Paralysie faciale (Suite)
Cours de Médecine Dentaire
1-
Constat technique
:
Le chirurgien, dont l’ambition est de rétablir la
relation neuromusculaire, est confronté à une série
de faits incontournables, comme autant de voies
sans issue.
*
Impasse musculaire :
Elle est à la fois morphologique et fonctionnelle.
§
Morphologique
:
Le masque mimique des peauciers est d’une telle
complexité qu’il est illusoire de prétendre reproduire
sa configuration et son action par le recours à
un autre muscle ou groupe de muscles.
L’animation
faciale met en jeu 10 muscles par côté, leur substituer
un ou plusieurs vecteurs d’animation est à
l’évidence un pis-aller.
Par ailleurs, tout oppose le
muscle peaucier, fin, délicat, dépourvu d’aponévrose,
arrimé à la peau à un substitut épais, massif,
en un mot « grossier » même dans les transpositions
partielles.
§
Fonctionnelle :
Le quotient d’innervation musculaire, qui est le
nombre de fibres innervées par un axone, est de
25 pour les peauciers (Feinstein 1955), muscles
qualifiés d’« intelligents » par Terzis (1983), alors
que le quotient des transplants utilisés est de 1 à
2 000 pour les muscles proximaux qualifiés de « stupides
» (gracilis, pectoralis major) et de 1 à
200 pour les muscles distaux, tel l’extensor digitorum
brevis (pédieux).
La qualité de contraction dépend du rapport de
proportion entre les unités motrices lentes, les
fibres rouges et rapides, les fibres blanches.
Les
peauciers comportent un pourcentage élevé d’unités
lentes (Kidd, 1984).
Après dénervation, toutes
les unités motrices retrouvent le type lent, le retour
au type rapide ne pouvant s’effectuer que par réinnervation par l’axone d’un neurone rapide.
Réinnerver un muscle lent par le nerf d’un muscle
rapide inverse le type de contractilité du muscle
réinnervé par changement des fibres du type
1 au type 2 (Buller, Eccles et Eccles 1960).
*
Impasse nerveuse :
Elle est d’ordre biologique, en fonction de la repousse axonale, qui s’avère, le plus souvent, assez
imparfaite :
• la population axonale diminue, 20 à 50 % seulement
des axones atteignent les fibres musculaires
et cette diminution s’accentue avec l’âge ;
• la régénération axonale est grevée d’une diminution
de diamètre des axones et d’une réduction
de la myélinisation ; ce qui entraîne une
moindre vélocité de l’impulsion nerveuse, abaissée
de 50 à 20 millisecondes (Mayou 1981) ;
• la repousse axonale est stimulée par des facteurs
neurotrophiques distaux à spécificité topographique
démontrée (Seckel) et pourtant
l’erreur de réinnervation est constante, à l’origine
des syncinésies.
2- Modalités de récupération
:
La réinnervation des muscles s’effectue selon trois
modes différents :
• la repousse nerveuse ;
• la neurotisation nerveuse ;
• la neurotisation musculaire.
* Repousse nerveuse :
L’interruption du nerf déclenche une dégénérescence
distale et proximale jusqu’au noeud de Ranvier.
La repousse est lente, 1,5 mm j–1, aléatoire,
tributaire de facteurs généraux et locaux et très
sensible au rôle nocif de la fibrose cicatricielle.
Nous
en avons envisagé les aléas et les avatars.
La repousse
serait provoquée par un signal chimique
émané de la myéline en dégénérescence et des
cellules de Schwann.
La laminine, protéine de la
lame basale du muscle, joue un rôle prépondérant
dans le chimiotactisme, le blocage de son
activité par un anticorps spécifique réduit de 90 % la
repousse axonale, et l’addition de laminine exogène
favorise la rapidité de la repousse (Toyota 1990).
Une interruption nerveuse peut, de ce fait, être
pontée par une greffe musculaire.
Ce neurotropisme,
pressenti par Forssman (1898) et R. Cajal, est
à haute spécificité fasciculaire et tissulaire (spécificité
de la réinnervation motrice Brushart 1988).
Le NGF, facteur de croissance nerveuse, fait malheureusement
preuve de toxicité hépatique. Le rôle
de la vascularisation est essentiel, les fibres proches
des vaisseaux ont la repousse la plus rapide.
* Neurotisation nerveuse
:
Le muscle récupère une fonction contractile à partir
d’éléments nerveux par implantation d’un nerf
sain dans un muscle dénervé (Heinicke 1914), une
plaque motrice se formant à l’endroit de l’implantation.
Expérimentalement, un broyat musculaire, mis
au contact d’un nerf, se réorganise en fibres, aptes
à se contracter (Mira).
Qui plus est, l’implantation
d’un nerf dans un muscle normalement innervé
provoque une hyperneurotisation par formation de
plaques motrices supplémentaires (Hoffmann
1951), mais une seule est opérationnelle.
* Neurotisation musculaire
:
Elle existe au sein du muscle, entre les unités
motrices, ainsi qu’à partir de muscles voisins.
Un
muscle sain, amené au contact d’un muscle dénervé,
est capable de le coloniser et de le réinnerver,
à condition que la barrière aponévrotique ait
été réséquée.
Ce fait, avéré expérimentalement
par Erlacher en 1915 chez le cobaye, a été
confirmé histologiquement par Steindler (1916),
puis Aitken (1950).
Cette aptitude colonisatrice du muscle a été à
l’origine de la greffe musculaire selon Thompson,
un transplant musculaire, préalablement
dénervé, servant de support de neurotisation entre
un muscle sain et les peauciers dénervés.
La dénervation réalise une forme de métabolisme
économique favorable à la résistance des
fibres musculaires (Romanul et Hogan).
Pour Carlson et al. (1979), les fibres nerveuses
débutent l’envahissement du greffon à la 3e semaine
et les synapses neuromusculaires se forment
après la 4e semaine.
Dans tous les cas, le retour à une authentique
mimique spontanée est l’exception, la mimique est
toujours modifiée, souvent falsifiée.
§
Mimique modifiée :
L’altération est le fait des erreurs de réinnervation,
rançon obligatoire des réparations nerveuses homolatérales,
mais aussi de l’incitation motrice controlatérale après une greffe nerveuse transfaciale,
utilisant comme moteur le nerf facial opposé.
§
Mimiques falsifiées :
La falsification résulte de la modification de l’incitation
motrice, puis, au stade suivant, de l’emploi
d’un effecteur musculaire différent sous contrôle
nerveux variable.
§
Mimique de substitution :
La commande motrice diffère, émanant parfois du
phrénique ou du spinal, le plus souvent de l’hypoglosse.
La réhabilitation du tonus est remarquable,
la mimique volontaire existe, mais sans dissociation
entre le facial supérieur et l’inférieur et la mimique
émotionnelle est nulle ; le patient grimace, surtout
lorsque la langue s’anime.
§
Mimique caricaturale
:
Lorsque l’effecteur est hors d’usage, la transposition
de muscles voisins ou bien la transplantation
de muscles éloignés, même si le nerf facial controlatéral
les anime, ne procure qu’une caricature de
mimique.
Recourir aux transplants musculaires aboutit à
un raccourci de la mimique, la réduisant à quelques
mouvements élémentaires simplifiés, quelle que
soit leur amplitude.
On obtient un mouvement,
rarement une mimique, à l’exception d’un sourire
particulier.
La réhabilitation de la relation neuromusculaire facial-peauciers porte sur trois paliers :
• tonus ;
• mimique volontaire ;
• mimique émotionnelle.
L’analyse objective des récupérations montre à
l’évidence que le nerf prime tout, assurant seul le
dernier palier émotionnel, à condition qu’il s’agisse
du facial lui-même.
Les réhabilitations paradoxales après interruption
chirurgicale avérée du nerf facial ont été souvent
attribuées à une repousse à travers le défect, repousse
guidée par le neurotropisme distal.
Pour
Martin et Helsper (1957), 25 % des cas de destruction
chirurgicale du VII ont une récupération spontanée.
Martin, arguant de huit cas cliniques, dont un,
célèbre, de chanteuse, émit l’hypothèse d’une récupération
par la voie du trijumeau.
La patiente,
après exérèse d’une tumeur parotidienne emportant
les branches du VII, avait récupéré une motilité
hémifaciale et cette mimique n’avait pas été
modifiée par une réintervention avec exérèse large
complémentaire pour récidive tumorale.
La réinnervation
débute entre 8 et 14 mois au niveau des
élévateurs de la sangle buccale, s’étendant peu à
peu dans le masque mimique, sauf à ses extrémités.
Certains auteurs ont invoqué une réinnervation
trans-sagittale par le VII opposé, c’est le signe du
croisement, bien connu des électrologistes.
Dans un cas de Fisch, le blocage du VII opposé
stoppait la mimique récupérée.
Mais ce croisement
est limité dans l’espace, ne dépassant qu’exceptionnellement
la commissure labiale.
L’intrication entre trijumeau et facial et leur
complicité sont étayées par de nombreux faits anatomiques
et cliniques.
Une intrication plexiforme entre les rameaux
terminaux du V et du VII est une disposition anatomique
commune aux mammifères (Bowden et Mahran).
Des fibres nerveuses émanées du V cheminent
avec les rameaux du VII, véhiculant la
proprioception et la sensibilité profonde (Baumel
1974).
La cénesthésie faciale relaie dans les ganglions
du V vers le noyau sensitif.
Des fibres du VII empruntent la voie du V (Oleshkevich).
La stimulation électrique du V provoque une
réaction réflexe des peauciers.
Le 1er temps du réflexe de clignement est d’origine musculocutanée faciale (Kugelberg) ;
(l’anesthésie locale des téguments n’affecte pas
ledit réflexe Rushworth).
Une anesthésie locale dentaire provoque une
parésie faciale (Hollinshead) et Cushing a observé
des parésies faciales après destruction de la racine motrice du V ou du ganglion de Gasser ; ces fibres
empruntent la voie du grand nerf pétreux ; en
effet, les lésions intracrâniennes du nerf facial ne
donnent jamais lieu à récupération.
Conley a confirmé l’hypothèse de Martin ;
l’anesthésie locale des terminaisons trigéminales
interrompt la fonction mimique récupérée, fait
confirmé par les électromyogrammes de contrôle.
Cette complicité V/VII, ainsi que la proximité des
noyaux de ces nerfs constituent un élément très
favorable à la rééducation, aussi bien des anastomoses
nerveuses que des transferts musculaires.
3- Méthodes et indications
:
L’histoire de la réhabilitation de la face paralysée
est faite d’une succession d’espoirs déçus, tant la
disparité est grande entre les satisfactions infracliniques,
biologique et électrique et l’insatisfaction
clinique.
Le postulat actuel est plutôt pessimiste.
Restaurer la plénitude d’une expression faciale
spontanée et symétrique est une gageure quasi
irréaliste.
Nous décrirons les méthodes et les indications
dans une optique pragmatique ; trois situations se
présentent :
• le facial est réparable ;
• l’effecteur musculaire est utilisable, mais le
facial est hors d’usage ;
• l’effecteur musculaire est hors d’usage, l’alternative
existe alors entre les transferts musculaires
et la chirurgie de rééquilibration des parties
molles.
* Facial réparable
:
Le rétablissement de la continuité nerveuse et de
l’alignement des fascicules par suture ou par greffe
est un concept ancien, initialement mécanique ; le
nerf étant assimilé à un conduit, structure guide de
la repousse axonale.
§
Suture
:
La suture épineurale depuis Hueter (1873) rétracte
le périnèvre, affronte les fascicules de façon
défectueuse et s’accompagne de la formation d’un
cal fibreux obstructif.
De ce fait, à la suite de Millesi, la suture est devenue périneurale fasciculaire.
Le traumatisme est réduit, la recoupe des extrémités
nerveuses est franche.
La prévention de la
prolifération conjonctive et de la fibrose est assurée
par la résection de l’épinèvre, l’utilisation d’un
matériel minimum, la suppression des engainements
de la suture et l’absence de tension.
La
tension est nocive, génératrice de fibrose, à tel
titre que Millesi prônait le recours à la greffe pour
des pertes de substance de plus de 1 cm.
Parfois, le déroutement du nerf permet un gain
de longueur suffisant pour éviter la greffe.
§
Greffe :
La greffe équivaut à une double suture, elle obéit à
certaines règles.
§
Choix du greffon
:
Le greffon autologue offre les meilleures garanties,
car les greffes homologues conservées n’ont pas
fait la preuve de leur validité.
Le prélèvement est
effectué :
• soit au plexus cervical superficiel situé à proximité
immédiate ;
• soit au saphène externe ou sural dont le long
trajet est favorable.
§
Choix de la technique
:
En raison du double obstacle conjonctif, la repousse
nerveuse, après avoir franchi la première
suture, peut venir s’épuiser sur la seconde, de sorte
que certains auteurs préconisent la réalisation en
deux temps.
Le nerf facial est un terrain favorable
pour la greffe nerveuse, Conley affiche 75 % de bons
résultats, Millesi et Samii 85 à 90 %.
Cependant,
l’école de Gottingen avec Stennert estime que les
résultats sont surévalués et que la neurotisation
hétéromorphique responsable des mouvements de
masse est la règle.
§
Facteur vasculaire
:
Le rôle de la vascularisation est primordial, tant au
niveau du muscle, qu’à celui du nerf.
Le diamètre
de la greffe nerveuse ne doit pas excéder 5 mm,
faute de quoi une nécrose centrale est à redouter.
La longueur du greffon induit un risque de déficit de
revascularisation et donc de réinnervation.
La qualité
vasculaire du lit receveur est également importante.
Ces considérations ont conduit à la pratique
de greffes nerveuses vascularisées.
§
Greffe vascularisée
:
Bien que la greffe fasciculaire ait réduit le risque
d’ischémie et donc la production conjonctive par la
barrière sclérale, la greffe nerveuse vascularisée a
connu une certaine faveur.
Le nerf sural présente
un type de vascularisation favorable à ce protocole,
type 2 de Breidenbach et Terzis à un pédicule
dominant.
La greffe est réalisée en un fragment
selon Taylor et Ham (1996), en plusieurs fragments
selon Facchinelli (1981), mais les résultats
en sont relativement décevants.
Greffe en « boucle » :
Le prélèvement de la branche auriculaire du plexus
cervical superficiel autorise la restauration de la continuité entre le tronc et les branches de division
dans certains modes de distribution du plexus.
Dans
le cas contraire, il est possible de recourir au montage
en boucle, arrimant la totalité des segments
distaux au segment tronculaire proximal.
Le cheminement
de la réinnervation s’effectue avec la rançon
habituelle d’erreurs des neurones vagabonds.
La repousse est guidée par le signal chimique distal
et les axones franchissent le périnèvre, sans qu’il
soit nécessaire de le fenêtrer.
Ce fait a été amplement
démontré par la pratique des anastomoses latéroterminales de Viterbo (1992).
L’anastomose latéroterminale, procédé répandu
depuis Flourens (1828), amplement utilisée depuis
lors ainsi qu’en témoigne le travail de Sherren
(1906), était passée de mode jusqu’à sa remise à
l’honneur par Viterbo.
Sa validité a été confirmée
par Lundborg (1994).
Le segment rattaché :
• attire les axones, tant sensitifs que moteurs, par
prolifération collatérale et d’autant plus s’il a
été soumis à une prédégénération, qui augmente
le nombre de cellules de Schwann ;
• procure aux muscles une récupération à 60 % de
leur force contractile à 90 jours ; la dégénérescence
distale sur le nerf donneur est minime,
même si une fenêtre périneurale est pratiquée.
Cependant Dellon, s’appuyant sur les expérimentations
de Kalliainen, émet des réserves : la
masse musculaire serait moindre et le pourcentage
de fibres dénervées plus élevé dans la
variante latéroterminale.
§
Conduits guides
:
Les greffes veineuses, les tubes de silicone et les
tubes résorbables en acide polyglycolique ont été
employés comme structures guides de la régénération
nerveuse :
• la greffe veineuse.
La veine, dont la paroi est de
faible tonicité, se collabe sous l’effet de la
pression cicatricielle ;
• le tube de silicone. L’utilisation du matériau
non biologique déjà récusée par Sunderland
(1978), l’a été plus récemment par Merle et al.
(1989) ;
• les conduits résorbables en polyglycolique sont
prônés par Mac Kinnon et Dellon (1989) pour
des pertes de substances inférieures à 3 cm.
§
Facial irréparable : effecteur musculaire en état
Il faut substituer au nerf facial un autre moteur par
une anastomose nerveuse, déroutant un
nerf voisin sur le bout distal du facial ou dérivant
l’influx par un branchement latéroterminal.
L’idée
est ancienne, la réalisation également, puisque dès
1879 Drobnik anastomose le XI au VII.
Deux protocoles
essentiels sont les plus en vogue.
Anastomose hypo-glosso-faciale
Elle est la plus ancienne, mais aussi la plus actuelle,
le XII tout proche est d’accès et de prélèvement
aisés, la morbidité est réduite, l’efficacité satisfaisante.
Dans la technique classique, le tronc du XII
est transposé sur le bout distal du VII, tandis que la
branche descendante du XII est transposée sur le
tronc pour minimiser la séquelle linguale.
Dans la
modification de Tucker, le XII est transposé sur le
bout distal du VII, mais la branche descendante du
XII, prélevée avec les fragments des muscles
sous-hyoïdiens, est transposée sur l’orbiculaire palpébral.
La rééducation a pour objet de rendre
indépendante la nouvelle unité motrice.
Les travaux
de Holstege sur les noyaux moteurs des V,
VII, XII ont montré la coordination motrice entre
ces nerfs.
À la suite de l’anastomose hypo-glossofaciale,
le réflexe trigéminofacial est remplacé, à
partir du motoneurone hypoglosse, par un réflexe
trigéminohypoglosse étudié par Stennert, dans
lequel la réponse primaire, musculaire, est plus
lente, de l’ordre de 14 ms, que la normale de
11 ms.
Les résultats sont bons sur le tonus et sur la
sangle buccale, en quelques mois, mais l’efficacité
palpébrale est plus réduite, plus tardive et plus
aléatoire.
La séquelle linguale amyotrophique n’est
invalidante que dans 25 % des cas.
L’anastomose XII/VII est utilisée dans trois indications
distinctes :
• comme suppléance globale du facial lésé ;
• comme suppléance du seul facial inférieur, selon Miehlke, qui, avec Stennert, considère que
les territoires inférieur et supérieur sont différents,
et donc à traiter différemment ;
• comme donneur de tonus, préservant les
muscles peauciers dans l’attente de la repousse axonale d’une greffe transfaciale, l’hypoglosse
jouant le rôle de « baby-sitter » (Terzis).
Anastomose faciofaciale ou greffe transfaciale
L’idée de réanimer la face paralysée par une greffe
nerveuse branchée sur le nerf facial controlatéral
est le fait de Scaramella.
Elle fut reprise, modifiée
et codifiée par Smith, Anderl, Samii et bien
d’autres :
• le nerf donneur est le sural ;
• l’intervention se déroule en un temps, mais plus
volontiers en deux temps à 6 mois d’intervalle
pour minimiser le risque de blocage conjonctif à
la 2e suture ;
• le branchement est proximal pour certains, distal
pour la plupart, en aval du plexus génien ;
• l’implantation est nerveuse, mais faute de
mieux, musculaire (Anderl) lorsque aucun nerf
utile n’est retrouvé ;
• la morbidité sur le côté sain est réduite, la
pratique des neurectomies sélectives a montré
que 40 % du contingent nerveux peuvent être
interrompus sans séquelle paralytique, mais
avec le risque du spasme de régénération ;
• la morbidité sur le site de prélèvement se chiffre
à 27 % de complications, dont 6 % de névromes
(Ortiguela) et une perte de la sensibilité du
bord externe du pied et de la cheville. Zucker a
proposé le prélèvement endoscopique pour limiter
le préjudice cicatriciel ;
• le greffon saphène externe est inversé, orientant
son extrémité proximale du côté paralysé,
de façon à prévenir les fausses routes dans les
collatérales nerveuses (O’Brien 1980, Mac Kinnon
et Dellon 1988) ;
• la greffe transfaciale permet de dériver sur un
transplant musculaire un rameau du VII opposé,
assurant la fonction demandée au transplant et,
dans ce cas, le protocole en deux temps permet
d’attendre la repousse axonale pour transférer
le muscle, qui est ainsi immédiatement réinnervé.
La greffe transfaciale, transmission synchrone de
l’influx nerveux émané du facial sain aux branches
correspondantes du côté paralysé (Anderl 1973)
est :
• séduisante dans sa conception ;
• controversée dans sa réalisation ;
• convaincante dans sa validité biologique et physiologique
;
• décevante dans son efficacité clinique, en raison
de la lacune quantitative de la repousse axonale par insuffisance du quota de neurotisation,
selon Harii ; 20 % seulement des axones
atteignent l’hémiface paralysée. Trois facteurs entrent en ligne de compte selon Gary
Bobo :
+ insuffisance du nombre de fibres myélinisées
au sein des greffes ;
+ différences de calibre et d’épaisseur de la
gaine de myéline, responsables d’un asynchronisme
de transmission de l’influx ;
+ variabilité dans le temps du processus de myélinisation
(coexistence de fibres en dégénérescence
et de fibres en myélinisation).
Il en résulte (Rayment, Poole et Rushworth
1987) :
• une diminution de 50 % de la vélocité de l’influx
;
• une diminution du nombre d’axones atteignant
le muscle (20 à 50 % selon Harrison (1985) ;
• une diminution du nombre d’unités motrices réinnervées ;
• et donc une asymétrie de la mimique faciale.
1-
Muscles hors d’usage
L’aréflexie galvanique signe l’incapacité du muscle
à être réhabilité par une fibre nerveuse (Chouard
1932), le délai de 2 ans étant habituellement retenu
pour les paralysies anciennes invétérées. Le
recours au muscle s’effectue selon de multiples
protocoles :
• la greffe musculaire selon Thompson préparée
par dénervation préalable ;
• le transfert musculaire réinnervé, initié par
Thompson et Gustafson ;
• le transfert musculaire réinnervé et revascularisé
par son pédicule ;
• les transpositions musculaires de voisinage, utilisant
les muscles masticateurs.
° Greffe musculaire
Sa conception repose sur le concept de neurotisation
musculaire et sur l’avidité à la neurotisation
des muscles préalablement dénervés (3 semaines).
La dénervation préalable réduit les besoins nutritifs
de la fibre musculaire (Romanul et Hogan 1965),
accélère la vitesse de régénération axonale et améliore
la synthèse protéique, qui va de pair.
Thompson utilisait le pédieux et le grand palmaire,
transposés sur toute la longueur de leurs
fibres ; le pédieux était en charge de la sangle
palpébrale, le grand palmaire de la sangle buccale.
L’insuffisance du résultat sur le plan dynamique
conduisit à une modificaton du protocole, visant à
conjuguer neurotisation nerveuse et neurotisation
musculaire.
°
Transferts musculaires réinnervés :
Le nerf moteur du muscle dénervé est anastomosé à
une greffe transfaciale branchée sur un rameau de
topographie similaire au mouvement recherché.
Les résultats médiocres, même après dénervation
sélective du nerf tibial antérieur et utilisation exclusive
de ses fascicules moteurs ont conduit à
l’abandon de ces procédés (Nicolaï 1981).
De toute manière, au sein du muscle dénervé se
produit une compétition entre la repousse des filets
du V et la réinnervation par la greffe transfaciale.
Transferts musculaires réinnervés
et revascularisés
La préservation de la vascularisation garantit la
vitalité du transplant et donc, en théorie, son efficacité
dynamique.
Les techniques utilisées varient
avec :
• le site de prélèvement musculaire ;
• le site de revascularisation ;
• le moteur de réinnervation et le mode de branchement.
En ce qui concerne le site de prélèvement, il
répond aux critères définis par Harii, de discrétion
du préjudice fonctionnel et du caractère unique,
avec une orientation et une longueur favorables des
pédicules vasculonerveux.
Nombre de muscles ont été testés, peu restent
utilisés :
• le pectoralis minor (petit pectoral), préconisé
par Terzis, puis Harrison, présente de notables
inconvénients de son mode d’innervation ;
• l’extensor digitorum brevis (pédieux), comporte
quatre tendons distaux favorables à la
dissociation d’action, mais les chefs musculaires
sont courts et le nerf tibial antérieur est mixte ;
• le latissimus dorsi (grand dorsal) est irrigué par
un système dominant, l’artère thoracodorsale,
et peut être prélevé partiellement ;
• le gracilis (droit interne) est un muscle rubanné
à fibres longues (24 cm), comportant deux territoires
neuromusculaires (Manktelow 1984),
l’antérieur sous dépendance d’un pédicule unique
contient 25-50 % du muscle, ce qui autorise
son prélèvement sélectif. Guelinckx a préconisé
le prélèvement du nerf obturateur sur une
grande longueur ;
• le serratus anterior (grand dentelé) est irrigué
par deux pédicules vasculaires principaux, son
innervation est commune à celle du grand dorsal
et il est de volume trop important.
Le site de revascularisation se situe à l’artère
temporale superficielle ou à l’artère faciale.
Le choix du moteur de réinnervation est
d’une importance capitale. Trois options sont envisageables
:
• le nerf facial homolatéral.
Le moignon facial
proximal est utilisable à court, voire à moyen
terme, sous réserve de vérification de son aptitude à la repousse par l’absence d’interférences
à l’EMG et de la réalisation d’un test de Karnovsky
à la cholinestérase sur la biopsie du moignon.
Ueda et al. ont préconisé ce procédé
chez l’enfant, dans les paralysies congénitales
acquises (forceps), qui constituent 88 % des cas
(Falco).
La contraction du transplant musculaire
réapparaît au 6e mois et l’évaluation des
résultats montre leur haute qualité ;
• le nerf facial controlatéral peut être choisi,
mais l’aléa constant de la GTF est la longueur du
trajet qui entraîne un déficit notable de réinnervation.
Les transpositions à court trajet sont
de loin préférables ;
• le nerf massetérin était initialement employé
par Spira, mais Manktelow et Zuker y ont eu
recours, en particulier dans les transferts musculaires
fasciculaires bilatéraux dans les Moebius.
La symétrie du mouvement obtenu est
assez remarquable, peut-être en raison de l’appartenance trigéminale du nerf massétérin.
L’évolution actuelle des protocoles (Gousheh,
Zuker) amène à l’utilisation de transferts partiels
du gracilis ou du latissimus dorsi
avec un nerf long branché sur le nerf massétérin ou
à la rigueur sur une greffe nerveuse transfaciale
courte, sachant que :
• la valeur dynamique du muscle transplanté est à
25 à 50 % de la normale, seulement 10 % selon
Yamaha ;
• la diminution de volume avoisine 50 % ;
• la fibre musculaire doit être prélevée en totalité
et suturée sous une tension adéquate pour bénéficier
de la puissance et de l’amplitude de
contraction du muscle transplanté.
La puissance
maximale est obtenue en début de contraction
et diminue au fur et à mesure que le muscle se raccourcit (Elftman 1966).
La diminution de la
tension de repos s’accompagne d’une perte
fonctionnelle.
Deux artifices sont utiles pour
conserver sur le site récepteur la tension de
repos du site d’origine.
O’Brien place deux sutures à la surface du
muscle et maintient leur écartement.
Frey tend un fil de soie entre les extrémités du
muscle.
La vitalité est, le plus souvent excellente, la réinnervation est soumise aux aléas de la greffe
transfaciale, mais la récupération n’est jamais
complète ; pourtant, la progression fonctionnelle
pourrait se poursuivre 2 ans après les premiers
signes de réinnervation, peut-être par augmentation
de la myélinisation et de la taille des axones
(Tolhurst 1982).
D’autres transferts musculaires ont été envisagés
:
• la transposition micro-anastomosée du frontal
ou du platysma, proposée par Terzis, n’est
qu’un exercice de style ;
• la transposition du digastrique et du mylohyoïdien
sur l’artère sous-mentale, branche de
l’artère faciale et le nerf mylo-hyoïdien, branche
du nerf dentaire, détaché juste avant
l’épine de Spix est plus intéressante.
Le transplant
possède un arc de rotation de 5 cm et peut
être utilisé en neural pur ou en neurovasculaire
pour réanimer le groupe abaisseur de la sangle
buccale.
L’efficacité de ces procédés est évaluée par le
déplacement de la commissure buccale, en élévation
et en translation, un déplacement de 1,5 à
2,5 cm en direction physiologique est considéré
comme un bon résultat.