Pathologie de la veine porte Malformations Traitement, exploration Cours d'Hépatologie
Introduction
:
La pathologie de la veine porte concerne surtout la thrombose porte que nous
développerons dans un premier chapitre.
Puis nous envisagerons les fistules artérioveineuses hépaticoportales.
Enfin nous traiterons des malformations
congénitales, de l’aéroportie, des tumeurs et des calcifications de la veine porte.
Thrombose porte
:
A - Circonstances de découverte
:
1- Découverte fortuite
:
L’épisode thrombotique aigu peut être asymptomatique.
Le diagnostic sera
fortuit, le plus souvent à l’occasion d’examens d’imagerie médicale ou lors
de l’exploration de perturbations du bilan hépatique (cytolyse prédominant
généralement sur les aspartates aminotransférases [ASAT]).
2- Thrombose porte aiguë
:
La douleur domine souvent le tableau.
Elle est localisée à l’épigastre ou à
l’hypocondre droit et s’accompagne parfois de nausées, de vomissements ou
d’iléus intestinal réflexe.
Au stade aigu, une ascite peut se constituer, mais elle est transitoire et
disparaît avec la lyse du thrombus ou le développement de la circulation
collatérale.
Lorsque la thrombose porte survient au cours d’une cirrhose, elle peut être
responsable d’une décompensation de cette dernière.
Quand il s’agit d’une pyléphlébite, un syndrome infectieux souvent sévère complète la
symptomatologie clinique.
Enfin, des signes cliniques propres à la maladie causale peuvent être
observés.
3- Complications
:
Plusieurs types de complications peuvent révéler la maladie.
– Liées à l’hypertension portale : la thrombose porte entraîne la formation
d’un cavernome et une hypertension portale de type préhépatique qui
s’accompagne du développement d’une circulation collatérale.
Les voies
de dérivation donnent naissance à des varices gastriques, oesophagiennes
et/ou ectopiques qui exposent au risque d’hémorragie digestive.
On
observe également une circulation collatérale abdominale et une
splénomégalie.
La numération-formule sanguine peut mettre en évidence
une pancytopénie : thrombopénie et leucopénie par hypersplénisme,
anémie par spoliation ou séquestration splénique.
En l’absence
d’hépatopathie, les fonctions hépatocellulaires sont habituellement
normales.
– Infectieuses : une thrombose porte primitivement aseptique peut se surinfecter réalisant une pyléphlébite, et se compliquer d’abcès hépatiques se
traduisant sur le plan clinique par un tableau d’angiocholite.
– D’autres complications sont décrites : insuffisance et atrophie
pancréatiques, infarctus hépatique, ischémie veineuse intestinale par
extension de la thrombose à la veine mésentérique supérieure, compression
de la voie biliaire principale par le cavernome.
B - Diagnostic
:
Dans la pathologie de la veine porte, de nombreuses modalités d’imagerie
peuvent être envisagées, mais progressivement les méthodes non invasives
(échographie-doppler, tomodensitométrie [TDM], imagerie par résonance
magnétique [IRM]) ont remplacé les méthodes invasives (angiographie et
opacification directe transpariétale).
1- Méthodes non invasives
:
* Échographie-doppler
:
C’est un examen non invasif, rapide, peu onéreux. Il permet une analyse
morphologique hépatique (mode B) et fonctionnelle (doppler couleur) c’est-à-dire l’étude de la perméabilité, de la vitesse et du sens du flux sanguin dans
les vaisseaux hépatiques.
La présence d’une image échogène intraluminale confirme le diagnostic de
thrombose porte.
On observe également des signes indirects : dilatation du
vaisseau en amont de la sténose, présence d’une collatéralité, absence de
veine porte visible ou absence de variation respiratoire du diamètre de cette
dernière.
À distance de l’épisode aigu, on peut constater l’existence d’une
transformation cavernomateuse, une splénomégalie.
Les inconvénients de cette technique découlent du fait que c’est un examen
opérateur dépendant et sa réalisation peut être rendue difficile par le morphotype et l’échogénicité
du patient.
Les faux
positifs sont possibles quand le flux portal est stationnaire.
*
Tomodensitométrie :
Les performances de la TDM ont été améliorées par le mode hélicoïdal qui
permet d’obtenir une série de coupes en un temps très court.
Cela autorise
l’exploration d’un volume en une apnée, ce qui optimise ainsi l’injection de
produit de contraste sur toutes les coupes et permet également des
reconstructions multidimensionnelles.
Le thrombus apparaît comme un defect intraluminal de prise de contraste sur
les coupes après injection.
Les voies de dérivations sont également
visualisées.
La spécificité de cet examen est proche de 100 %, la sensibilité de laTDM
classique était inférieure à l’échographie-doppler (76 %contre 94 %) mais
pourrait être améliorée par les nouvelles techniques.
C’est une méthode peu
invasive en dehors de l’injection de produit de contraste, moins opérateur et
patient dépendante que l’échographie.
* Imagerie par résonance magnétique
:
Les techniques actuelles d’angio-MR (séquences particulières pour
l’analyse des vaisseaux en IRM après injection de gadolinium) permettent
d’obtenir une exploration du parenchyme hépatique et du système porte en
trois dimensions.
L’imagerie en écho de spin donne des informations
anatomiques comparables à celles de la TDM avec une meilleure
caractérisation tissulaire.
La technique du bolus tracking permet une bonne
évaluation du sens et de la vitesse du flux dans la veine porte, comparable à
celle de l’échographie.
Le thrombus récent (inférieur à 5 semaines) produit souvent un signal
brillant en T1 et T2.
Les vieux thrombi ont un signal variable en T1 et
habituellement hyperintense en T2.
L’analyse des bifurcations et de la
collatéralité est généralement plus précise en IRM qu’en échographie ou en TDM.
Les inconvénients sont liés au fait que la technique n’est pas réalisable chez
tous (respect des contre-indications, claustrophobie), qu’une diminution de
la qualité des images liée à l’état du patient peut survenir (en cas d’ascite par
exemple), et qu’un effet de va-et-vient du flux portal peut être source de faux
positifs.
2- Méthodes invasives
:
* Artériographie coeliomésentérique avec temps tardifs
:
Elle nécessite l’injection d’une quantité importante de produit de contraste
dans l’artère mésentérique supérieure. L’opacification des vaisseaux
splanchniques est obtenue sur les clichés tardifs (30 à 45 secondes) au
moment du retour veineux portal.
Les complications sont liées à l’injection
de produit de contraste et à l’abord fémoral.
* Portographie directe
:
La splénoportographie a longtemps été le seul moyen de diagnostiquer les
anomalies et les thromboses de la veine porte.
Elle est actuellement
abandonnée en raison du risque de rupture splénique.
On lui préfère les
opacifications directes par voie transhépatique (transpariétale ou
transjugulaire).
L’abord de la veine porte permet également une mesure des
pressions.
Les complications sont la survenue d’un hémopéritoine, d’un
hématome sous-capsulaire, d’une fistule artérioporte, d’une lésion artérielle
et sont liées à l’injection de produit de contraste ou à l’abord jugulaire.
Ces techniques fournissent de meilleures images du système porte.
Elles sont,
du fait de leur caractère invasif, indiquées en seconde intention quand il
persiste un doute diagnostique ou lorsqu’un geste local est envisagé.
C - Étiologies
:
La recherche d’une étiologie est fondamentale pour le traitement curatif de la
maladie causale d’une part, et pour décider de la nécessité d’un traitement
préventif d’une récidive thromboembolique d’autre part.
Il n’est pas rare
d’observer plusieurs pathologies favorisant la thrombose.
C’est pourquoi
un bilan étiologique complet doit être systématiquement réalisé, même en
présence d’une cause évidente.
On distinguera les causes locales, les causes associées aux hépatopathies et
les causes générales.
1- Causes locales
:
– Les infections rendent compte de 10 à 25 % des thromboses portes en
l’absence de tumeur ou de cirrhose.
Toute pathologie infectieuse intraabdominale
peut être évoquée comme cause.
L’origine peut être un abcès
appendiculaire, colique, vésiculaire, pancréatique...
Enfin, il existe une
association étroite entre septicémie à Bacteroides et thrombose septique de la
veine porte.
– L ’obstruction de la veine porte peut être secondaire à une compression
extrinsèque ou une invasion directe endoluminale par une tumeur maligne.
Le cancer du pancréas et le carcinome hépatocellulaire sont responsables
respectivement d’environ 10 % et 5 % des thromboses portes.
Les autres
tumeurs sont le cholangiocarcinome, les métastases hilaires hépatiques, le
lymphome, le cancer du poumon, de l’estomac, de la prostate, de l’utérus...
Une compression de la veine porte peut être secondaire à une fibrose rétropéritonéale ou un processus expansif bénin :
– pseudokyste du pancréas et pancréatite chronique : il s’agit le plus
souvent de thrombose splénique (environ 20 % des pancréatites
chroniques) ; moins de 30 cas de thrombose porte isolée sont décrits dans
la littérature ;
– adénopathie tuberculeuse ;
– granulome sarcoïdosique : certains auteurs ont même suggéré la
participation de la thrombose porte au développement de la cirrhose au
cours de la sarcoïdose ;
– kyste biliaire ;
– kyste hydatique ;
– échinococcose alvéolaire...
– Enfin les traumatismes, que ce soit une contusion de l’abdomen, une
plaie pénétrante ou la chirurgie abdominale, se compliquent parfois d’une
thrombose porte.
Les interventions chirurgicales à risque sont la chirurgie
biliaire et pancréatique, les dérivations portosystémiques et la splénectomie.
Une étude prospective, publiée sous la forme d’un abstract, a montré
qu’une thrombose porte survenait dans 7 %des cas après une splénectomie et
confirmé les trois facteurs de risque déjà connus : rate dont le poids est
supérieur à 500 g, thrombocytose, syndrome myéloprolifératif.
On a décrit
un cas de thrombose porte après biopsie hépatique par voie transjugulaire.
2- Causes associées aux hépatopathies
:
– Le carcinome hépatocellulaire est la cause la plus fréquente de thrombose
porte au cours des cirrhoses.
Il existe une relation nette entre la taille de la
tumeur et la prévalence de la thrombose porte.
– Une cirrhose est présente chez 25 à 30 % des patients atteints d’une
thrombose porte.
Dans une série de 706 patients atteints d’une cirrhose, Okuda et al ont réalisé une angiographie mésentérique ou une portographie
transhépatique et ont constaté une prévalence proche de 0,6 %, inférieure à
celle précédemment décrite (cette série avait exclu les patients
splénectomisés).
– L ’hypertension portale idiopathique (ou sclérose hépatoportale) : elle
s’accompagne d’une fibrose des espaces portes sans cirrhose et se
compliquerait de thrombose dont la prévalence serait supérieure à 2 %.
Pour certains auteurs, il s’agirait de thromboses liées à un état thrombogène
non reconnu.
– La transformation nodulaire partielle du foie : lésion très rare, définie par
la formation de volumineux nodules hépatocytaires à prédominance
hilaire.
3- Causes générales
:
* Syndromes myéloprolifératifs
:
Ils comportent un risque accru de thromboses vasculaires du fait surtout d’une
thrombopathie.
En effet, des plaquettes anormales se forment à partir de
cellules souches pathologiques et ont tendance à s’agréger.
La maladie deVaquez est le syndrome myéloprolifératif le plus fréquemment
en cause.
Par ordre décroissant de fréquence, on cite : la thrombocytémie
essentielle, la leucémie myéloïde chronique et la splénomégalie myéloïde.
Le syndrome myéloprolifératif peut être latent ou « fruste », c’est-à-dire ne
pas avoir d’expression biologique au niveau du tissu sanguin périphérique ou
de la moelle osseuse.
La culture d’érythrocytes nécessite un milieu riche en
érythropoïétine.
En cas de syndrome myéloprolifératif, les cellules souches
ont une hypersensibilité aux infimes quantités d’érythropoïétine.
Il est
indispensable de réaliser une culture de moelle sur un milieu pauvre en
érythropoïétine pour dépister ces hémopathies dites frustes.
Dans une
étude prospective chez 33 patients atteints d’une thrombose porte non
tumorale, la numération-formule sanguine dépistait quatre cas de syndrome
myéloprolifératif, la biopsie ostéomédullaire dépistait sept cas, alors que la
culture médullaire permettait de diagnostiquer 16 cas de syndrome
myéloprolifératif.
* Thrombocytoses réactionnelles
:
Les formes jeunes de plaquettes produites en excès peuvent former des
agrégats circulants, responsables de thromboses vasculaires.
Les causes sont :
la splénectomie, l’anémie par carence martiale, les syndromes inflammatoires
et les tumeurs sécrétant de la substance thrombopoïétine-like.
* Anomalies primitives de la coagulation
:
Les réactions successives qui conduisent à la synthèse de thrombine
permettant la formation de caillots (par son action sur le fibrinogène et les
plaquettes) sont soumises à une régulation par des inhibiteurs physiologiques
de la coagulation.
Le déficit d’un ou plusieurs de ces inhibiteurs expose à un
risque accru de thrombose vasculaire.
On distingue les anomalies de la
fibrinolyse, les déficits en inhibiteurs de la coagulation et la résistance à la
protéine C activée.
Les dysfibrinogénémies (anomalie qualitative du fibrinogène), les dysplasminogénémies et la diminution des activateurs du plasminogène
(facteur XII et activateur tissulaire du plasminogène) déterminent des troubles
de la fibrinolyse.
Les déficits en facteur de la coagulation, responsables de thrombose porte,
sont les déficits en :
– antithrombine III ;
– cofacteur II de l ’héparine ;
– protéine C ;
– protéine S.
Ces déficits sont héréditaires ou acquis notamment au cours d’un syndrome néphrotique, d’un syndrome de coagulation intravasculaire disséminée
(CIVD), d’une infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH),
par le cytomégalovirus (CMV), d’hépatopathies, de septicémies, d’un
syndrome inflammatoire, d’une prise d’oestrogènes et d’une
grossesse.
Plus récemment, Dahlbäck
et al ont rapporté une diminution de la
réponse anticoagulante à l’action de la protéine C activée dans trois
familles dont les sujets présentaient des thromboses veineuses à répétition.
La protéine C activée est un inhibiteur physiologique de la coagulation par
son action protéolytique sur les facteurs de coagulation Va et VIIIa.
Au
cours de la résistance à la protéine C activée, il existe une mutation
ponctuelle en position 1691 du gène codant pour le facteur V.
Cette
mutation conduit au remplacement en position 506 d’une arginine par une
glutamine.
Le facteur V muté, appelé facteur V de Leiden, est alors
insensible à l’action protéolytique de la protéine C. Cela génère une
production excessive de thrombine et un risque accru de thrombose.
Koster et al ont mis en évidence une prévalence de 20 %de la résistance
à la protéine C activée dans une population de sujets ayant présenté un
épisode thrombotique en l’absence de cause néoplasique reconnue, contre
une prévalence de 5 % dans la population générale.
La transmission se
ferait sur le mode autosomique dominant, le risque de thrombose serait 5 à
10 fois plus élevé à l’état hétérozygote et 50 à 100 fois plus élevé à l’état
homozygote.
La présence du facteurVde Leiden est un facteur prédisposant également à la
thrombose porte mais surtout au syndrome de Budd-Chiari.
* Syndrome des antiphospholipides
:
Il est défini par l’association d’au moins une thrombose vasculaire ou des
antécédents d’au moins deux pertes foetales, et la présence d’anticorps
antiphospholipides par méthode Elisa (enzyme-linked immunosorbent assay).
Leur rôle pathogène dans la survenue de complications thrombotiques est
établi.
Plusieurs cas de thromboses portes sont décrits.
* Hémoglobinurie paroxystique nocturne
:
La maladie de Marchiafava-Micheli correspond à une anomalie
membranaire des globules rouges avec une sensibilité accrue à l’activité
du complément.
Elle se traduit par des épisodes d’hémolyse et
d’hémoglobinurie nocturnes et peut se compliquer de thrombose
porte.
Ce caractère thrombogène est secondaire à une hyperactivité
des facteurs plasmatiques de la coagulation et des anomalies
plaquettaires.
* Cryoglobulinémie
:
C’est une précipitation d’immunoglobulines lors du refroidissement du
plasma.
Elles sont primitives ou secondaires (Waldenström, maladie de
Kahler, hépatite virale C, collagénoses...).
La précipitation de cryoglobulines
peut être à l’origine de thromboses vasculaires.
* Autres causes
:
Ce sont les suivantes :
– homocystinurie : elle correspond à des déficits enzymatiques du
métabolisme de la méthionine et est responsable de complications
vasculaires, squelettiques, oculaires et d’un retard mental ;
– oestroprogestatifs ;
– grossesse et post-partum ;
– maladies inflammatoires : maladie de Crohn, maladie de Behçet,
pancréatites aiguës ;
– des cas de thrombose porte ont été rapportés à une antiprotéase (Indinavir)
chez un patient atteint du sida (syndrome de l’immunodéficience
acquise), à une infection par le CMV, à une actinomycose
hépatique.
* Thrombose porte essentielle
:
La proportion des thromboses portes d’étiologie indéterminée a diminué
depuis la réalisation des enquêtes étiologiques plus précises et la recherche
notamment d’anomalies fines de la coagulation.
D - Pronostic
:
En l’absence d’hépatopathie, le pronostic d’une thrombose de la veine porte
est bon.
L’incidence des hémorragies digestives est de l’ordre de 10 %par
patient et par an.
L’incidence d’un nouvel épisode de thrombose est d’environ
5 %par patient et par an.
Le taux de mortalité est de 5 %à 3 ans, l’âge moyen
des patients qui décèdent est supérieur à 70 ans et, dans la moitié des cas, le
décès n’a aucun lien avec la thrombose porte.
En cas de cirrhose ou de tumeur maligne, la thrombose entraîne souvent une
aggravation et signe l’évolution terminale de la maladie.
E - Traitement
:
On différencie le traitement de la thrombose porte aiguë, le traitement
préventif de la récidive et le traitement curatif et préventif des
complications.
Quand cela est possible, un traitement étiologique est
indispensable.
1- Thrombose porte aiguë
:
L’objectif du traitement est de reperméabiliser la veine porte afin de prévenir
la survenue d’une hypertension portale et de limiter l’extension du thrombus
en amont (éviter l’infarctus veineux intestinal).
La régression spontanée du thrombus est possible.
L’héparine semble avoir une efficacité mais inconstante.
Son
efficacité pourrait dépendre de la précocité du traitement par rapport au début
de la thrombose.
Quelques cas de reperméabilisation partielle ou totale après
thrombolyse sont rapportés dans la littérature.
L’utilisation
locale de thrombolytique par opposition à la voie systémique permettrait de
diminuer la dose nécessaire et le risque hémorragique par inactivation
hépatique du produit avant son passage dans la circulation générale.
Cependant, cette technique nécessite la mise en place d’un cathéter par voie
cutanée transhépatique dans la veine porte.
Les traitements locaux
mécaniques et thrombolytiques après abord transhépatique par voie jugulaire
sont en cours d’évaluation.
Quant à leur efficacité et leurs risques, nous ne disposons d’aucune étude
contrôlée comparant ces traitements entre eux ou à un placebo. Dans une
étude rétrospective chez 10 patients, Lagasse et al ont constaté que
l’association d’un activateur tissulaire du plasminogène à l’héparine
n’améliorait pas les résultats obtenus avec l’héparine seule.
Baril et al ont
suggéré que le traitement anticoagulant n’était justifié que lorsque les patients
avaient une extension du thrombus à la veine mésentérique supérieure ou une
maladie thrombogène.
Enfin, la plupart des auteurs suggèrent qu’au cours de
la cirrhose, un traitement anticoagulant n’est licite que chez les patients
candidats à une transplantation.
2- Traitement préventif de la récidive
:
Dans une étude rétrospective chez 94 patients atteints de thrombose porte en
l’absence de cirrhose ou de cancer, le traitement anticoagulant au long cours
n’augmentait pas le risque d’hémorragie digestive mais diminuait la récidive
de façon non significative.
Chez les patients à risque de récidive en raison
d’un état d’hypercoagulabilité, il semble licite de proposer un traitement
anticoagulant au long cours.
3- Traitement des complications
:
Il concerne essentiellement celui de l’hémorragie digestive.
Le traitement d’hémostase fait appel le plus souvent aux méthodes
endoscopiques : sclérose ou ligature élastique.
En cas d’échec on peut utiliser
les sondes de tamponnement.
Une intervention chirurgicale d’hémostase en
urgence est rarement nécessaire.
Aucune étude contrôlée n’a évalué les différents moyens à notre
disposition pour prévenir la récidive.
Par analogie à l’hypertension portale
hépatique, on peut proposer un traitement par bêtabloquants, une
éradication des varices par une des deux méthodes endoscopiques ou
l’association du traitement médicamenteux et endoscopique.
En cas de
récidive malgré ces différents moyens, une chirurgie de dérivation pourra
être indiquée.
Fistule artérioveineuse hépaticoportale
:
C’est une affection rare. Les fistules concernent l’artère hépatique et l’artère
splénique dans respectivement 65 et 11 % des cas.
Elles sont acquises dans trois quarts des cas et de façon iatrogène près d’une
fois sur deux (chirurgie, biopsie hépatique, cholangiographie).
Ainsi,
20 % des fistules sont secondaires à la rupture d’un anévrisme de l’artère
hépatique dans la veine porte et 20 % à un traumatisme.
On cite d’autres
causes plus rares :
– érosion néoplasique des branches de l’artère hépatique et de la veine
porte ;
– formation spontanée au cours de la cirrhose ;
– maladie de Rendu-Osler.
Un quart des fistules sont congénitales.
Elles se situent quasi exclusivement
dans le territoire splénique et hépatique.
Le sex-ratio est différent selon le
territoire : prédominance masculine au niveau hépatique, et féminine au
niveau splénique.
Les manifestations cliniques diffèrent selon leur localisation.
Lorsqu’elles
sont intrahépatiques, elles sont le plus souvent asymptomatiques et ne se
compliquent habituellement pas d’hypertension portale.
Les fistules extrahépatiques sont responsables de douleurs abdominales et se
compliquent d’hypertension portale de type préhépatique exposant au
risque d’hémorragie digestive.
Une insuffisance cardiaque est
exceptionnelle du fait de la faible pression de perfusion des sinusoïdes
hépatiques.
Les fistules mésentériques induisent un phénomène de « vol
sanguin » dans le territoire mésentérique situé en aval de la fistule pouvant
conduire à une ischémie mésentérique (angor abdominal, syndrome de
malabsorption).
L’examen clinique peut retrouver un souffle abdominal, présent huit fois sur
dix, classiquement épigastrique continu à renforcement systolique.
L’échographie-doppler, laTDM et l’IRM peuvent détecter la présence d’une
fistule artérioportale, mais l’artériographie (par opacification sélective du
tronc coeliaque et de l’artère mésentérique supérieure) reste indispensable
pour mieux préciser la configuration anatomique de la fistule et des vaisseaux
d’amont et d’aval.
L’évolution des fistules intrahépatiques est le plus souvent bénigne, celles-ci
ne requièrent pas de traitement particulier.
L’évolution des fistules extrahépatiques est caractérisée par une croissance de leur taille et un
traitement curatif doit être proposé.
La chirurgie classique (ligature de la
fistule) laisse actuellement la place aux méthodes radiologiques (embolisation
sélective).
Pathologie congénitale
:
A - Agénésie de la veine porte
:
C’est une malformation rare : moins de 20 cas sont décrits dans la
littérature.
Elle est associée à des malformations cardiaques, rénales ou à
des tumeurs hépatiques bénignes et malignes.
La veine splénique et la veine
mésentérique supérieure se rejoignent et se drainent dans la veine cave
inférieure, la veine rénale gauche ou la veine sus-hépatique gauche.
On peut également observer des agénésies d’une des deux branches de la
veine porte.
Certains auteurs ont suggéré que l’agénésie du lobe droit du
foie serait secondaire à une agénésie de la branche droite de la veine
porte.
B -
Shunts portosystémiques congénitaux
:
On distingue les anastomoses intrahépatiques et extrahépatiques.
Les
premières sont souvent acquises (au cours des cirrhoses essentiellement),
rarement congénitales.
Cinq cas de shunt portocave latérolatéral congénital extrahépatique ont été
décrits dans la littérature.
Ces shunts se compliquent d’encéphalopathie et
nécessitent une cure chirurgicale.
C - Malposition de la veine porte
:
Cette affection rare (moins de 70 cas dans la littérature) peut se révéler par
une obstruction de la veine porte qui se situe en position préduodénale.
Cette
anomalie peut être associée à un situs inversus, une malrotation de l’intestin
grêle ou à une atrésie duodénale.
D - Fistules artérioveineuses
:
Elles possèdent des caractéristiques similaires aux fistules acquises abordées
dans le précédent chapitre.
E - Anévrisme congénital de la veine porte
:
Les malformations anévrismales de la veine porte sont exceptionnelles
(moins de 20 cas dans la littérature).
Plusieurs auteurs évoquent une origine
congénitale du fait de leur description chez des sujets jeunes indemnes
d’hépatopathie.
L’anévrisme est généralement asymptomatique.
Les
complications sont rares : thrombose porte, rupture intrapéritonéale ou
intravésiculaire, compression de la voie biliaire principale ou du
duodénum.
F - Thrombose porte néonatale
:
Elles sont secondaires à une extension au système porte de l’oblitération
physiologique de la veine ombilicale après la ligature du cordon. Le rôle
favorisant d’une infection ombilicale ou d’un cathétérisme de la veine
ombilicale est discuté.
Dans une étude récente, Schwartz et al ont mis
en évidence une incidence de 1,3 % de thrombose porte après cathétérisme
ombilical.
L’obstruction complète de la veine porte conduit à la formation d’un cavernome portal correspondant à de multiples veinules hépatopètes réalisant
un aspect spongieux inextricable.
Sa traduction clinique est un tableau
d’hypertension portale pure, marquée surtout par une splénomégalie et le
développement de varices gastriques et oesophagiennes exposant au risque
d’hémorragie digestive.
L’ictère, l’ascite, l’insuffisance hépatocellulaire sont
inhabituels.
Le foie est sain, mais pourrait évoluer vers la fibrose en raison
d’une ischémie chronique par diminution du débit sanguin portal.
L’enfant est en bon état général et l’hémorragie digestive est le plus souvent
le mode de découverte de la maladie.
La splénomégalie est précoce, constante
et parfois responsable d’un hypersplénisme.
Le diagnostic sera confirmé par
les différentes méthodes d’imagerie.
Le traitement ne pourra être que palliatif et a pour but de prévenir les
complications hémorragiques.
Aéroportie
:
La présence d’air dans la veine porte relève de deux mécanismes souvent
imbriqués :
– passage d’air à travers la paroi intestinale lésée vers les veines
mésentériques ;
– pullulation microbienne et passage de bactéries capables de former des gaz
dans la circulation splanchnique.
De multiples causes sont répertoriées : infarctus du mésentère, abcès intraabdominal,
diverticulose colique, lavement baryté sur côlon pathologique,
cathétérisme ombilical.
Quelques cas décrits ont rapporté une aéroportie
survenant au cours d’une pneumatose intestinale, d’un volvulus et ulcère
perforé gastriques, d’une ingestion de caustiques, d’un cancer du côlon, d’une
coloscopie, d’une bronchopneumonie.
Le diagnostic est radiologique.
L’abdomen sans préparation montre des
images aériques en arborescence à la périphérie du foie.
L’échographie ou la TDM confirmeront le diagnostic en précisant mieux la topographie de l’air
dans le système porte.
L’aéroportie est souvent fugace et de résolution spontanée du fait de la
solubilisation des gaz dans le sang.
Elle est cependant le témoin d’une
affection grave. Son traitement est celui de la maladie causale.
Traumatismes de la veine porte
:
Exceptionnels, ils sont secondaires à des plaies ouvertes ou contusions
abdominales fermées.
La rupture est responsable d’un hémopéritoine avec état de choc qui imposent une réanimation et un traitement chirurgical en urgence (suture quand elle est
possible).
Un traumatisme de la veine porte peut être responsable d’une
thrombose porte.
Tumeurs de la veine porte
:
Les tumeurs primitives de la veine porte sont exceptionnelles.
Trois cas de léiomyosarcomes de la veine porte sont décrits.
Calcifications de la veine porte
:
Exceptionnelles, elles intéressent les parois de la veine porte ou un thrombus endoluminal.
Elles surviennent surtout au cours de l’hypertension portale.
Le
diagnostic est fortuit sur un cliché d’abdomen sans préparation et laTDM est
le meilleur examen pour le confirmer.
Un cas a été décrit après cathétérisme de la veine ombilicale et chez des
nouveau-nés avec anomalies chromosomiques.