Peptide auriculaire natriurétique et peptides apparentés Cours de Néphrologie
Introduction
:
En 1956, Henry et Pearce mirent en évidence l’effet diurétique de la
distension auriculaire chez le chien.
Marie et al, en 1976,
confirmèrent des observations histologiques anciennes sur la
présence de granules cellulaires dans les oreillettes et constatèrent
que leur quantité variait en fonction des modifications de la volémie.
Enfin, en 1981, de Bold mit en évidence la présence, dans des
extraits auriculaires de rat, d’un facteur natriurétique dont la nature
peptidique fut démontrée peu après.
Depuis la caractérisation de ce
peptide auriculaire natriurétique (ANF ou ANP), la famille des
peptides natriurétiques s’est enrichie de nouveaux membres et leurs
récepteurs ont été identifiés.
Le brain natriuretic peptide (BNP),
initialement isolé dans le cerveau, est une véritable hormone,
principalement sécrétée par les ventricules cardiaques, qui active,
comme l’ANP, le récepteur de type A à activité guanylate cyclasique
(GC-A).
L’ANP et le BNP sont des agents vasodilatateurs artériels et
des facteurs natriurétiques en agissant davantage sur le tubule que
sur le glomérule.
Ils s’opposent ainsi à l’action de l’angiotensine II
et de l’aldostérone dont ils inhibent en outre la production.
Leur
sécrétion est favorisée par l’élévation des pressions de remplissage
cardiaque que leurs effets vasculaires et rénaux tendent à normaliser.
Le rôle de ces hormones dans la régulation du bilan du sodium et
de la pression artérielle a été démontré chez l’animal, en particulier
dans plusieurs souches de souris génétiquement modifiées.
En pathologie, le rôle de l’ANP dans le maintien d’une excrétion
urinaire du sodium appropriée aux apports chez l’insuffisant rénal
chronique est bien documenté.
Au cours de l’insuffisance cardiaque,
la production d’ANP et de BNP s’accroît progressivement de sorte
que le dosage de leur concentration plasmatique présente un intérêt
pronostique dans la surveillance des cardiopathies, mais leur activité
biologique est réduite.
Le peptide natriurétique de type C (CNP), également isolé dans le
cerveau, est un facteur paracrine, impliqué dans la régulation locale
de la vasomotricité et de la prolifération cellulaire vasculaire,
possédant un récepteur distinct de type B ou GC-B.
Les peptides natriurétiques, qu’ils agissent par voie endocrine ou
paracrine, sont dégradés soit par endocytose par liaison à un
récepteur de clairance, soit par clivage enzymatique sous l’action de
l’endopeptidase neutre.
La parenté biochimique entre
l’endopeptidase neutre et l’enzyme de conversion de l’angiotensine
a permis la synthèse d’inhibiteurs mixtes des deux enzymes ou
inhibiteurs des vasopeptidases, en cours d’évaluation actuellement
dans le traitement de l’hypertension artérielle et de l’insuffisance
cardiaque.
Biochimie des peptides natriurétiques
:
À la suite de la description princeps de De Bold et al, des
expériences de purification permirent d’abord d’isoler la prohormone possédant 126 acides aminés chez le rat.
Parallèlement
l’acide désoxyribonucléique (ADN) complémentaire puis le gène
codant pour l’ANP chez le rat ont été caractérisés.
Chez l’homme, le
gène est situé sur le chromosome 1 et comprend trois exons séparés par deux introns.
Parmi les séquences régulatrices de l’expression
du gène identifiées sur le gène humain et de rat, figure un site de
liaison AP-1 qui se lie aux produits des proto-oncogènes c-fos et
c-jun.
La sécrétion d’ANP mature à partir de son précurseur
intracellulaire s’explique par le clivage de la liaison Arg-Ser du pro-
ANP lors de l’étape d’exocytose aboutissant à la libération d’un
fragment aminoterminal de 98 acides aminés et d’un fragment
carboxyterminal de 28 acides aminés, l’ANP mature, possédant une
structure cyclique centrale, conséquence d’un pont disulfure entre deux
cystéines.
La structure de l’ANP est très conservée d’une espèce à l’autre.
Le
fragment carboxyterminal de 28 acides aminés chez l’homme, ne
diffère que par un seul résidu aminé de celui du rat, l’isoleucine en
position 12 du rat étant remplacée chez l’homme par une
méthionine.
Les deux fragments de 28 et 98 acides aminés circulent
dans le plasma. Classiquement, le profragment des hormones
polypeptidiques est inactif.
Il est de ce fait curieux de constater que
plusieurs séquences issues du profragment de l’ANP possèdent une
activité natriurétique, kaliurétique ou vasorelaxante.
Codé par le
même gène que l’ANP, mais présentant quatre acides aminés
supplémentaires à sa partie aminoterminale en raison d’une
maturation différente du pro-ANP, l’urodilatine est synthétisée dans
la partie médullaire terminale du néphron où elle se comporte
comme un agent paracrine aux effets tubulaires identiques à ceux
de l’ANP.
Comme l’ANP, le BNP est libéré par le coeur sous forme
mature, mais les enzymes responsables du clivage des deux prohormones seraient différentes.
Le clivage du pro-BNP dépend
d’une endoprotéase de la famille des furines et conduit à la
libération d’un fragment aminoterminal et d’un fragment
carboxyterminal actif (BNP) constitué de 32 acides aminés chez
l’homme, de 45 chez le rat.
Contrairement à l’ANP, le BNP présente
une grande variabilité d’espèce.
Ce polypeptide, sous sa forme
mature, possède également une structure cyclique centrale de
17 acides aminés dont 11 sont communs avec l’ANP.
Le gène codant
pour le BNP est distinct de celui de l’ANP, mais, comme ce dernier,
il se compose de trois exons et de deux introns et, chez l’homme, est
situé sur le chromosome 1.
Les concentrations plasmatiques d’ANP et de BNP sont mesurables
par radio-immunologie, fluoro-immunologie ou enzymoimmunologie,
par méthode « sandwich » à double anticorps ou
méthode par compétition précédée d’une extraction sur colonne de
silice.
Les conditions de prélèvement doivent être standardisées
du fait de la variabilité des concentrations en fonction de la posture
(augmentées par le décubitus pour l’ANP), de l’âge et des apports
sodés.
Chez le sujet normal, les concentrations
plasmatiques en sang veineux périphérique d’ANP, comprises entre
3 et 7 pM avec les techniques les plus spécifiques, sont plus élevées
que celles de BNP.
Les dosages plasmatique et urinaire de guanosine
monophosphate cyclique (GMPc) sont fréquemment associés à ceux
des peptides natriurétiques circulants car les concentrations du
nucléotide cyclique sont un reflet de leur activité biologique.
Le CNP possède une structure cyclique de 17 acides aminés comme
l’ANP et le BNP.
Il s’en distingue par l’absence d’extrémité carboxyterminale.
Son rôle physiologique est très différent puisqu’il
n’est pas ou peu synthétisé dans le coeur et qu’il agit comme facteur paracrine dans le système nerveux central et la paroi vasculaire où
il est synthétisé par l’endothélium.
La forme mature principale du
CNP est un peptide de 22 acides aminés dont la séquence en acides
aminés est remarquablement conservée chez les mammifères.
D’autres peptides appartenant à la famille des peptides natriurétiques ont été caractérisés dont le dendroaspis natriuretic
peptide (DNP) ou la guanyline et l’uroguanyline, polypeptides
respectivement de 12 et 15 acides aminés, qui sont produits par la
muqueuse gastro-intestinale où ils induisent la formation de
GMPc.
Distribution tissulaire du peptide
auriculaire natriurétique
et du « brain natriuretic peptide »
et régulation de leur sécrétion
:
Les oreillettes droite et gauche sont la source principale de l’ANP
circulant. Un pour cent des ARNm auriculaires codent pour l’ANP.
Les oreillettes synthétisent et sécrètent l’hormone sous l’influence
de nombreux facteurs dont le principal est la tension s’exerçant sur
leurs parois.
En pratique, l’élévation de la pression auriculaire droite
par augmentation de la volémie a été le stimulus le plus étudié,
mais l’élévation isolée de la pression auriculaire gauche conduit
également à une sécrétion hormonale accrue.
Le système
sympathique, l’endothéline, l’angiotensine II et l’hormone
antidiurétique stimulent la libération d’ANP en activant la voie
de la protéine kinase C par mobilisation du calcium cytosolique des
cardiomyocytes.
À l’inverse, le système parasympathique l’inhibe.
D’autres lieux de synthèse de l’ANP ont été décrits, en particulier
les ventricules cardiaques.
Chez l’adulte, l’expression relative des
transcrits ventriculaires est cent fois moindre que dans les oreillettes,
mais elle est accrue chez le foetus, le nouveau-né et dans les situations d’hypertrophie ventriculaire.
Les poumons, la paroi des
vaisseaux de gros calibre, le cerveau (hypothalamus et tronc
cérébral), l’hypophyse, le thymus, l’oeil, le tractus gastro-intestinal
sont aussi des sites de synthèse de l’ANP.
L’ANP joue au sein de ces
organes un rôle paracrine, mais l’importance quantitative de
l’hormone sécrétée par ces différentes structures, excepté par les
vaisseaux thoraciques, est faible chez le sujet adulte normal.
Le BNP est essentiellement synthétisé dans le coeur mais à partir
d’un nombre de transcrits moindre que l’ANP. Par ailleurs, le
rapport de l’ARNm ventriculaire sur l’ARNm auriculaire est plus
élevé pour le BNP que pour l’ANP de sorte que, en tenant compte
de la masse respective des tissus cardiaques, le BNP est
majoritairement synthétisé par les ventricules et plus
particulièrement par le ventricule gauche.
Des sources
extracardiaques de BNP existent également, telles que la surrénale,
le cerveau et le tissu amniotique chez l’homme.
Comme l’ANP, le
BNP est sécrété par le coeur en réponse à une augmentation des
pressions de remplissage.
Parce que le ventricule gauche est la
source principale du peptide, les modifications aiguës de la volémie
sont sans influence sur sa libération, contrairement à l’ANP.
Récepteurs des peptides natriurétiques
:
Trois types de récepteurs des peptides natriurétiques
sont aujourd’hui caractérisés. Ils diffèrent par leur structure, leurs
voies de signalisation intracellulaire, leur affinité pour les différents
peptides natriurétiques et leur distribution tissulaire.
Plusieurs
nomenclatures de ces récepteurs ont été utilisées selon les auteurs et
les années de publication. Les récepteurs de type 1 ont une activité guanylate cyclasique (GC).
On en distingue deux, le type GC-A
(ou 1a) ayant une affinité préférentielle pour l’ANP (KD [constante
de dissociation] de l’ordre de 10 nM) et le BNP (ANP > urodilatine >
BNP >> CNP), et le type GC-B (ou 1b) ayant une affinité
préférentielle pour le CNP (CNP >> ANP > BNP).
Les récepteurs C
ou récepteurs de clairance, de type 2, ne sont pas couplés à la GC et
ont une affinité voisine pour les trois peptides (ANP > CNP > BNP),
du même ordre de grandeur que celle des récepteurs GC.
Ces trois
récepteurs sont des protéines intégrales, contenant un seul domaine
transmembranaire, une extrémité aminoterminale extracellulaire, site
de liaison du peptide circulant, et une extrémité carboxyterminale
intracellulaire.
Si leurs domaines extracellulaires sont de structure
voisine, en revanche, leurs domaines intracellulaires diffèrent
totalement.
Le récepteur de type C est très largement distribué et, de loin le
plus abondant.
Il représente plus de 90 % des récepteurs dans le
cortex rénal, les vaisseaux (cellules endothéliales et musculaires
lisses), le poumon et le coeur.
Il a également été retrouvé dans les
glandes surrénales, l’hypophyse, le système nerveux central et les
testicules, et constitue le seul type exprimé dans les plaquettes.
La
liaison des peptides natriurétiques avec ce récepteur entraîne
l’internalisation du complexe hormone-récepteur.
Le récepteur de
clairance est recyclé à la surface de la cellule tandis que l’hormone
est hydrolysée dans les lysosomes.
La liaison des peptides natriurétiques avec le récepteur de clairance est l’une des deux voies
de leur catabolisme.
Le récepteur de type GC-A est exprimé dans les vaisseaux (cellules
musculaires lisses et endothélium), le coeur, le rein (les podocytes
glomérulaires, les parties fines de l’anse de Henle, les segments
cortical et surtout médullaire du tube collecteur), le système nerveux
central (en particulier le cervelet) et les glandes surrénales (cortex et
médullaire). Il a aussi été retrouvé dans les vasa vasorum, les
testicules, le placenta, le foie et la rétine.
Le type GC-B est surtout
exprimé dans le cerveau, l’hypophyse, les cellules chromaffines et la
médullosurrénale, les fibroblastes, mais aussi dans les parois
vasculaires, le poumon et le coeur.
La plupart des effets des peptides natriurétiques impliquent la
production intracellulaire de GMPc, à partir du guanosine
triphosphate (GTP), après activation de la guanylate cyclase.
Plusieurs observations suggèrent cependant une activité biologique
des récepteurs C, qui outre leur fonction de clairance, pourraient être couplés négativement à l’adénylate cyclase. L’élévation du GMPc intracellulaire peut activer plusieurs voies de signalisation.
Trois cibles intracellulaires du GMPc sont bien caractérisées.
L’activation de la protéine kinase G (PKG), dont il existe deux
isoformes, est impliquée dans les effets vasculaires et certains effets
endocrines des peptides natriurétiques, la fermeture de canaux
ioniques régulés par le GMPc participe à leur action natriurétique,
enfin, l’activation d’une phosphodiestérase, dépendant du GMPc,
expliquerait leur effet inhibiteur sur la synthèse surrénalienne
d’aldostérone.
Effets physiologiques des peptides natriurétiques
:
Les conditions de libération de ces peptides, ainsi que leurs effets
systémiques, suggèrent qu’ils puissent intervenir dans les situations
caractérisées par un bilan hydrosodé positif ou par une élévation de la pression
artérielle. L’ensemble des effets physiologiques de l’ANP, contribuent
à diminuer la volémie et la pression artérielle.
Dans le rein, le principal effet de l’ANP est de diminuer la
réabsorption de sodium par le tubule collecteur médullaire terminal
en inhibant l’ouverture du canal sodique sensible à l’amiloride.
À des concentrations supérieures aux concentrations physiologiques,
l’ANP augmente le débit de filtration glomérulaire.
Enfin, in vitro,
il exerce un effet négatif sur la libération de rénine par les cellules juxtaglomérulaires, mais cette action in vivo est inconstamment
observée.
L’effet natriurétique de l’ANP est favorisé par son action
inhibitrice sur la synthèse d’aldostérone et son effet diurétique par
son action antagoniste de celle de l’hormone antidiurétique.
Au
cours de l’insuffisance rénale chronique, les concentrations
plasmatiques et l’activité biologique de l’ANP sont accrues par
diminution de son catabolisme rénal.
L’action natriurétique de
l’ANP s’exerce sur un nombre restreint de néphrons fonctionnels et
devient alors primordiale dans l’adaptation de l’excrétion urinaire
aux apports de sodium, ce qui permet de limiter l’élévation de la
volémie jusqu’au stade terminal de cette pathologie.
L’action rénale de l’ANP est renforcée par ses effets sur le système
nerveux central.
Au moins chez l’animal, l’ANP synthétisé
localement diminue l’appétence pour l’eau et le sel et inhibe la
synthèse hypothalamique d’hormone antidiurétique.
Dans les vaisseaux artériels, aux concentrations physiologiques,
l’ANP inhibe l’action vasoconstrictrice de l’angiotensine II et
diminue l’activité sympathique en agissant sur les terminaisons
catécholaminergiques et indirectement en inhibant l’influx vagal né
des barorécepteurs.
L’ANP, en augmentant la perméabilité
endothéliale, favorise la fuite plasmatique vers le compartiment
interstitiel et diminue ainsi le retour veineux.
In vitro, l’ANP
inhibe la prolifération des cellules musculaires lisses vasculaires,
diminue la synthèse de matrice extracellulaire par ces cellules et la
production endothéliale d’endothéline. In vivo, ces effets
trophiques et endocrines pourraient participer à l’effet protecteur de
l’ANP au cours des maladies cardiovasculaires.
Les effets vasculaires et rénaux du BNP sont globalement identiques
à ceux de l’ANP bien que si l’on en juge par les résultats de
l’étude portant sur des souris invalidées pour le gène codant pour
ce peptide, le rôle principal du BNP serait une action protectrice
contre le développement de la fibrose cardiaque.
Le CNP partage
les effets vasculaires des deux premiers, mais est quasiment
dépourvu d’action natriurétique.
Dans un autre domaine, il faut
noter la récente observation d’une croissance exubérante du
squelette des souris transgéniques surexprimant le gène du BNP.
Ces données soulèvent la question d’un rôle des peptides natriurétiques dans l’ostéogenèse d’autant que des conclusions
similaires ont été déduites d’expériences effectuées sur des souris
invalidées pour le gène du CNP.
L’inhibition de l’action du BNP et de l’ANP endogènes a permis
d’étudier le rôle physiologique de ce système hormonal.
Le HS-
142-1, un polysaccharide d’origine microbienne (Aureobasidium
pullulans), se lie de façon spécifique aux récepteurs couplés à la GC
(GC-A et GC-B). Chez le rat normal, le HS-142-1 limite la diurèse et
la natriurèse induites par une expansion volumique en aigu. Des
souches de souris déficitaires en ANP ou n’exprimant pas le
récepteur GC-A ont été récemment obtenues. Ces invalidations ne
sont pas létales.
Les souris homozygotes (-/-) déficientes en ANP
ont une pression artérielle supérieure d’environ 10 % à celle des
homozygotes non déficientes (+/+), les hétérozygotes (+/-) ayant
un pression artérielle intermédiaire.
L’effet natriurétique de
l’ANP est démontré lors d’une expansion volumique aiguë au
décours d’un régime désodé, les souris (+/+) excrétant alors plus de
sodium que les souris (-/-).
Deux souches de souris déficientes
en récepteur GC-A développent également une hypertension
artérielle.
Ces études montrent, qu’au moins chez la souris,
l’ANP et le BNP jouent un rôle dans la régulation de la pression
artérielle.
L’ANP est également impliqué dans la régulation de la
volémie, mais son influence sur le bilan sodé du sujet normal ne
serait pas primordiale du fait de l’existence d’autres systèmes de
régulation.
Peptides natriurétiques
en pathologie :
Quelques rares observations suggèrent que des sécrétions inadaptées
et ectopiques de peptides natriurétiques, en particulier au cours de
traumatismes crâniens, auraient des conséquences délétères sur le
métabolisme hydrosodé.
Habituellement, l’augmentation de
synthèse cardiaque d’ANP et de BNP est une conséquence d’une
élévation des pressions de remplissage auriculaire et/ou
ventriculaire et tend à rétablir l’homéostasie du bilan de sodium.
Au cours de l’insuffisance rénale chronique, le défaut de catabolisme
des peptides natriurétiques favorise également l’augmentation de
leurs concentrations plasmatiques.
L’ANP et le BNP plasmatiques sont particulièrement élevés dans les
cardiopathies s’accompagnant d’une élévation des pressions
auriculaires et/ou des pressions diastoliques ventriculaires gauches
ou droites, hormis la tamponnade qui modifie la relation entre la
pression intra-auriculaire et la tension pariétale de la fibre
myocardique.
Dans l’insuffisance cardiaque congestive,
les concentrations plasmatiques d’ANP peuvent dépasser 300 pM,
soit environ 40 fois la valeur normale ce qui s’explique par une
production ventriculaire accrue de l’hormone.
Le rôle de l’étirement
des parois cardiaques dans cette synthèse exagérée pourrait être
seulement partiel et être associé aux effets de l’ischémie et de
l’inflammation locale car aussi bien l’angor que l’infarctus du
myocarde s’accompagnent d’une élévation des concentrations plasmatiques des peptides natriurétiques.
La démonstration
d’une augmentation permanente de la sécrétion des peptides natriurétiques dans l’insuffisance cardiaque, qu’elle soit d’origine
ventriculaire (cardiomyopathie et infarctus du myocarde),
préventriculaire (rétrécissement mitral) ou la conséquence d’une
affection pulmonaire chronique (coeur pulmonaire chronique), a fait
proposer l’utilisation de leurs dosages plasmatiques ou de celui de
leurs précurseurs comme élément diagnostique ou pronostique.
À la lumière des études récentes, le dosage plasmatique du BNP ou
du fragment aminoterminal du BNP est vraisemblablement
plus utile que celui de l’ANP, de son profragment, du GMPc, de
l’adrénomédulline ou des catécholamines. Ainsi, Maisel et al
ont mis en évidence la valeur diagnostique du dosage en urgence
du BNP plasmatique chez des patients suspects d’insuffisance
cardiaque.
Au cours de la surveillance de l’insuffisance cardiaque
décompensée ou de l’infarctus du myocarde, l’évolution des
concentrations plasmatiques de BNP est corrélée au pronostic de la
maladie.
Même si l’utilisation d’antagonistes des peptides natriurétiques a
mis en évidence leur rôle dans la tolérance de l’organisme à la
défaillance cardiaque, l’élévation concomitante des concentrations
d’angiotensine II et d’aldostérone limite leurs effets rénaux.
L’influence prépondérante du système rénine-angiotensinealdostérone
sur le bilan du sodium au cours de l’insuffisance
cardiaque sévère explique l’inflation hydrosodée avec ses
conséquences délétères, pulmonaires et hépatiques.
Diverses
hypothèses ont été avancées pour expliquer la perte d’effet natriurétique de l’ANP et du BNP au cours de l’évolution de
l’insuffisance cardiaque.
Il pourrait exister une désensibilisation
progressive de leur récepteur GC-A.
Une autre explication fait appel
au mode d’action rénale des peptides natriurétiques.
La
vasoconstriction médullaire et la réabsorption tubulaire accrue de
sodium dans la partie proximale du néphron, sous l’influence du
système rénine-angiotensine, rendraient inopérante l’activation du
récepteur GC-A par les peptides natriurétiques dans le tubule
collecteur médullaire à l’extrémité du néphron, où sa densité est la
plus élevée.
La fraction de sodium filtré en regard des cellules
sensibles à l’ANP ou au BNP pourrait alors être trop basse pour que
l’action natriurétique des deux hormones soit encore significative.
Aspects thérapeutiques : inhibiteurs
des vasopeptidases
Dès la découverte des peptides natriurétiques, la description de
leurs effets vasculaires et rénaux suggéra que l’augmentation de
leurs concentrations plasmatiques pouvait avoir un effet favorable
dans diverses affections caractérisées par un défaut d’excrétion du
sodium et/ou par une élévation des résistances systémiques.
L’intérêt de cette démarche fut confirmé par les résultats des études
expérimentales précédemment citées.
Après des essais infructueux
dans l’insuffisance rénale aiguë, les principales indications retenues
ont été l’insuffisance cardiaque et l’hypertension artérielle.
Dans
l’insuffisance cardiaque, les concentrations plasmatiques sont
spontanément élevées, mais la résistance à l’action des peptides natriurétiques est accrue tandis que, au cours de l’hypertension
artérielle, la sécrétion d’ANP et de BNP n’est pas ou peu augmentée.
En se fondant sur l’efficacité des inhibiteurs de l’enzyme de
conversion pour inhiber l’activité du système rénine-angiotensine,
des inhibiteurs de l’endopeptidase neutre ont été mis au point et
testés chez l’animal puis chez l’homme.
En aigu, ces inhibiteurs ont,
comme escompté, réduit le catabolisme des peptides natriurétiques,
augmenté l’excrétion urinaire de sodium et diminué les pressions
de remplissage cardiaque chez le volontaire sain et les patients en
rétention hydrosodée.
Cependant, devant l’inefficacité de ces
inhibiteurs enzymatiques pour améliorer le pronostic au long cours
de l’insuffisance cardiaque, ou pour diminuer de façon permanente
la pression artérielle des hypertendus, leur utilisation en pathologie
cardiovasculaire a été abandonnée.
Dans un second temps, du fait de la similitude biochimique de
l’endopeptidase neutre et de l’enzyme de conversion de
l’angiotensine, des inhibiteurs mixtes des deux enzymes ont été
développés, comme le fasidotrilate, le sampatrilate ou l’omapatrilate,
et dénommés inhibiteurs des vasopeptidases.
Ce terme général
traduit le fait que l’inhibition conjointe de l’endopeptidase neutre et
de l’enzyme de conversion modifie le métabolisme de nombreux
peptides vasoactifs, substrats de l’un et/ou l’autre de deux enzymes.
Ainsi, au moins in vitro, en présence de ces inhibiteurs mixtes, la
réduction du catabolisme des peptides natriurétiques et de la
production d’angiotensine II s’accompagne d’une moindre
dégradation de peptides vasodilatateurs comme la bradykinine et
l’adrénomédulline, mais aussi de l’endothéline, un peptide
vasoconstricteur et du blocage de la synthèse d’angiotensine 1-7,
dérivée de l’angiotensine I et vasodilatatrice.
On ne peut donc
pas attribuer uniquement aux modifications du catabolisme des
peptides natriurétiques les effets pharmacologiques différents des
inhibiteurs mixtes et des inhibiteurs de l’enzyme de conversion.
Les
études expérimentales dans des modèles d’hypertension artérielle à
rénine basse ont conclu à une meilleure efficacité antihypertensive
des inhibiteurs des vasopeptidases par rapport aux inhibiteurs de
l’enzyme de conversion et à un effet hémodynamique comparable
dans les autres modèles.
Dans l’insuffisance cardiaque
expérimentale, plusieurs travaux expérimentaux ont également
conclu, en présence d’inhibiteurs des vasopeptidases, à une
protection cardiaque supérieure à celle induite par les inhibiteurs de
l’enzyme de conversion.
Les travaux d’investigation clinique sont
également encourageants, en particulier l’utilisation de
l’omapatrilate dans l’hypertension artérielle essentielle.
L’étude IMPRESS, au cours de laquelle l’omapatrilate a été comparé au
lisinopril, est en faveur d’une plus grande efficacité de l’inhibiteur
des vasopeptidases dans l’insuffisance cardiaque congestive mais
sans certitude, puisque le principal critère clinique étudié (la
capacité à effectuer des efforts musculaires) a évolué de manière
identique dans les deux groupes.
Conclusion
:
L’étude des peptides natriurétiques a bénéficié durant ces 20 dernières
années des connaissances acquises sur les autres systèmes endocrines
régulant le bilan du sodium et des progrès technologiques, en
particulier dans le domaine de la biologie moléculaire.
Plusieurs
avancées ont eu lieu dans la compréhension de la physiologie de ce
système peptidique au cours des 5 dernières années.
Ainsi, les résultats
récents d’invalidation génique ont apporté des éléments convaincants
sur l’implication de l’ANP dans la régulation de la volémie et de la
pression artérielle.
De façon surprenante, l’étude du phénotype des
souris génétiquement modifiées pour ce système hormonal suggère qu’il
est également impliqué dans l’ostéogenèse au cours du développement.
En pratique clinique, la mesure en urgence du BNP plasmatique,
rendue possible par la simplification des techniques, sera
vraisemblablement un dosage de routine pour le diagnostic et la
surveillance des cardiopathies, du fait de la synthèse ventriculaire de
cette hormone.
En thérapeutique, les résultats obtenus dans le
traitement de l’hypertension artérielle et de l’insuffisance cardiaque
avec les inhibiteurs des vasopeptidases sont encourageants, mais la
survenue d’effets secondaires inattendus liés à l’absence de spécificité de
substrats de l’endopeptidase neutre ne peut encore être exclue.
Le rôle
des autres membres de cette famille de peptides, au premier rang
desquels le CNP, reste à préciser et fera très vraisemblablement l’objet
de futurs développements dans l’étude de cette famille de peptides.