La paralysie faciale, perte de la mobilité d’une
hémiface, résulte de l’atteinte du nerf moteur des
muscles peauciers, le nerf facial, 7e paire crânienne
:
• le diagnostic positif est évident ;
• le diagnostic topographique et étiologique est
orienté par la clinique et confirmé par les examens paracliniques ;
• l’évolution est rarement favorable ;
• le traitement, difficile, est une véritable gageure
pour le chirurgien.
Anatomie de la mimique
:
La mimique faciale, 2e terme de l’expression après
le langage, compose une physionomie à mimique
volontaire, intentionnelle ou spontanée, émotionnelle
par le jeu de la diversification hypersophistiquée
des mouvements des muscles peauciers, dont
la traduction picturale cutanée se trouve dans les
plis et rides d’expression du visage.
L’animation de la face se définit à travers la
relation privilégiée entre :
• une commande nerveuse unique : le nerf facial ;
• un effecteur musculaire dispersé, les peauciers
de la face et du cou, organisés en un masque
continu.
A - Commande nerveuse :
Le nerf facial, 7e paire crânienne, à vocation motrice
prédominante, naît du tronc cérébral et traverse
le rocher pour gagner la région latérofaciale.
Trois éléments sont à mettre en exergue :
• le trajet et la distribution ;
• la vascularisation ;
• l’organisation architecturale.
Trajet
Il comporte trois portions à caractéristiques différentes
et à retentissement clinique spécifique.
La 1re portion intracrânienne émerge du tronc
cérébral par le sillon bulboprotubérantiel, formant
avec le VII bis (nerf intermédiaire de Wrisberg) et le
VIII, le pédicule acousticofacial dans la citerne
pontocérébelleuse latérale, au-dessus de l’émergence
des nerfs mixtes.
Le pédicule acousticofacial
pénètre dans le conduit auditif interne, engainé
par un manchon arachnoïdien.
Au fond du conduit,
les éléments se séparent, le nerf facial s’engage
dans l’aqueduc de Fallope à travers le rocher,
louvoyant entre oreille interne et oreille moyenne.
La 2e portion intrapétreuse emprunte l’aqueduc
de Fallope, le long duquel elle se décompose en
trois segments séparés par deux angulations.
Le premier segment labyrinthique s’insinue entre
limaçon en avant et vestibule et canaux semicirculaires
en arrière, selon un axe perpendiculaire
à celui du rocher.
La première angulation ou genou du facial s’élargit
pour former la loge du ganglion géniculé.
Le second segment tympanique longe la paroi
interne de la caisse du tympan jusqu’à sa paroi
postérieure, où il décrit sa seconde angulation.
Le
nerf chemine entre le vestibule et la caisse ; tout
proche de la fenêtre ovale, selon un axe horizontal
antéropostérieur.
La seconde angulation ou coude du facial répond
au changement de direction, le conduit devient
vertical, traversant la mastoïde.
À ce niveau se
situe le seuil de l’aditus ad antrum.
Le troisième segment mastoïdien s’étend du
coude jusqu’au trou stylomastoïdien.
Le nerf répond
à ce niveau :
• en avant, à la paroi postérieure de la caisse, puis
au sulcus tympanicus, et ensuite à la paroi postérieure
du conduit auditif externe osseux ;
• en arrière, à la pneumatisation de la mastoïde.
Pour la 3e portion extrapétreuse ou extracrânienne,
le nerf émerge du rocher au trou stylomastoïdien,
en avant de l’apophyse mastoïde, en arrière
de l’apophyse styloïde.
Il se porte vers l’avant
selon une direction oblique vers le haut, en avant
du ventre postérieur du muscle digastrique, en
dessous du conduit cartilagineux et s’engage dans
la glande parotide, qu’il clive en deux lobes.
Le
tronc du nerf, dans un trajet ascendant d’environ
15 mm, est rejoint par l’artère stylomastoïdienne,
branche de l’artère auriculaire postérieure, le plus
souvent, de l’occipitale parfois.
L’artère stylomastoïdienne, véritable artère
nourricière du nerf, se divise à son contact en deux
rameaux : une branche descendante, l’artère collatérale
du nerf facial de Friteau, une
branche ascendante, l’artère stylomastoïdienne à
trajet rétrograde dans l’aqueduc de Fallope.
La division nerveuse à angle droit en ses deux
branches terminales, supérieure temporofaciale et
inférieure cervicofaciale, s’effectue au contact du bord postérieur du ramus mandibulaire, au point de
croisement de la face superficielle de la veine
communicante intraparotidienne de Launay (portion
initiale de la veine jugulaire externe) :
• la branche temporofaciale, la plus volumineuse,
s’épanouit immédiatement en quatre ou cinq
rameaux divergents, temporaux, frontaux, palpébraux,
sous-orbitaires et buccaux supérieurs.
Parfois un rameau plus volumineux, le ramus
maximus de Fröhse, satellite du canal de Sténon,
distribue les filets sous-orbitaires et buccaux
supérieurs ;
• la branche cervicofaciale, la plus grêle, se dirige
verticalement en situation superficielle dans
l’épaisseur de la glande parotide, vers l’angle de
la mâchoire.
Elle distribue des rameaux buccaux
inférieurs, mentonniers et cervicaux.
1- Distribution
:
La portion intracrânienne est celle des tumeurs de
l’angle pontocérébelleux et plus particulièrement
des neurinomes de l’acoustique.
Le nerf est croisé
par l’artère cérébelleuse postérieure dont la responsabilité
est évoquée dans l’étiologie de certains hémispasmes faciaux.
La portion intrapétreuse est celle des accidents
de la cophochirurgie, mais surtout du conflit facialrocher
dans la traversée pétreuse, plus long trajet
nerveux intraosseux de l’économie, au cours duquel
le nerf peut s’étrangler dans son canal osseux
inextensible.
La portion extrapétreuse est celle de la chirurgie
faciale et de lésions accidentelles.
Il importe donc,
pour prévenir une section chirurgicale malencontreuse
des rameaux, de bien posséder sa topographie
et son mode de distribution :
• le tronc peut être porté vers la superficie par un
processus tumoral du lobe profond de la parotide
;
• la branche temporale est plus constante dans sa
topographie, mais plus variable dans ses modalités
de division ;
• la branche cervicofaciale est plus constante
dans sa division, mais plus variable dans sa topographie,
le rameau buccal inférieur affectant
une position qui varie entre 1 cm au-dessus et
2 cm au-dessous du bord basilaire de la mandibule
;
• un rameau à destinée cervicofaciale peut se
détacher du tronc en amont de la division ;
• la distribution des rameaux est volontiers plexiforme
ou selon une modalité en boucles successives
; de ce fait, il est illusoire et dangereux de
se fier à l’existence d’une zone soi-disant
muette, décrite par Friteau, reprise par Ginestet,
zone située dans l’écartement des branches
de division.
Une boucle unissant le rameau
buccal supérieur à l’inférieur est constante à la
partie antérieure de la glande parotide.
Les
boucles jugales sont observées dans 80 % des
dissections, les boucles sur les rameaux mandibulaires
sont plus rares, dans 5 à 10 % seulement.
* Plexus génien :
Le Quang a décrit un plexus génien situé au
bord antérieur du muscle masséter, sorte de seconde division plus distale, formant un noyau de
forme variable entre le rameau sous-orbitaire de la
branche temporofaciale et le rameau buccal inférieur
de la branche cervicofaciale.
De ce noyau naissent les branches efférentes
destinées aux peauciers de l’étage moyen, les muscles
du sourire.
Smith avait déjà attiré l’attention sur cette disposition
anatomique, favorable au branchement
distal d’une greffe nerveuse transfaciale ou du nerf
d’un transfert musculaire libre.
2- Vascularisation :
Le nerf facial présente la sensibilité à l’ischémie
caractéristique des nerfs des mammifères ; préserver
son contingent vasculaire est primordial, tant
dans la dissection que dans la réparation.
La disposition
longitudinale des vaisseaux autorise une certaine
extensibilité du nerf à 8 % d’élongation, mais
une élongation à 15 % entraîne de facto une ischémie.
De même, la dissection du tronc et des rameaux
doit ménager les vasa nervorum, excepté, bien
entendu, dans les englobements de rameaux par
des processus tumoraux, car dès lors, une dissection
au ras du nerf ou le sacrifice du rameau sont
nécessaires à un bon résultat.
On distingue deux territoires vasculaires :
• une arcade vasculaire cheminant à la surface du périnèvre depuis le conduit auditif interne
jusqu’à la division, arcade constituée d’un triple
apport :
+ la branche supérieure de l’artère stylomastoïdienne
;
+ une branche de l’artère méningée moyenne,
collatérale des nerfs pétreux ;
+ une branche de l’artère auditive interne, ellemême
issue de l’artère cérébelleuse
moyenne ;
• une artère collatérale du nerf facial décrite par
Friteau, branche de division inférieure de l’artère stylomastoïdienne.
3- Organisation architecturale
:
Les nombreux travaux expérimentaux et cliniques,
en raison de leurs discordances, amènent à
conclure que la systématisation topographique intranerveuse
est illusoire avec de très nombreux
échanges de fibres.
Deux notions, néanmoins, se dégagent.
Dans la 3e portion, mastoïdienne, de l’aqueduc
de Fallope, le contingent inférieur, cervicofacial,
est antérieur.
Les fibres nerveuses destinées à un muscle peaucier
n’empruntent pas toutes le trajet du rameau
dévolu à ce muscle.
Il n’y a pas de correspondance
stricte entre la topographie d’un rameau nerveux
et la destinée des fibres qu’il contient.
Un muscle
reçoit des fibres empruntant des trajets différents
pour une destination commune, disposition anatomique
favorable à la réalisation des neurectomies
hypersélectives chères à Clodius.
Cette absence de
disposition spatiale rigoureuse, même distale, a été
récemment soulignée à nouveau par Mc Kinnon et
Dellon.
4-
Effecteur musculaire : peauciers de la face
Les peauciers de la face sont de fins voilages musculaires
différant par leur nature, leurs modalités
d’insertion et la richesse de leurs combinaisons
dynamiques du reste du système musculaire. Leur
fonction est double :
• sphinctérienne, originelle, de protection des
orifices buccal et palpébraux ;
• expressive, secondaire, par sophistication progressive
de l’environnement des sangles orificielles,
la fresque de ces petits muscles dessinant
un véritable masque mimique.
* Morphogenèse
:
Ils émanent de la nappe musculaire cervicodorsale,
qui a fait mouvement vers la face pour se disposer
en deux couches superficielle et profonde d’évolution
différente.
* Morphologie :
Un muscle peaucier présente une insertion mobile, cutanée et une fixe, osseuse ou aponévrotique.
La plupart des peauciers sont dépourvus de fascia, à
l’exception des muscles auriculaires, de l’occipitofrontal,
du buccinateur et du plastysma.
Ils sont
très intriqués avec le fascia superficialis céphalique
(Charpy), l’ensemble dessinant une nappe continue,
le système musculoaponévrotique superficiel
(SMAS), popularisé par Tessier et son école.
Ils sont
agencés en trois sangles autour de trois points fixes ostéopériostés :
• la sangle buccale, impaire et médiane, est suspendue
à l’épine nasale antérieure du maxillaire,
référence fixe complétée par deux points
mobiles à géométrie variable, les modioli commissuraux,
zone d’équilibre de la transition cutanéomuqueuse
labiale latérale.
On lui adjoint
deux sangles incomplètes, supérieure nasale,
inférieure mentonnière ;
• les sangles palpébrales, paires et symétriques,
se concentrent sur les ligaments palpébraux internes,
tendons d’insertion des muscles orbiculaires,
dont la contraction les ramasse vers les canthi internes.
Chez l’animal, les sangles auriculaires orientent
les pavillons, récepteurs des sons, mais chez l’espèce
humaine, elles ont perdu cette activité.
Elles
sont réduites à leur plus simple expression.
La sangle buccale est mobilisée dans quatre directions
par quatre groupes musculaires :
• en propulsion par les muscles compresseurs des
lèvres ;
• en élévation par la couronne des élévateurs ;
• en excursion latérale par les dilatateurs, essentiellement
le buccinateur ;
• en abaissement par les abaisseurs, triangulaire
des lèvres et carré du menton.
Chaque sangle palpébrale est assujettie à un
complexe élévateur, releveur de la paupière, frontal
et sourcilier et, à un moindre degré, à des
expansions émanées de la couronne des élévateurs
vers le chef inférieur de l’orbiculaire.
L’ensemble du masque mimique est, en outre,
organisé autour du plan sagittal selon :
• une symétrie au repos par le tonus musculaire,
garant de la stabilité des parties molles ;
• une variabilité au mouvement entre symétrie de
la réaction émotionnelle et dissymétrie éventuelle
des mimiques intentionnelles.
* Physiologie :
La fonction archaïque sphinctérienne et celle, évoluée,
d’expression sont indissociables, les muscles
orbiculaires s’intégrant à l’expression mimique.
§
Fonction sphinctérienne :
La sangle palpébrale assure l’ouverture et l’occlusion
de la fente palpébrale, en synergie avec le
releveur de la paupière supérieure.
Elle contribue,
en outre, à l’évacuation des larmes vers le nez par
amorçage de la pompe lacrymale.
La sangle buccale, dévolue à la préhension des
aliments, contribue à la manducation par le brassage
alimentaire, la contention salivaire, et à la
déglutition dans son temps initial avec le concours
du buccinateur.
L’occlusion labiale régit les variations
de pression intrabuccale, autorise la succion
et assure l’équilibre entre les arcades dans le couloir
occlusal.
§
Fonction expressive :
Le mouvement expressif résulte d’une combinaison
de contractions musculaires, Duchenne de Boulogne
distinguait les muscles peauciers en trois catégories
:
• complètement expressifs ;
• incomplètement expressifs ;
• expressifs complémentaires.
Il analysait également les différentes mimiques,
classées en trois rubriques : attractives, répulsives
et satisfaites.
L’expression faciale, délicate et fugace, parce
qu’émotionnelle, peut devenir intentionnelle par
création factice d’une expression ou d’une impassibilité.
Elle fait intervenir un troisième personnage,
le tégument facial, qui transcrit les émotions
par un lacis de rides dans les zones d’équilibre tensionnel.
La mimique est un schéma inné de réponse,
celles d’un enfant sourd ou aveugle de naissance ne
différant guère de la normale.
B - Examen clinique de la face paralysée
:
Le déséquilibre statique et dynamique altère sévèrement
le faciès du patient, qui adopte une
attitude inclinée visant à le dissimuler.
L’asymétrie
est déjà flagrante au repos, les reliefs médians se
décalent vers le côté indemne, ils s’estompent, la
joue est flaccide et détendue, l’angle buccal
abaissé dans un affaissement global de l’hémiface.
L’occlusion palpébrale est impossible ; à la tentative
de fermeture, le globe oculaire s’élève en haut
et en dehors (S. de Charles Bell), signe typique de la
paralysie périphérique.
La réaction émotionnelle
tord la face en grimace intense et brève.
L’analyse menée d’un côté à l’autre et d’une
région à l’autre dégage trois éléments : la ptôse, la
distension, l’asymétrie.
1- Ptôse
:
Le tégument relâché par les muscles atoniques est
soumis à la contrainte de la pesanteur, cet affaissement
déforme de façon éloquente les sangles
musculaires et leurs repères morphologiques :
• la commissure buccale s’abaisse et se porte en
dehors, étirant les hémilèvres homolatérales.
La
lèvre supérieure exagère son débord sur l’inférieure
;
• le front est relâché, le sourcil s’abaisse, surtout
en dehors ;
• la paupière inférieure, sollicitée en avant par le
déroulement cutané et déséquilibrée par l’atonie
musculaire, s’affaisse, puis s’éverse en un
ectropion variable selon la composante sénile
surajoutée.
2- Distension
:
Les parties molles abandonnées à elles-mêmes et à
la pesanteur modifient leur structure et leur topographie.
La ptôse se solde, à terme, par une distension
cutanée très sensible à la commissure buccale,
au niveau de laquelle la réserve tégumentaire se
distribue en s’étalant, les hémilèvres s’allongent.
Il
en est de même des paupières, mais à un moindre
degré, en raison de leur armature tarsale.
Le tégument est aminci, son compartiment cellulaire
sous-cutané s’est réduit, la peau est flasque,
ayant perdu l’essentiel de son élasticité.
3- Asymétrie
:
À l’examen, le contraste entre hémiface saine et
paralysie est flagrant.
Classiquement, on évoque
l’hypertonie du côté sain, mais le terme est sujet à
caution ; en effet, on distingue quatre stades d’activité
musculaire :
• le tonus, tension minimale de la fibre musculaire
;
• l’hyperactivité, augmentant le volume du muscle
en cause ;
• l’hypertonie, spontanément réversible ;
• la contracture, spontanément irréversible.
Le terme d’hyperactivité paraît plus adapté.
Les signes cliniques d’altération fonctionnelle
associent :
• le larmoiement, parfois dans un contexte de
conjonctivite avec oeil rouge ;
• le déficit inspiratoire nasal par déficit de la
valve affaissée en un clapet interne ;
• l’incontinence salivaire ;
• le syndrome du hamster, constatation d’une
poche latérobuccale de vidange difficile par
atonie du buccinateur.
L’examen du voile du palais (Gosserez) est
anecdotique, mais peut révéler un déficit du côté
lésé.
4- Examen ophtalmologique
:
Les manifestations oculaires obéissent à un triple
déterminisme :
• morphologique par agrandissement de la fente
palpébrale et ectropion palpébral inférieur ;
• lacrymal par larmoiement chronique très invalidant
;
• cornéen par altération de la sensibilité de la
cornée lors de l’atteinte du trijumeau dans les
tumeurs de l’angle pontocérébelleux.
La cornée est en danger lorsque sa sensibilité est
altérée et que l’élévation du globe s’avère défectueuse,
la laissant exposée à la dessication.
La
ptôse palpébrale inférieure se complique d’une
irritation cutanée par le larmoiement, lequel résulte
du désamorçage de la pompe lacrymale et de
la dystopie progressive du point lacrymal inférieur,
qui quitte le contact avec la conjonctive bulbaire.
Chez le patient âgé, l’ectropion occupe le devant
de la scène, mais la cornée se dessèche plus volontiers,
affectée d’un « dépoli » dans son quadrant
inférieur.
La quatrième dimension, le temps écoulé depuis
le début de la paralysie, a une influence très péjorative
:
• l’ancienneté de la lésion limite l’efficacité thérapeutique
;
• l’âge du patient introduit la dissociation entre
deux tableaux cliniques :
+ chez l’enfant et l’adulte jeune, l’altération
est surtout dynamique, le visage au repos est
peu modifié, la paupière inférieure et l’hémilèvre supérieure sont discrètement abaissées ;
+ chez le sujet âgé, la distension est affichante,
le fait sénile aggrave le fait paralytique, surtout
à la paupière inférieure, siège d’un ectropion.
En ce qui concerne le diagnostic clinique, l’analyse
clinique de la face paralysée définit le type,
central ou périphérique, de l’atteinte du nerf facial,
apprécie l’état des différents muscles ou groupes
musculaires, constate le retentissement sur les
parties molles et le squelette et mesure les différences
d’activité avec le côté sain.
Les examens paracliniques vont permettre de
fixer le niveau lésionnel sur le trajet du nerf.
Le retentissement psychologique de la mutilation
de l’expression doit faire l’objet d’une évaluation.
En effet, le comportement, reflet de la structure
mentale du patient, intervient dans la décision
chirurgicale.
Le recours à des protocoles thérapeutiques
complexes et aléatoires ne doit être envisagé
que chez des patients aptes à percevoir l’information
et à s’impliquer dans une rééducation.
Examens paracliniques
:
Ils permettent de préciser le siège de la lésion, la
gravité et donc le pronostic de la paralysie.
Leur
intérêt est essentiel dans les paralysies idiopathiques
de Charles Bell, dites « a frigore », car ils
légitiment l’intervention précoce de décompression.
Dans les paralysies anciennes, ils renseignent
sur l’état des fibres nerveuses et des muscles peauciers.
A - Fonction motrice :
Elle concerne les fonctions sphinctérienne et mimique,
mais également l’accommodation acoustique.
1- État du nerf
:
L’état du nerf est apprécié par l’exploration :
• de l’activité électrique des unités motrices, par
l’électromyogramme (EMG) de détection, qui
explore tous les muscles faciaux par électrode
monopolaire, au repos et à la contraction volontaire
;
• de la conduction des fibres nerveuses par l’EMG
de stimulodétection :
+ par stimulation directe du nerf facial par une
électrode bipolaire avec recueil du potentiel
par une électrode tripolaire au niveau des
territoires supérieur (frontal et orbiculaire
palpébral) et inférieur (orbiculaire des lèvres
et triangulaire) ;
+ par stimulation réflexe du nerf sous-orbitaire
et réception par électrode bipolaire au niveau
de l’orbiculaire des paupières.
Le test de Hilger, la neurographie selon Esslen
sont des tests d’évolution dans les formes « a
frigore », dans les 10 premiers jours.
Une réponse
normale ou peu altérée entre le 3e et le 10e jour au
test de Hilger est de pronostic favorable.
La neurographie recueille par une électrode de
surface la réponse à une stimulation cutanée du
tronc du nerf.
Elle reflète la proportion de fibres
nerveuses dégénérées.
Au 4e jour, une dégénérescence
de plus de 50 % des fibres ou une aggravation
de 15 à 20 % dans les 48 heures suivantes est l’indice
d’une forme grave.
L’EMG intégré de surface enregistre la contraction
volontaire en la comparant au côté sain ; ce qui
définit la proportion de fibres en fonction.
2- État du muscle
:
L’état du muscle est apprécié par la stimulation
galvanique et le testing musculaire, rarement par
la biopsie musculaire.
La stimulation galvanique et faradique montre
après 3 semaines :
• une excitabilité faradique ;
• une lenteur galvanique qui traduit la persistance
de la trophicité musculaire et donc la possibilité
de réinnervation.
La disparition de la lenteur
galvanique signe l’atrophie musculaire irréversible.
Le testing musculaire selon Freyss étudie la
motricité, le tonus et la coordination.
Chaque muscle
est coté de 0 à 3 :
• 0 : aucun mouvement ;
• 1 : visible à jour frisant ;
• 2 : ample, mais faible ;
• 3 : normal, analogue au côté sain.
On distingue le groupe musculaire médian (sourcilier,
pyramidal, élévateur commun, orbiculaire
labial et mentonnier), susceptible de recevoir une
innervation croisée et le groupe latéral (frontal,
orbiculaire palpébral, zygomatiques, buccinateur
et triangulaire des lèvres).
Le tonus est coté de –3 à 0 pour l’hypotonie et de
1 à 3 pour l’hypertonie.
La coordination musculaire recherche les syncinésies.
Le réflexe stapédien, ou contraction du muscle
de l’étrier limitant les mouvements des osselets,
est de valeur pronostique s’il est conservé et diagnostiqué,
ou s’il coïncide avec une paralysie faciale
persistante, indiquant alors l’existence d’un
processus tumoral de la partie basse de l’aqueduc
de Fallope.
B - Fonction parasympathique :
Le test de Schirmer explore la sécrétion lacrymale
par l’imbibition d’un papier buvard dans le cul-desac
conjonctival externe après l’inhalation d’une
solution ammoniaquée.
Le test salivaire de Blatt mesure la sécrétion
sous-maxillaire, mais il est peu utilisé, car il impose
le cathétérisme des canaux de Wharton.
C - Fonction sensitive
:
On vérifie la sensibilité cutanée de la zone de Ramsay-Hunt.
D - Fonction sensorielle :
L’exploration du goût par l’électrogustométrie est
d’un intérêt mineur, valable au stade initial, mais
d’interprétation subjective.
Le réflexe acoustique et le test de Schirmer ont
un certain intérêt pronostique, mais surtout topographique.
Ce sont les examens électromyographiques
et le testing musculaire qui présentent le plus
d’intérêt dans l’optique d’une chirurgie de réhabilitation.
L’étude de l’évolution de la paralysie intrapétreuse
relève de la stricte compétence oto-rhinolaryngologique
; toute aggravation clinique ou électrique
dans la première semaine s’avère un facteur
de gravité.
Le chirurgien demande à être renseigné sur :
• l’intensité de la lésion nerveuse et du retentissement
musculaire ;
• la possibilité de réinnervation spontanée et la
qualité fonctionnelle de ladite récupération.
Nous avons adopté le schéma suivant pour le
contrôle électrique :
• un 1er examen la première semaine ;
• un 2e à la 4e semaine ;
• un 3e au 3e mois ;
• un 4e au 8e mois ;
• un dernier entre 12 et 18 mois.
Le pronostic peut être évalué dès le premier
examen :
• si la réponse distale est normale et constante
dans les 3 premières semaines, le pronostic est
favorable ;
• si la réponse distale est modifiée, le pronostic
est défavorable à court terme, mais la récupération
peut survenir avec des erreurs de réinnervation
et un hémispasme fréquent ;
• si le nerf est inexistant, le pronostic est défavorable
à court et à long terme.
Le 3e mois est la date charnière de la réinnervation
et plus cette dernière est tardive, plus les
séquelles sont importantes.
Formes cliniques
:
Seules seront envisagées les paralysies périphériques,
de façon non exhaustive, selon un déterminisme
topographique sur le trajet du nerf :
• la première portion endocrânienne est celle des
tumeurs de l’angle pontocérébelleux, principalement
le neurinome de l’acoustique, à symptomatologie
initiale otologique, également les
neurinomes du trijumeau ;
• la deuxième portion intrapétreuse est celle des
paralysies a frigore, zostériennes, des accidents de la chirurgie otologique et des fractures du
rocher.
La paralysie faciale du polytraumatisé
inconscient doit être systématiquement recherchée
:
+ par la manoeuvre de Pierre Marie et Foix, la
pression au bord postérieur des branches montantes
de la mandibule entraîne une asymétrie
faciale ;
+ par l’inspection du tonus musculaire, la joue
du côté paralysé se soulève à l’expiration : le
blessé « fume la pipe » ;
• la troisième portion extrapétreuse est la victime
d’agressions chirurgicales, le plus souvent involontaires,
mais parfois délibérées en cas de chirurgie
tumorale.
A - Paralysies congénitales :
1- Syndrome de Melkersson-Rosenthal :
Il associe une langue plicaturée, une paralysie faciale
surtout inférieure, parfois à bascule et une
macrochéilie oedémateuse.
*
Syndrome de Moebius :
Von Graefe a, le premier, fait état en 1880 d’une
paralysie faciale bilatérale.
Le syndrome malformatif
décrit par Moebius en 1888 associe une diplégie
faciale, une paralysie de l’abducens et des
altérations des extrémités, ainsi que du thorax, de
sorte que les auteurs américains décrivent une
séquence, le CLUFT syndrome (cranial, lower limb,
upper limb, face, thorax).
La clinique est centrée
sur le visage au faciès figé caractéristique, aux
lèvres minces et rétractées.
La lésion est nucléaire, parfois objectivable à la
résonance magnétique nucléaire.
L’absence de
nerf facial identifiable au trou stylomastoïdien a
été vérifiée dans plusieurs cas (Stricker).
Pitner,
au cours de l’autopsie d’un nouveau-né de 1 mois,
découvre une dégénérescence graisseuse des peauciers
atrophiés, mais y note la présence de fibres
nerveuses.
* Syndrome de Cayler
L’agénésie musculaire correspond à la théorie mésodermique
de la séquence de Moebius.
L’aplasie
des abaisseurs de la lèvre inférieure se rencontre
dans l’« asymmetric crying facies » ou syndrome de
Cayler, qui y associe des malformations cardiaques.
2- Dysplasies latérales
:
Les dysplasies de la pyramide pétreuse, isolées ou
intégrées à une dysplasie latérofaciale, parfois à
une microsomie hémifaciale, s’accompagnent fréquemment
d’une paralysie faciale :
• partielle dans le territoire inférieur dans le syndrome
de Gérard ; la dysplasie retentit sur
l’aqueduc et le contingent facial inférieur est
comprimé, parce qu’en situation la plus antérieure
;
• totale dans les dysplasies sévères. Le rocher est plicaturé, recroquevillé vers l’intérieur, l’aqueduc de Fallope est dystopique,
le facial émerge très en avant et en dedans, la prudence est de mise
dans sa découverte chirurgicale. Le nerf est vacuolaire.
3- Paralysie de la lèpre :
La phase chronique de l’atteinte lépreuse comporte volontiers une
paralysie faciale.
4- Formes évolutives :
Le mode évolutif va définir trois tableaux cliniques selon les
caractéristiques de la récupération motrice :
• la récupération, complète au plan clinique, est le plus souvent
partielle au plan électrique, car 50 % des axones suffisent pour une
motricité cliniquement normale ;
• la récupération incomplète est la règle ;
• l’absence de récupération traduit la dégénérescence irréversible
des plaques motrices, les peauciers s’atrophient.
Le muscle dénervé évolue vers une stabilité relative acquise au 3e
mois, la perte de poids est de 60 à 80 %, le tissu connectif
s’épaissit (Sunderland), mais la fibre
musculaire garde son identité jusqu’au 15e mois
au minimum ; bien que des délais paradoxaux de
reprise d’activité aient été avancés par
Conley avec des survies très longues, attribuées à l’activité supplétive du
trijumeau.
Martin prétend que 20 % des interruptions périphériques
totales du facial sont améliorées par la
substitution fonctionnelle par la partie motrice du
V2 (le nerf maxillaire supérieur précède le facial
dans l’innervation de la face) à la lumière d’un cas
clinique célèbre. Vingt pour cent des anastomoses
entre le trijumeau et le facial concernent, selon Mundnich, le rameau buccal du V.
Les deux dernières modalités évolutives que l’on
observe sont les complications et les séquelles.
* Complications oculaires
:
Secondaires à la disparition du rôle protecteur de la
paupière, elles peuvent apparaître en cours d’évolution
lors des récupérations tardives.
La cornée est
en danger surtout si la sensibilité est altérée. Le
dépistage des kératites impose une répétition des
contrôles et une protection est mise en place à la
moindre menace.
Le risque conjonctival est plus
élevé chez le patient âgé, sujet à un ectropion
accentué.
* Syndrome des larmes de crocodile
:
Le larmoiement prandial unilatéral est rare.
Il signe
une atteinte du nerf en amont du ganglion géniculé
avec déviation du réflexe gustatosalivaire en réflexe
gustatolacrymal par erreur de réinnervation.
* Hémispasme postparalytique :
Il survient dans les formes graves par atteinte tronculaire
avec réinnervation partielle et comporte :
• un élément statique, la rétraction musculaire
par atrophie, variant de la simple exagération
du tonus de repos au rictus permanent, rétrécissant
la fente palpébrale, amincissant la commissure labiale et rétractant la région nasogénienne
;
• des éléments dynamiques :
§
les myokymies, secousses musculaires en
éclair, provoquées par un mouvement volontaire
ou réflexe ;
§
les syncinésies, contractions musculaires
involontaires, associées à un mouvement
volontaire d’un territoire adjacent.
Elles
traduisent une erreur d’aiguillage (Lipschitz 1893) lors de la repousse axonale.
La plus
fréquente, palpébrobuccale, consiste en une
élévation labiale lors de l’occlusion palpébrale.
Selon d’autres auteurs (Zülch, Fowler), elles résultent d’une repousse désordonnée
avec dispersion de « neurones vagabonds
» de Ford et Woodhal ;
§
les mouvements de masse, mobilisant en bloc
un ensemble musculaire régional.
Ces dyskinésies sont la rançon obligatoire des
récupérations partielles et de nombre de réparations
nerveuses par déficit quantitatif de la repousse axonale et par erreur des axones dans leur
destination topographique.
L’hémispasme serait dû à une démyélinisation
des fibres, d’origine vasculaire par dévascularisation,
autorisant une impulsion d’axone à axone sans
passage synaptique.
B - Traitement :
Les interventions de décompression qui visent à
libérer le nerf de son carcan osseux et aponévrotique
inextensible se déroulent dans le trajet intrapétreux
et sont d’obédience strictement oto-rhinolaryngologique.
Avant d’envisager les protocoles de réhabilitation
et leurs indications, il importe de dresser le
constat technique de la repousse nerveuse et des réinnervations musculaires.