Pénétration intraoculaire des antibiotiques
Cours d'Ophtalmologie
Introduction
:
La connaissance de la pénétration intraoculaire des antibiotiques est
un préalable indispensable à une prescription raisonnée et adaptée
pour une infection oculaire donnée.
Après avoir fait quelques
rappels, nous donnerons les critères de choix théoriques d’un
antibiotique, que nous illustrerons ensuite par quelques situations
cliniques pratiques.
Enfin, nous détaillerons, famille par famille, la
pénétration intraoculaire des différents antibiotiques.
Rappels sur la pharmacocinétique
oculaire
:
En raison des nombreux compartiments de l’oeil et de la difficulté
d’obtenir des prélèvements itératifs notamment chez l’homme, la
pharmacocinétique oculaire demeure, malgré de nombreux travaux,
encore difficile à appréhender.
Pour cela, il faut se reporter à
l’ouvrage fondamental de DM Maurice et S Mischima.
A - BARRIÈRES OCULAIRES :
Le concept de barrière oculaire remonte aux années 1940 et permet
de mieux comprendre la pénétration intraoculaire des antibiotiques.
Comme nous allons le préciser plus loin, il faut distinguer deux
types de barrières hémato-oculaires : la barrière hématoaqueuse et
les barrières hématorétiniennes (interne et externe).
À celles-ci, nous pouvons ajouter la notion de barrière épithéliale
cornéenne.
1- Barrière épithéliale
:
Un des moyens de traitement le plus fréquemment utilisés en
ophtalmologie est l’instillation de collyre ou l’application de
pommade directement sur la surface oculaire.
Les produits actifs,
les antibiotiques par exemple, doivent traverser l’épithélium cornéen
et conjonctival, puis le stroma cornéen et enfin l’endothélium avant
de pénétrer dans l’humeur aqueuse.
Ces différentes couches ont des propriétés différentes dont nous devons tenir compte pour étudier
la pénétration intraoculaire des molécules.
En effet, l’épithélium
cornéen, conjonctival et l’endothélium sont de nature essentiellement
lipidique alors que le stroma est de nature hydrophile.
Ainsi, la
molécule idéale pour traverser la cornée doit être à la fois lipophile
et hydrophile.
Ce sont les drogues de bas poids moléculaire et
lipophiles qui pénètrent le mieux la cornée.
2- Caractéristiques physiques de la molécule instillée :
Mais il existe d’autres facteurs qui influencent la pénétration
intraoculaire des antibiotiques.
En effet, la concentration du produit,
son pH, son osmolarité, l’importance de la dilution par les larmes et
la fréquence du clignement palpébral sont autant de paramètres qui
vont modifier la quantité de produit arrivant dans l’humeur aqueuse
et, par conséquent, son efficacité.
De façon schématique, nous
pouvons dire que seulement 1 % du produit actif arrivera dans la
chambre antérieure après son instillation dans le cul-de-sac
conjonctival.
Un autre paramètre important à considérer est
l’intégrité ou non de l’épithélium cornéen.
La pénétration des
collyres est très augmentée en cas d’ulcération, d’inflammation ou
d’infection cornéenne, renforçant ainsi la notion d’une véritable
barrière épithéliale cornéenne.
La pénétration des drogues instillées localement par les vaisseaux
limbiques et ceux du cercle vasculaire de l’iris est en revanche assez
mal connue, mais ne doit pas être négligée pour autant.
3- Barrières hémato-oculaires :
La pénétration intraoculaire des antibiotiques est limitée par la
barrière hémato-oculaire, que l’on peut diviser en deux souscatégories
: barrière hématoaqueuse et barrière hématorétinienne.
* Barrière hématoaqueuse :
Elle se situe au niveau du corps ciliaire et de l’iris.
La barrière est
formée entre l’endothélium des capillaires iriens et la couche non
pigmentée de l’épithélium ciliaire qui tapisse la face interne du corps
ciliaire.
À ce niveau, les jonctions cellulaires sont assurées par des tight junctions de type maculae occludentes, dont l’étanchéité est
sensible à différents stimuli comme l’inflammation par exemple.
Ainsi, le passage des molécules du sang vers l’humeur aqueuse se
fait de façon passive pour les substances lipophiles, alors que le
passage des molécules hydrophiles nécessite un mécanisme de
transport actif.
Il s’établit une perméabilité sélective aux différentes
substances en fonction de leurs propriétés physicochimiques.
* Barrière hématorétinienne :
Elle se décompose en deux parties :
– la barrière hématorétinienne interne, entre l’endothélium des
capillaires rétiniens et les cellules gliales de la rétine ;
– la barrière hématorétinienne externe se situe au niveau de
l’épithélium pigmentaire et régule les échanges entre la rétine et la
choroïde.
Les jonctions cellulaires sont assurées par des tight junctions de type
zonulae occludentes, étanches et peu sensibles aux différents stimuli.
Le passage des molécules à travers ces deux barrières se fait par
l’intermédiaire d’un phénomène de transport actif transcellulaire
particulièrement sélectif.
Dans cette situation, le poids moléculaire,
la liposolubilité, le caractère ionisé ou non des molécules et leur
liaison aux protéines plasmatiques deviennent des éléments
déterminants pour traverser de façon satisfaisante ces barrières
hématorétiniennes.
La molécule idéale est liposoluble, de faible
poids moléculaire, et très faiblement liée aux protéines plasmatiques.
B - RÔLE DE L’INFLAMMATION DANS LA PÉNÉTRATION
INTRAOCULAIRE
:
L’inflammation oculaire, l’infection ou un traumatisme vont
entraîner une vasodilatation des capillaires et une ouverture plus ou
moins importante des complexes de jonctions cellulaires.
Tout ceci
va aboutir à la rupture des barrières hémato-oculaires
habituellement étanches.
Ainsi, les molécules vont pouvoir franchir
beaucoup plus facilement ces barrières et la concentration des
drogues retrouvées dans l’humeur aqueuse peut être multipliée par
quatre à cinq par rapport à la concentration mesurée dans un oeil
sain pour la même molécule.
Parallèlement, l’élimination des
drogues en dehors de l’oeil est accélérée dans des conditions
inflammatoires et leur demi-vie par conséquent diminuée de façon
significative.
Il faut également noter que la pénétration intraoculaire
des antibiotiques est meilleure dans les yeux aphaques.
Critères de choix d’un antibiotique
:
A - CARACTÉRISTIQUES DE LA MOLÉCULE
ANTIBIOTIQUE « IDÉALE »
:
Toute la difficulté dans le choix d’un antibiotique est d’allier la
meilleure pénétration intraoculaire avec un spectre d’activité adapté
aux germes en cause.
Quatre points sont importants à prendre en
compte.
– Tout d’abord, sur le plan des propriétés physicochimiques, la
molécule idéale doit être lipophile ou mieux encore bipolaire pour
traverser les barrières hémato-oculaires le plus facilement possible,
avoir une très faible liaison aux protéines plasmatiques et un poids
moléculaire bas pour atteindre le plus facilement et le plus
rapidement possible le site de l’infection.
– Un autre point important à considérer est d’ajuster au mieux le
spectre d’action de la molécule antibiotique avec les résultats
bactériologiques des prélèvements ou avec les germes responsables
suspectés.
Pour cela, la concentration minimale inhibitrice (CMI)
doit être la plus basse possible.
Cette CMI teste l’activité
bactériostatique des antibiotiques, c’est-à-dire leur capacité à inhiber
la multiplication des germes.
Au cours des infections graves, il ne
faut pas seulement inhiber la multiplication des germes, mais il faut
les détruire. Cela est mesuré par la concentration minimale
bactéricide (CMB), laissant seulement un germe survivant sur un
inoculum de départ de 10 000 germes.
Ainsi, dans les infections
graves, il faut utiliser un antibiotique bactéricide, c’est-à-dire une
molécule dont le rapport CMB/CMI est le plus proche de 1.
Mais,
pour apprécier réellement l’activité thérapeutique d’un antibiotique,
il faut s’intéresser à l’index inhibiteur.
Il s’agit du rapport entre la
concentration in vivo (sur le site de l’infection) et la CMI.
Plus
l’index inhibiteur est élevé, plus l’activité thérapeutique de
l’antibiotique pour le germe considéré est forte.
Cet index reflète
donc la véritable efficacité de l’antibiotique sur le germe en cause.
– Le troisième point à prendre en compte est d’obtenir un rapport
coût/efficacité acceptable.
– Enfin, le traitement doit présenter le moins d’effets secondaires
possibles, que ce soit sur le plan oculaire ou général.
Si une molécule d’antibiotique répond à tous ces impératifs à la fois,
il s’agit vraiment de la molécule « idéale ».
Mais cela est souvent
plus difficile à appliquer dans la réalité.
B - GERMES LE PLUS FRÉQUEMMENT RENCONTRÉS
AU COURS DES INFECTIONS OCULAIRES :
1- Flore conjonctivale :
Elle est extrêmement riche et variée avec une forte prédominance
des bacilles à Gram positif comme les staphylocoques et les
streptocoques.
À la naissance, on retrouve environ deux tiers de
bacilles à Gram positif au niveau de la conjonctive.
Cette proportion
va diminuer tout au long de la vie et va se modifier en fonction de
facteurs variés comme l’environnement du patient, le climat et la
latitude.
Il ne faut pas sous-estimer la part croissante que
prennent les germes anaérobies dans la flore conjonctivale, au fur et
à mesure que leur méthode de détection s’affine.
2- Germes retrouvés dans les endophtalmies :
Ils peuvent provenir de deux origines : soit ils pénètrent dans l’oeil à
l’occasion d’une chirurgie à globe ouvert à partir de la conjonctive
ou des tissus environnants, soit ils colonisent l’oeil par voie
hématogène dans le cadre de septicémie.
Ce dernier cas survient en
général sur un terrain particulier d’immunodépression.
La plupart
des endophtalmies surviennent donc en postopératoire plus ou
moins précocement.
Dans cette situation, la fréquence des infections
par des germes à Gram positif est d’environ 70 %, avec une
prédominance de Staphylococcus (S.) epidermidis, S. aureus et de
streptocoques.
Les infections par des germes à Gram négatif comme
les Pseudomonas, les Proteus et les Klebsiella représentent moins du
tiers des cas.
Les germes rencontrés varient en fonction du type de chirurgie.
Dans la chirurgie de la cataracte, les staphylocoques à coagulase
négative viennent en tête alors que les streptocoques sont plus
fréquemment rencontrés après une chirurgie de glaucome ou de
kératoplastie.
C - VOIES D’ADMINISTRATION :
1- Voie topique
:
Il s’agit de la voie la plus fréquemment utilisée pour traiter les
infections oculaires superficielles, en raison de sa simplicité.
Nous
avons déjà discuté des propriétés physicochimiques nécessaires à
une bonne pénétration dans l’oeil.
* Collyres fortifiés
:
Les collyres fortifiés ou renforcés sont une forme particulière de
délivrance par voie topique.
Il s’agit de collyres préparés à partir
des formes injectables et qui sont prescrits en dehors des indications
de l’autorisation de mise sur le marché (AMM).
L’avantage de ces
préparations est d’obtenir des concentrations d’antibiotiques
nettement supérieures sur le site de l’infection par rapport aux
concentrations obtenues avec les collyres classiques. Mais il existe
deux inconvénients pour ce type de collyre :
– la conservation est de 72 heures au maximum, car ces collyres ne
contiennent aucun conservateur ;
– la toxicité épithéliale risque d’induire un retard de cicatrisation de
l’ulcère infecté.
Ceci limite donc la durée du traitement par les
collyres fortifiés.
2- Voie sous-conjonctivale :
Elle assure une bonne pénétration dans la cornée (par régurgitation
au niveau du point de ponction et par les vaisseaux limbiques),
l’humeur aqueuse, l’iris mais plus faible dans le vitré.
3- Voie intracamérulaire :
Elle est surtout revenue sur le devant de la scène avec le problème
des antibiotiques dans le liquide de perfusion intraoculaire au cours
d’une chirurgie du segment antérieur ou postérieur, afin de prévenir
la survenue d’une endophtalmie.
Le problème de cette voie
d’administration est de connaître la demi-vie réelle de la molécule
d’antibiotique dans la chambre antérieure et, par conséquent, son
efficacité.
En effet, le renouvellement de l’humeur aqueuse seconde
est beaucoup plus rapide au cours d’une infection entraînant une
rupture de la barrière hématoaqueuse.
Ainsi, la dose réellement
reçue par l’oeil et sa durée d’action sont difficilement quantifiables.
4- Voie intravitréenne :
L’avantage de ce mode d’administration est d’apporter directement
l’antibiotique sur le site de l’infection.
Ainsi, la question du passage
des barrières hémato-oculaires ne se pose plus.
En revanche, il
persiste le problème de la toxicité rétinienne des drogues.
Il faut
donc trouver le meilleur compromis entre une efficacité optimale et
une toxicité minimale pour la rétine.
Il s’agit de la voie
d’administration à privilégier pour le traitement des endophtalmies.
5- Voie systémique
:
Le problème de l’administration des antibiotiques par voie
systémique, per os ou injectable, est d’obtenir une concentration
efficace sur le site de l’infection.
Pour cela, il faut des antibiotiques
qui traversent le mieux possible les barrières hémato-oculaires et qui
ont un spectre d’action adapté aux germes en cause.
Un des moyens
utilisés pour augmenter la concentration in situ est d’administrer de
fortes doses d’antibiotiques.
Cela a pour conséquence d’augmenter
le risque de survenue d’effets secondaires généraux ou locaux plus
ou moins graves, comme la néphrotoxicité et l’ototoxicité bien
connues des aminosides.
Par conséquent, les molécules à
retenir sont essentiellement les fluoroquinolones, l’imipenem, la
fosfomycine, la ceftazidime et la pipéracilline.
Nous reviendrons plus en détail sur ces molécules.
6- Iontophorèse :
C’est une technique encore expérimentale qui consiste à appliquer
une différence de potentiel au niveau de la sclère pour augmenter la
pénétration des molécules chargées électriquement.
L’électrode
oculaire contient un réservoir avec les molécules d’antibiotiques
ionisées et l’électrode neutre est placée sur un autre point du corps,
le poignet par exemple.
Ce système améliore la pénétration
intraoculaire de certains produits mais ne donne pas des
concentrations d’antibiotiques supérieures à la voie sousconjonctivale,
de réalisation plus aisée.
Quelques exemples pratiques
:
A - TRAITEMENT D’UNE CONJONCTIVITE SIMPLE
:
Hormis les règles d’hygiène élémentaires à respecter comme le
lavage des mains, les conjonctives bactériennes aiguës nécessitent le
plus souvent une monothérapie antibiotique bactériostatique
pendant au moins 8 jours, essentiellement dirigée contre les bacilles
à Gram positif.
Il faut aussi prendre en compte l’inversion de la
population au profit des bacilles à Gram négatif chez les porteurs
de lentilles.
Le choix d’un antibiotique par voie topique de type rifamycine, tobramycine ou gentamicine paraît tout à fait adapté.
Les quinolones doivent venir en seconde intention pour les
infections résistantes.
B - TRAITEMENT D’UNE KÉRATITE BACTÉRIENNE
SOUS LENTILLE DE CONTACT
:
La survenue d’une kératite bactérienne ou d’un abcès cornéen sous
lentille est toujours un événement grave.
Comme nous venons de le
voir, la flore conjonctivale saprophyte est inversée par rapport au
sujet normal avec une prédominance de germes à Gram négatif, et
plus particulièrement les Pseudomonas.
Ceci justifie, après les
prélèvements par grattage de la cornée, l’envoi des lentilles et de
l’étui en bactériologie, la prescription d’un traitement bactéricide,
avec une bonne pénétration stromale et un spectre adapté.
Les
collyres renforcés trouvent ici une très bonne indication avec une
association de vancomycine à 50 mg/mL et de ceftazidime à
50 mg/mL.
Le problème de ce traitement est sa toxicité
épithéliale et sa conservation.
Ainsi, le relais peut être pris par une
association de fluoroquinolone en topique comme la ciprofloxacine
avec un aminoside comme la tobramycine pour couvrir un spectre
suffisamment large, en l’absence de résultat bactériologique.
Si les
prélèvements permettent d’isoler un germe responsable,
l’antibiothérapie sera orientée en fonction de l’antibiogramme.
C - TRAITEMENT D’UNE ENDOPHTALMIE AIGUË
POSTOPÉRATOIRE
:
Avant de parler du traitement, nous n’insisterons jamais assez sur
l’importance de la prévention de cette complication redoutable par
une antisepsie et une asepsie les plus parfaites possible dans le bloc
opératoire et en peropératoire.
Si nous prenons l’exemple d’une endophtalmie précoce postopératoire après une chirurgie de
cataracte, les germes le plus fréquemment en cause sont à Gram
positif de type staphylocoques. La prise en charge doit être la
plus précoce possible et débuter par des prélèvements
bactériologiques de vitré.
Toutefois, la réalisation de ces
prélèvements ne doit pas retarder la mise en route du traitement
dont la clé de voûte est l’injection intravitréenne d’antibiotiques.
L’association la plus utilisée, en l’absence de contre-indication, est
l’injection de 1 mg de vancomycine dans 0,1 mL d’eau distillée et de
2,25 mg de ceftazidime dans 0,1mL de BSS (Balanced salt solution).
À ce traitement, nous ajoutons des collyres renforcés de vancomycine à 50 mg/mL et de ceftazidime à 50 mg/mL.
L’intérêt
de l’antibiothérapie systémique est toujours un sujet de discussion
mais l’association de ciprofloxacine per os (1 500 mg/j) et de
l’imipenem en intraveineux (1 500 mg/j) est un choix logique.
Nous allons maintenant étudier plus en détail l’arsenal
thérapeutique à notre disposition.
Différentes classes d’antibiotiques
:
A - BÊTALACTAMINES :
1- Pénicillines
:
Les pénicillines du groupe G (benzylpénicilline) sont peu utilisées
en ophtalmologie car leur administration se fait par voie orale ou parentérale et leur pénétration intraoculaire est très médiocre.
C’est après injection par voie sous-conjonctivale que les
concentrations obtenues au niveau de l’humeur aqueuse, du
cristallin et, dans une moindre mesure, du vitré, sont les plus
élevées.
Les pénicillines du groupe M, résistantes aux pénicillinases du
staphylocoque (méticilline, oxacilline, cloxacilline, nafcilline) ont été
plus étudiées.
Elles pénètrent également peu dans l’oeil normal, mais
leur pénétration est meilleure lors de la rupture de la barrière hématoaqueuse
dans des conditions inflammatoires.
En France, nous ne disposons pas de pénicilline sous forme topique,
ce qui est particulièrement regrettable pour les infections à
streptocoques.
2- Aminopénicillines (pénicilline A)
:
L’ampicilline possède un très large spectre d’activité sur les bacilles
à Gram positif et à Gram négatif.
Elle n’est pas active sur le
pyocyanique. Elle pénètre mal les milieux oculaires.
L’amoxicilline administrée par voie orale atteint des taux sériques
deux fois plus élevés que l’ampicilline en raison de sa meilleure
absorption digestive, et est retrouvée à des concentrations
thérapeutiques correctes dans le vitré de lapin.
L’amoxicilline est
sensible aux pénicillinases et son activité antistaphylococcique s’en trouve
donc altérée.
3- Carboxypénicillines :
Elles se caractérisent par leur activité bactéricide vis-à-vis de
Pseudomonas (P.) aeruginosa et de Proteus.
La carbénicilline pénètre
bien dans l’humeur aqueuse après injection sous-conjonctivale.
Après injection intraveineuse, les concentrations obtenues en
chambre antérieure sont bien moindres.
Au niveau du vitré, c’est
aussi la voie sous-conjonctivale qui permet d’atteindre les meilleurs
taux thérapeutiques chez l’animal, et d’autant plus sur les yeux
inflammatoires.
La ticarcilline administrée par voie intraveineuse donne des
concentrations sériques plus élevées que la carbénicilline. Sa demivie est
également plus longue.
4- Uréidopénicillines :
Chez l’homme l’injection intraveineuse de 4 g de pipéracilline
permet d’obtenir des concentrations, au niveau des larmes et de
l’humeur aqueuse, supérieures à la CMI de la plupart des bacilles à
Gram positif et à Gram négatif.
Dans la cavité vitréenne, des taux
thérapeutiques sont atteints uniquement sur des yeux
inflammatoires.
Pour les yeux non inflammatoires, les concentrations
obtenues ne permettent pas de proposer la pipéracilline comme
antibioprophylaxie dans la chirurgie oculaire.
En revanche, la pipéracilline peut être indiquée dans le traitement des
endophtalmies, étant donné sa bonne diffusion intravitréenne dans
l’oeil infecté et son action bactéricide sur P. aeruginosa et les
entérobactéries.
L’azlocilline atteint des concentrations intraoculaires voisines de la
pipéracilline, mais est moins active contre P. aeruginosa.
La mezlocilline peut être utilisée en sous-conjonctivale pour traiter les
infections du segment antérieur.
5- Céphalosporines :
Leur pénétration dans l’oeil a été étudiée par de très nombreux
auteurs.
Trois générations de céphalosporines se sont succédé.
L’intérêt des céphalosporines de troisième génération (C3G) est
d’avoir réussi à atteindre des CMI des germes le plus couramment
sensibles, bien plus basses que les céphalosporines de première et
deuxième générations (C1G et C2G).
* Céphalosporines de première génération
:
Leur spectre d’activité antibactérien couvre les staphylocoques
producteurs ou non de pénicillinases, les streptocoques,
pneumocoques, méningocoques, Hæmophilus influenzae, et
entérobactéries.
La céfalotine est retrouvée à des taux efficaces dans l’humeur
aqueuse après injection sous-conjonctivale.
La voie intraveineuse
est en revanche beaucoup moins intéressante.
Au niveau du vitré,
après injection intraveineuse, les concentrations obtenues sont
inconstamment efficaces.
La céfazoline a été largement utilisée en injection sous-conjonctivale
pour sa bonne pénétration dans l’humeur aqueuse mais, au niveau
du vitré, les concentrations relevées sont trop faibles.
D’une manière générale les céphalosporines de première génération
injectées par voie veineuse ne permettent d’obtenir que très
inconstamment des concentrations bactéricides contre les
staphylocoques dorés et blancs.
* Céphalosporines de deuxième génération
:
Après administration intraveineuse de 2 g de céfamandole, on
retrouve une bonne pénétration de cette molécule en chambre
antérieure avec des taux efficaces contre les germes communs à
Gram positif, mais pas contre les entérobactéries. Par ailleurs, il a
été constaté une mauvaise pénétration intravitréenne de la
céfamandole.
* Céphalosporines de troisième génération :
Elles ont été particulièrement bien étudiées.
Leur spectre d’activité
antibactérienne s’étend aux bacilles à Gram négatif producteurs de bêtalactamases (grande stabilité aux bêtalactamases).
La ceftazidime
est efficace sur le Pseudomonas et Acinetobacter.
La cefsulodine est
électivement efficace contre Pseudomonas.
+ Céfotaxime :
Elle pénètre de façon correcte dans l’humeur aqueuse après injection
intraveineuse.
Les taux intracamérulaires obtenus sont satisfaisants,
permettant d’être efficace contre la majorité des germes responsables
d’endophtalmie à l’exception de Pseudomonas.
L’injection sousconjonctivale
de 0,5 g de céfotaxime permet d’obtenir une concentration thérapeutique en chambre antérieure 1 heure après
l’injection, ce qui la rend potentiellement efficace même contre
Pseudomonas.
La pénétration intravitréenne est bonne après injection
intraveineuse de 2 g d’antibiotique, mais les concentrations
vitréennes permettent d’être actif sur les endophtalmies à
streptocoques non D et à entérobactéries (telles que Escherichia coli),
mais ne le sont pas lors d’une infection à staphylocoques doré ou
blanc, ou à Pseudomonas aeruginosa représentant les causes les plus
fréquentes d’endophtalmies.
+ Cefsulodine :
Elle présente une activité uniquement contre le P. aeruginosa.
En
utilisant des doses de 1 à 2g de cefsulodine en intraveineux, on
obtient des concentrations thérapeutiques intraoculaires bactéricides
sur les germes à CMI basse comme le P. aeruginosa.
Après injection sous-conjonctivale, des taux thérapeutiques
persistent dans l’humeur aqueuse durant 5 heures.
+ Ceftriaxone :
Le passage de la ceftriaxone dans l’humeur aqueuse et les larmes
est modeste, après injection intraveineuse, en raison de sa longue
demi-vie (7-8 heures) et de sa forte liaison aux protéines.
Cependant,
les taux atteints doivent être comparés aux CMI des souches pour
ce produit, qui sont particulièrement basses ; ainsi, le taux moyen
obtenu dans l’humeur aqueuse et les larmes dépasse les CMI de
nombreuses souches à Gram positif et à Gram négatif, excepté les Acinetobacter, P. aeruginosa, S. aureus et les entérocoques.
La
pénétration intravitréenne chez le lapin après injection parentérale
de 50 mg de ceftriaxone retrouve des concentrations qui dépassent largement la
CMI 90 de cet antibiotique pour les staphylocoques dorés et blancs,
notamment pour des yeux infectés.
+ Ceftazidime :
Elle a un spectre d’activité tout à fait intéressant par rapport aux
autres céphalosporines puisqu’il s’étend également à Pseudomonas
et Acinetobacter.
Elle fait aujourd’hui partie de l’arsenal
thérapeutique dont on dispose pour le traitement des infections
graves de l’oeil.
On l’utilise notamment par voie topique sous la
forme de collyres dits renforcés, et également en injection intravitréenne dans le traitement des endophtalmies.
L’administration de collyres fortifiés de ceftazidime à la
concentration de 50 mg/mL en administration répétée permet
d’obtenir des concentrations thérapeutiques en chambre antérieure
supérieures aux CMI des germes le plus souvent responsables des
infections oculaires graves.
Les injections intravitréennes, malgré de
nombreuses controverses (toxicité locale, précision du dosage, durée
de vie dans le vitré infecté), n’en demeurent pas moins aujourd’hui
le seul moyen de délivrer rapidement dans le site de l’infection des
produits efficaces qui ne pourraient jamais atteindre le vitré par voie
systémique.
Les concentrations intravitréennes retrouvées restent
efficaces durant 48 heures.
La posologie recommandée est de
2,25 mg/0,1 mL et est injectée en association (vancomycine
1 mg/0,1 mL).
La toxicité de la ceftazidime en intravitréen à
cette dose semble acceptable.
Après injection intraveineuse, la ceftazidime pénètre bien dans la cavité vitréenne où on relève des
taux efficaces sur le P. aeruginosa, particulièrement chez les yeux
infectés, les aphaques et les yeux vitrectomisés.
+ Flomoxef :
Il est non seulement actif sur les germes à Gram négatif, mais
également sur ceux à Gram positif, et il possède une bonne
pénétration intraoculaire d’après une étude chez le lapin.
6- Autres bêtalactamines :
L’imipenem combiné à la cilastatine est un antibiotique à large
spectre étendu aux bacilles à Gram positif et à Gram négatif, actif
sur des espèces considérées comme très résistantes (P. aeruginosa,
Acinetobacter).
Il a une excellente pénétration intraoculaire.
En
effet, administré par voie intraveineuse, il présente de très bonnes
concentrations vitréennes, mais augmente le coût du traitement.
Il
est actif sur les bacilles à Gram positif, avec cependant des CMI
assez élevées sur S. épidermidis et sur la plupart des streptocoques.
En revanche, le pyocyanique et certains Proteus exigent des taux
voisins de 4 mg/L.
Enfin, les anaérobies sont sensibles.
Du fait de
l’émergence de souches résistantes, il est recommandé de l’utiliser
en association.
L’imipenem a été utilisé également par voie topique pour traiter des
abcès bactériens chez le lapin.
L’aztréonam a une bonne pénétration intraoculaire après injection
intraveineuse mais cet antibiotique est inefficace sur les
staphylocoques et Pseudomonas et ne peut donc être proposé dans le
traitement des endophtalmies.
B - AMINOSIDES :
Ils pénètrent mal dans l’humeur aqueuse après administration
systémique et leur utilisation par cette voie est limitée par leur
toxicité rénale et auditive.
La voie sous-conjonctivale semble
meilleure pour obtenir des concentrations thérapeutiques en
chambre antérieure, tout en réduisant les effets secondaires.
Au
niveau du vitré, la pénétration est mauvaise après administration
intraveineuse, et modérée après injection sous-conjonctivale.
On
utilise donc les aminosides en injections intravitréennes dans le
traitement des endophtalmies.
Cependant, il existe une toxicité
rétinienne à type d’infarctus maculaire à partir d’une dose
recommandée de 400 mg puis de 200 mg de gentamicine.
Ce
phénomène a été également décrit avec l’amikacine. La voie sousconjonctivale
présente aussi, dans une moindre mesure, un tel risque
potentiel.
La gentamicine a été un des premiers antibiotiques bactéricides à
notre disposition, elle a donc été largement utilisée par toutes les
voies.
Elle a été victime de son succès de prescription si bien
qu’aujourd’hui, 30 à 40 % des souches de S. epidermidis sont
résistantes.
Son spectre d’activité s’étend à la plupart des cocci à
Gram positif y compris les S. aureus résistant à la pénicilline et
également celles résistant à la méticilline.
Les bacilles à Gram négatif
sont relativement sensibles, et il en est de même pour le
pyocyanique.
Sa pénétration intraoculaire, quand elle est donnée par
voie systémique, est quasi nulle en raison de sa faible liposolubilité,
de son poids moléculaire, de sa liaison aux protéines (20 à 30 %) et
sa biodisponibilité est encore diminuée par sa fixation aux tissus
pigmentés.
L’application de gentamicine à 0,3 % en topique est
largement utilisée en pratique courante pour traiter les infections
oculaires externes.
Sa pénétration au niveau du segment antérieur
est correcte, et est d’autant meilleure que l’on se trouve dans des
conditions inflammatoires, qu’il existe une rupture de la barrière
épithéliale, et que les instillations sont répétées.
La tobramycine est retrouvée à des taux thérapeutiques au niveau
de l’humeur aqueuse après injection sous-conjonctivale chez
l’homme et chez le lapin.
Le seul aminoside capable de franchir les barrières oculaires est
l’amikacine en intramusculaire à raison de 7,5 mg/kg à 6 heures
d’intervalle avec des taux efficaces atteints dans l’humeur aqueuse
inhibant S. aureus et P. aeruginosa.
Après injection intraveineuse,
toutefois, les concentrations vitréennes relevées chez le lapin sont
insuffisantes pour être actives sur P. aeruginosa et S. epidermidis,
même dans des conditions de rupture des barrières hématooculaires.
L’injection intravitréenne d’amikacine est efficace pour
le traitement des endophtalmies et est en général associée à la
vancomycine.
La nétilmicine et la sisomicine pénètrent bien dans l’humeur
aqueuse après injection sous-conjonctivale.
La néomycine est largement utilisée en administration topique pour
traiter les infections de surface de l’oeil.
En injection sousconjonctivale,
la néomycine est bien tolérée et atteint des
concentrations satisfaisantes au niveau de la chambre antérieure.
C - CYCLINES :
Elles ont un spectre d’activité très large (bacilles à Gram positif et à
Gram négatif), mais leur utilisation est limitée en ophtalmologie car
ce sont des antibiotiques bactériostatiques qui ne conviennent pas
pour traiter les infections graves de l’oeil.
Toutefois, chez l’homme, la doxycycline et la minocycline ont une
pénétration dans l’humeur aqueuse satisfaisante et des
concentrations thérapeutiques ont été relevées à ce niveau après
administration per os.
Souvent donnés dans l’acné rosacée et les blépharites, ces produits
présentent des effets secondaires assez fréquents à type de vertiges
et troubles digestifs, et d’autres plus rares comme des réactions de
photosensibilité ou des tubulopathies rénales.
Les tétracyclines sont
également indiquées dans les chlamydioses à Chlamydiae trachomatis
à manifestations oculaires telles que le trachome, grand pourvoyeur
de cécité dans les pays en voie de développement, la conjonctivite
folliculaire de l’adulte ou la conjonctivite à inclusions du
nouveau-né.
La minocycline à 100 mg per os toutes les 12 heures donne une
concentration dans les larmes après 12 heures, au-dessus de la CMI
pour les Neisseria meningitidis.
La doxycycline à la même posologie donne une concentration
lacrymale supérieure à la CMI, 2 heures après la prise, puis
inférieure à la CMI 4 heures après la prise.
L’oxytétracycline (Vibramycinet) passe mal dans les larmes, puisque
les taux relevés sont inférieurs à la CMI des germes le plus
couramment rencontrés.
L’hypochloride de tétracycline en solution huileuse à 2 % pénètre
bien dans les larmes et dans l’humeur aqueuse et à des
concentrations thérapeutiques satisfaisantes.
Après administration topique intensive de tétracycline, il a été
montré que les taux atteints étaient suffisants pour induire la
formation de cataracte, par liaison de la molécule aux protéines
hydrosolubles du cristallin.
D - PHÉNICOLÉS :
Le chloramphénicol est un antibiotique uniquement bactériostatique,
à large spectre antibactérien, couvrant les bacilles à Gram positif et
à Gram négatif. Parmi les espèces résistantes, on trouve Pseudomonas
et Serratia.
Le chloramphénicol possède une bonne pénétration intraoculaire.
Lors d’administrations fréquentes de la forme collyre chez le lapin,
il est retrouvé dans l’humeur aqueuse à des concentrations
thérapeutiques.
Les voies sous-conjonctivales et intraveineuses permettent d’obtenir
des concentrations camérulaires efficaces.
Très utilisé en Angleterre,
l’emploi de cet antibiotique est limité dans de nombreux pays, en
raison d’un risque potentiel d’aplasie médullaire.
E - POLYPEPTIDES :
Les antibiotiques polypeptidiques sont utilisés essentiellement pour
le traitement des infections de la surface oculaire.
En effet, leur
pénétration intraoculaire est médiocre, voire nulle pour la polymyxine B.
Ce sont de grosses molécules peu diffusibles
présentant une néphrotoxicité.
La colistine et la polymyxine B sont actives sur les bacilles à Gram
négatif, tels que Escherichia et P. aeruginosa ; la bacitracine, quant à
elle, est active sur les bacilles à Gram positif (streptocoques,
pneumocoques, entérocoques).
Ils sont souvent employés en
association sous forme de collyres
F - MACROLIDES :
Ils sont peu prescrits en ophtalmologie, malgré leur faible toxicité et
leur bonne tolérance chez l’homme.
Ce sont des antibiotiques
bactériostatiques dont le spectre d’action est étroit.
Ils sont actifs sur
les cocci à Gram positif, et notamment sur le staphylocoque et le
streptocoque.
Il existe cependant des souches de staphylocoques
résistantes à cette famille d’antibiotiques.
Les macrolides diffusent correctement dans tous les tissus excepté
dans le liquide céphalorachidien.
La spiramycine injectée par voie sous-cutanée, intramusculaire ou
par voie périoculaire chez le lapin ne donne pas de concentration
mesurable en chambre antérieure.
En revanche, dans la rétine et la
choroïde, la pénétration est rapide (15 minutes) et la concentration
atteint 48 mg/mL et reste constante pendant 5 heures.
Ce
macrolide est efficace sur les formes actives de Toxoplasma gondii et
non sur les formes quiescentes enkystées.
La clarithromycine par voie orale est indiquée dans les infections à
Chlamydiae trachomatis.
G - LINCOSANIDES :
Ils sont apparentés aux macrolides.
La pénétration intraoculaire de la lincomycine administrée en
topique permet d’obtenir des taux thérapeutiques satisfaisants au
niveau de la cornée, de l’humeur aqueuse et du corps ciliaire avec
un pic de concentration atteint en 30 à 45 minutes.
L’injection intravitréenne de lincomycine donne des concentrations deux fois
plus élevées en chambre antérieure, comparée à la voie topique.
Son
élimination de la chambre postérieure se fait essentiellement par la
rétine et la choroïde.
La clindamycine, administrée en topique, pénètre bien également
au niveau du segment antérieur.
Injectée par voie sousconjonctivale
et rétrobulbaire, la clindamycine atteint de bonnes
concentrations dans la chambre antérieure, le vitré et la choriorétine.
Elle constitue une bonne alternative dans le traitement des choriorétinites toxoplasmiques, en cas notamment d’intolérance aux
sulfamides.
Injectée par voie intramusculaire, la concentration est
pratiquement nulle dans la chambre antérieure et le vitré.
Les lincosanides par voie systémique ne peuvent être proposées
dans le traitement des endophtalmies, en raison du risque de colite
pseudomembraneuse à Clostridium difficile, dont le pronostic peut
être redoutable.
H - ACIDE FUSIDIQUE :
C’est essentiellement un antistaphylococcique.
Il est souvent utilisé
en application locale sous forme de gel en raison de sa bonne
pénétration dans le tissu cornéen et dans l’humeur aqueuse.
Une heure après l’application en topique, les concentrations cornéennes
sont retrouvées à des taux thérapeutiques et, au niveau de l’humeur
aqueuse, les taux sont satisfaisants à partir de la première heure.
La
voie sous-conjonctivale à la dose de 100 mg est également très
efficace, mais peut entraîner une sévère nécrose conjonctivale et un
oedème cornéen.
Après administration orale de 1 500 mg en trois prises, la pénétration
intraoculaire est satisfaisante.
I - FOSFOMYCINE :
C’est un antibiotique intéressant du fait de son large spectre
s’étendant aux staphylocoques, pneumocoques, entérobactéries et
Hæmophilus.
Il se caractérise par un faible poids moléculaire, un
faible taux de liaison aux protéines et une demi-vie de 2 heures.
Après administration intraveineuse, la fosfomycine à la dose de 4 g,
possède une bonne pénétration dans l’humeur aqueuse et le vitré.
Elle est dépourvue de toxicité importante.
Elle peut être
proposée dans le traitement préventif ou curatif des endophtalmies.
On peut lui associer une céphalosporine de troisième génération, ou
une fluoroquinolone telle que la ciprofloxacine ou l’ofloxacine par
exemple.
J - FLUOROQUINOLONES :
Elles sont fortement bactéricides et habituellement actives vis-à-vis
de la plupart des germes responsables des infections oculaires avec
un spectre étendu aux staphylocoques et à P. aeruginosa.
Les
streptocoques sont inconstamment sensibles.
Les études concernant la pénétration intraoculaire des différentes fluoroquinolones données par voie systémique retrouvent en général
des concentrations intracamérulaire et intravitréenne supérieures à
la CMI 90 des germes habituellement responsables des abcès
cornéens et des endophtalmies et ceci déjà après une dose unique
d’antibiotique.
Cette bonne pénétration intravitréenne des
fluoroquinolones systémiques est utilisée pour le traitement des
endophtalmies postchirurgicales.
Cependant, aucune étude
formelle n’a pu encore démontrer l’efficacité des antibiotiques
systémiques dans le traitement des endophtalmies.
La voie orale
serait aussi efficace que la voie parentérale.
Elle permet
d’atteindre des concentrations, au niveau de l’humeur aqueuse, du
cristallin et du vitré, supérieures aux CMI 90 de la plupart des
germes responsables d’endophtalmies.
Utilisées localement, les quinolones ont une bonne pénétration dans
les différentes structures oculaires, avec toutefois des variations entre
les différentes molécules.
Ainsi, pour les mêmes protocoles cliniques,
l’ofloxacine aura une concentration supérieure dans l’humeur
aqueuse et dans le stroma cornéen que la ciprofloxacine, la
norfloxacine et la péfloxacine en raison de sa plus grande
solubilité.
Ces concentrations intraoculaires sont augmentées par la
multiplication des instillations et/ou si au préalable l’épithélium
cornéen est enlevé.
En ce qui concerne les trois fluoroquinolones les
plus étudiées ces dernières années en ophtalmologie (ciprofloxacine,
norfloxacine, ofloxacine), les concentrations retrouvées, après
application locale, au niveau de la conjonctive, du stroma cornéen et
en chambre antérieure sont supérieures à la CMI 90 de la plupart
des germes responsables des conjonctivites et kératites bactériennes.
On constate cependant l’émergence de souches de S.
aureus résistantes aux fluoroquinolones et même de Pseudomonas
résistantes à la ciprofloxacine, ce qui peut rendre contestable le
traitement des kératites bactériennes par fluoroquinolones en
monothérapie.
Citons la loméfloxacine 0,3 % en collyre, molécule
récente qui devrait bientôt faire son apparition sur le marché et qui
a prouvé son efficacité, sa bonne tolérance et une faible incidence
d’émergence de souches résistantes en étude clinique de phase III.
La cinétique dans les larmes de la ciprofloxacine montre un taux de
16 íg/mL, 4 heures après une goutte de ce produit chez le volontaire
sain, les concentrations sériques maximales moyennes ne sont pas
plus élevées (2,6 íg/mL) lors de l’administration intensive dans les
ulcères de cornée que lors de l’administration à la posologie des
conjonctivites (2,4 íg/mL).
Ces taux correspondent au 1/1 000 des
taux sériques après administration d’un comprimé de ciprofloxacine
à 500 mg.
L’utilisation intravitréenne des fluoroquinolones, en l’occurrence la
ciprofloxacine, ne montre pas de toxicité rétinienne chez l’animal
pour des doses de 500 íg ou moins, ouvrant la perspective
d’utiliser l’antibiotique directement dans le vitré lors du traitement
des endophtalmies.
Enfin, la sparfloxacine, fluoroquinolone de troisième génération
particulièrement active sur les streptocoques, présente une excellente
cinétique intraoculaire après administration orale mais son
utilisation reste limitée à cause de ses importants effets
secondaires.
K - GLYCOPEPTIDES :
La vancomycine est un glycopeptide très bactéricide vis-à-vis des
cocci à Gram positif responsables d’endophtalmies bactériennes tels
que les S. epidermidis et aureus, streptocoques, et autres Bacillus.
Devant l’existence de staphylocoques méticilline-résistants, et
l’émergence de résistance aux céphalosporines et aux aminosides, la
vancomycine est devenue un antibiotique de choix pour combattre
les infections graves du globe oculaire.
La pénétration de la vancomycine dans l’humeur aqueuse est bonne
chez l’homme après administration topique.
Des concentrations
supérieures à la CMI 90 de la plupart des germes sensibles à la vancomycine sont retrouvées dans l’humeur aqueuse, durant les
2 premières heures suivant la dernière instillation de collyre dit
fortifié contenant de la vancomycine à 50 mg/mL.
Après 4 heures,
les taux deviennent indétectables. Des études de cinétique ont
démontré que les collyres renforcés, à raison d’une goutte toutes les
15 minutes au début, donnent des concentrations supérieures aux
injections sous-conjonctivales.
Les antibiotiques administrés en intravitréen représentent une arme
très efficace dans l’arsenal thérapeutique dont nous disposons
aujourd’hui pour traiter une endophtalmie bactérienne.
En effet, la
concentration intraoculaire d’antibiotique obtenue après injection intravitréenne est de loin plus élevée que celle atteinte par n’importe
quelle autre voie d’administration, et on agit directement sur le site
de l’infection.
L’EVS (endophthalmitis vitrectomy study)
recommande, pour le traitement des endophtalmies bactériennes,
l’injection intravitréenne de vancomycine (1 mg/0,1 mL) et
d’amikacine (0,4 mg/0,1 mL).
L’association vancomycine
(1 mg/0,1 mL) et ceftazidime (2,25 mg/0,1 mL) est également une
alternative raisonnable et intéressante pour couvrir tous les germes
responsables d’endophtalmies, avec l’avantage d’une moindre
toxicité rétinienne en cas d’injections répétées.
Concernant l’administration par voie intraveineuse, les taux de vancomycine relevés dans la cavité vitréenne chez des sujets
aphaques et aphaques-vitrectomisés atteignent des concentrations
thérapeutiques.
En revanche, ces taux sont insuffisants chez des
sujets phakes.
L’adjonction d’antibiotique, et notamment de la vancomycine, dans
le liquide de perfusion pendant la chirurgie réglée de la cataracte a
été utilisée ces dernières années par de nombreux ophtalmologistes
en guise d’antibioprophylaxie.
Des taux efficaces sont obtenus dans
l’humeur aqueuse à la fin de la chirurgie, mais la demi-vie de la vancomycine après phacoémulsification est inférieure à 2 heures, ce
qui est insuffisant pour être actif sur les staphylocoques responsables
d’endophtalmies.
Ceci peut expliquer les cas d’endophtalmie
rapportés malgré la présence d’antibiotique dans le liquide
d’irrigation oculaire.
Par ailleurs, du fait de l’émergence de
résistance à cet antibiotique, la vancomycine ne semble pas devoir
être recommandée en prophylaxie de la chirurgie de la cataracte.
Aux doses de 400 mg de sulfaméthoxazole et 80 mg de
triméthoprime chez l’adulte par voie orale, cette association
synergique bactériostatique possède une bonne pénétration
intraoculaire.
Le cotrimoxazole est efficace contre une grande variété
de bacilles à Gram positif et négatif et contre Toxoplasma gondii.
La
voie sous-conjonctivale, rétrobulbaire ou intramusculaire, permet
d’obtenir une bonne pénétration de la molécule dans la chambre
antérieure, le vitré et la choriorétine chez le lapin pour le traitement
de la choriorétinite toxoplasmique.
* Sulfadiazine
:
C’est un antibiotique à large spectre purement bactériostatique.
Sa
principale indication en ophtalmologie est la choriorétinite
toxoplasmique.
En cas d’allergie connue aux sulfamides, l’alternative possible est
la clindamycine.
2- Rifamycine :
Son spectre antibactérien est large.
Elle est active sur les staphylocoques producteurs ou non de
pénicillinases, les pneumocoques, les méningocoques, les
entérobactéries, le bacille de Koch et les Chlamydiae.
Administré en topique, c’est un antibiotique de première intention
pour la plupart des infections superficielles de l’oeil ; elle
bénéficie de son excellente tolérance et de son efficacité qui
souffre peu de résistances.
Pour une dose de 10 m/kg/j, on obtient une concentration élevée dans
les larmes se maintenant 12 heures après une prise.
3- Nitrofuranes :
Leur pénétration intraoculaire est nulle. Ils ont été utilisés pour
les infections de surface.
4- Imidazolés :
Ils sont actifs sur les bactéries anaérobies strictes, à Gram positif et à
Gram négatif non sporulés (dont les Bactéroides).
Le métronidazole
et le tinidazole injectés en intraveineux donnent des concentrations
efficaces au niveau oculaire sur les bactéries anaérobies.
Conclusion
:
Comme nous venons de le voir, le choix d’un antibiotique est
particulièrement complexe.
Cependant, des notions simples de
pharmacocinétique oculaire, d’écologie des germes rencontrés dans les
principales infections oculaires, permettent de donner une
antibiothérapie adaptée, en gardant bien présent à l’esprit le vieil adage,
d’abord ne pas nuire.