La connaissance de l’anatomie est indispensable à l’analyse
sémiologique, elle-même nécessaire à l’orientation
étiologique.
Diagnostic positif
:
A - Interrogatoire initial :
Il oriente d’emblée le diagnostic.
Il doit en particulier
préciser les antécédents personnels et familiaux de paralysie
faciale, et, de manière plus large, tout antécédent
neurologique (régressif ou non) ; un contexte polyvasculaire
(antécédents et facteurs de risque vasculaire) ; la
notion d’exposition récente au froid, de vaccination,
d’infection, de piqûre ; un séjour récent en zone d’endémie
infectieuse (États-Unis pour la maladie de Lyme).
B - Examen clinique :
Il permet de distinguer paralysie faciale centrale et paralysie
faciale périphérique et recherche l’atteinte d’autres
paires crâniennes.
Il faut être attentif à des signes de gravité
tels que céphalées (hypertension intracrânienne) ou
hémiplégie.
1- Paralysie faciale centrale :
Elle résulte de l’atteinte du faisceau géniculé, en un
niveau quelconque de son trajet entre le cortex moteur et le
noyau du VII, dans la protubérance.
Elle affecte l’hémiface
controlatérale et prédomine sur le facial inférieur, l’occlusion
palpébrale restant possible du côté paralysé.
L’orbiculaire des paupières n’est cependant pas indemne,
comme le montre le défaut d’enfouissement des cils à la
fermeture de l’oeil (signe des cils de Souques).
Le deuxième élément sémiologique caractéristique est
la dissociation automatico-volontaire : le déficit, bien
apparent lors des mouvements volontaires, s’atténue pour
parfois disparaître lors de la mimique émotionnelle (mouvements
automatiques).
Ces 2 particularités sémiologiques ont une explication anatomo-fonctionnelle : les afférences aboutissant au
noyau facial inférieur proviennent toutes de l’hémisphère
controlatéral, à la différence de celles destinées au noyau
facial supérieur, qui reçoit aussi des afférences homolatérales
; la multiplicité des afférences motrices sur l’ensemble
du noyau du VII, qui ne suivent pas toutes le faisceau
géniculé, explique le maintien d’une certaine activité
motrice en cas d’atteinte de ce faisceau, donc la dissociation
automatico-volontaire.
La paralysie faciale centrale s’associe le plus souvent à
d’autres signes homolatéraux d’hémiplégie (déficit
moteur, syndrome pyramidal). Une répartition brachiofaciale
du déficit évoque un niveau lésionnel cortical.
Parfois fruste, la paralysie faciale centrale doit être cherchée
attentivement en cas d’hémiparésie pour poser un
diagnostic topographique dont dépendra directement le
niveau des examens radiologiques (médullaire cervical ou
cérébral).
Lors d’un coma, la paralysie faciale centrale peut être
fortement suspectée par le gonflement unilatéral de la joue
à l’expiration (le malade « fume la pipe ») et affirmée par
la manoeuvre de Pierre Marie et Foix : la pression appuyée
derrière les branches montantes du maxillaire provoque
une grimace du côté sain uniquement.
2- Paralysie faciale périphérique :
Elle est très généralement nette et de diagnostic facile.
Elle s’oppose point par point à la paralysie faciale centrale.
Tous les muscles de l’hémiface sont touchés (facial inférieur
et supérieur).
Au repos, la présentation est caractéristique avec la commissure labiale abaissée, le pli nasogénien
effacé, l’élargissement de la fente palpébrale et la
disparition des rides frontales.
Lors des mouvements,
les traits du visage sont déviés du côté sain.
L’occlusion
palpébrale réflexe (clignement à la menace) est abolie.
Lorsque le patient cherche à fermer l’oeil, on assiste à
l’ascension physiologique du globe oculaire en haut et
en dehors (signe de Charles Bell).
Ce défaut de fermeture
de la paupière, avec exposition de la cornée aux infections,
constitue le principal danger immédiat de la paralysie
faciale périphérique.
Le muscle peaucier du cou,
innervé par le nerf facial, est aussi paralysé.
Toutes les modalités de la motricité (automatique,
volontaire ou réflexe) sont touchées, dans les mêmes
proportions.
L’analyse sémiologique plus fine permet éventuellement
de préciser le niveau lésionnel.
Une paralysie
faciale périphérique peut être la conséquence d’une
atteinte dans la protubérance, dans l’angle ponto-cérébelleux,
dans le rocher ou dans la glande parotide.
En
cas d’atteinte proximale, c’est-à-dire en amont du ganglion
géniculé, peuvent s’associer au déficit facial,
d’une part une hyperacousie douloureuse avec abolition
du réflexe stapédien (atteinte des fibres destinées au
muscle de l’étrier), d’autre part des signes d’atteinte du
VII bis : agueusie des deux tiers antérieurs de la langue ;
tarissement des sécrétions lacrymales et (ou) salivaires ;
hypoesthésie de la zone de Ramsay-Hunt.
Une paralysie faciale périphérique ne peut être diagnostiquée
qu’au stade de ses complications motrices.
Il existe alors un hémispasme facial, inversant parfois la
déviation des traits à tel point qu’on pourrait croire au
premier abord que la paralysie siège du côté sain.
Sur
cet aspect de contracture permanente, des myokymies
(fines contractions fibrillaires) sont souvent présentes,
plus rarement des contractions amples.
Des syncinésies
(contraction involontaire d’un groupe musculaire
accompagnant la contraction volontaire d’un autre groupe)
sont possibles : la plus fréquente est l’occlusion palpébrale
lors du sourire.
Le syndrome des larmes de crocodile
(larmoiement unilatéral au cours de la
mastication), secondaire à un phénomène de réinnervation
aberrante post-paralytique, est plus anecdotique.
Diagnostic étiologique
:
A - Paralysie faciale centrale
:
Les causes sont nombreuses car toute affection touchant
le faisceau géniculé entre le cortex cérébral et le noyau
du VII controlatéral peut la provoquer.
Un accident vasculaire
cérébral (infarctus le plus souvent, mais aussi
hémorragie) est la première cause en fréquence.
Les
autres sont tumorales (primitives ou secondaires), infectieuses
(abcès), inflammatoires (sclérose en plaques).
Les paralysies faciales centrales bilatérales s’observent
surtout au cours des syndromes pseudo-bulbaires, dont
la cause habituelle est l’artériosclérose des artères de petits calibres, responsable de multiples infarctus de
petite taille et souvent liée à la présence d’une hypertension
artérielle.
B - Paralysie faciale périphérique
:
La liste des
causes de paralysie faciale périphérique chez l’adulte est longue.
1- Paralysie faciale a frigore :
La paralysie faciale a frigore, de loin la plus fréquente,
représente 75% des cas. Son diagnostic repose sur un
faisceau d’arguments : contexte évocateur [exposition
au froid, douleur rétro-auriculaire précédant les troubles
moteurs, installation de la paralysie sur quelques heures
(jusqu’à 48 h)], examen neurologique classiquement
normal, pouvant en fait révéler une discrète hypoesthésie
de la joue associée.
La palpation de la loge parotidienne
et l’examen général sont normaux.
2- Paralysie faciale symptomatique :
Lorsque ces divers éléments ne sont pas réunis, on suspecte
une paralysie faciale symptomatique d’une affection
évolutive, neurologique ou non.
L’examen de choix
est alors l’imagerie par résonance magnétique (IRM)
cérébrale, qui permet la recherche d’une lésion
identifiable sur les différents segments du nerf et
oriente d’emblée la recherche étiologique.
L’électromyogramme n’a pas d’intérêt diagnostique.
Sa
seule utilité dans le cadre d’une paralysie faciale périphérique
se situe, en réalité, à la phase tardive : en cas de
déficit sévère persistant, il permet la recherche de signes
de réinnervation débutante.
Sans détailler l’ensemble
des causes des paralysies faciales périphériques, il faut
signaler certains points particuliers.
L’association d’une paralysie faciale périphérique à
une hémiplégie controlatérale épargnant la face signe
la topographie protubérantielle de la lésion (syndrome
alterne de Millard-Gubler).
Sa cause en est le plus souvent
un accident vasculaire cérébral de petite taille.
Le neurinome de l’acoustique est suspecté en cas d’atteinte
du VIII associée (vertiges, hypoacousie), et parfois
du V (hypoesthésie cornéenne).
Les potentiels évoqués
auditifs complètent l’imagerie par résonance
magnétique pour son diagnostic.
À tous les niveaux de son trajet, l’atteinte du VII peut
révéler un néoplasme, primitif ou secondaire.
En cas de
coulée néoplasique à la base du crâne, la paralysie faciale
peut s’inscrire dans le cadre d’un syndrome de Garcin.
La ponction lombaire permet le diagnostic de méningite
infectieuse ou inflammatoire, révèle la dissociation albuminocytologique d’une polyradiculonévrite.
Dans ce dernier cas, la paralysie faciale est volontiers bilatérale.
La paralysie faciale périphérique peut s’inscrire dans
le cadre d’une neuropathie périphérique diffuse ; le tableau
réalisé est celui d’une multinévrite (diabète, périartérite
noueuse).
L’atteinte du VII est, après celle du VI, la plus fréquente des paires crâniennes au cours du diabète.
La paralysie
faciale périphérique uni- ou bilatérale est, avec la méningite
lymphocytaire (les 2 étant volontiers associées), la complication
neurologique la plus fréquente de la maladie
de Lyme.
La recherche d’une éruption bulleuse dans la zone de Ramsay-Hunt (zona du ganglion géniculé) doit être soigneuse,
ainsi que celle d’une otite, surtout dans l’optique
d’une corticothérapie brève, proposée au plus vite lorsque le
diagnostic de paralysie faciale a frigore est retenu.
L’otite
aiguë purulente compliquée de paralysie faciale périphérique
nécessite une paracentèse d’urgence.
Le syndrome de Melkersson-Rosenthal, d’origine inconnue,
associe des paralysies faciales récidivantes uni- ou bilatérales,
un oedème facial concomitant régressant en
quelques jours et une langue plicaturée.
Au fil des paralysies
faciales, le déficit facial tend à récupérer plus difficilement.
Chez l’enfant, la paralysie faciale périphérique est le plus
souvent la conséquence d’une infection ORL (otite, mastoïdite).
Le diagnostic du déficit est difficile chez le nouveau-né (asymétrie des traits lors des cris) : la cause en est le plus
souvent traumatique (malposition durant la vie intra-utérine,
traumatisme obstétrical).
Diagnostic différentiel
:
Parfois fruste, la paralysie faciale centrale pose surtout le
problème de sa reconnaissance.
Elle peut être, notamment
chez le sujet âgé, difficile à distinguer d’une déformation
fonctionnelle du visage, que celle-ci soit constitutionnelle
ou acquise (appareil dentaire).
Une paralysie faciale périphérique unilatérale peut être
de reconnaissance difficile en contexte traumatique,
lorsqu’il existe un oedème du visage.
La découverte d’un
écoulement sanguin de l’oreille, évocateur de fracture
du rocher, est alors importante.
Une paralysie faciale
bilatérale peut poser des difficultés avec une hypotonie
lors d’une affection musculaire ou de la jonction neuromusculaire
(myasthénie sévère).