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Réanimation-Urgences
Pathologie anale : hémorroïdes, fissure anale et suppurations
Cours de réanimation - urgences
 

 

 

Introduction :

Sur 500 patients consultant en urgence dans le service de coloproctologie du professeur Jean Denis à l’hôpital Léopold Bellan (Paris), la douleur est le premier motif de consultation (85,60 %).

Celle-ci peut être secondaire à un accident de thrombose hémorroïdaire (41,80 %), à une fissure anale (19,30 %), à une suppuration anopérinéale (18,20 %), les autres étiologies étant beaucoup moins fréquentes et très variées ; pour information, nous citerons les maladies sexuelles transmissibles (7,80 %), le fécalome (2,80 %), les algies anales essentielles (2,70 %), l’eczéma fissuré de la marge anale (2,20 %), les plaies traumatiques et corps étrangers (0,80 %), etc.

Les rectorragies sont une cause moins fréquente de consultation (10,20 %).

Interrogatoire :

Il précise :

– l’existence d’une douleur :

– son caractère permanent ou non, parfois pulsatif qui oriente vers un abcès ;

– ses facteurs déclenchants, en particulier le rôle de la défécation qui évoque une fissure anale ;

– l’existence d’une tuméfaction de la marge anale et sa date de survenue ;

– l’existence de rectorragie et ses particularités, qui peut faire suspecter :

– une origine marginale devant une rectorragie minime tachant le papier hygiénique ;

– la responsabilité d’hémorroïdes lorsque le sang éclabousse la cuvette en fin de selle ;

– devant une rectorragie, même d’allure terminale, il faut toujours éliminer une lésion sus-jacente et, chez un sujet de plus de 45 ans, proposer une coloscopie totale ;

– l’existence d’une modification récente du transit ou d’un écoulement et les antécédents personnels et familiaux de lésion colorectale.

Examen clinique :

Il doit être effectué avec douceur et minutie, sous un bon éclairage, au mieux en position genupectorale.

Il comprend l’inspection de la marge anale, en écartant avec douceur les plis radiés de l’anus, un toucher anal à l’aide de la pulpe du doigt, puis un toucher rectal et enfin une anuscopie.

Cependant, l’examen endoanal est parfois difficile en raison de la douleur et il faut savoir ne pas insister, en particulier devant une fissure anale.

Dans la très grande majorité des cas, ce simple examen permet de faire le diagnostic.

La proctologie est une discipline simple, les examens complémentaires sont inutiles sauf dans d’exceptionnels cas et le plus souvent alors dans un but de bilan lésionnel.

De même, l’histologie n’a d’intérêt que pour éliminer une néoplasie, ce qui n’est d’ailleurs pas le sujet de cet article.

Hémorroïdes :

A - Thromboses :

Il faut souligner en préambule que :

– l’existence d’une douleur anale n’est en aucun cas synonyme « d’hémorroïdes » ; en effet, celles-ci ne se manifestent par des douleurs que lorsqu’elles sont thrombosées ; seuls 15 % des « hémorroïdaires » ont des thromboses, ce qui représente moins de la moitié des causes de douleur anale... ;

– il n’existe aucun parallélisme entre l’importance des hémorroïdes et leur symptomatologie ; même en cas de volumineuses hémorroïdes, il faut alors éliminer une fissure anale, un abcès ou une névralgie anale ;

– les thromboses ne sont pas liées à une coagulation intravasculaire, comme l’est une thrombophlébite, mais à une coagulation extravasculaire : la rupture d’une veine superficielle des plexus hémorroïdaires entraîne la constitution d’un hématome sous tension ; le terme de « thrombose hémorroïdaire » est donc inadéquat, il vaudrait mieux l’appeler « hématome hémorroïdaire ».

Certains facteurs déclenchants sont classiquement décrits : repas trop riches ou trop épicés, épisodes de la vie génitale, prise de médicaments, efforts de poussée.

Leur rôle réel n’est pas clairement démontré.

Leur symptomatologie diffère en fonction de leur localisation sur les plexus hémorroïdaires externes et/ou internes.

1- Thrombose hémorroïdaire externe :

C’est un accident aigu banal survenant au niveau du plexus hémorroïdaire externe qui est habituellement invisible sous la zone cutanée lisse.

Cet épisode ne traduit pas un stade évolutif de la maladie hémorroïdaire.

Il peut rester unique ou se répéter. La thrombose hémorroïdaire externe se manifeste par l’apparition brutale d’une douleur et d’une tuméfaction de la marge anale.

La palpation montre une masse de consistance inégale avec des zones souples d’oedème et d’autres plus dures, bleuâtres, de thrombi multiples.

L’évolution spontanée, parfois lente, est le plus souvent favorable.

La douleur s’atténue en même temps que le caillot s’organise et que l’oedème éventuel disparaît.

Parfois, la surface de revêtement cutané s’érode avec apparition d’un suintement sérosanglant traduisant l’énucléation du caillot.

À distance, il y a restitutio ad integrum ou formation d’une marisque, appelée souvent à tort « hémorroïde externe ».

Le traitement de cette thrombose externe est l’excision après une anesthésie locale.

Le premier temps est l’injection sous le plancher de la thrombose de 1 à 2 mL de lidocaïne (Xylocaïnet) à 2 %.

Ensuite, on saisit le sommet de la thrombose à l’aide d’une pince de Chaput, puis on en assure l’exérèse à l’aide d’une paire de ciseaux afin d’obtenir une plaie plane et l’évacuation complète du caillot.

Cette excision se fait perpendiculairement aux plis radiés de l’anus afin d’éviter la survenue d’une fissure anale iatrogène.

Étant donné la largeur de la plaie, il n’y a pas de risque de récidive par accolement des bords, ce qui est le plus souvent le cas lorsque l’on se contente d’une simple incision.

Des soins locaux biquotidiens associant un antiseptique local dilué (type Cytéalt ou Bétadinet solution dermique à 10 %) et une pommade dite « cicatrisante » (type Proctologt ou Biafinet) permettent une cicatrisation sans marisque en une huitaine de jours.

Cette petite intervention doit être faite le plus rapidement possible ; en effet, elle n’a plus d’intérêt lorsque la douleur a disparu, sauf si l’on craint la formation d’une marisque inesthétique ou inconfortable.

2- Thrombose hémorroïdaire interne :

Il s’agit d’une thrombose au niveau du plexus hémorroïdaire interne pouvant être ou non extériorisée.

* Thrombose interne intracanalaire non extériorisée :

Elle est exceptionnelle.

Elle se manifeste par une douleur vive intracanalaire pouvant faire suspecter une fissure ou un abcès intramural, avec au toucher une ou plusieurs tuméfactions rondes, indurées, douloureuses, visibles à l’anuscopie sous forme de petites lésions bleutées.

Elle peut s’énucléer spontanément et alors être responsable de rectorragies parfois abondantes.

Elle peut évoluer vers la constitution d’un reliquat fibreux, une papille hypertrophique, improprement appelée polype hémorroïdaire.

Insistons cependant sur le fait que si ces thromboses internes sont indolores à l’examen, elles ne peuvent être retenues, alors, comme responsables d’une douleur anale.

L’anite bleue, si elle existe, n’est qu’un aspect endoscopique sans aucune manifestation clinique et qui ne nécessite donc aucun traitement.

Le traitement est le plus souvent médical par des suppositoires et de la pommade anti-inflammatoire à base d’héparine-hydrocortisone (Anti-Hémorroïdaires Cassennet), associés éventuellement à un antiinflammatoire non stéroïdien et à un phlébotonique ou veinotonique.

Exceptionnellement, on peut faire une incision au bistouri à lame fine qui libère le caillot, mais cette technique est assez difficile à réaliser sous anuscopie.

* Polythrombose hémorroïdaire interne extériorisée et oedémateuse (terme plus adapté que prolapsus thrombosé ou encore étranglement hémorroïdaire) :

C’est une véritable urgence proctologique en raison de la douleur et du risque de nécrose.

Les hémorroïdes internes thrombosées s’extériorisent et ne peuvent plus se réintégrer dans le canal anal, ce qui gêne la circulation de retour, mais pas la circulation artérielle, et aggrave l’oedème.

La douleur est très vive, associée à une tuméfaction tendue, violacée en son centre, plus rose et oedémateuse à sa périphérie.

Cette thrombose peut être localisée à un quadrant ou à une hémicirconférence, ou être circulaire.

Son évolution spontanée se fait généralement vers la résorption qui est accélérée par le traitement.

La douleur s’atténue en quelques jours ; la tuméfaction diminue progressivement, laissant parfois en séquelle une marisque ou une papille hypertrophique.

Mais l’évolution peut se faire vers le sphacèle, pouvant nécessiter un geste chirurgical d’urgence.

Le traitement est d’abord médical.

– Le traitement médical, dans tous les cas prescrit, associe per os des phlébotoniques fortement dosés à raison de deux comprimés à chaque repas (type ginkgo biloba [Ginkort fort], flavonoïdes [Daflont 500 mg], ruscosides [Cirkant], etc), un anti-inflammatoire non stéroïdien (type acide tiaprofénique [Surgamt], diclofénac [Voltarènet 50], etc) et des antalgiques à la demande (paracétamol associé à de la codéine [Dafalgan codéinet, Codolipranet, etc] ou à du dextropropoxyphène [Di- Antalvict], tramadol [Topalgict], etc).

Localement, on utilise, matin, midi et soir, des pommades et des suppositoires à base d’héparinehydrocortisone (Anti-Hémorroïdaires Cassennet, Cirkant, etc).

– En cas d’échec de ce traitement médical ou d’emblée devant une polythrombose en voie de nécrose, il ne faut pas hésiter à opérer le patient en urgence.

En effet, contrairement à une notion ancienne, cet accident n’est pas une contre-indication, car il n’existe aucune difficulté opératoire particulière dans ce type d’accident, les suites sont souvent même plus faciles, le patient étant rapidement soulagé par l’intervention.

Il s’agit alors d’une hémorroïdectomie classique avec anoplastie au pôle postérieur type Bellan.

La chirurgie est également indiquée en cas de thrombose externe ou interne récidivante et invalidante.

Il n’existe en effet aucun traitement préventif pour ce type d’accident hémorroïdaire.

B - Autres manifestations de la maladie hémorroïdaire :

Elles sont liées au plexus hémorroïdaire interne.

1- Rectorragies :

Typiquement, il s’agit de sang rouge rutilant survenant en fin de selle de façon intermittente, en quantité variable, éclaboussant la cuvette ou tachant simplement le papier.

Très exceptionnellement, l’hémorragie est très importante, pouvant refluer dans le côlon terminal et être évacuée en dehors des selles.

Les facteurs favorisants jouent un rôle accessoire (sédentarité, constipation, usage de laxatifs irritants et de suppositoires, alcool, épices) en augmentant la pression anale, ce qui favorise l’effraction hors des artérioles.

L’hémorragie hémorroïdaire est souvent compensée malgré sa répétition, cependant elle peut être responsable d’une anémie ferriprive.

Dans ce cas, il faut proposer d’emblée une solution chirurgicale quel que soit le volume des hémorroïdes, ce qui représente, à l’hôpital Léopold Bellan, 1 % des hémorroïdectomies.

Le traitement repose (en l’absence de prolapsus associé) sur plusieurs techniques instrumentales qui ont des résultats comparables.

– Lasclérose hémorroïdaire est une technique simple et peu coûteuse.

Son mécanisme d’action reste mal connu, passant probablement par une diminution de l’élasticité de la muqueuse et du flux sanguin.

Le geste consiste à injecter 0,5 à 1 mLde chlorhydrate de quinine-urée (Kinuréa Ht) en différents sites de l’espace sous-muqueux sus-hémorroïdaire.

Plusieurs séances sont nécessaires à 15 jours d’intervalle.

Les injections sclérosantes peuvent être utilisées avec prudence chez les sujets sous anticoagulants.

Les effets secondaires sont l’allergie, la syncope dite « du métro » (malaise d’allure vagale survenant un quart d’heure après l’injection), les rectorragies à la chute d’escarre (rares), les injections trop profondes pouvant causer des douleurs, une spermaturie, une prostatite (éviter les injections trop antérieures).

– Laphotocoagulation infrarouge réalise une coagulation vasculaire au niveau de la muqueuse sus-hémorroïdaire de façon à créer une sclérose secondaire à la nécrose.

Plusieurs impacts de 1 seconde sont effectués par séance au sommet d’un paquet hémorroïdaire, en zone suspectinéale.

Deux à trois séances espacées de 15 jours sont nécessaires.

Les effets secondaires sont la douleur et la rectorragie à la chute d’escarre parfois importante, contre-indiquant ce traitement chez les patients sous anticoagulants.

– L’électrocoagulation est assez peu utilisée en France.

Elle est bipolaire (Bicapt) ou monopolaire à courant direct (Ultroidt).

La technique est comparable à la photocoagulation.

2- Prolapsus hémorroïdaire :

Les hémorroïdes s’extériorisent à travers l’anneau sphinctérien, du fait d’une laxité pathologique de l’appareil conjonctivomusculaire de soutien.

La procidence est parfois circulaire, plus souvent localisée à une hémicirconférence ou à un quadrant (classique paquet de 5 heures chez la femme).

Elle apparaît à la selle, à l’effort ou est permanente, sa réintégration se faisant spontanément ou de façon manuelle.

Lorsqu’elle est permanente, elle peut entraîner un suintement sérosanglant, source de prurit.

Il faut éliminer un prolapsus rectal vrai en faisant pousser le malade en position accroupie.

Le traitement dépend évidemment de l’importance du prolapsus ; en cas de prolapsus modéré et limité à un quadrant, on peut essayer une ligature élastique associée ou non à la cryothérapie.

Il faut cependant savoir que cette ligature ne peut en aucun cas remplacer la chirurgie en cas de prolapsus circulaire survenant à l’effort, et a fortiori en cas de prolapsus permanent.

– La ligature élastique consiste à placer, par aspiration, un anneau élastique au sommet des paquets hémorroïdaires, en zone sus-pectinéale insensible.

Le paquet hémorroïdaire en lui-même n’est donc pas étranglé.

Le geste est d’autant plus facile qu’il existe une laxité de la muqueuse rectale associée.

Le tissu va progressivement se nécroser et la chute d’escarre se fait en 2 à 10 jours.

Le mode d’action de la ligature est donc comparable à celui des injections sclérosantes ou de la photocoagulation par infrarouge.

Une ou plusieurs séances peuvent être nécessaires.

Les effets secondaires sont : douleur, syndrome fissuraire (ligature placée trop bas), rectorragie à la chute d’escarre (contreindication chez le patient sous anticoagulants), bactériémie, gangrène gazeuse (exceptionnelle).

– La cryothérapie associée à une ligature élastique a été proposée en France par Parnaud et Brulé.

L’intérêt est de circonscrire, par l’anneau élastique, le volume à congeler et de contrôler ainsi le processus de destruction.

Les suites sont souvent moins douloureuses qu’avec une ligature élastique seule, par effet antalgique du froid, mais il existe parfois un oedème et des suintements par cytolyse.

En conclusion, les hémorroïdes volumineuses mais asymptomatiques ne doivent pas être traitées, le traitement médical de la maladie hémorroïdaire n’existe pas.

Il est uniquement indiqué dans certains accidents de thromboses.

Les autres manifestations relèvent du traitement instrumental ou chirurgical.

Pour illustrer ceci, nous rapportons les résultats d’une étude portant sur 855 patients ayant consulté pour la première fois dans le service entre octobre 1993 et janvier 1994.

Sur les 310 patients (36,25 %) ayant une maladie hémorroïdaire, 24,20 % avaient une thrombose, dans 11 % des cas, une hémorroïdectomie a été proposée, parfois en urgence.

L’attitude thérapeutique proposée pour les autres manifestations hémorroïdaires a été :

– dans 41 % des cas, une hémorroïdectomie d’emblée ; dans 53 % des cas, les patients étaient adressés pour cette intervention ; en revanche, pour les patients consultant directement dans le service, l’hémorroïdectomie a été proposée dans 31 % des cas ;

– dans 34,80 % des cas, un traitement instrumental : photocoagulation (66,70 %), sclérose (23,10 %) et ligature élastique (10,20 %).

Fissure anale :

L’interrogatoire évoque fortement le diagnostic devant une douleur provoquée par la selle, parfois accompagnée d’une rectorragie.

A - Différents types :

1- Fissure « jeune » :

Elle apparaît comme une ulcération triangulaire à base externe, à bords nets à peine surélevés, à fond rouge, le plus souvent située au pôle postérieur, parfois au pôle antérieur, surtout chez la femme.

Une ulcération non commissurale doit faire suspecter une autre affection : eczéma fissuré de la marge anale, fissurations vénériennes (herpès, ulcérations syphilitiques, maladie de Nicolas et Favre, donovanose), maladie de Crohn, cancer anal à forme fissuraire...

Cette ulcération s’accompagne d’un spasme sphinctérien.

2- Fissure « vieillie » :

Elle est précédée ou non d’épisodes douloureux de fissure aiguë.

Les douleurs et le spasme sphinctérien sont moins intenses.

L’aspect se modifie : ses bords s’épaississent, son fond devient blanchâtre, mettant à nu les fibres transversales du sphincter interne, et elle s’accompagne parfois d’annexes : marisque à l’extérieur et/ou papille hypertrophique ou « pseudopolype » dans le canal anal.

La marisque est souvent improprement appelée « hémorroïde externe » et la papille hypertrophique ne doit pas être confondue avec un polype pédiculé vrai (polyadénome, hyperplasique ou juvénile), dont la base d’implantation est toujours rectale et non anale.

3- Fissure « infectée » :

C’est le stade compliqué de la fissure anale.

L’infection peut être superficielle et se manifester par un suintement responsable d’un prurit, ou plus profonde avec constitution d’un trajet fistuleux sous-fissuraire, voire d’un abcès.

B - Traitement :

Le traitement reste controversé, il existe en effet de nombreuses méthodes et il faut bien reconnaître qu’aucune d’entre elles n’a prouvé sa supériorité.

1- Méthodes :

* Méthodes médicales :

– Le traitement médical peut être utilisé dans tous les cas : régularisation du transit intestinal, utilisation de suppositoires et pommade sans corticoïde pour faciliter l’exonération, voire la cicatrisation, et enfin antalgiques per os.

– L’injection sous-fissuraire de quinine-urée ne peut être proposée qu’en cas de fissure jeune non infectée.

On injecte 1 mLde chlorhydrate de quinine-urée à 5 % (Kinuréa Ht) sous le plancher de la fissure après anesthésie sphinctérienne par lidocaïne (Xylocaïnet) à 2%.

– De nouveaux produits semblent donner d’excellents taux de cicatrisation.

Il s’agit des injections intrasphinctériennes de toxine botulique, dont l’utilisation est limitée par le coût, et de l’application locale de pommade à base de dérivés nitrés, qui entraînent souvent des céphalées modérées dose-dépendantes.

Les pommades à base de dérivés nitrés au bon titrage n’existent pas encore dans le commerce.

Tous ces traitements donnent des résultats assez comparables sur le taux de cicatrisation.

Mais il faut savoir qu’il existe une vraie maladie fissuraire faite de récidives fréquentes, que le traitement médical ne traite que la poussée fissuraire et qu’il peut donc être renouvelé fréquemment, voire être permanent lorsque le patient refuse l’opération ou ne peut être opéré.

* Méthodes chirurgicales :

– L’anoplastie au pôle postérieur est l’exérèse d’un triangle cutanéomuqueux jusqu’à la muqueuse rectale, emportant la fissure et ses annexes, avec abaissement de la muqueuse rectale qui est suturée au sphincter interne.

Elle est réalisée avec ou sans sphinctérotomie.

– Les lambeaux d’avancement sont assez peu utilisés.

– La dissection-exérèse en bloc de la fissure et ses annexes au bistouri électrique, avec ou sans sphinctérotomie, peuvent être réalisées.

– La sphinctérotomie latérale interne peut être faite à « ciel ouvert » selon la technique de Parks, ou à l’aveugle, par voie sous-cutanée selon la technique de Notaras.

Le geste est éventuellement couplé à l’exérèse des annexes. Elle peut avoir, comme toute sphinctérotomie, un retentissement sur la continence anale.

2- Indications :

Elles varient en fonction du stade d’évolution de la fissure :

– devant une fissure « jeune », il faut proposer en premier lieu un traitement médical associant une régularisation du transit intestinal, des topiques locaux et des antalgiques ; les dérivés nitrés en topiques ou les injections de toxine botulique seront probablement, dans l’avenir, d’une aide efficace ; en cas d’échec de ce traitement ou de fissure hyperalgique, la chirurgie s’impose et plutôt, à notre avis, l’anoplastie sans léiomyotomie ; en effet, même s’il est exact que le délai de cicatrisation est long (un mois et demi en moyenne), son retentissement sur la continence anale est quasiment nul à la différence de la sphinctérotomie latérale ;

– devant une fissure « vieillie », il faut d’emblée proposer l’anoplastie au patient, tout en sachant que cette intervention ne présente aucun caractère d’urgence ; si le patient ne peut ou ne veut pas se faire opérer, le traitement médical est alors prescrit ;

– devant une fissure « infectée », la meilleure solution est la dissectionexérèse en bloc de la fissure au bistouri électrique ; en cas d’impossibilité ou de refus, il est possible d’ajouter au traitement médical un ovule gynécologique de métronidazole (Flagylt), utilisé comme un suppositoire le soir au coucher.

Suppurations :

Elles peuvent se voir soit au stade d’abcès, associant douleur, tuméfaction et signes généraux d’intensité variable, soit au stade de fistule avec un écoulement séropurulent.

L’examen clinique permet le diagnostic étiologique dans l’immense majorité des cas.

Les examens complémentaires, en particulier l’imagerie par résonance magnétique et l’échoendoscopie, sont sans intérêt dans les suppurations indépendantes de l’anorectum et ne sont pas encore totalement fiables dans les fistules anales, méconnaissant souvent dans ce dernier cas le siège de la glande responsable et parfois la traversée sphinctérienne.

Le traitement en phase aiguë repose sur l’incision de l’abcès, ce qui permet d’attendre le traitement étiologique qui est chirurgical.

Les antibiotiques utilisés seuls peuvent favoriser une évolution torpide et ne traitent pas la cause sous-jacente.

Nous ne parlerons que des techniques chirurgicales utilisées dans le service.

La classification des suppurations anopérinéales repose sur leurs rapports avec le rectum et le canal anal : ainsi on peut distinguer les suppurations indépendantes de l’anorectum (22 %) et les suppurations dont l’origine est au niveau du canal anal (76 %).

A - Suppurations indépendantes de l’anorectum :

1- Sinus pilonidal (15 %) :

Il s’agit d’une cavité pseudokystique, parfois occupée par des poils, le plus souvent située dans le tissu cellulaire précoccygien et présacré, communiquant avec la peau par des orifices médians ou parfois latéralisés appelés les fossettes.

Les localisations antérieures sont plus rares.

En phase aiguë d’abcès, il existe une induration rouge, chaude et douloureuse dans le sillon interfessier avec des signes généraux variables.

L’évolution spontanée se fait vers la régression ou l’ouverture à la peau. Dans la forme chronique, la sécrétion séropurulente est plus ou moins abondante, s’extériorisant par les fossettes ou par un orifice externe situé à distance du sillon interfessier.

Le traitement est toujours chirurgical : la meilleure technique reste l’exérèse de l’ensemble de la cavité à « ciel ouvert », c’est-à-dire sans refermer la plaie.

La cicatrisation est lente (2 à 3 mois) et se fait de la profondeur vers la surface et des bords vers le centre, laissant une cicatrice linéaire longitudinale dans le sillon interfessier.

Le taux de récidive avec cette technique est faible (moins de 3 %).

2- Maladie de Verneuil (4 %) :

C’est une affection cutanée dont le point de départ serait classiquement les glandes sudoripares apocrines.

Plus récemment, on a incriminé une infection des sinus pilaires.

Cliniquement, la lésion fondamentale est le nodule hypodermique.

Il est enchâssé dans le derme, recouvert d’un épiderme violacé, mobile sur le plan profond, indolore spontanément et peu douloureux à la palpation, sauf dans les périodes de rétention.

Ce nodule finit par s’ouvrir à la peau, ce qui permet d’évacuer un liquide séropurulent qui ne vide pas totalement l’abcès et laisse persister une induration qui donne ultérieurement un nouvel abcès.

Il existe à distance de cette lésion fondamentale d’autres éléments du même âge ou plus anciens, avec des cicatrices volontiers chéloïdes, communiquant entre eux par des galeries qui sillonnent la peau réalisant, au stade ultime, un aspect de « terrier de lapin ».

D’autres localisations peuvent exister sur la région inguino-scroto-pubienne, les aisselles (abcès tubéreux), la nuque, le mamelon ou derrière le lobule de l’oreille.

Un sinus pilonidal associé est relativement fréquent, de même qu’une acné ou une folliculite du cuir chevelu.

Il n’est pas rare de voir une maladie de Verneuil au cours d’une maladie de Crohn sans que l’on sache si cela est fortuit ou non.

Le traitement est chirurgical et repose sur l’exérèse en bloc, à « ciel ouvert », des lésions cutanées apparentes, en les décollant du plan profond « comme on pèlerait une orange ».

La cicatrisation est longue.

Il n’y a pas de récidive au niveau des lésions excisées, mais d’autres localisations peuvent apparaître, proches ou à distance.

3- Autres suppurations :

Nous ne ferons que citer les kystes dont l’étiologie est parfois difficile à établir sur le plan histologique, mais dont le traitement repose sur l’incision ou la dissection-exérèse.

Plus rares sont les suppurations d’origine osseuse, prostatique ou en rapport avec une maladie de système qui sont évoquées devant un orifice externe isolé sans rapport avec le canal anal et confirmées par une fistulographie.

Leur traitement est complexe, lié d’une part à la fistule mais aussi à l’affection causale.

B - Suppurations dont l’origine est au niveau du canal anal :

1- Fistules anales (71 %) :

* Définition :

Elles sont secondaires à l’infection d’une glande d’Hermann-Desfosses.

Ces glandes sont situées sur la ligne des cryptes du canal anal.

Une fistule comprend toujours un orifice interne (ou primaire) qui est cryptique et un trajet qui chemine soit vers la peau, après avoir traversé le sphincter anal, soit vers l’ampoule rectale, dans l’espace intersphinctérien, et qui peut s’y aboucher par un orifice secondaire (ou externe en cas d’ouverture à la peau).

Il n’y a donc pas de fistule borgne externe, et inversement toute suppuration qui n’a pas une origine cryptique n’est pas une fistule anale.

* Classification des fistules anales :

Elle repose sur les rapports du trajet avec l’appareil sphinctérien. Ainsi, on peut distinguer :

– les fistules transsphinctériennes que l’on classe selon la hauteur du trajet fistuleux dans l’appareil sphinctérien :

– les fistules transsphinctériennes inférieures (61 %) où seules les fibres les plus basses du faisceau profond du sphincter externe sont comprises dans la fistule ;

– les fistules transsphinctériennes supérieures (19 %) qui englobent plus de la moitié du sphincter externe ;

– les fistules suprasphinctériennes (6 %) qui intéressent tout l’appareil sphinctérien, dont tout ou partie du faisceau puborectal du releveur ;

– les fistules intersphinctériennes (ou intramurales) (14 %), qui se développent exclusivement dans l’espace d’Eisenhammer, au niveau de la couche longitudinale complexe, et peuvent remonter très haut dans le rectum et s’y ouvrir parfois spontanément, réalisant alors une fistule anorectale ; le trajet peut être simple, parallèle à l’axe du rectum, ou complexe (en spirale, en Y, en V).

2- Diverticules :

Ils peuvent se greffer sur le trajet principal et se développer :

– vers le côté opposé, réalisant ainsi une fistule en « fer à cheval » (2,75 %) ; le passage controlatéral est habituellement postérieur et se fait le plus souvent par l’espace sous-sphinctérien postérieur (70 %), plus rarement par la couche longitudinale, et exceptionnellement par l’espace postérieur du releveur ; il peut être antérieur, au niveau du noyau fibreux central du périnée (15 %) ;

– dans l’espace intersphinctérien, réalisant un diverticule intramural ;

– entre le releveur et l’aponévrose pelvienne supérieure, réalisant un diverticule sus-lévatorial respectant cette aponévrose ;

– dans l’espace pelvirectal supérieur, traversant l’aponévrose pelvienne supérieure, presque toujours iatrogène ; on peut alors observer, à l’extrême, une perforation rectale réalisant une fistule rectale extrasphinctérienne.

* Manifestations cliniques :

Elles dépendent du stade de la fistule anale.

Au stade d’abcès, la douleur est vive, permanente, souvent pulsative, non rythmée par la selle.

Le syndrome infectieux est variable, habituellement modéré.

À l’examen de la marge anale, l’abcès peut être évident devant une masse rouge, tendue, luisante, mais en cas d’abcès intersphinctérien, la marge anale apparaît normale.

La palpation douce réveille la douleur mais apprécie l’importance de la lésion.

Le toucher anal permet de localiser l’orifice interne : point du canal exquisement douloureux avec un bombement ou au contraire une dépression.

Le toucher recherche également un diverticule intramural sous la forme d’un bombement douloureux dans l’ampoule rectale.

L’anuscopie visualise parfois l’orifice interne d’où sourd une goutte de pus.

Lors de la phase chronique, qui peut succéder à une phase d’abcès ou s’installer d’emblée, l’inspection découvre un orifice externe d’où s’écoule un liquide séropurulent.

Parfois, il y a plusieurs orifices externes : s’ils sont homolatéraux, ils correspondent presque toujours à un même orifice interne ; s’ils sont bilatéraux, il faut suspecter une fistule en « fer à cheval », les fistules anales doubles ou triples étant rares.

La palpation permet parfois, en cas de fistule basse, de sentir un cordon induré, correspondant au trajet se dirigeant vers l’orifice primaire.

Comme en phase d’abcès, le toucher et l’anuscopie permettent de suspecter l’orifice interne et de dépister un diverticule intramural.

* Traitement :

Le traitement d’une fistule anale a essentiellement deux objectifs : d’une part tarir la suppuration et éviter la récidive en traitant la crypte responsable, d’autre part respecter la continence anale qui est liée à l’appareil sphinctérien mais aussi à l’architecture anorectale, ce qui conduit parfois à segmenter les temps opératoires.

Quel que soit le stade de la fistule, le traitement est exclusivement chirurgical.

L’intervention est parfois urgente pour évacuer l’abcès lorsqu’une incision sous anesthésie locale ne peut être réalisée en raison d’un abcès mal collecté ou profond. Le traitement de la fistule en elle-même comprend plusieurs étapes.

– La recherche de l’orifice interne est la première étape capitale.

Elle repose sur l’examen clinique et l’injection d’air et surtout de bleu de méthylène par l’orifice externe qui permet de colorer le trajet, les diverticules et l’orifice interne.

– La deuxième étape est la dissection-exérèse du trajet jusqu’au plan musculaire et le cathétérisme rétrograde du trajet à partir de l’orifice interne.

Il ne faut jamais créer de faux trajet, en particulier par un cathétérisme « forcé », par l’orifice externe.

– Le dernier temps est le traitement du trajet principal transsphinctérien et il dépend de la quantité de muscle intéressée par la fistule :

– en cas de fistule transsphinctérienne inférieure, la mise à plat se fait en un temps, fistulectomie par dissection-exérèse jusqu’à la crypte responsable ou fistulotomie par section du trajet sur un stylet ;

– en cas de fistule transsphinctérienne supérieure ou suprasphinctérienne, il faut dans un premier temps mettre en place une anse de drainage souple dans le trajet ; le deuxième temps opératoire a lieu après 2 ou 3 mois et consiste à mettre à plat le trajet.

– Les éventuels diverticules sont mis à plat sur pince de Leriche lors du premier temps opératoire.

S’il est associé à une fistule haute (transsphinctérienne supérieure ou suprasphinctérienne), le diverticule intramural est schématiquement mis à plat vers l’intérieur s’il intéresse la partie « interne » de la couche longitudinale, ou vers l’extérieur s’il intéresse la partie « externe » de la couche.

Restent à évoquer quelques cas particuliers :

– les fistules intersphinctériennes sont traitées par une mise à plat vers l’ampoule rectale ou par la technique du lambeau tracteur en cas de trajet fibreux ;

– trois temps opératoires sont nécessaires pour le traitement d’une fistule en « fer à cheval », espacés de 2 ou 3 mois ; le premier temps consiste en l’exérèse du trajet jusqu’au plan musculaire avec mise en drainage souple du trajet principal et du passage controlatéral qui est mis à plat lors d’un deuxième temps ; le dernier temps met à plat le trajet principal.

3- Fissure infectée :

C’est la deuxième cause (4 %) des suppurations prenant naissance dans le canal anal.

La douleur est déclenchée par les selles et est souvent modérée, sauf en cas d’abcès.

Il peut s’y associer un prurit secondaire à l’écoulement.

L’examen découvre une ulcération habituellement postérieure, souvent associée, à l’extérieur, à un capuchon mariscal et, dans le canal anal, à une papille hypertrophique, réalisant au maximum un aspect de pseudopolype hémorroïdaire.

Cette ulcération laisse sourdre une goutte de pus au déplissement des plis radiés.

Il peut exister un abcès rectal sous-muqueux ou un trajet fistuleux sous-fissuraire superficiel prenant naissance au sein de la fissure et s’extériorisant par un orifice externe cutané.

La surinfection contre-indique une anesthésie sphinctérienne ou une injection sous-fissuraire.

Le traitement est chirurgical et consiste en la dissection-exérèse en bloc de la lésion au bistouri électrique.

4- Glandes sous-pectinéales :

Elles sont mal connues et leur fréquence (0,7 %) est certainement sousestimée.

Elles sont presque exclusivement situées au niveau de la marge antérieure et s’ouvrent par un micro-orifice endocanalaire situé nettement en dessous de la ligne pectinée.

Il existe parfois un prolongement de cette suppuration vers l’espace intersphinctérien.

Nous ne ferons que citer, pour mémoire, les suppurations d’origine susanale qui sont traitées ailleurs.

Il s’agit des localisations anopérinéales de la maladie de Crohn, des fistules rectovaginales d’origine obstétricale ou iatrogène, de cancer à forme fistuleuse et d’abcès à corps étranger ou survenant après sclérose hémorroïdaire.

Dans cet article, nous avons exposé rapidement les manifestations proctologiques les plus fréquentes, dont le diagnostic, le plus souvent facile, repose sur un examen clinique avec anuscopie, ce qui reste à la portée de tout omnipraticien un peu exercé.

Le traitement en ambulatoire permet souvent de soulager rapidement le patient.

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