Les atteintes ophtalmologiques chez le diabétique sont relativement
bien connues excepté une entité clinique particulière, la papillopathie diabétique.
Le but de cet article est de faire le point sur les connaissances
actuelles de cette neuropathie optique du diabétique rare et encore
peu comprise.
Il s’agit d’un oedème papillaire transitoire, survenant le plus souvent
chez un sujet jeune insulinodépendant.
Le retentissement
fonctionnel est modéré et l’oedème évolue le plus souvent
spontanément vers une guérison sans séquelles.
L’analyse clinique, l’angiographie, et quelques examens
complémentaires permettront de différencier la papillopathie
diabétique des autres étiologies d’oedème papillaire et des
néovaisseaux prépapillaires.
Poser le diagnostic de papillopathie
diabétique évite ainsi des traitements inappropriés et/ou abusifs.
Sur le plan physiopathologique, nous verrons qu’il existe deux
grandes théories (possiblement liées) pouvant expliquer cet oedème
papillaire particulier.
Nous reviendrons aussi sur l’association possible de cet oedème
papillaire à un oedème maculaire.
Historique
:
La papillopathie diabétique est une entité clinique décrite pour la
première fois en 1952 par Topilow et Bisland.
Ils décrivent le cas d’une patiente de 23 ans, insulinodépendante depuis 13 ans
présentant un oedème papillaire sans étiologie retrouvée.
Les auteurs
parlent alors de « papillite du diabétique ».
En 1971, Lubow et Markley rapportent le cas d’oedème papillaire
bilatéral chez trois jeunes diabétiques simulant une hypertension
intracrânienne (en anglais « pseudopapilledema »).
Ils utilisent le terme
général de « neuropathie optique du diabétique ».
Enfin, c’est réellement en 1980 qu’Appen définit la « papillopathie
diabétique » avec le cas d’oedème papillaire chez deux jeunes
diabétiques insulinodépendants.
Depuis environ un demi-siècle, ce syndrome, bien que rare, fait
régulièrement l’objet d’observations dans la littérature.
Terrain. Physiopathologie
:
La papillopathie diabétique est une entité rare puisqu’elle atteint
entre 0,4 et 0,5 % de la population diabétique.
Il s’agit préférentiellement de patients jeunes (deuxième et troisième
décennie de vie) et diabétiques de type 1, même si elle peut se voir
à tout âge.
En 1980, Barr décrit 12 cas de papillopathie diabétique
du diabète juvénile tout comme Appen qui, cette année-là, en
publie deux.
Des cas de papillopathie diabétique chez des sujets plus
âgés, diabétiques de type 2, ont été décrits et semblent moins rares
que l’on pouvait le penser lors des premières publications.
Il est
difficile de donner un ratio entre les deux types de diabète car les
chiffres sont très variables selon les études.
Régillo en 1995 a
rapporté le cas de 19 diabétiques dont 13 étaient diabétiques de type
2.
Plus récemment, Bayraktar a étudié toutes les papillopathies
diabétiques présentes dans son service entre 1986 et 1999.
Il a ainsi
retrouvé 16 patients. Tous étaient diabétiques de type 2.
Ce résultat
est cependant à nuancer vu le biais de recrutement de cet hôpital,
mais il souligne que la papillopathie diabétique n’est pas seulement
une atteinte du sujet jeune insulinodépendant.
Le facteur le plus important et le plus fréquemment retrouvé semble être la durée
d’évolution du diabète qui est en moyenne d’une dizaine d’années.
Il ne semble pas y avoir de prédominance de race ni de sexe.
L’équilibre glycémique est un facteur de risque encore controversé.
Au début des années 1980, certains auteurs tel Appen, Barr ou
encore Hayreh n’évoquent pas de lien possible entre l’équilibre
glycémique et la papillopathie diabétique.
Pour d’autres (Bonnet),
il existe une corrélation entre la survenue de la papillopathie
diabétique et le déséquilibre glycémique.
Plusieurs cas décrits dans
la littérature appuient cette association.
Dans l’étude récente de Bayraktar, sur 16 patients, seulement sept avaient un mauvais
contrôle métabolique.
Enfin pour Dorchy et Agardh, une
normalisation trop rapide de la glycémie pourrait être à l’origine de
certaines papillopathies diabétiques, tout comme certaines
progressions de rétinopathies diabétiques ischémiques ont été
associées à un contrôle drastique de la glycémie.
Ce mécanisme
ressemblerait un peu à celui d’une normalisation trop rapide d’une
poussée d’hypertension artérielle responsable d’oedème cérébral.
Les
variations de la glycémie semblent donc un facteur important mais
non exclusif de survenue de papillopathie diabétique.
La grossesse pourrait être un facteur de risque par l’intermédiaire
du déséquilibre glycémique qu’elle entraîne.
Enfin, Regillo évoque la possibilité qu’une prédisposition
anatomique de la papille puisse jouer un rôle dans la survenue de
cette papillopathie.
Dans son étude portant sur 27 yeux atteints de papillopathie diabétique, 63 % avait un rapport c/d inférieur à 0,1,
contre 8 à 40% (selon les études) dans la population générale.
La physiopathologie de la papillopathie diabétique n’est pas encore
bien connue.
Deux grandes théories sont avancées pour expliquer
cet oedème papillaire.
Pour certains auteurs (Hayreh et Zahoruk), il s’agirait d’une
ischémie de la tête du nerf optique.
Autrement dit, la papillopathie
diabétique serait une neuropathie optique ischémique antérieure
aiguë (NOIAA) « a minima » ou encore « infraclinique » survenant
chez le jeune. Hayreh appuie sa théorie sur plusieurs arguments.
Il
existerait plusieurs stades de l’oedème papillaire pauci- ou
asymptomatique en serait le premier signe avant toute baisse
d’acuité visuelle.
Cet oedème papillaire, quand il est
asymptomatique, serait davantage découvert chez le diabétique par
le biais des consultations systématiques.
Le spectre de gravité des NOIAA pourrait varier d’une forme « bénigne » (hypoxie et baisse
d’acuité visuelle modérée, bonne récupération) à une forme
« sévère » (anoxie et baisse d’acuité importante, peu ou pas de
récupération).
Dans un article récent, Hayreh « répond » à Vaphiades qui
oppose la NOIAA à la papillopathie diabétique, même si Vaphiades
conçoit une même origine ischémique.
Pour résumer cet article, Hayreh reprend, à travers son expérience personnelle, tout ce qui
sépare, pour certains auteurs, la NOIAA de la papillopathie
diabétique.
Il conclut finalement à une même et unique maladie au
spectre très large : la NOIAA.
Il explique que la NOIAA n’est pas
seulement une atteinte du sujet âgé comme on peut le croire.
Dans
son étude portant sur 406 NOIAA, 11 % des patients étaient des
sujets jeunes, ce qui n’est pas rare.
Il y aurait peut-être un certain
degré de tolérance du sujet jeune à l’ischémie.
Sur ces 11 %, 20 %
étaient diabétiques.
La NOIAA « typique » est donc relativement
fréquente chez le jeune diabétique.
Nous avons vu que la papillopathie diabétique était le plus souvent
bilatérale alors que la NOIAA unilatérale.
Dans cette même étude, Hayreh a constaté que le risque de développer une NOIAA
bilatérale est significativement plus élevé chez le jeune diabétique.
Hayreh revient aussi sur les déficits du champ visuel entre NOIAA
et papillopathie diabétique.
Il retrouve dans les NOIAA un scotome
inféronasal bien plus fréquent qu’un déficit altitudinal classiquement
décrit.
Il a également constaté que l’acuité visuelle en cas de NOIAA
est loin d’être toujours effondrée puisque 41 % de ces patients ont
une acuité supérieure à 20/40.
Une autre observation de Hayreh est
que la résorption de l’oedème papillaire lors d’une NOIAA ne se
solde pas toujours par une atrophie optique.
Il est possible de
retrouver une papille certes un peu pâle, mais pas complètement
atrophique.
Cela est d’ailleurs souvent corrélé à l’atteinte visuelle.
Il
explique que la papillopathie diabétique étant une NOIAA « a
minima » avec une atteinte peu importante de l’acuité visuelle, il
paraît donc logique que les séquelles soient moindres, voire
absentes…
En ce qui concerne la prédisposition de la papille (c/d
inférieur à 0,1), Hayreh retrouve cela aussi dans les NOIAA. Pour
lui, il s’agirait d’un facteur de risque d’une même pathologie.
Les altérations métaboliques et rhéologiques du diabète seraient à
l’origine de cette ischémie, et donc de cette souffrance axonale.
Il
s’agirait d’une neuropathie optique liée à la microangiopathie, ces
sujets, souvent jeunes, étant indemnes de toutes lésions
d’artériosclérose.
Pour un autre groupes d’auteurs (Appen, Barr, Bonnet,
Brancato, Verougstraete), la papillopathie diabétique serait due
à une « vasculopathie locale » du réseau capillaire superficiel, épi- et
péripapillaire.
La cause de cette vasculopathie serait métabolique
(hyperglycémie).
Il y aurait accumulation de liquide dans le disque
optique ayant pour conséquences oedème et altération du flux axonal réversible.
Ces deux mécanismes, hypoxique et dysmétabolique, seraient en fait
étroitement liés.
Examen clinique
:
La papillopathie diabétique se traduit par une baisse de vision et/ou
un flou visuel.
Cette baisse d’acuité visuelle est généralement
modérée et progressive mais peut être très variable.
Dans l’étude de Regillo, l’acuité visuelle initiale varie de 20/20 et compte les
doigts à 1 mètre.
Dans environ trois quarts des cas selon les études, l’acuité visuelle initiale est supérieure à 20/50.
La papillopathie
diabétique peut être aussi asymptomatique et découverte à
l’occasion d’un examen systématique.
Le plus souvent cette papillopathie est bilatérale, entre 50 et 80 % selon les études.
Quand elle est bilatérale, les deux yeux peuvent être atteints
simultanément ou de façon séquentielle.
Dans ce cas, quelques
semaines à quelques mois peuvent séparer les deux atteintes.
À l’examen des pupilles, il n’existe généralement pas d’anomalies.
Parfois, on peut trouver un réflexe photomoteur afférent un peu
faible.
Le test d’Ishihara est normal sauf quelques cas rares. Les
amputations du champ visuel ne sont que peu souvent mises en
évidence à l’examen clinique.
Le fond d’oeil met en évidence un oedème papillaire modéré, diffus
(rarement sectoriel), et hyperhémié.
Il existe une dilatation
des capillaires prélaminaires, péri- et épipapillaires.
L’analyse fine
de cette dilatation est fondamentale puisqu’elle doit permettre de la
distinguer des néovaisseaux prépapillaires de la rétinopathie
diabétique proliférante.
On peut également trouver des hémorragies
rétiniennes en flammèches ou punctiformes et des nodules
cotonneux péripapillaires. Une turgescence veineuse peut être
présente.
Il existe généralement une rétinopathie diabétique non proliférante,
minime ou modérée, voire absente.
Rarement la papillopathie
diabétique est associée à une rétinopathie diabétique proliférante.
Dans ce cas, il peut être parfois difficile de distinguer la papillopathie des néovaisseaux prépapillaires.
Il ne semble pas y
avoir une corrélation entre le degré de rétinopathie diabétique et la
survenue de la papillopathie diabétique.
Examens complémentaires
:
Les atteintes du champ visuel, mesurées au Goldmann sont
inconstantes et souvent peu importantes.
Les déficits sont
typiquement non fasciculaires.
L’anomalie la plus fréquemment
retrouvée est l’élargissement de la tache aveugle, mais le champ
visuel peut être parfaitement normal.
Il peut s’agir aussi de scotome
central, scotome arciforme, scotome sectoriel ou encore de
rétrécissement concentrique des isoptères.
L’examen de la vision des couleurs est normal.
L’angiographie objective un trouble aigu de la perméabilité capillaire
du réseau épi- et péripapillaire de Henkind.
Cela se traduit par
une dilatation anormale des capillaires radiaires, avec diffusion de
fluorescéine au temps artérioveineux au niveau de ces capillaires et
le long des vaisseaux temporaux.
Un retard du remplissage veineux
et une dilatation veineuse sont visibles.
L’hyperfluorescence de la
papille est précoce, diffuse, persistante et d’intensité moyenne.
Il n’existe généralement pas de zones ischémiques périphériques,
ni de non-perfusion du disque papillaire.
L’angiographie est indispensable pour éliminer l’absence d’occlusion
capillaire périphérique, et éliminer le diagnostic de forme
proliférante.
Diagnostic différentiel
:
Il est important de distinguer la papillopathie diabétique, d’une part,
des autres étiologies d’oedème papillaire (uni- ou bilatéral) et,
d’autre part, des néovaisseaux prépapillaires de la rétinopathie
diabétique proliférante.
Les conséquences thérapeutiques sont
fondamentalement différentes.
Comme nous l’avons vu précédemment, la papillopathie diabétique
est souvent bilatérale.
De nombreuses pathologies peuvent être
associées à une baisse minime ou modérée de l’acuité visuelle et à
un oedème papillaire bilatéral tout en ayant un champ visuel
relativement conservé.
Il faut donc savoir les rechercher à l’aide d’un
interrogatoire, d’un examen clinique minutieux, et d’examens
complémentaires simples et si possible non invasifs.
L’hypertension intracrânienne doit être évoquée systématiquement
et en premier lieu devant un oedème papillaire bilatéral.
Cette
hypertension intracrâniennne est due à une augmentation du
contenu de la boîte crânienne, qu’il s’agisse d’une augmentation de
la masse cérébrale (tumeur, abcès, oedème cérébral…), d’une
augmentation du volume sanguin cérébral (thrombophlébite), ou
encore d’une augmentation de la quantité de liquide
céphalorachidien (hydrocéphalie).
Cliniquement, il existe un syndrome d’hypertension intracrânienne :
céphalées, nausées, vomissements, troubles visuels (à type de flou
mais acuité visuelle souvent conservée, diplopie, éclipses visuelles)
et signes neurologiques variés (trouble de la vigilance, signes de
localisation…).
Tous ces signes sont inconstants d’où le problème
du diagnostic différentiel avec la papillopathie diabétique devant
une hypertension intracrânienne pauci- ou asymptomatique.
Nous allons résumer les principales étiologies d’hypertension
intracrânienne.
– L’hypertension artérielle maligne par l’intermédiaire de l’oedème
cérébral qu’elle entraîne est responsable d’hypertension
intracrânienne.
Dans ce cas, l’analyse du fond d’oeil retrouvera, outre
l’oedème papillaire bilatéral, des signes de rétinopathie hypertensive
(signe du croisement, rétrécissements artériels, perte du reflet
vasculaire, hémorragies multiples, nodules cotonneux…) qui
peuvent parfaitement être associés à ceux de la rétinopathie
diabétique.
La prise de tension artérielle le plus souvent chez
un hypertendu connu fait le diagnostic et est complétée par un bilan
cardiovasculaire.
– Un processus intracrânien (tumeur, abcès, hématome…) peut être
à l’origine d’une hypertension intracrânienne.
En pratique, le
contexte (fièvre, altération de l’état général, traumatisme, cancer…),
l’examen clinique et une imagerie cérébrale (scanner ou imagerie
par résonance magnétique [IRM]) font le diagnostic.
– Une autre étiologie également à connaître est l’hypertension
intracrânienne dite « bénigne » ou encore « pseudotumor cerebri ».
Il s’agit d’une hypertension intracrânienne d’étiologie inconnue,
survenant chez la jeune femme obèse.
Le scanner et l’IRM sont quasi
normaux.
Le diagnostic est fait par la ponction lombaire qui retrouve
une hyperpression du liquide céphalorachidien de composition
normale.
– Cette liste d’étiologies est loin d’être exhaustive (causes toxiques,
endocriniennes, méningites, insuffisance respiratoire chronique,
hydrocéphalies, thrombophlébite cérébrale…).
À noter qu’il faudra
toujours rechercher une cause médicamenteuse (Amiodaronet) à cet
oedème papillaire bilatéral.
Dans le cas de papillopathie diabétique unilatérale, les causes
d’oedème papillaire unilatéral sont également à éliminer.
Celles-ci
sont essentiellement représentées par les neuropathies optiques.
Là
encore, la liste n’est pas exhaustive.
Il faut signaler que ces étiologies
d’oedème papillaire unilatéral peuvent aussi être la cause d’oedème
bilatéral.
Par souci de clarté, nous avons voulu séparer d’une part
l’oedème bilatéral et l’hypertension intracrânienne, et, d’autre part
les causes d’oedème papillaire uni- ou bilatéral.
Pour certains auteurs, la neuropathie optique ischémique antérieure
aiguë (NOIAA) est un diagnostic différentiel de la papillopathie
diabétique.
Pour d’autres, la papillopathie diabétique serait en fait
une NOIAA « a minima » ou encore « subclinique » car fondée sur
les mêmes mécanismes physiopathologiques. Nous allons
énumérer les arguments permettant de distinguer la papillopathie
diabétique d’une NOIAA « typique ».
La NOIAA survient en général après 50 ans.
Cependant, elle peut
survenir chez des sujets plus jeunes.
La baisse d’acuité visuelle est
brutale et sévère ce qui distingue la NOIAA typique d’une
papillopathie diabétique.
À l’examen, il existe une pupille de Gunn.
L’oedème papillaire est constant.
Les déficits du champ visuel sont
typiquement fasciculaires : amputation altitudinale (60 à 80 %)
souvent inférieure, encoches quadrantales, scotome arciforme…
Ils
reflètent le systématisation des fibres optiques au niveau papillaire
et persistent souvent après résolution de l’oedème papillaire.
Il existe deux types de NOIAA : artéritique (souvent plus de 70 ans,
maladie de Horton) et non artéritique (plus de 60 ans, facteurs de
risques cardiovasculaires).
Dans les deux cas, le risque de bilatéralisation, et donc de cécité, impose une prise en charge rapide.
La NOIAA non artéritique se caractérise par un oedème papillaire
modéré, diffus ou en secteur (très évocateur d’une atteinte
vasculaire), souvent pâle, fréquemment associé à des hémorragies et
à des exsudats.
On pourra également remarquer des signes
d’artériosclérose et rechercher des emboles rétiniens.
L’angiographie
montrera une hypofluorescence papillaire précoce avec défaut de
remplissage limité à la choroïde péripapillaire.
Une imagerie et un
bilan cardiovasculaire sont réalisés.
Dans la maladie de Horton (NOIAA artéritique), il existe souvent
des prodromes (oculaires ou généraux) et des signes extraophtalmologiques (céphalées, altération de l’état général…) ; le
fond d’oeil met en évidence un oedème blanc crayeux, des nodules
cotonneux et éventuellement une occlusion de l’artère ciliorétinienne
(qui signe alors, associée à une NOIAA, une maladie de Horton).
À
l’angiographie, il existe un défaut de remplissage choroïdien massif
et étendu que l’on voit bien au temps précoce.
Elle peut nous
montrer aussi des signes d’occlusion de l’artère ciliorétinienne.
Une
vitesse de sédimentation est alors à demander en urgence, et un
traitement par corticoïdes sera commencé sans retard devant
l’orientation clinique.
Une biopsie de l’artère temporale est réalisée
rapidement et apporte la preuve histologique dans 90 % des cas.
Ce qui distingue aussi les NOIAA typiques de la papillopathie
diabétique est le pronostic visuel.
En effet, celui-ci est excellent en
cas de papillopathie diabétique avec retour à une papille quasi normale et une bonne acuité visuelle dans la grande majorité des
cas.
Le champ visuel se normalise également.
En cas de NOIAA,
l’oedème papillaire laisse une atrophie optique importante,
entraînant une récupération visuelle presque nulle, et des déficits
importants du champ visuel.
Une autre étiologie d’oedème papillaire unilatéral méritant une
attention particulière est l’occlusion de la veine centrale de la rétine
(OVCR), d’autant que celle-ci est bien décrite chez le sujet jeune.
Il
existe en effet des similitudes au fond d’oeil (oedème papillaire hyperhémié, hémorragies rétiniennes, nodules cotonneux,
dilatations veineuses) et à l’angiographie (hyperfluorescence de la
papille, retard veineux…) entre l’OVCR et la papillopathie
diabétique.
Cependant, en cas de forme typique de papillopathie
diabétique chez un sujet jeune sans rétinopathie diabétique, il sera
assez facile de faire le diagnostic.
Tout d’abord, l’OVCR est unilatéral
contrairement à la papillopathie diabétique qui est le plus souvent
bilatérale. Par ailleurs, les hémorragies de la papillopathie
diabétique sont de type superficiel (tout comme dans l’OVCR
oedémateuse) mais disposées de façon péripapillaire et non
disséminées dans les quatre quadrants.
Dans l’OVCR de type
ischémique, les hémorragies sont toujours disséminées mais plus
profondes, en flaques. Il paraît plus facile de les distinguer de celles
de la papillopathie diabétique.
Cependant, il est important de
connaître l’existence d’OVCR « a minima », notamment chez les
sujets jeunes.
Celles-ci se manifestent alors par un oedème papillaire
et quelques rares hémorragies disséminées.
Dans tous les
cas, l’angiographie est indispensable. Hormis l’hyperfluorescence
papillaire et le retard veineux commun à l’OVCR et à la
papillopathie diabétique, elle objectivera une dilatation globale du
lit capillaire avec diffusion importante du colorant en cas de d’OVCR oedémateuse et des territoires de non-perfusion capillaire,
absents dans la papillopathie diabétique, dans l’OVCR ischémique
ou mixte.
Le problème n’est donc pas de distinguer une OVCR récente d’une
papillopathie diabétique sur « rétine saine » mais de savoir
distinguer une OVCR (parfois « vieillie ») d’une papillopathie
diabétique sur rétinopathie préproliférante ou proliférante.
On
pourra s’aider pour cela de l’anamnèse, du fond d’oeil (nombreuses
anomalies microvasculaires intrarétiniennes [AMIR],
microanévrismes, néovaisseaux…), de l’angiographie, et de l’atteinte
habituelle de l’autre oeil, tout en gardant bien à l’esprit qu’une
OVCR peut être parfois responsable d’évolution asymétrique de
rétinopathie diabétique.
L’origine de l’ischémie peut être alors
l’OVCR, le diabète, ou encore les deux associés.
Mais si l’étiologie
peut être discutée, le traitement par photocoagulation ne l’est pas et
est entrepris sans attendre.
Les autres causes d’oedème papillaire unilatéral sont représentées
par les neuropathies optiques inflammatoires (papillites).
Il en existe
deux grands types.
En cas de « vitré clair », il existe une atteinte
directe du nerf optique.
L’étiologie la plus fréquente est la sclérose
en plaques. L’IRM et éventuellement la ponction lombaire font le
diagnostic.
À côté de ces neuropathies à « vitré clair », il existe des
neuropathies inflammatoires avec hyalite (causes immunologiques :
uvéites et sclérites, causes infectieuses : tuberculose, syphilis, Lyme,
toxoplasmose…).
Citons aussi les étiologies compressives (processus intraorbitaire ou
intracanalaire), infiltratives (leucémie…), ou encore traumatiques.
Gardons également en mémoire l’existence de neuropathies
héréditaires, et que certaines anomalies congénitales de la papille
peuvent mimer un oedème papillaire (drusens de la papille).
Devant la gravité de certaines de ces atteintes, la papillopathie
diabétique doit rester un diagnostic d’élimination.
En pratique,
devant un oedème papillaire chez un diabétique, il faudra faire
(comme chez un « non-diabétique » d’ailleurs…) :
– bilan ophtalmologique (angiographie, champ visuel) ;
– bilan sanguin standard (ionogramme, numération-formule
sanguine [NFS], plaquettes) ;
– vitesse de sédimentation (VS) en urgence ;
– prise de tension artérielle et plus ou moins bilan cardiovasculaire ;
– sérologies selon orientation clinique ;
– IRM et/ou tomodensitométrie (TDM) cérébrale avec coupes
orbitaires ;
– ponction lombaire si nécessaire (après avoir vérifié la normalité
du scanner) ;
– consultation neurologique et de médecine interne ;
– bilan diabétologique.
Tous ces examens seront bien sûr à compléter selon l’orientation
clinique et paraclinique.
Outre le diagnostic différentiel des autres étiologies d’oedème
papillaire, il faut éliminer le diagnostic de néovaisseaux
prépapillaires.
À la phase précoce de la rétinopathie diabétique proliférante, les néovaisseaux à la surface du disque papillaire ressemblent à la
dilatation des capillaires prélaminaires de la papillopathie
diabétique.
Il faut savoir les distinguer puisque les conséquences
thérapeutiques sont très différentes.
Des néovaisseaux prépapillaires signent une rétinopathie diabétique proliférante et imposent donc
une photocoagulation panrétinienne en urgence.
Au fond d’oeil, les néovaisseaux ne sont pas radiaires contrairement
à la dilatation capillaire de la papillopathie diabétique. Ils forment
une fine trame anastomotique irrégulière.
Il y a généralement
peu d’oedème papillaire associé aux néovaisseaux.
D’autre part,
ceux-ci sont situés dans un plan prérétinien et prépapillaire (comme
leur nom l’indique…) et non dans le plan papillaire comme la
papillopathie diabétique.
Enfin, dans la rétinopathie diabétique avec néovaisseaux, on trouve des signes de rétinopathie diabétique
avancée (nodules cotonneux, hémorragies profondes,
microanévrismes, nombreux AMIR, anomalies veineuses…).
Le
problème se pose alors quand les néovaisseaux sont associés à une
papillopathie diabétique...
À l’angiographie, certains signes permettent de différencier néovaisseaux de dilatation capillaire.
Les néovaisseaux présentent une extension vitréenne avec diffusion importante de colorant dans
le vitré, cachant souvent les vaisseaux rétiniens.
Il
existe également de grandes zones d’ischémie rétinienne.
Cependant, il faut être vigilant car une dilatation capillaire est aussi
perméable et laisse donc diffuser un peu de colorant.
Dans ce cas,
alors, il n’y a pas d’extension vitréenne ni de zones ischémiques.
Formes associées
:
La papillopathie diabétique peut être associée à un oedème
maculaire aigu et réversible.
La fréquence de cette association est
variable selon les études (70 % pour Regillo).
La baisse d’acuité
visuelle est alors souvent plus franche et plus rapide qu’en cas
d’atteinte papillaire pure. Pour Bonnet, il s’agit alors d’une capillaropathie oedémateuse aiguë.
Le fond d’oeil objective alors
l’oedème papillaire et l’épaississement rétinien maculaire.
Fréquemment, on retrouve aussi de nombreuses zones d’oedème du
pôle postérieur en dehors de ces deux structures.
À l’angiographie,
les caractéristiques de la papillopathie sont associées à une dilatation
capillaire périfovéolaire avec diffusion du colorant aux temps tardifs.
Il s’agit ici de l’oedème maculaire « classique » du diabétique.
Dans l’étude de Regillo, sur 27 yeux atteints de papillopathie
diabétique, 19 avaient un oedème maculaire. Sur ces 19, six ont
finalement été traités au laser.
Dans deux yeux, il semblerait que
l’oedème maculaire soit une extension de l’oedème papillaire.
Il
existerait donc un autre type d’oedème maculaire, d’origine
« papillaire ».
Friedrich a également étudié ces cas d’oedème papillaire et maculaire associés.
Il décrit trois cas où l’oedème maculaire serait
une extension de l’oedème papillaire, et non un oedème maculaire
« classique » du diabétique.
Dans la maculopathie oedémateuse
focale « classique », on retrouve souvent une couronne d’exsudats
circinés.
Dans l’oedème maculaire « d’origine papillaire » (si l’on
peut dire), la configuration des exsudats se fait en étoile « macula
star ».
La physiopathologie de cet oedème maculaire serait pour Gass
une fuite de liquide à partir des capillaires prélaminaires.
Le fluide
s’accumulerait du disque vers la couche rétinienne externe puis dans
la couche de Henle.
L’anatomie de cette couche expliquerait la
configuration en étoile des exsudats.
Cette distinction entre ces
deux types d’oedème maculaire a des conséquences thérapeutiques.
Dans la définition de l’Early Treatment Diabetic Retinopathy Study
(ETDRS), un oedème maculaire focal « cliniquement significatif »
nécessite un traitement par laser.
L’oedème maculaire d’origine
« papillaire » (configuration en étoile, oedème papillaire associé) ne
nécessite pas de traitement par laser dans la grande majorité des
cas, puisqu’il régresse avec l’oedème papillaire, spontanément, même
si cela prend plusieurs mois. Le patient retrouve alors une bonne
acuité visuelle.
Nous avons vu précédemment l’importance de faire le diagnostic
différentiel entre néovaisseaux et papillopathie.
Bien que la papillopathie diabétique soit plus fréquente dans la
rétinopathie diabétique non proliférante, plusieurs cas ont été décrits
de papillopathie associée simultanément à une rétinopathie
diabétique proliférante avec néovaisseaux prépapillaires.
Dans ce cas, une analyse fine du fond d’oeil et de l’angiographie fait
le diagnostic.
Une photocoagulation panrétinienne sera indiquée.
Par ailleurs, certains auteurs ont décrit le cas d’aggravation de
rétinopathie diabétique durant la papillopathie ou après sa
résolution.
Cette notion d’aggravation pourrait nous inciter
à penser que la papillopathie serait un facteur déclenchant de
prolifération, d’autant que certains auteurs ont mis en évidence des
territoires ischémiques chez des patients présentant une
papillopathie sur rétinopathie minime ou modérée.
La plupart
des auteurs s’accordent à dire que la papillopathie diabétique n’est
pas un facteur déclenchant, mais la relation entre les deux reste à
établir.
Une surveillance ophtalmologique « post-papillopathie »
paraît donc justifiée.
Évolution et pronostic
:
L’évolution de la papillopathie diabétique est généralement
spontanément favorable.
L’oedème papillaire disparaît et le
patient récupère une bonne acuité visuelle en quelques mois à
quelques semaines, sans déficit du champ visuel.
Pour Bayraktar, la durée d’évolution moyenne est de 7,8 mois
(plus ou moins 3,7 mois), avec des extrêmes allant de 1 mois à 16
mois. Dans son étude, l’acuité visuelle finale est supérieure à 20/40
dans trois quarts des cas.
Pour les 25 % restants, l’acuité visuelle
finale varie entre 20/200 et 20/40. Pour Regillo, la durée
d’évolution de la papillopathie diabétique est plus réduite : 3,7 mois
en moyenne.
Il retrouve dans son étude une acuité visuelle finale
entre 5/20 et 20/15, avec 85 % de patients récupérant plus de 20/50.
Les 15 % restants ont un oedème maculaire pouvant expliquer cette
mauvaise acuité visuelle.
L’oedème papillaire régresse habituellement sans séquelles.
Cependant, certains cas de pâleur papillaire, voire d’atrophie
optique ont été rapportés, ce qui tend à rapprocher une nouvelle
fois la papillopathie diabétique d’une NOIAA.
Pour la majorité des études, aucun traitement n’est nécessaire car
l’évolution de la papillopathie est spontanément favorable.
Des
corticoïdes (per os ou IV) ont cependant été utilisés chez certains
patients lors de papillopathie sévère avec des résultats très
variables selon les cas.
Il faudra bien sûr toujours vérifier l’équilibre glycémique.
Conclusion
:
La papillopathie diabétique est donc une neuropathie optique
d’évolution bénigne dont la physiopathologie est encore sujette à de
nombreuses controverses.
Il faut cependant garder à l’esprit qu’elle peut
évoluer vers une atrophie optique d’où l’intérêt d’un diagnostic
précoce.
Le pronostic semble souvent lié à l’importance de la baisse d’acuité visuelle initiale, mais dépend surtout de l’oedème maculaire
(quelle qu’en soit l’origine, « papillaire ou classique ») et du type de
rétinopathie diabétique associée.
Il s’agit d’une entité clinique bien à
part non incluse dans les différentes classifications du diabète.
Il serait
en effet difficile de l’introduire dans une classification puisqu’elle ne
paraît pas correspondre à un stade d’évolution de la maladie diabétique.