Traitement chirurgical de l'otospongiose Cours de Chirurgie
Historique
:
Les premières tentatives de mobilisation, voire d’extraction de l’étrier
(stapes), ont été réalisées à la fin du XIXe siècle.
Les conditions n’étaient
alors pas réunies pour que les expériences soient poursuivies et ces
essais furent sévèrement condamnés par Moure en 1894, Botey et
Siebenmann en 1900.
En 1929, Maurice Sourdille publie les premiers
succès de la fenestration du canal semi-circulaire externe (latéral),
intervention qui sera reprise, simplifiée et largement diffusée outre-Atlantique par Lempert et Shambaugh.
Il faut attendre 1952 pour que
l’intérêt se porte à nouveau directement sur l’étrier. Rosen réalise les
premières mobilisations et jette les bases de l’abord stapédien.
Le
procédé est repris en France par Clerc qui en étend les possibilités grâce
à un poinçonnage périplatinaire.
Fowler, en 1956, ayant remarqué la
fréquence d’un blocage antérieur, isole et mobilise la partie postérieure
de la platine (la base de l’étrier) par la méthode dite du « timbre-poste ».
En 1955, Rosen réalise l’ouverture transplatinaire et le rétablissement
de la transmission incudolabyrinthique.
L’intervention sera longtemps
désignée sous le terme de « Rosen deuxième manière ».
Dès lors, la technique s’affine et l’on en vient progressivement à discuter
les mérites de la stapédectomie totale, de la platinectomie partielle et de la platinotomie. Parallèlement, se discutent l’intérêt de l’interposition et
le choix de celle-ci, tandis que l’imagination des différents opérateurs
s’efforce de définir le mode de transmission le mieux adapté et le plus
fiable.
Ainsi, l’histoire encore récente de la chirurgie de l’otospongiose
est marquée par la multiplicité des procédés proposés.
Quelques noms
doivent cependant être cités parmi les pionniers : aux États-Unis : Rosen, Shambaugh, Schucknect, Shea, House, Armstrong ; en France :
Clerc, Guillon, Portmann, Causse, Martin, etc.
La liste n’est pas
limitative et n’est sans doute pas close, même si les résultats actuels
laissent peu d’espoir pour une remise en question fondamentale des
techniques.
Indications
:
L’indication opératoire doit tenir compte des trois facteurs indiqués
ci-après.
1- Nécessité d’opérer
:
La présence d’une surdité socialement gênante justifie l’intervention.
Cette surdité doit être supérieure à 30 décibels avec un Rinne suffisant.
De nombreux auteurs ont insisté sur les possibilités de récupération
souvent spectaculaires de l’audition pour des oreilles déjà fortement labyrinthisées.
L’existence d’un Lewis négatif est un bon
argument en faveur de l’intervention.
2- Possibilité d’opérer
:
Il est essentiel de tenir compte des contre-indications à l’anesthésie
pouvant créer un risque vital ou limiter les possibilités d’une chirurgie
exsangue.
Sur le plan auditif, il semble raisonnable de limiter les
indications chirurgicales aux patients ayant une conservation suffisante
de l’oreille interne.
Ces limites doivent être analysées en fonction de
l’atteinte uni- ou bilatérale et des possibilités éventuelles d’appareillage
complémentaire.
3- Autorisation d’opérer
:
Il n’est pas indiqué d’intervenir sur une oreille unique.
Les risques
opératoires doivent être précisés au patient.
Le recueil d’un
consentement éclairé est indispensable avant toute chirurgie de
l’otospongiose.
Bilan préopératoire et anesthésie
:
Le type d’anesthésie varie selon les auteurs.
Certains otologistes
utilisent le plus souvent une anesthésie locale isolée ou potentialisée ;
d’autres préfèrent l’anesthésie générale et font, dans beaucoup de cas,
appel aux techniques d’hypotension contrôlée pour diminuer le
saignement.
Le bilan préopératoire devra, dans tous les cas, être au
moins égal au bilan de toute intervention : électrocardiogramme (ECG),
radiographie pulmonaire, biologie et sera particulièrement poussé sur le
plan cardiovasculaire et rénal si une hypotension peropératoire doit être
envisagée.
Il devra cependant rester dans les limites légales de contrôle
des dépenses, s’il s’agit d’un sujet jeune et sans tare.
Le bilan de l’hémostase est indispensable, le temps de céphaline-kaolin
(TCK), le temps de Quick ou temps de prothrombine (TP), le temps de
saignement (TS) et la numération des plaquettes constituant les examens
de base à partir desquels une étude plus complète de la crase sanguine
pourrait être envisagée.
On retiendra que toute anomalie vérifiée du
bilan d’hémostase doit constituer une contre-indication, au moins
temporaire, à l’intervention.
A - Anesthésie locale pure
:
Le malade est confortablement installé en décubitus dorsal.
Sa tête est
tournée du côté opposé à l’opérateur, placée sur un support mobile
permettant les changements d’inclinaison de celle-ci en cours
d’intervention.
L’infiltration est effectuée essentiellement dans la partie postérosupérieure du méat acoustique externe, très lentement, jusqu’à
décollement de la partie correspondante de la peau du méat et poussée
jusqu’au sulcus.
Elle se poursuit au niveau des parois antérieure et
postérieure.
Deux à 5 cm3 de solution suffisent usuellement,
à condition de savoir en attendre la diffusion et l’effet.
Il existe des divergences quant aux solutions employées.
On utilise le
plus souvent une association de lidocaïne (Xylocaïne) à 1 ou 2%, et
d’épinéphrine (Adrénaline), à 1/100 000.
Certains préfèrent
remplacer celle-ci par l’ornipressine (POR8), insistant sur l’intérêt de
l’ischémie obtenue et sur la persistance de celle-ci pendant un temps
suffisant, à condition d’attendre au moins 10 minutes avant l’incision.
B - Anesthésie locale potentialisée
:
Utilisée systématiquement par certains auteurs et réservée pour d’autres
aux patients pusillanimes, elle procure au malade un confort pendant
l’intervention et au chirurgien un délai opératoire facilement allongé en
cas de nécessité.
Les techniques utilisées sont très anciennes,
initialement presque toujours représentées par l’association Diparcol-Dolosal. Ultérieurement, d’autres associations ont été proposées,
incluant une benzodiazépine (Narcozep, Valium), un neuroleptique
(dropéridol, halopéridol) et un analgésique central (phénopéridine).
L’association du midazolam (Hypnovel) et d’un morphinomimétique
(fuprénorphine, Temgésic) permet une anesthésie locale potentialisée
de qualité.
La nécessité de respecter une certaine vigilance du patient
est généralement admise par la plupart des auteurs, le risque d’agitation
incontrôlable pouvant paradoxalement survenir au-delà de celle-ci.
Cette éventualité a pu, dans certains cas exceptionnels, nécessiter le
recours à l’anesthésie générale décidée en cours d’intervention avec tous
les problèmes engendrés par ce type de situation.
C - Anesthésie générale et anesthésie générale
avec hypotension contrôlée :
L’intérêt de l’anesthésie générale, dans une intervention qui nécessite
un grand calme opératoire, est évident.
Cependant certains auteurs
reprochent à celle-ci d’augmenter le saignement peropératoire.
Ce
reproche peut être généralement écarté sous réserve :
– d’une anesthésie profonde pendant toute la durée de l’intervention,
excluant les réveils intempestifs toujours générateurs de saignement ;
– d’une association avec une infiltration systématique d’une solution adrénalinée (ou de POR8) ;
– et surtout par l’apport des techniques d’hypotension contrôlée faisant
appel le plus souvent aux anesthésiques volatils (halogénés) plus ou
moins associés aux neuroleptiques (Droleptan) et/ou aux hypotenseurs
(Trinitrine à la seringue, par exemple) ; l’hypotension sera favorisée
par la position en proclive, associée à une hyperventilation modérée.
La surveillance peropératoire doit être stricte :
– surveillance automatique de la pression artérielle (Dynamap) ;
– oxymétrie et pouls ;
– utilisation du capnographe et de l’électroscope.
Rappelons que les maladies cardiovasculaires, et en particulier
l’insuffisance coronarienne ou vasculaire cérébrale, constituent une
contre-indication à l’hypotension contrôlée dont la légitimité et surtout
l’importance doivent être appréciées en fonction de l’âge du patient.
Technique opératoire
:
Voie d’abord
:
1- Incision
:
Plusieurs types d’incision ont été décrits.
* Voie du méat ou voie transméatale
:
L’incision est effectuée à travers un spéculum classique (le plus gros
possible) à l’aide d’un bistouri coudé de Rosen ou d’un bistouri de
Beaver.
Certains utilisent un spéculum autostatique dont il existe de multiples modèles.
L’incision cutanée sera franche, allant d’emblée
jusqu’au conduit osseux et comporte trois branches :
– une branche circulaire de 6 h à 12 h, située à 8 mm du sulcus ;
– deux contre-incisions, l’une à 6 h, l’autre à 12 h, allant de la branche
circulaire jusqu’au sulcus.
Le décollement se fait sur toute la longueur du lambeau qui doit être
soigneusement respecté.
Les avantages de cette voie sont d’être bien
adaptée aux techniques d’anesthésie locale, d’être peu hémorragique et
de ne laisser aucune cicatrice visible.
L’inconvénient essentiel est le
caractère limité de cette voie d’abord, limitant l’usage conjoint de
l’aspiration et des instruments.
Si le méat acoustique externe est étroit,
des difficultés opératoires peuvent survenir lors d’une complication
opératoire inopinée ou de la présence d’une anomalie anatomique.
* Voie endaurale a minima ou voie de Shambaugh
:
Elle comprend deux temps :
– un temps extraméatique interhélicotragien à travers le spéculum
bivalve.
L’incision devra être d’emblée franche jusqu’à l’os et limitée
en haut par le bord du muscle temporal qu’il ne faut pas inciser ;
– un temps intraméatique par une incision circulaire à 8 mm du sulcus,
à partir de l’extrémité inférieure de l’incision verticale.
Les avantages de cette voie sont importants.
L’exposition du champ
opératoire est plus large.
Il est possible d’étendre la voie d’abord en
particulier vers l’avant en cas d’épine tympanale antérieure saillante.
Elle laisse libres les deux mains de l’opérateur.
Les inconvénients sont
l’allongement du temps opératoire, la nécessité du contrôle rigoureux
de l’hémostase et une moins bonne adaptation à l’anesthésie locale.
* Incidents possibles en rapport avec ce temps opératoire
:
Une déchirure du lambeau méatal, souvent située dans la partie
inférieure du méat acoustique externe où la peau est fine et fragile, doit
être prévenue par une incision franche d’emblée et un décollement
atraumatique.
Lorsqu’elle se produit, les lambeaux doivent être réappliqués soigneusement en fin d’intervention.
Un lambeau trop court, par incision trop profondément située, peut poser
problème en cas de résection osseuse importante qui devra alors être
reconstruite, au moins partiellement, en fin d’intervention.
L’existence d’un lambeau tympanoméatal trop long ou trop épais peut
justifier une résection d’un fragment de peau, en règle triangulaire, à la
partie supérieure de l’incision méatique.
* Cas particulier
:
L’étroitesse du méat acoustique externe, qu’elle soit congénitale ou
acquise (exostose), peut rendre l’abord de la caisse du tympan
particulièrement difficile avec un risque spécial pour le plan cutané.
Dans les cas extrêmes, elle peut conduire à récuser l’intervention ou à
différer celle-ci après un traitement premier d’élargissement du méat.
Dans la majorité des cas, l’intervention pourra être réalisée au prix d’un
alésage suffisant, sous réserve de ne pas avoir traumatisé gravement le
lambeau tympanoméatal.
2- Ouverture de la caisse
:
* Technique opératoire
:
– Le lambeau tympanoméatal étant rabattu, on désinsère l’annulus du
sulcus, sur toute la longueur du décollement.
La partie postérosupérieure
de la membrane tympanique est écartée prudemment vers l’avant et vers
le bas, en prenant bien soin d’éviter toute déchirure.
Ce temps bénéficie
de l’aide d’un grossissement plus important (X 10 par exemple).
– La corde du tympan est généralement facilement écartée à son tour.
Dans certains cas, son repérage et surtout sa libération peuvent être
difficiles.
Sa mobilisation sera mieux réalisée à partir de la portion
antérieure de celle-ci en la dégageant progressivement d’avant en
arrière.
Il peut être nécessaire de la dégager progressivement de son
canal osseux pour obtenir une libération suffisante.
– Une encoche osseuse dite encoche de Rosen est alors effectuée, à la
partie postérosupérieure du mur de la logette, entre le point d’émergence
de la corde du tympan en bas et la naissance du ligament
tympanomalléaire postérieur en avant.
Elle doit être suffisante pour
permettre une bonne visualisation de la fosse ovale (la fossette de la
fenêtre du vestibule dans la nouvelle nomenclature anatomique).
En
pratique, la totalité du tendon de l’étrier et le bord inférieur de la
proéminence du canal facial doivent être visibles, ce qui est facilité par
l’inclinaison du sujet vers l’opérateur et la déflexion de la tête de l’opéré.
Cette encoche peut être réalisée à la gouge, à la curette ou à la
fraise, selon l’habitude de l’opérateur.
– La mobilité de la chaîne est alors testée à l’aide d’une pointe,
permettant d’éliminer une ankylose incudomalléolaire, de confirmer la
fixité de la platine (la base de l’étrier) et d’en préciser le type.
La
classification de Portmann regroupe cinq stades :
– type I : la platine (la base de l’étrier) est bloquée mais d’apparence
normale (20 %) ;
– type II : il existe une lésion d’un pôle de la platine ; le plus souvent,
du pôle antérieur (50 %) ;
– type III : il existe un envahissement important mais non complet
de la platine (20 %) ;
– type IV : la platine (la base de l’étrier) est totalement envahie ;
– type V : la fosse ovale (la fossette de la fenêtre du vestibule) est
totalement oblitérée.
* Incidents possibles au cours de ce temps opératoire
:
+ Déchirure de la membrane du tympan
:
La vérification de l’intégrité de la membrane du tympan lors de
l’ouverture de la caisse doit éviter leurs extensions.
Elles peuvent
nécessiter une myringoplastie réalisée en fin d’intervention, la greffe
étant alors toujours placée à la face profonde du tympan et de l’annulus.
+ Section ou étirement de la corde du tympan
:
On considère généralement que la section franche de la corde est
préférable à l’étirement.
Les conséquences du traumatisme sont
représentées par l’apparition d’une dysgueusie en règle transitoire, mais
relativement fréquente dans ce type de chirurgie (20 % des cas).
En cas
de section franche, certains auteurs préconisent la mise bout à bout des
deux fragments sectionnés.
En fait, il n’existe généralement de troubles
qu’en cas de section bilatérale, d’où la nécessité de préciser dans le
compte rendu opératoire, les accidents survenus sur le premier côté.
Ce
type de complication doit être signalé avant l’intervention chez les
professionnels du goût.
+ Incidents au cours de la réalisation de l’encoche de Rosen
:
Une blessure du lambeau tympanoméatal est essentiellement l’apanage
de l’image de la fraise, qui doit être précis.
Le lambeau tympanoméatal
doit particulièrement être protégé chez les patients ayant un méat
acoustique externe étroit.
Il convient d’utiliser une fraise de calibre
parfaitement adapté.
Les lésions ossiculaires sont surtout une luxation des osselets, voire une
fracture de la branche descendante (la branche longue) de l’enclume
(l’incus) et des branches de l’étrier (le stapes).
Ces lésions peuvent être
évitées par l’usage de la curette de House, dans la logique d’un
mouvement allant de la profondeur vers la superficie.
Enfin, une encoche trop importante ou à angle de raccordement trop aigu
avec le cadre tympanal peut nécessiter une reconstruction, par fragment
d’os ou de cartilage en fin d’intervention.
3-
Section du tendon de l’étrier et désarticulation
incudostapédienne :
Il paraît important de réaliser préalablement à toute tentative
d’extraction de fragment platinaire, un trou dit de « sécurité » permettant
potentiellement d’éviter un effet de mobilisation brutale de la
périlymphe et surtout d’effectuer un rattrapage en cas de « platine
flottante ».
Le trou est réalisé à la pointe, à l’aide d’une microtréphine ou de fraises diamantées de petit diamètre.
Il peut être
réalisé au laser.
La section du tendon du muscle de l’étrier est effectuée le plus souvent
à l’aide des ciseaux droits de Zollner, parfois par discision au
crochet, voire par section au laser.
Certains auteurs recommandent la
conservation du tendon, ce qui implique le respect de la tête de l’étrier
ou même de sa branche postérieure.
L’intérêt espéré de cette
conservation est de respecter le contingent vasculaire apporté par le
muscle de l’étrier (le muscle stapédien).
L’idée d’une protection vis-à-vis
des traumatismes acoustiques à partir de cette conservation paraît
peu compatible avec les conditions nouvelles de transmission
incudovestibulaire par un axe unique créé par l’intervention.
La désarticulation incudostapédienne est réalisée au crochet.
Ce crochet
doit être fin, mais suffisamment long pour permettre une désarticulation
complète.
Dans le cadre du respect de la tête de l’étrier, certains
auteurs préfèrent une section des deux branches de l’étrier aux ciseaux
recourbés.
La plupart fracturent les branches de l’étrier par un
mouvement de bascule ou de rotation à l’aide d’un microcrochet.
Le laser peut être utilisé pour réaliser ce geste.
Dans tous
les cas, il faut absolument éviter toute mobilisation ou accrochage
intempestif de la branche descendante de l’enclume, du fait du risque de subluxation incudomalléaire.
4- Attitude vis-à-vis de la platine (base du stapes)
:
Elle représente, en fait, la divergence essentielle de cette intervention
dans la littérature. Historiquement, en dehors de la mobilisation simple,
la platinectomie partielle ou totale a précédé l’introduction de la
platinotomie.
N’est abordée ici que la technique proprement dite du
geste chirurgical et de sa réalisation.
* Platinectomie
:
Elle sera totale ou partielle.
Dans le premier cas, elle nécessite toujours
une interposition.
Dans le second cas, la nécessité de l’interposition
dépend de l’importance du sacrifice platinaire.
+ Platinectomie totale
:
– Le démucopériostage est systématique pour certains.
Le mucopérioste sera alors incisé à la pointe ou au microcrochet autour du
ligament annulaire et récliné sur 1 mm.
D’autres préfèrent conserver le mucopérioste, considéré comme une protection contre la chute de débris
platinaires dans le labyrinthe.
– La platinectomie proprement dite est effectuée au microcrochet à
partir du trou de sécurité déjà réalisé.
Des microcrochets extrêmement
fins doivent être utilisés pour éviter tout traumatisme sacculaire.
Elle
doit être conduite avec douceur et précision.
Dans certains cas, la partie
postérieure, puis la partie antérieure de la platine (la base du stapes) sont
enlevées en bloc.
Dans d’autres cas, la platine fracturée en
« étoile » doit être patiemment enlevée par fragments rabattus sur les
bords de la fosse ovale (la fenêtre du vestibule), détachés, puis aspirés
avec prudence.
– Un point important doit toujours être gardé à l’esprit : l’hémostase
doit être parfaite avant toute ouverture du labyrinthe.
La greffe doit être
disponible et préparée.
Le choix de la greffe dépend des opérateurs.
Beaucoup sont restés fidèles à la veine, généralement prélevée sur le dos
de la main, dès le début de l’intervention (ou par un aide au cours de
celle-ci), enfilée sur une pointe ou mieux sur un porte-veine, sectionnée
sur la longueur, après avoir été débarrassée de tout fragment graisseux,
et étalée sur une lame de verre, prête à l’emploi.
L’endoveine doit être
placée vers la caisse.
D’autres utilisent un fragment d’aponévrose du
muscle temporal ou du muscle auriculaire antérieur, ou dans certains cas,
la lame porte-vaisseau qui recouvre celle-ci, intéressante par sa finesse,
ou encore un fragment périchondral.
L’aponévrose, parfaitement
affinée, peut alors être séchée, facilement découpée et manipulée lors de
sa mise en place.
Aucune aspiration ne doit être effectuée au niveau du
labyrinthe.
Il faut utiliser des microaspirateurs et se limiter à une
aspiration au-delà des berges de la fenêtre ovale (la fenêtre du vestibule).
Il est préférable de ne réaliser qu’une platinectomie
presque totale en cas de difficulté pour extraire, en
particulier, la partie antérieure de la platine qui est alors
laissée en place.
– La mise en place de la greffe doit être effectuée après
l’avoir taillée afin d’obtenir un recouvrement parfait de la fenêtre ovale
(la fenêtre du vestibule) et déborder celle-ci sans excès.
Une greffe trop
petite risque de se déplacer lors de la pose de la prothèse.
Une greffe trop
grande forme des plis.
Dans les deux cas, le risque de fuite de périlymphe
est important.
S’il s’agit
d’une greffe séchée et rigide, elle sera appliquée directement
sur la fenêtre ovale (la fenêtre du vestibule) à l’aide d’une
pointe.
S’il s’agit
d’une veine, elle est, le plus souvent, mise en place, repliée
autour d’un instrument mousse et étalée avec une pointe.
+ Platinectomie partielle
:
Elle emporte généralement la moitié postérieure de la platine (la base du stapes).
Elle doit bénéficier des mêmes précautions que la platinectomie
totale.
Une interposition est en général nécessaire.
Cependant, elle peut
être évitée lorsque l’orifice se rapproche d’une platinotomie.
Un
« colmatage » peut être réalisé par un caillot sanguin ou un fragment de
graisse.
* Platinotomie
:
Il faut entendre sous ce terme la création d’un orifice calibré au niveau
de la platine et parfaitement adapté au diamètre du piston. Le
diamètre de la platinotomie varie habituellement de 0,3 à 0,8 mm.
La
plupart des opérateurs préfèrent actuellement une platinotomie de
0,4 mm. Shea a utilisé puis abandonné un piston Téflon de
0,3 mm de diamètre, en raison du mauvais résultat constaté sur la
transmission des basses fréquences.
Là encore, l’orifice peut être réalisé
à la tréphine à main, à la microfraise, au laser.
Il
sera généralement central, mais doit être adapté à la direction de
l’apophyse (du processus) lenticulaire de l’enclume, permettant une
parfaite adéquation du piston, évitant toute nécessité de colmatage.
Causse préconise une platinotomie avec interposition.
L’orifice de
0,8 mm de diamètre peut être réalisé au laser par la technique dite du
« timbre-poste ».
L’interposition est un greffon veineux de 5 mm2
environ et le piston choisi a un diamètre de 0,4 mm.
Les avantages de la platinectomie totale ou partielle et de la platinotomie
sont souvent défendus avec vigueur par les tenants de chaque technique.
Sans entrer dans ce débat, il convient de remarquer que seule une platinotomie peut être réalisée en cas de platine très hypertrophique.
A
contrario, certaines platines fines qui se fracturent en « étoile » lors de la
réalisation du trou de sécurité font en règle préférer une platinectomie
avec interposition.
* Incidents lors du geste platinaire
:
+ Platine flottante
:
Elle peut survenir quelle que soit la technique utilisée.
Elle correspond à
une désinsertion brutale du ligament annulaire pouvant aboutir à
l’enfoncement de l’ensemble de la platine (la base du stapes) et à son
intrusion dans le labyrinthe.
Ceci peut être évité par la création d’un trou
de sécurité préalable à toute manoeuvre sur l’étrier.
Il permet
généralement la récupération de la platine à l’aide d’un crochet introduit
dans l’orifice.
En son absence ou en cas d’impossibilité de rattraper la
platine, notamment lorsque la fenêtre ovale (fenêtre du vestibule) est
trop étroite, il peut être nécessaire de fraiser à la fraise diamantée le bord
inférieur de la fosse ovale (la fossette de la fenêtre du vestibule), du côté
du promontoire, pour pouvoir glisser un crochet.
Dans certains cas, il
peut être préférable d’abandonner l’idée de récupérer la platine plutôt
que de multiplier les manoeuvres dangereuses pour le labyrinthe.
+ Chute de fragments platinaires
:
Elle est l’apanage de la platinectomie.
La conservation du mucopérioste
en préviendrait le risque.
Lorsqu’elle se produit, il convient d’éviter
toute aspiration intempestive dans le labyrinthe, même si dans quelques
cas on a pu « rattraper » électivement un fragment par microaspiration.
Pour la plupart des auteurs, la prudence consiste probablement à abandonner le fragment, l’expérience ayant montré que cet incident
n’entraîne généralement pas de conséquence grave.
Certains utilisent
l’artifice du « caillot de sang » censé emprisonner le fragment platinaire
et permettre sa récupération.
+ Issue de liquide labyrinthique sous pression
:
Elle se produit lors de l’ouverture de la platine : c’est le classique
« geyser ».
Elle pourrait être redoutée devant un aspect avasculaire
« presque aplasique de la caisse ».
Pour certains auteurs, la platine
doit alors être amenuisée à la fraise diamantée et le piston de 4/10 mm
introduit « en force » après interposition veineuse.
Pour la plupart des auteurs, elle apparaît comme un accident inopiné
dont les conséquences sont graves, tant en ce qui concerne le
déroulement et le pronostic de l’intervention, que par le risque de la
poursuite de l’écoulement de liquide céphalorachidien et l’infection
méningée qui peut en résulter.
Il convient d’aveugler la brèche le mieux
possible, ce qui est généralement tenté par interposition veineuse ou
aponévrotique.
La mise en place du piston constitue, dans les meilleurs
cas, un élément important du blocage de celle-ci, à condition toutefois
que l’orifice ne soit pas trop grand.
Il faut donc éviter de réaliser une platinectomie totale dont l’occlusion apparaît bien difficile.
Tous les
artifices per- et postopératoires tendant à diminuer la pression de liquide
céphalorachidien doivent être utilisés (position haute de la tête,
perfusion de soluté hypertonique, etc).
+ Inondation brutale de sang
:
Elle peut être grave car elle risque d’entraîner une aspiration
intempestive au niveau du labyrinthe.
Pour cette raison, l’hémostase doit
être parfaite lors des temps précédant l’ouverture de celui-ci.
Dans
quelques cas exceptionnels, la poursuite du saignement peut et doit
amener à l’arrêt de l’intervention qui pourra être reprise ultérieurement.
L’hémorragie peut être la conséquence d’une reprise brutale du
saignement au niveau des incisions (voie endaurale), parfois secondaire
à un déplacement de l’écarteur qui assurait une hémostase non contrôlée
ou à un réveil brutal.
Plus fréquemment, le saignement est périplatinaire,
à partir du mucopérioste, raison pour laquelle certains auteurs insistent
sur l’intérêt d’un démucopériostage soigneux, préalable à toute
ouverture, voire sur l’intérêt de coagulation très prudente autour de la
platine.
Il convient surtout de retenir que cet accident doit d’abord être prévenu
et qu’il est certainement préférable de laisser un peu de sang au niveau
du labyrinthe que d’ajouter à sa présence un traumatisme par aspiration.
Le risque d’inondation labyrinthique est, pour certains, un argument
important en faveur de la platinotomie.
+ Aspiration à l’intérieur du labyrinthe
:
Normalement, le liquide labyrinthique se reproduit rapidement et une
très légère aspiration accidentelle est sans conséquence.
Dans quelques
cas cependant, soit que l’aspiration ait été plus importante, soit que le
renouvellement de liquide soit plus lent, on peut avoir la surprise de
constater l’existence d’un labyrinthe « sec ».
Toujours secondaire à une
manoeuvre d’aspiration, c’est un accident grave, dans la mesure où il
favorise la pénétration de sang et la formation d’un caillot à l’intérieur
du labyrinthe.
Il convient de recouvrir immédiatement la fenêtre ovale
(la fenêtre vestibulaire) avec la greffe, prévue et disponible sur l’instant,
ou tout au moins de placer un fragment de Pangent de protection sur les
bords de la fenêtre ovale en attendant la mise en place de la greffe.
Legent recommande de remplir immédiatement le labyrinthe avec du
sérum.
+ Blessures du nerf facial
:
Elles sont exceptionnelles et généralement en rapport avec une
déhiscence du nerf facial au niveau de la seconde portion.
Celui-ci peut
faire hernie au-dessus de la fenêtre ovale (la fenêtre vestibulaire) et
constituer un obstacle quasi insurmontable à toute manoeuvre sur la
platine.
Le traumatisme facial peut être la conséquence d’une
maladresse dans l’usage d’une pointe ou d’un crochet.
Dans ce cas, la
paralysie est transitoire (oedème ou hémorragie dans la gaine).
L’usage
de la fraise peut, dans ces circonstances, avoir des conséquences plus
redoutables.
Les accidents graves survenant lors de l’ouverture de la
caisse par échappée de gouge ou de fraise sont exceptionnels.
Leur
prévention réside en l’expérience et la maîtrise de l’opérateur, mais aussi
en la prudence nécessaire dans tous les gestes de cette chirurgie.
+ Cas particuliers
:
Certaines dispositions anatomiques constituent de véritables cas
particuliers, rares ou exceptionnels, à l’origine de difficultés opératoires
qui ne peuvent être classées dans les complications.
Il existe parfois d’importantes difficultés d’exposition de la fenêtre
ovale.
Elles sont en rapport avec un canal facial très procident ; l’étrier
est alors « couché » sur le promontoire.
Cette difficulté n’apparaît
insurmontable qu’après avoir utilisé tous les artifices d’exposition
(hyperextension maximale de la tête du sujet, obliquité du microscope,
etc).
Si le nerf facial est déhiscent, il peut être récliné avec prudence.
Mais la
position du piston risque d’être mauvaise.
On préférera alors en règle un
piston fil d’acier Téflon, voire un piston en cupule.
Exceptionnellement, cette disposition peut faire renoncer à la poursuite
de l’intervention, certainement préférable à un montage de mauvaise
qualité et surtout à une absence de contrôle des risques platinaires.
L’étroitesse de la fosse ovale (fossette de la fenêtre du vestibule) est soit
congénitale, soit plus probablement consécutive à l’envahissement de
l’ensemble de la fosse ovale par le processus otospongieux (type V de
Portman).
Dans certains cas, il peut être difficile de préciser avec
certitude l’aire platinaire, seulement indiquée par la position des
branches de l’étrier.
Ceci rejoint le problème des platines épaisses,
véritable blocs otospongieux, qui doivent conduire à la platinotomie de
principe et à l’utilisation de prothèses adaptées.
L’extension de la maladie otospongieuse à la fenêtre ronde (fenêtre
tympanique) est rare.
Elle surviendrait dans 1 % des cas.
Elle peut être
suspectée devant une surdité de transmission profonde ou une surdité
mixte d’apparition précoce.
Il peut résulter une amélioration de
l’audition après stapédectomie à l’exclusion de toute action sur la fenêtre
ronde (fenêtre tympanique).
5- Rétablissement de l’effet columellaire
:
De nombreuses techniques ont été proposées : certaines utilisent la
branche postérieure conservée de l’étrier qui est basculée vers l’avant.
La plupart font appel à une prothèse, variable dans son principe, sa forme
et le matériau utilisé.
* Effet columellaire avec la branche postérieure de l’étrier
:
Cette technique n’est plus guère utilisée.
On sectionne la branche
antérieure en son milieu, puis la branche postérieure au ras de la platine.
Après interposition, la branche postérieure est basculée vers l’avant de
telle sorte qu’elle est en contact avec le centre de la fenêtre ovale (fenêtre
vestibulaire).
* Effet columellaire par prothèse
:
+ Tubes :
Il s’agit le plus souvent de tube en polyéthylène, préparé
extemporanément après avoir déterminé la longueur adéquate entre la
base de l’apophyse lenticulaire de l’enclume et le plan de la fenêtre
ovale.
L’extrémité supérieure du tube est fendue pour permettre son
adaptation à l’apophyse lenticulaire.
L’extrémité inférieure est taillée en
biseau émoussé.
Cette technique préconisée initialement par Shea
implique une platinectomie avec interposition.
Elle n’est plus guère
utilisée mais pourrait constituer une solution de secours.
On lui reproche
son manque de stabilité pouvant aboutir à des déplacements ultérieurs.
+ Fils :
Schuknecht proposa l’utilisation d’un fil d’acier dont la boucle
supérieure s’adapte à la branche descendante de l’enclume et permet un
sertissage solide mais considéré par certains comme facteur d’ischémie
secondaire.
Un fragment de graisse est placé dans la boucle inférieure et
sert à colmater la fenêtre.
Portmann a décrit la confection extemporanée
de ce fil avec interposition veineuse.
+ Pistons
:
Il existe de nombreuses formes et, pour chaque forme, les pistons
peuvent varier par leur longueur, modifiable ou non selon le matériau
dans lequel ils sont réalisés et surtout leur diamètre.
Piston en
Téflon :
Souvent désigné sous le terme de piston simple, il est disponible entre
0,4 et 0,8 mm de diamètre et une longueur de 3,5 à 6 mm.
La longueur correcte peut être déterminée à l’aide d’un mesureur dont il existe
plusieurs modèles.
D’autres préfèrent une longueur standardisée, en
règle 4,5 mm pour une interposition, ou 5 mm pour une platinotomie
calibrée.
La mise en place s’effectue en plusieurs temps.
Le piston peut être
« descendu » dans la caisse à l’extrémité de l’aspirateur et relâché
facilement si l’on dispose d’un aspirateur modulable.
L’extrémité
inférieure est alors positionnée dans la fenêtre ovale (la fenêtre du
vestibule) le plus souvent en son centre ou plus près de son bord
postérieur.
L’anneau d’abord appuyé sur la branche descendante de
l’enclume est « enclenché » sur celle-ci par une rotation de 45°.
Il aura
été préalablement légèrement ouvert afin de faciliter sa mise en place atraumatique.
L’élasticité du
Téflon nécessite exceptionnellement de
le refermer.
En cas de platinotomie, la manoeuvre est la même, mais
l’extrémité du piston est initialement placée dans l’orifice.
Piston « cup »
:
L’intérêt du piston cup tient à ce qu’il réunit, en théorie, les avantages
du piston (par son arc de suspension) et du tube par la cupule adaptée au
processus lenticulaire.
La mise en place implique la prise en compte de
ces deux aspects.
Le piston standard mesure 4,5 mm de longueur pour
un diamètre de 0,8 mm.
La longueur peut être réduite à 4 mm, réduction
le plus souvent justifiée par un « essayage » initial tel que, l’extrémité du
piston étant en place, le bord supérieur de la cupule soit exactement au
niveau du bord inférieur de la branche descendante de l’enclume.
L’anneau est légèrement ouvert.
L’extrémité du piston est posée sur la
greffe et légèrement enfoncée à l’aide d’une pointe appuyée sur le bord
de la cupule, de telle sorte que celle-ci se glisse sous l’apophyse
lenticulaire.
Comme pour la mise en place d’un piston simple, on fait
subir à la boucle un quart de tour pour l’accrocher sur la branche
descendante assurant ainsi la fixation du montage.
Autres pistons
:
De nombreux pistons ont été décrits. Leur mise en place est basée sur le
même principe.
* Difficultés et incidents
:
+ Difficultés
:
Les difficultés tiennent à certaines dispositions anatomiques.
La principale difficulté survient en l’absence d’apophyse lenticulaire de
l’enclume ou exceptionnellement le traumatisme de celle-ci lors de la
désarticulation incudostapédienne.
L’usage d’un piston cup est
évidemment inadapté.
Un piston simple peut être placé mais le risque
d’exclusion est plus important.
On cherchera à l’éviter en plaçant la
boucle de celui-ci à distance de l’extrémité de la branche descendante.
Ce peut être une bonne indication de l’utilisation d’un fil de Schuknecht
ou même d’un tube.
En cas d’absence de branche descendante de
l’enclume, secondaire à une lyse ou une fracture accidentelle, il devient
alors nécessaire d’utiliser un piston malleus.
L’excès de longueur de la branche descendante correspond souvent à un
étrier couché et à un canal facial procident.
Le problème peut être
généralement réglé par l’usage d’un piston simple, voire d’un fil
légèrement recourbé.
+ Incidents proprement dits
:
La chute de la prothèse dans l’hypotympanum est sans gravité : la
prothèse sera généralement abandonnée.
En cas de luxation de l’enclume minime, l’usage de prothèse incudostapédienne est le plus souvent possible.
Si la luxation est
majeure, elle implique le recours au piston malleus, voire à une prothèse
directe entre fenêtre et membrane du tympan.
* Vérification du montage
:
Elle est préconisée par beaucoup d’auteurs et consiste à observer la
continuité du mouvement et de la transmission, à partir de pressions
légères sur le manche du marteau (du malleus).
Certains considèrent que
ce geste peut être dangereux pour l’oreille interne et constituer un
traumatisme mécanique préjudiciable.
6- Fermeture et pansement
:
La fermeture s’effectue simplement par remise en place du lambeau tympanoméatal.
Une reconstruction du cadre osseux peut
exceptionnellement être nécessaire.
On vérifiera l’absence de plaie de la
membrane du tympan.
Le pansement est effectué par calibrage du
conduit (Pangent, mèche, pop-oto-wick) imbibé d’eau stérile.
7- Soins postopératoires
:
La plupart du temps, la chirurgie de l’otospongiose est pratiquée en
hospitalisation conventionnelle.
Certains auteurs pratiquent cette
chirurgie en hôpital de jour.
Le patient quitte l’hôpital le soir de
l’intervention pour regagner son domicile si celui-ci est proche, ou un
hôtel voisin de la structure hospitalière si le domicile est éloigné.
Dans
une série de 370 patients otospongieux opérés par stapédectomie totale
ou partielle, 98,4 % des patients quittent l’hôpital sans trouble au
premier jour postopératoire.
Beaucoup d’opérateurs prescrivent une antibiothérapie (amoxicilline,
amoxicilline-acide clavulanique) durant 8 jours, arguant du risque
médicolégal en cas d’infection.
Une conférence de consensus récente
devrait autoriser à s’en dispenser dès lors qu’il est reconnu qu’il s’agit
d’une chirurgie de type propre (Classe I de Daltemeier).
Les antivertigineux et les antiémétiques sont utilisés à la demande.
Certains enfin prescrivent systématiquement des corticoïdes ou des
solutés hypertoniques.
Les insufflations tubaires prônées par certains
dans les 10 premiers jours après l’intervention sont considérées par
d’autres comme un risque pour le labyrinthe.
Le soir même de l’intervention, un bilan acoumétrique vérifie la bonne
latéralisation auditive (Weber).
Dès le lendemain, un audiogramme en
conduction osseuse peut être réalisé.
Il permet le dépistage rapide d’un
dysfonctionnement cochléaire.
Complications postopératoires
:
Complications précoces
:
1- Vertiges
:
Ils peuvent être rencontrés en période postopératoire immédiate et le
patient doit en être averti avant l’intervention.
Ils sont calmés par des
traitements antivertigineux prescrits à la demande.
Leur importance, associée à des troubles de l’équilibre qui perdurent,
doit faire envisager, lors de l’inefficacité des traitements antivertigineux
et des solutés hypertoniques, une reprise chirurgicale avec ablation de la
prothèse.
Dans ces cas, la trop grande longueur du piston ou une
fuite de périlymphe peuvent être mises en cause.
2- Infections
:
Les labyrinthites postopératoires sont rares et doivent être prévenues par
une asepsie peropératoire rigoureuse.
Certains cas se sont compliqués
de méningites otogènes.
L’antibiothérapie systématique préconisée par
beaucoup était sensée les prévenir.
La justification d’un tel traitement
est discutable.
3- Acouphènes
:
Le plus souvent, ce sont des acouphènes préopératoires qui persistent.
Le patient aura été averti de l’efficacité variable de cette chirurgie sur ce
symptôme.
Avec un recul de 15 ans, 70 % des acouphènes
préopératoires auraient disparu tandis que dans 7 % des cas, un
acouphène postopératoire serait apparu.
L’aggravation ou
l’apparition d’un acouphène devra faire rechercher une surdité
postopératoire.
4- Surdités postopératoires
:
Elles sont au mieux dépistées par l’audiogramme postopératoire précoce
en conduction osseuse. Divers types d’altérations ont été décrits :
– une altération des hautes fréquences traduit en règle une souffrance endocochléaire ; la conduite à tenir est proche de celle d’une surdité
brusque ;
– une altération des basses fréquences traduit en règle un
dysfonctionnement tubaire secondaire à une inflammation de la caisse
du tympan ; la rétraction tympanique peut entraîner une protrusion de la
prothèse dans la cochlée ; de prudentes insufflations tubaires, associées
à une corticothérapie par voie générale peuvent être préconisées ;
– une chute sur toutes les fréquences est le plus souvent le fruit d’un
traumatisme chirurgical ; là encore, l’attitude thérapeutique se
rapproche de celle d’une surdité brusque.
5- Paralysie faciale postopératoire
:
Une paralysie faciale périphérique peut apparaître immédiatement ou
plus tardivement (j4-j55) et de bon pronostic.
6- Complications tardives
:
L’analyse des articles traitant des reprises opératoires tardives permet
d’apprécier les étiologies de ces complications.
Derlacki et Sheehy et al ont publié l’analyse de 295 et de 269 cas,
soit un total de 564 cas.
Le déplacement de la prothèse est la plus fréquente cause d’échec et de
reprise chirurgicale.
Le déplacement se fait le plus souvent vers le
bord postéro-inférieur de la fenêtre ovale.
La boucle de House
semble être le plus souvent incriminée dans cette complication.
La
lyse de la branche descendante de l’enclume peut être la conséquence
d’un piston trop serré. Elle apparaît plus fréquente avec un tube de
polyéthylène (72 %) qu’avec une boucle de House (23 %).
Les fistules périlymphatiques postopératoires sont symptomatiques
(vertiges, cophose) dans plus de la moitié des cas et la fermeture de la
fenêtre a été réalisée le plus souvent avec du Pangent.
La refixation de la platine est toujours secondaire à une simple
mobilisation de l’étrier.
Chirurgie de l’otospongiose avec emploi
des techniques laser
:
L’utilisation du laser dans la chirurgie de l’otospongiose a commencé à
se développer au début des années 1980.
Le laser représente un moyen
technique et ne remet pas en question le principe des interventions, en
particulier en ce qui concerne le choix des pistons, voire même l’étendue
de l’ouverture platinaire, bien qu’il soit surtout adapté à la platinotomie
calibrée.
Plusieurs problèmes doivent être envisagés.
A - Choix du laser
:
Le choix théorique s’effectue entre trois types de laser.
1- Laser argon
:
Il est caractérisé par plusieurs points :
– sa longueur d’onde est de 488 à 514 nm ;
– c’est un rayon visible, ce qui assure une grande précision ;
– il est conductible par fibre optique ;
– en théorie, il a une pénétration profonde (ce qui peut générer un
risque) et surtout une perte d’énergie importante sur tissu non ou peu
coloré, comme l’os, ou le tendon de l’étrier ;
– surtout, l’usage en oto-rhino-laryngologie (ORL) est à peu près limité
à cette indication, ce qui implique un investissement lourd et peu justifié.
2- Laser KTP
:
Il est caractérisé par plusieurs points :
– sa longueur d’onde est de 532 nm ;
– c’est un rayon visible comme le laser argon ;
– il est conductible par fibre optique ;
– il a le même risque potentiel de pénétration profonde que le laser
argon, puisque le rayon n’est pas arrêté par les liquides incolores.
Là
encore, une bonne absorption nécessite au contraire une coloration des
tissus, d’où perte d’énergie sur condition stapédienne.
3- Laser CO2
:
Il est caractérisé par plusieurs points :
– sa longueur d’onde est de 10 600 nm ;
– c’est un rayon invisible qui doit être doublé par l’utilisation d’un laser
de visée hélium néon de couleur rouge, ce qui peut entraîner une légère
imprécision dans l’impact.
Cet inconvénient semble actuellement
pouvoir être corrigé par l’usage de micromanipulateur adapté ;
– le rayon ne peut être transmis par fibre optique ;
– les avantages sont représentés par la sécurité d’emploi : le rayon est
arrêté par les liquides incolores, et ne peut donc pénétrer dans l’oreille
interne après ouverture (sauf aspiration de liquide intempestive qui
représente ici un risque vraiment théorique).
De toute façon, la longueur
d’onde élevée diminue le pouvoir de pénétration ;
– surtout, c’est le laser le plus répandu en ORL et son usage peut donc
facilement être envisagé.
B - Technique et utilisation des lasers
:
Le laser est adapté à quelques temps précis de l’intervention.
La
puissance utilisée est variable, en règle 1,5W, et les impacts sont brefs
(de 0,1 s).
1- Section du tendon du muscle de l’étrier
:
Elle est facilitée par l’absence d’interposition instrumentale, sous
réserve d’une bonne exposition directe.
Elle est non hémorragique.
Il n’y
pas de risque vis-à-vis de la branche postérieure de l’étrier.
2- Trou de sécurité
:
L’usage du laser pour réaliser un trou de sécurité est particulièrement
confortable, évitant tout risque d’éclatement de la platine.
Il peut aussi
constituer un réel avantage dans le cas de « geyser », par définition limité
et facilement contrôlé du fait de la taille minime initiale du « trou ».
3- Section des branches de l’étrier
:
La branche postérieure de l’étrier est généralement très accessible à la
section par laser, dans les meilleures conditions de sécurité.
Il n’en est
pas de même de la branche antérieure, il est vrai généralement plus fine,
mais moins directement exposée, qui doit être rompue le plus souvent à
l’aide d’un crochet.
4- Platinotomie, platinectomie partielle ou platinectomie totale
:
Le laser permet de « vaporiser » en théorie tout ou partie de la platine.
En réalité, son usage est essentiellement adapté à la platinotomie plus
ou moins calibrée.
On peut réaliser cette platinotomie dans une approche
en « rosette » jusqu’à obtenir le diamètre suffisant d’insertion de la
prothèse, ou par un impact plus large (0,6 mm) d’emblée adapté au
calibre du piston.
Le tissu osseux carbonisé doit être aspiré au fur et à
mesure, essentiellement en cas de platine épaisse.
On évitera
l’échauffement, en respectant un court intervalle entre les tirs.
5- Cas particulier
:
* Platine flottante
:
Le laser peut permettre d’effectuer un trou de sécurité, aussi bien dans
une platine flottante, que lorsque celle-ci est fixée.
Il faut cependant tenir
compte du risque d’« échappement », toujours possible dans la suite du
processus chirurgical (mise en place de la prothèse, ou récupération de
la platine).
* Platine très épaisse
:
En théorie, deux possibilités sont offertes :
– la première consiste à utiliser une microfraise, ou une tréphine à main,
pour « user » l’os jusqu’à ce qu’il devienne possible de compléter au
laser ;
– la seconde, consiste à multiplier les impacts, en aspirant
régulièrement le tissu carbonisé, et à condition d’éviter tout
échauffement important par le respect d’intervalles entre les impacts.
Ceci peut être long et difficile si l’intervention a lieu sous anesthésie
locale.
* Ankylose a minima
:
Lorsque le foyer otospongieux est limité à la fissula ante fenestram,
certains auteurs proposent une platinotomie au laser sans prothèse.
Le principe repose sur la création d’une « tranchée » entre le tiers
antérieur de la platine et les deux tiers postérieurs, après vaporisation de
la branche antérieure de l’étrier.
La partie postérieure devient alors
mobile.
La tranchée est obturée par de la graisse.
* Reprise des échecs de stapédectomie
:
Le laser est particulièrement adapté aux reprises chirurgicales, par
définition difficiles et dangereuses.
Il devient possible, avec le laser, de
vaporiser le tissu cicatriciel autour de la prothèse, avant d’avoir extrait celle-ci, et souvent de mobiliser cette prothèse avant d’avoir ouvert
l’oreille interne.
Ensuite, le processus chirurgical dépend des
constatations, avec en particulier l’opportunité d’agrandir l’orifice de platinotomie dans les meilleures conditions d’efficacité et de sécurité,
avant de replacer une prothèse adaptée.
Au total, le laser présente de nombreuses avantages théoriques, et son
usage et la précision du geste peuvent, dans une certaine mesure,
compenser un peu la réduction de l’expérience inhérente à la diminution
du nombre d’otospongioses opérées individuellement (quelle que soit la
cause de celle-ci).
Néanmoins, on commence à insister sur le fait que les
mêmes complications ont été retrouvées au fur et à mesure de
l’extension de « l’usage laser », que lorsque les procédés mécaniques
sont employés.
Il convient donc de rester toujours aussi vigilant sur la
qualité du geste.
Efficacité comparative des différentes
techniques et résultats
:
Aucune réponse définitive n’a été publiée quant à l’efficacité supérieure
d’une technique chirurgicale par rapport à une autre, ou quant aux
séquelles chirurgicales sur la cochlée.
L’audiométrie hautefréquence
pourrait être une bonne méthode d’approche des effets
secondaires de la chirurgie de l’otospongiose sur la cochlée.
Dans une importante série rétrospective de 875 patients opérés avec
diverses techniques à la House Ear Clinic de Los Angeles, Sedwick et
al ont montré que la platinotomie et la platinectomie totale donnaient
les mêmes résultats sur la fermeture du Rinne.
Les résultats sur la
conduction osseuse postopératoire sont peu convaincants : la platinotomie donne moins de déficit auditif postopératoire à la fréquence
4 000 Hz, tandis qu’il n’y a aucune différence significative sur les autres
fréquences.
Les résultats sur l’audiométrie vocale sont identiques dans
tous les groupes.
Il n’existe aucune différence significative sur tous les
résultats audiométriques, que le geste platinaire soit effectué avec ou
sans technique laser.
Ces résultats sont proches de ceux de Marquet :
l’analyse rétrospective de 1 681 dossiers de patients otospongieux
opérés selon diverses techniques (platinotomie, platinectomie partielle
ou totale, laser ou non) ne permet pas de trouver de différence
significative sur l’ensemble des paramètres audiométriques
postopératoires.
La comparaison platinectomie totale et partielle sur la fermeture du
Rinne en postopératoire ne permet pas de conclure avec certitude à la
supériorité d’une technique par rapport à une autre.
Certains
attribuent à la platinectomie partielle de meilleurs résultats sur les
fréquences de 2 à 8 kHz par rapport à la platinectomie totale.
Aucune
différence n’apparaît pour les fréquences inférieures à 1 kHz.
La
comparaison platinectomie-platinotomie met en évidence de meilleurs
résultats sur la discrimination vocale à moyen terme, pour la
platinectomie calibrée, mais également sur les seuils tonals : 4 et
8 kHz.
En fait, il semble surtout que les divergences soient souvent affaire
d’habitude et d’expérience.
Le contrôle des différentes techniques
permet de s’adapter aux conditions anatomiques et aux différentes
difficultés rencontrées dans certains cas pouvant amener à reconsidérer,
en cours d’intervention, la technique habituellement retenue.
Ainsi, les résultats postopératoires dépendent essentiellement de la
qualité de l’opérateur.
Ces données posent le problème de
l’apprentissage de cette technique par les jeunes ORL.
Plusieurs études
ont montré les résultats moins bons des chirurgiens otologistes en
formation par rapport à leurs aînés.
L’entraînement doit être
progressif et aborder petit à petit les différents temps opératoires.
La
technique étant acquise, il faut ensuite bénéficier d’un recrutement
suffisant pour garder la maîtrise du geste opératoire.
Le laser facilite
sans doute certains temps opératoires, encore faut-il en disposer et
mieux vaut sans doute s’assurer, de toutes façons, d’une maîtrise parfaite
des techniques classiques, qui représentent encore de très loin l’essentiel
de la pratique courante.