Particularités de l’ophtalmologie chez les carnivores domestiques
(Suite)
Cours d'Ophtalmologie
Chambre antérieure
:
Elle est limitée antérieurement par l’endothélium cornéen,
postérieurement par la face antérieure de l’iris et la cristalloïde
antérieure et à sa périphérie par le ligament pectiné, limite
antérieure de l’angle iridocornéen.
Ces différentes structures peuvent faire l’objet d’altérations
spécifiques aux carnivores domestiques.
A - ENDOTHÉLIUM
:
Les affections dystrophiques ou dégénératives ont fait l’objet d’un
paragraphe traité ci-avant.
Seules les modifications à caractère
inflammatoire sont évoquées ici.
1- Kératite de Rubarth :
Elle est provoquée chez le chien par l’adénovirus canin de type I et
se manifeste au niveau de l’oeil par une endothéliite entraînant un
oedème cornéen dense, profond, diffus, qui a valu le nom de
« kératite bleue » à cette maladie.
Les lésions endothéliales sont
d’abord dues à une multiplication du virus dans l’uvée antérieure et
l’endothélium, puis à une réaction d’hypersensibilité retardée
(phénomène d’Arthus) par formation de complexes immuns.
L’oedème cornéen peut disparaître en moins de 1 mois (cas le plus
fréquent), mais les lésions endothéliales sont susceptibles d’être
irréversibles et l’opacité cornéenne définitive.
Une telle endothéliite était autrefois observée après la vaccination
contre la kératite de Rubarth à l’aide du vaccin préparé à partir de
l’adénovirus canin de type I.
Pour éviter de tels désagréments, on
vaccine désormais à l’aide de l’adénovirus canin de type II.
2- Précipités kératiques :
Ils sont particulièrement fréquents chez le chat souffrant d’uvéite
antérieure associée aux virus spécifiques : coronaviroses infectieuse
féline (PIF [péritonite infectieuse féline]), rétroviroses (leucose féline,
immunodéficience féline).
Ils se manifestent sous la forme de dépôts rétrocornéens dont
certains, accolés à l’endothélium en partie déclive de la
cornée, ont un aspect caractéristique en « taches de bougie ».
B - ANGLE IRIDOCORNÉEN :
Des glaucomes primaires, associés à une difficulté de drainage à
travers un angle iridocornéen anormal, peuvent être rencontrés chez
les carnivores domestiques.
Différentes particularités de l’angle iridocornéen peuvent être
évoquées : présence d’un ligament pectiné limitant le trabéculum
antérieurement, position antérieure de la fente ciliaire, faible
développement du muscle ciliaire, absence de canal de Schlemm.
Les anomalies héréditaires ou à prédisposition raciale du ligament
pectiné (dysplasie consécutive à un défaut de résorption
mésodermique) s’accompagnent d’un défaut de développement de
la fente ciliaire et de son réseau trabéculaire (prédisposition au
glaucome à angle étroit ou fermé).
Ce type d’anomalies est décrit chez les spaniels (la transmission est
autosomique dominante chez le welsh spinger spaniel, le basset
hound, le bouvier des Flandres, les chiens nordiques (samoyède
et husky sibérien, le korthal) et chez certains chats (persan, siamois).
L’accès de glaucome aigu chez ces animaux prédisposés peut être
extrêmement précoce (buphtalmie congénitale type korthal) ou
survenir sur des animaux adultes (entre 3 et 5 ans).
Le traitement de ce type d’affection est particulièrement décevant
au plan chirurgical et quasi inopérant au plan médical.
C - IRIS :
1- Membrane pupillaire
:
Comme chez l’homme, un défaut de résorption de la tunique
antérieure du cristallin peut se traduire par une persistance de la
membrane pupillaire dont le caractère invalidant est fonction de la
localisation des lésions.
Cette anomalie a été décrite chez le basenji et le mastiff. Sa
transmission se fait selon le mode autosomique dominant à
pénétrance incomplète.
On la rencontre dans de nombreuses races canines, souvent sous
des formes discrètes, et chez le chat.
2- Kystes iriens
:
Ils sont issus de l’épithélium irien postérieur, diversement
pigmentés, et tombent fréquemment dans la chambre antérieure où
ils peuvent constituer une gêne fonctionnelle s’ils atteignent une
taille importante.
On les constate chez des chiens d’âge mûr avec une prédilection
pour le Boston terrier, le boxer, le berger allemand.
Dans d’autres races, comme le dogue allemand et le golden retriever,
ils proviennent de l’épithélium ciliaire et peuvent être associés à des
dysplasies du ligament pectiné et au glaucome qui en résulte.
3- Atrophie de l’iris :
Chez des chiens âgés, on assiste à des phénomènes dégénératifs sans
conséquence pathologique (excepté des phénomènes
d’éblouissement) pouvant intéresser soit le stroma irien (aspect polycorique) chez les races naines, soit le sphincter de l’iris dans
toutes les races de lévriers.
Chez le berger des Pyrénées et le goz
d’Atura, on rencontre, avec une prédisposition marquée, une
hypoplasie de l’uvée antérieure (iris polycorique) associée à une
cataracte juvénile sous-capsulaire postérieure rapidement évolutive.
Uvéites antérieures et cyclites
:
Comme chez l’homme, les uvéites et cyclites sont des affections
courantes, mais leur caractère de gravité, chez les chiens en
particulier, est à l’origine de la perte fonctionnelle et anatomique de
nombreux globes oculaires soit par l’apparition de glaucomes
secondaires, soit par une phtisie du globe.
Les causes d’uvéites, spécifiques ou non, sont nombreuses :
infectieuses, parasitaires, dysimmunitaires, traumatiques,
métaboliques.
Cependant, quelques particularités sont à signaler.
A - CHEZ LE CHIEN
:
En cas de pyomètre de la chienne ou d’abcès prostatique du chien,
on rencontre fréquemment une uvéite antérieure associée.
B - CHEZ LE CHAT :
La rubéose irienne, particulièrement visible sur les animaux à iris
bleu, se manifeste lors d’uvéite aiguë ou subaiguë, associée aux
maladies virales déjà envisagées ou à d’autres affections non
spécifiques.
C - TUMEURS :
Les tumeurs de l’uvée chez les carnivores sont essentiellement
localisées à l’uvée antérieure.
Elles intéressent des animaux adultes
ou d’âge mûr.
Le mélanome de la choroïde reste exceptionnel.
Chez
le chien, la pathologie tumorale est dominée par les mélanomes du
corps ciliaire et les adénocarcinomes pour lesquelles l’énucléation
est souvent curative.
Chez le chat, ces tumeurs ont plus facilement
tendance à métastaser précocement.
Cristallin
:
Comme dans toutes les espèces de mammifères, le cristallin est une
structure réfractive, la plus riche en protéines de l’organisme.
L’arrangement régulier de ses fibres et la qualité de sa structure
conditionnent sa transparence.
Des modifications de forme et de
position peuvent également engendrer des troubles de la vision.
A - CATARACTES :
Elles sont particulièrement fréquentes chez le chien alors qu’elles
sont rares chez le chat.
La concentration relativement faible d’acide
ascorbique et relativement élevée de glutathion oxydé dans le
cristallin du chien peut constituer un début d’explication à
l’apparition préférentielle des cataractes dans cette espèce.
Différentes classifications peuvent être envisagées en fonction de
l’âge, de la localisation et de l’étiologie, cette dernière convenant
mieux pour présenter les particularités des cataractes chez les
carnivores.
On distingue ainsi des cataractes héréditaires, toxiques,
traumatiques, métaboliques, postinflammatoires.
1- Cataractes héréditaires, bilatérales
:
Elles sont soit isolées et héréditaires au sens strict, soit secondaires à
une dégénérescence rétinienne héréditaire (caniche, cocker).
Elles peuvent enfin être associées à des anomalies oculaires
multiples (persistance de la membrane pupillaire, persistance du
vitré primaire hyperplasique ou de la tunique vasculaire du cristallin.
2- Cataractes métaboliques
:
Leur modèle est constitué par la cataracte diabétique, qui progresse
très rapidement à partir du cortex équatorial et est responsable
d’une abolition de la vision en quelques jours.
Elle est due à l’accumulation de sorbitol dans le cristallin, après
saturation de l’hexokinase, et est souvent révélatrice de l’affection
causale lors de la consultation d’ophtalmologie vétérinaire.
3- Cataractes postinflammatoires :
Secondaires à des accès d’uvéites antérieure et moyenne, elles
constituent pratiquement la seule cause de cataracte chez le chat.
Leur pronostic est particulièrement sombre car l’intervention
chirurgicale a de fortes chances de réveiller l’inflammation causale.
4- Chirurgie de la cataracte
:
Elle est réalisée depuis plusieurs années en routine par bon nombre
de vétérinaires ophtalmologistes et se déroule dans des conditions
très différentes de celles qui sont relatives à l’espèce humaine.
Les
patients sont opérés lorsque le cristallin est totalement opaque et
que la cécité totale est constatée par le propriétaire.
En effet, les
troubles fonctionnels liés à l’opacification de la lentille ne sont
généralement pas observés tant que l’animal est capable de se
diriger.
Dans certains cas, dans un environnement familier, si l’évolution se
fait progressivement, le caractère invalidant de l’opacification nucléocorticale peut ne pas être évident.
La particulière fréquence des affections rétiniennes dégénératives
héréditaires avec cataracte tardive associée impose le recours à
l’examen électrophysiologique préalable par électrorétinographie
(ERG) et étude des potentiels évoqués visuels (PEV).
La prise en charge du patient par le vétérinaire ophtalmologiste est
globale et impose de ce fait un examen général préalable détaillé de
l’animal opéré.
B - ANOMALIES DE POSITION
:
Les luxations cristalliniennes sont liées à une fragilisation de la zonule dont la rupture partielle ou complète se traduit soit par une
subluxation, soit par une luxation. Les causes en sont multiples :
dystrophies et dégénérescences héréditaires de la zonule, luxation
cristallinienne secondaire à d’autres affections oculaires ou
générales.
1- Dystrophies et dégénérescences héréditaires
de la zonule :
De nombreuses races présentent un défaut de développement de la
zonule intéressant surtout les faisceaux de fibres pariétales, qui
aboutit à la subluxation ou à la luxation du cristallin.
Celle-ci peut entraîner un glaucome secondaire aigu (surtout lors de
luxation dans la chambre antérieure), une uvéite aiguë en cas de
luxation « à cheval ».
Lors de dégénérescence du vitré, le cristallin se luxe dans le segment
postérieur sans forcément entraîner de phénomènes d’hypertension.
Cette synérèse du vitré est de règle dans les luxations anciennes,
quelle que soit leur origine.
La luxation du cristallin est pratiquement toujours bilatérale,
d’apparition différée sur le deuxième oeil, ce qui implique l’examen
attentif de ce dernier en cas d’observation de l’affection sur le
premier oeil.
L’affection se manifeste sans prédisposition de sexe sur les animaux
adultes (entre 3 et 8 ans selon les races : terriers, terrier du Tibet,
épagneul breton, shar-pei).
Le traitement est obligatoirement chirurgical lorsque la luxation du
cristallin est patente (phacoexérèse intracapsulaire, vitrectomie
antérieure) et peut être envisagé dès que l’examen de la périphérie
cristallinienne met en évidence une rupture zonulaire.
2- Luxations cristalliniennes secondaires :
Elles sont fréquemment associées à l’hypermaturité des cataractes
secondaires, aux dégénérescences rétiniennes chez le chien et aux
uvéites chroniques chez le chat.
Dans ce cas, la bilatéralité de l’affection n’est pas forcément
constatée.
Les anomalies peuvent à leur tour être associées à des modifications
de forme et de structure du cristallin (lenticône postérieur et
cataracte) dans les races précitées et également chez le cavalier King-Charles, le léonberg et le terrier du Tibet.
Vitré
:
Les affections congénitales héréditaires du vitré représentent une
proportion importante de la pathologie vitréenne chez le chien.
La
persistance de l’artère hyaloïde (ou de son reliquat) n’est pas
spécifique de race.
Son association éventuelle avec la persistance de
la tunique vasculaire du cristallin et du vitré primitif hyperplasique
comme chez le doberman et le Staffordshire bull-terrier est transmise
sous le mode autosomique dominant à pénétrance incomplète.
Fond d’oeil
:
A - PARTICULARITÉS ANATOMIQUES DU FOND D’OEIL
DES CARNIVORES : FOND D’OEIL NORMAL
:
Le fond d’oeil des carnivores est adapté à leur mode de vie nocturne.
À cet effet, il possède une structure particulière choroïdienne, située
entre le choriocapillaire et la lame de Bruch : le tapis.
Celui-ci est constitué de cristaux de guanine et guanidine
régulièrement arrangés, donnant un aspect coloré, brillant et
réfléchissant à la partie supérieure du fond d’oeil qu’il occupe de
façon quasi systématique.
De nombreuses variations raciales et au sein d’une même race en
fonction de la robe sont observées chez le chien alors que, chez le
chat, l’aspect reste relativement homogène.
Chez les animaux à robe
dépigmentée ou chez les chiens à robe de couleur diluée, on observe
une absence ou une irrégularité de la structure.
Des modifications sont aussi observées en fonction de l’âge, aussi
bien chez le chien que chez le chat, l’aspect définitif n’étant établi
qu’à partir de l’âge de 3 mois.
Au niveau du tapis, pour laisser le passage aux rayons lumineux
qui vont venir se réfléchir sur les cristaux de guanine (iridocytes),
l’épithélium pigmentaire n’est pas pigmenté.
Cette réflexion de la
lumière permet d’augmenter l’absorption du stimulus lumineux par
les articles externes des photorécepteurs, notamment dans les
mauvaises conditions d’éclairage.
Dans la zone non tapétale, l’épithélium pigmentaire rétinien est
pigmenté, d’une couleur allant du fauve au noir, en fonction des
couleurs de la robe.
La limite entre la zone tapétale et la zone non tapétale est plus ou
moins nette, les deux étant parfois complètement mélangées,
notamment dans les races à poil long.
La vascularisation apparente est la vascularisation superficielle de
la rétine, comprenant habituellement trois ou quatre veines
principales qui se réunissent chez le chien au cercle veineux intrapapillaire (absent chez le chat).
La vascularisation artérielle est plus dense (15 artères environ) et
plus grêle.
Elle dépend de l’artère ophtalmique externe, ce qui
explique que l’examen de la vascularisation du fond d’oeil ne peut
en aucun cas fournir de renseignements sur l’état de la
vascularisation cérébrale (absence d’artère centrale de la rétine).
Chez le chat, les vaisseaux rétiniens partent ou aboutissent au bord
de la papille.
Aucune macula individualisée, comme chez l’homme, n’existe chez
le chien, mais on peut observer une « area centralis » ovale à grand
axe horizontal temporalement à la papille dans la zone du tapis chez
le chat.
Les rétines des carnivores sont habituellement pauvres en cônes,
sauf à ce niveau.
La papille est habituellement située à la limite des deux zones
(tapétale et non tapétale), encore qu’elle puisse être incluse dans
l’une ou dans l’autre.
Sa forme et sa taille sont variables chez le
chien, uniformément ronde chez le chat.
B - PATHOLOGIE DU FOND D’OEIL :
L’examen du fond d’oeil permet de mettre en évidence un certain
nombre de modifications intéressant soit la vascularisation, soit la
couleur, soit la brillance du fond d’oeil, soit la forme et la couleur de
la papille.
On les retrouve aussi bien dans les maladies héréditaires
que dans les maladies acquises.
1- Rétinopathies héréditaires : dysplasies de la rétine
Comme chez l’homme, elles correspondent à des anomalies
congénitales de différenciation d’une ou plusieurs couches de la
rétine.
Elles sont le plus souvent spontanées, mais peuvent aussi
être induites (herpès virose, irradiation).
Au plan histologique, on les observe sous forme de plis rétiniens, de
rosettes, de zones de couleur différente de celle du fond d’oeil en
région tapétale comme non tapétale.
Dans les cas les plus graves, on peut observer des zones de
décollement rétinien, voire des hémorragies rétiniennes ou de la
totalité du segment postérieur.
Au plan histologique, ce sont essentiellement les cellules de la
couche nucléaire externe qui sont responsables de la formation des
rosettes, alors que les plis rétiniens intéressent toutes les couches de
la rétine, certaines d’entre elles devenant hyperplasiques.
Bien que
cette anomalie soit décrite chez le chat, elle est surtout bien
documentée chez le chien avec des prédispositions raciales nettes et
des modes de transmission connus.
2- Rétinopathies héréditaires :
dégénérescence de la rétine
* Dysplasie des photorécepteurs
:
Le groupe comprend les rétinopathies dont les anomalies
apparaissent avant que les photorécepteurs n’aient terminé leur
développement normal.
La plupart d’entre elles sont progressives
mais quelques-unes sont stationnaires.
Elles affectent le plus
souvent les bâtonnets et les cônes, plus rarement un seul type de
cellules.
Le diagnostic précoce peut être effectué grâce à l’ERG,
d’autant plus que certaines d’entre elles ne s’accompagnent pas de
modification du fond d’oeil (CSNB : cécité nocturne congénitale non
évolutive du briard) et que les autres ne présentent pas de signes
ophtalmoscopiques avant l’âge de 4 mois (colley, setter irlandais).
Il existe depuis peu, pour certaines races, des tests de diagnostic en
biologie moléculaire permettant de mettre en évidence la mutation
génétique responsable soit du déficit enzymatique, soit d’anomalies
cellulaires.
Les affections peuvent se présenter de la façon suivante :
– atteintes des bâtonnets et des cônes évoluant vers la cécité à partir
de 6 mois (setter irlandais, colley, schnauzer nain) ;
– atteinte spécifique des bâtonnets et dégénérescence rétinienne plus
tardive (cécité à 3 ans) chez l’elkhound norvégien ;
– atteinte spécifique des cônes avec cécité diurne chez le malamute
d’Alaska ;
– atteinte des bâtonnets et des cônes de gravité variable en fonction
des individus (CSNB).
La plupart de ces affections sont transmises sous le mode
autosomique récessif.
* Dystrophies des photorécepteurs
:
C’est la forme la plus répandue d’atrophie rétinienne progressive
(ARP) rencontrée chez les carnivores.
Elles se manifestent dans un premier temps par une baisse, puis
une disparition de la vision nocturne puis crépusculaire.
La cécité
totale apparaît après plusieurs années d’évolution.
Le diagnostic précoce par ERG ne peut guère être établi avant l’âge
de 2 ans.
L’examen ophtalmoscopique met en évidence d’abord une hyperréflectivité du tapis commençant à la périphérie de celui-ci,
puis une diminution du calibre vasculaire pouvant aboutir à la
disparition totale de la vascularisation rétinienne.
L’aspect grisâtre
de la papille, les zones focales claires de l’épithélium pigmentaire,
sont des modifications tardives.
Les lésions sont bilatérales, d’une symétrie variable en fonction des
races, non inflammatoires.
Cette affection intéresse de nombreuses races canines et félines, elles
sont toutes transmises sous le mode autosomique récessif, sauf dans
une forme particulière rencontrée chez le chat abyssin anglais.
Chez le chien, on distingue exceptionnellement des formes
d’apparition précoce et d’évolution lente (terrier du Tibet) ou
d’apparition précoce et d’évolution rapide (teckels) et, de façon plus
générale, des formes d’apparition tardive et d’évolution lente
(retrievers, caniches, cockers).
Chez le chat abyssin, en Suède, une dégénérescence précoce des
photorécepteurs transmise sur le mode autosomique récessif a été
décrite.
La cécité dans ce cas est d’apparition rapide (2-3 ans).
On
observe aussi plus rarement une affection semblable chez les chats
persans et européens.
La dystrophie des photorécepteurs chez le Labrador, les cockers
anglais et américains, le caniche nain, est le résultat de la même
mutation génique.
Le diagnostic par sonde génétique est actuellement disponible pour
les races suivantes : chien d’eau portugais, Chesapeake bay retriever,
cocker anglais, caniche.
Les techniques de marquage actuellement
utilisées ne peuvent toutefois être considérées comme fiables à
100 %.
* Dystrophie de l’épithélium pigmentaire
:
Cette anomalie se caractérise par un trouble du métabolisme de
l’épithélium pigmentaire matérialisé, à l’examen ultrastructural, par
la présence de dépôts de lipofuscine dans les cellules : la
dégénérescence des photorécepteurs est secondaire à celle de
l’épithélium pigmentaire.
Ophtalmoscopiquement, elle se traduit par la présence de
mouchetures brunâtres tapétales périphériques, progressant en
nombre et surface vers le centre du fond d’oeil.
L’hyperréflectivité et la diminution du calibre vasculaire
apparaissent plus tardivement.
La plupart des animaux atteints ne sont pas totalement aveugles et
conservent une bonne vision sur des objets, de loin en mouvement,
alors que la vision de près est abolie sur des objets fixes en forte
luminance d’où le nom d’« atrophie centrale de la rétine » donné à
cette forme de la maladie (scotome central).
Pour les races qui en
sont atteintes, il semble que les facteurs de milieu interviennent car
c’est essentiellement au Royaume-Uni que cette affection est
rencontrée.
Le diagnostic électrophysiologique précoce n’est pas la méthode de
choix, seule l’angiographie en fluorescence permet de confirmer
l’altération de l’épithélium pigmentaire.
La maladie est transmise sous le mode autosomique récessif chez le
briard et sûrement dans d’autres races (fox à poil dur).
Elle serait transmise sur le mode autosomique dominant chez le
labrador et le border collie.
* Rétinopathies focales
:
Chez le chien, un certain nombre d’affections rétiniennes
héréditaires à caractère focal, tapétal, plutôt périphérique,
d’incidence variable sur la vision en fonction du nombre et du type
de lésions, ont été identifiées (barzoï, berger belge, border collie).
3- Anomalies de l’oeil du colley (AOC)
:
Cette affection congénitale atteint surtout les chiens de race colley,
shetland, mais aussi, avec une moindre incidence, le border collie et
le berger australien.
Cette maladie se manifeste par une hypoplasie choroïdienne
bilatérale temporale à la papille dans tous les cas.
Celle-ci peut être
associée à un colobome du nerf optique, voire dans les cas les plus
graves à un décollement rétinien (DR) et des hémorragies vitréorétiniennes.
Les chiens atteints de dysplasie choroïdienne, et
le plus souvent les chiens atteints de colobome, conservent une
vision normale toute leur vie.
Le décollement rétinien et les hémorragies rétiniennes sont
d’apparition précoce et gravement invalidantes.
Il est important d’effectuer avant 8 semaines le diagnostic
ophtalmoscopique dans les formes mineures d’hypoplasie (ou
dysplasie) choroïdienne, car la pigmentation rétinienne finit par
venir masquer des lésions discrètes.
Cette anomalie est décrite
comme étant transmise sous le mode autosomique récessif.
4- Uvéites postérieures :
Aussi bien chez le chien que chez le chat, les causes spécifiques ou
non décrites pour les uvéites antérieures et les cyclites se retrouvent
dans l’étiologie des uvéites postérieures.
Lors d’affection aiguë ou subaiguë, des zones grisâtres focales
d’oedème rétinien, sont identifiables (plutôt en zone tapétale) avec
un aspect réticulé caractéristique chez le chat.
Les cicatrices de choriorétinite apparaissent sous la forme de zones
hyperréfléchissantes, bordées par ou centrées sur une migration
de pigment chez le chien.
Chez le chat, on ne distingue souvent qu’une zone
d’hyperréflectivité.
5- Manifestations oculaires de l’hypertension
artérielle
:
Plus de 70 % des chiens atteints d’insuffisance rénale, plus de 80 %
des carnivores atteints de glomérulopathie et 87 % des chats
hyperthyroïdiens souffrent d’hypertension artérielle.
Lors d’hypertension artérielle, on assiste dans un premier temps à
un rétrécissement du calibre des vaisseaux par vasoconstriction. Lors
d’hypertension plus grave, ces vaisseaux deviennent dilatés et
tortueux par insuffisance d’autorégulation de la pression artérielle.
Des lésions vasculaires avec formation d’épanchements rétiniens
séreux ou hémorragiques sont à l’origine de décollements rétiniens.
On trouve également des taches blanches sur la rétine, qui sont
l’expression de zones ischémiques.
Enfin, lors d’hypertension
importante, on assiste à l’apparition d’un oedème de la papille dont
la pathogénie est mal connue, mais qui semble consécutif à un
gonflement intracellulaire des fibres nerveuses ou à une
augmentation de la pression intracrânienne.
Le mécanisme conduisant à l’hémorragie est différent pour la
choroïde et la rétine, les vascularisations ayant des caractéristiques
différentes.
Pour la rétine, une vasoconstriction réflexe des artérioles
rétiniennes en cas d’hypertension entraîne une hypoxie et un
infarctus des capillaires.
Cela aboutit à une nécrose ischémique des
muscles lisses des vaisseaux et une hyalinisation des artérioles, à
l’origine d’une augmentation de la perméabilité des capillaires et
d’une transsudation.
L’ischémie provoque également la formation
de zones de nécrose de la rétine.
Les vaisseaux choroïdiens n’ont pas de propriétés d’autorégulation
de la pression contrairement à ceux de la rétine.
En revanche, les
vaisseaux choroïdiens ont des capillaires fenêtrés larges, avec une
perméabilité élevée permettant le passage de molécules de poids
moléculaire élevé, et le flux sanguin y est très élevé puisque la
circulation choroïdienne est la plus rapide de l’organisme
(1 mL/min chez le chat), ce qui facilite la formation des
épanchements.
Les conséquences des hémorragies du fond d’oeil sont variables
selon la gravité et l’étendue de l’hémorragie.
Les décollements rétiniens se font par séparation des deux feuillets
de la rétine ; ils peuvent être très étendus et aboutir à une déchirure
près de l’ora serrata, ce qui constitue le plus mauvais facteur de
pronostic.
La récupération fonctionnelle dépend du temps de persistance du
décollement : il se produit en effet une dégénérescence des
photorécepteurs en cas de décollement persistant.
Une persistance de dépôts fibrineux dans l’oeil, suite à la coagulation
du sang et à la résorption des épanchements, est fréquente.
L’hémorragie vitréenne est d’un pronostic toujours réservé
(dénaturation du vitré lors de la résorption d’hémorragies massives
par libération de fer, de bilirubine à l’origine d’une liquéfaction du
vitré ; formation de brides vitréennes par prolifération fibroblastique
pouvant entraîner des rétractions vitréorétiniennes massives.