu au glissement des lambeaux, il est
possible de sectionner très prudemment la coque prothétique ; son
excision n’est cependant pas recommandée, d’autant qu’elle
participe beaucoup à l’hypervascularisation du lambeau.
Enfin, lorsque la couverture chevelue n’est pas complète, il est
possible d’effectuer une, voire plusieurs, réexpansions ultérieures.
* Avantages
:
C’est une méthode qui permet un gain considérable pour la surface
utilisable de zone chevelue restante.
* Inconvénients
:
Ils ne sont pas négligeables : astreinte du remplissage progressif,
tension cutanée parfois douloureuse, nécessité de deux
interventions, déformation gênante.
* Complications
:
Les complications possibles sont essentiellement le risque
d’hématome (décollement extensif), le risque de dégonflage, de difficultés de localiser la valve, de souffrance cutanée par
remplissage intempestif (au minimum alopécie transitoire, au
maximum nécrose cutanée), de sepsis et d’épanchement séreux,
d’exposition de la valve ou de la prothèse.
Au total, l’expandeur est au mieux utilisé chez un sujet bien informé,
motivé, discipliné, comprenant bien le principe de la méthode et
seulement lorsqu’un procédé plus simple n’est pas suffisant.
F - LAMBEAUX À DISTANCE
:
Lorsque les possibilités locales sont dépassées et qu’une couverture
autoplastique est nécessaire, il faut recourir à des lambeaux pris à
distance.
1- Lambeaux pédiculés
:
Pour certaines pertes de substance importantes et situées en
périphérie (latéralement et en arrière) du cuir chevelu, il est possible
d’utiliser des lambeaux pédiculés prélevés sur le thorax : lambeau musculocutané de grand dorsal ou de trapèze inférieur.
Le lambeau musculocutané de trapèze inférieur peut également
recouvrir la région temporoauriculaire et aussi les pertes de
substance de la nuque et de la face postérieure du crâne.
2- Lambeaux libres à distance
:
Ils peuvent devenir indispensables quand toutes les autres
possibilités sont dépassées et qu’une couverture par lambeau est
indispensable.
Tous les lambeaux libres sont théoriquement
possibles à condition que leur taille soit suffisante : l’épiploon libre
greffé a été un des premiers utilisés, le lambeau de grand dorsal est
le plus employé (on peut même augmenter la surface et en diminuer
l’épaisseur par une expansion préalable).
On peut également
prélever d’autres lambeaux (inguinal, axillaire, scapulaire, antibrachial, grand droit à palette abdominale, etc).
Indications
:
A - CRITÈRES DE CHOIX
:
Les indications dépendent de plusieurs facteurs :
– généraux tels que :
– l’âge (l’expandeur n’est pas possible chez un enfant au crâne
trop souple (avant 1 an) ; les sujets âgés bénéficient de techniques
simples et rapides ;
– le sexe ;
– le contexte socioprofessionnel ;
– l’état général (diabète, troubles de la coagulation, facteur
éthylique et tabagique) ;
– le stress ;
– la détermination du patient et son état psychologique ;
– étiologiques : les pertes de substance pouvant être d’origine
traumatique, après brûlure, après exérèse tumorale de lésions
bénignes (nævus, angiome, cylindrome, neurofibrome, etc) ou de
lésions malignes (épithélioma spino- et basocellulaire, mélanome,
fibrosarcome), d’autres causes plus rares (radiodermite, escarre
d’appui, aplasie congénitale) ;
– locaux : essentiellement la profondeur, la localisation, et surtout
l’étendue de la perte de substance par rapport au scalp restant
(mesures indispensables).
D’autres facteurs locaux tels que
l’existence de cicatrices, la forme du crâne, la quantité et la qualité
de la chevelure restante, ainsi que l’éventualité d’une calvitie
ultérieure.
B - INDICATIONS
:
1- Suture simple
:
Outre le cas où la suture simple est possible (perte de substance de
moins de 3 cm de large, voire plus encore, en cas de scalp très
souple).
2- Greffe de peau mince
:
Elle représente une solution immédiate de sécurité en cas de
pathologie tumorale néoplasique ou en cas d’urgence, mais à
condition que les lésions ne soient pas trop profondes (périoste
intact).
3- Autres cas
:
En cas de lésions tumorales et traumatiques trop profondes ou
d’autres étiologies (désir d’obtenir une surface chevelue continue
d’emblée, réduction d’une alopécie cicatricielle, etc), un lambeau, si
possible chevelu, est souhaitable ou nécessaire.
* Perte de substance inférieure à 6 ou 7 cm de large
:
On peut généralement utiliser un lambeau autofermant, un (ou
plusieurs) lambeau de rotation-glissement est souvent le mieux
adapté.
* Perte de sustance supérieure à 6 ou 7 cm de large
:
On distingue deux situations bien différentes :
– lorsqu’une expansion est impossible d’emblée, c’est-à-dire en cas
d’urgence (scalp traumatique), de problème carcinologique d’exérèse
prioritaire, ou en cas de mauvaises conditions locales (sepsis,
nécrose), ou générales :
– pour les pertes de substance entre 7 et 15 cm de large : le plus
souvent, il est nécessaire de greffer le site donneur du lambeau et
on utilise un (ou plusieurs) lambeaux de transposition au mieux
vasculaire et qui utilisent la quasi-totalité du scalp restant pour
les pertes de substance les plus étendues ;
– au-delà de 15 cm de large : certaines pertes de substance
postérieures (occiput + nuque) ou latérales (temporales) peuvent
encore être accessibles à des lambeaux pédiculés thoraciques
(grand dorsal, trapèze inférieur) ;
– pour des pertes de substance supérieures à la moitié de la
voûte, et notamment autour du vertex, on envisage la
microchirurgie, qu’il s’agisse d’un transfert d’un lambeau cutané
ou de lambeau greffé (muscle ou épiploon) ;
– dans les autres cas, les problèmes urgents,
carcinologiques et septiques étant résolus, c’est-à-dire essentiellement
pour des alopécies étendues, on utilise un ou plusieurs expandeurs.
Il est même possible (si la qualité et la densité des
cheveux restants le permettent) de réexpandre plusieurs fois un
lambeau de façon à le faire glisser sur la perte de substance, on peut
ainsi couvrir certaines alopécies cicatricielles jusqu’à 20 cm de large
(Ozun).
Au-delà, un procédé microchirurgical est nécessaire.
Conclusion
:
Les réparations du cuir chevelu sont dominées à la fois par la notion de
lambeau vasculaire qui permet de couvrir de larges exérèses
carcinologiques en toute sécurité et d’autre part par les possibilités de
couverture offertes par l’expansion cutanée, notamment en cas
d’alopécies cicatricielles ou par certaines lésions bénignes étendues
(nævus géant).