Otites aiguës Cours
d'ORL (Oto-rhino-laryngologie)
Étiologie
:
• L’otite moyenne aiguë concerne surtout les enfants
entre 3 mois et 3 ans.
Elle est observée dans 90 % des
cas chez des enfants de moins de 5 ans.
Deux tiers des
enfants âgés de moins de 3 ans ont déjà présenté un épisode
d’otite moyenne aiguë.
• L’otite moyenne aiguë est une colonisation des cavités
de l’oreille moyenne (dont la muqueuse a été préalablement
altérée par une infection virale), par des germes du
rhino-pharynx, via la trompe d’Eustache. (Les germes
pathogènes sont identiques dans le rhino-pharynx et
l’oreille moyenne).
L’oreille moyenne sécrète des immunoglobulines (Ig)
G, M et particulièrement A, et tout déficit transitoire,
ou toute immaturité portant sur les IgG1 et 2 favoriserait
la colonisation bactérienne de l’oreille moyenne, à partir
du rhino-pharynx.
De la même façon, les otites aiguës
favorisent l’augmentation d’anticorps sériques IgG ou
IgM surtout après l’âge de 2 ans et s’il s’agit de pneumocoque.
• Les facteurs favorisant l’otite moyenne aiguë sont
retrouvés de façon variable :
– la vie en collectivité (crèche ou garderie) favorise la
contamination interindividuelle virale et bactérienne
(en particulier de germes ayant acquis des résistances
aux antibiotiques) ;
– l’habitat en grande agglomération (pollution, mode de
vie) ;
– les antécédents familiaux d’otite moyenne aiguë ;
– le tabagisme ou l’allergie respiratoire sont des
facteurs fréquemment retrouvés comme favorisant la
persistance d’épanchement résiduel ;
– les otites moyennes aiguës sont volontiers saisonnières
(automno-hivernales) suivant les épidémies
d’infections virales ;
– les garçons sont plus souvent atteints que les filles ;
– l’allaitement maternel aurait un rôle protecteur dans la
survenue des otites moyennes aiguës (protection
immune ?) ;
– la carence martiale, le reflux gastro-oesophagien sont
des facteurs souvent incriminés et recherchés chez le
nourrisson ;
– les facteurs socio-économiques entrent en jeu dans
la fréquence et la gravité des otites (malnutrition,
hygiène de vie).
Diagnostic positif
:
A - Signes fonctionnels
:
Ils associent une otalgie, une hyperthermie inconstante,
dans le sillage d’une infection respiratoire virale.
• L’otalgie se manifeste chez le nourrisson par des cris,
des pleurs, une irritabilité.
• Une otorrhée peut aussi révéler une otite moyenne
aiguë entraînant généralement une sédation rapide des
symptômes.
B - Signes généraux :
• La fièvre (observée chez 50 à 70 % des cas) oscille
entre 38,5 et 40 °C.
• Souvent, c’est une symptomatologie extra-auriculaire
qui attire l’attention des parents, du médecin : anorexie
récente, irritabilité, insomnie, troubles digestifs
(diarrhée, vomissement) où l’examen clinique doit
obligatoirement comporter une otoscopie.
• Certains tableaux cliniques peuvent être évocateurs :
– d’une otite à Hæmophilus influenzæ quand existe
simultanément une conjonctivite (rencontrée dans
15 % des cas), et quand Hæmophilus est isolé dans
75 % des cas ;
– d’une otite à pneumocoque (en cas d’otite hyperalgique)
avec hyperthermie (rencontrée dans 50 % des
cas d’infection à pneumocoque) ;
– chez les nouveau-nés et le nourrisson de moins de
3 mois, Streptococcus pneumoniæ, Hæmophilus sont
le plus souvent isolés, mais le Staphylococcus aureus,
Pseudomonas æruginosa, le streptocoque B, des entérobactéries
(Proteus æruginosa, Escherichia coli,
Enterobacter) sont isolés dans 25 % des cas justifiant
une paracentèse systématique à cet âge avec antibiogramme.
C - Otoscopie
:
C’est probablement l’un des examens les plus difficiles
à réaliser et à interpréter : l’enfant bouge, est mal maintenu,
le conduit auditif externe est encombré de débris cérumino-
épidermiques, le matériel d’otoscopie est inadapté.
L’enfant est assis sur les genoux de sa mère qui maintient
les bras et le front (otoscopie, miroir de Clar, optique),
ou est couché sur une table d’examen maintenu de la
même façon (microscope).
Il faut disposer d’un jeu de spéculums de tailles différentes,
d’une micropince, voire d’un microcrochet pour
ôter les débris qui masquent éventuellement le tympan.
Normalement le tympan est gris rosé, avec le manche du
marteau blanc nacré et le triangle lumineux.
Au tout début de l’otite, le tympan est rosé, le manche
du marteau est rouge, par dilatation des capillaires l’entourant.
Au stade collecté, le tympan est bombé, rouge ou liede-vin, d’aspect pseudo-polypoïde, le manche du marteau
n’est plus visible.
En cas d’otorrhée, celle-ci doit être aspirée ou « tamponnée
» afin d’apercevoir la perforation qui peut être dans
la partie inférieure du tympan (déclive), ou supérieure
du tympan (non déclive, pas de drainage spontané).
D - Diagnostic bactériologique :
Il repose sur la paracentèse et non pas sur le prélèvement
pharyngé (dont l’intérêt est cependant épidémiologique).
• Les indications de la paracentèse sont :
– enfant de moins de 3 mois ;
– enfant immunodéprimé ;
– en cas de complication (mastoïdite, méningite) ;
– en cas d’échec thérapeutique ou de résistance au traitement
après un traitement probabiliste.
• Avant l’âge de 18 mois, s’il s’agit de premières otites,
la paracentèse est réalisée sans anesthésie ou après
application locale de pommade anesthésiante (EMLA).
• Au-delà de cet âge et chez un enfant qui a subi plusieurs
paracentèses, l’anesthésie générale peut être nécessaire
car irréalisable dans des conditions habituelles.
Le pus
de l’otorrhée est aspiré dans un cathéter, introduit dans
un portagerme pour examen bactériologique et antibiogramme.
On retrouve des germes dans 70 % des cas,
cela signifie que dans 25 à 30 % des cas, les prélèvements
sont stériles.
• Les principaux germes responsables sont :
– Hæmophilus influenzæ (40 % des otites), dont 40%
des souches sont sécrétrices de bêtalactamases ;
– Streptococcus pneumoniæ ou pneumocoque (30 % des
otites).
La résistance aux bêtalactamines correspond à
des modifications des protéines de liaison à la pénicilline.
On parle de pneumocoques de sensibilité
diminuée à la pénicilline Sp RP qui sont généralement
des souches de portage de sérotypes dits non invasifs.
La fréquence de ces souches est passée en France à
60 %, 70 % en Île-de-France.
Les souches résistantes
(dont la concentration minimale inhibitrice [CMI] est
supérieure à 1 mg/L) sont devenues plus nombreuses
que les souches intermédiaires (CMI comprise entre
0,1 et 1 mg/L) avec comme corollaire une différence
significative quant au taux de guérison par les bêtalactamines.
– Moraxella catarrhalis (10 à 15 % des otites) est producteur
de bêtalactamases dans 85 % des cas.
E - Diagnostic évolutif :
• L’efficacité du traitement est évaluée sur l’amélioration
des symptômes : fièvre, douleur.
En cas de suspicion d’otite à pneumocoque (vie en
collectivité, antécédents d’otite moyenne aiguë traitée
par aminopénicilline dans les 3 derniers mois, âge
inférieur à 18 mois), une évaluation à la 48e heure est
indispensable.
Malgré une antibiothérapie de plus en plus adaptée à
l’épidémiologie, on retrouve 10 % d’échecs cliniques
qui concernent particulièrement le pneumocoque, lorsque l’otite survient en dessous de 18 mois et qu’il
existe d’une façon concomitante une infection virale.
Les défauts d’observance du traitement sont aussi fréquemment
retrouvés (arrêt prématuré du traitement,
dose insuffisante).
• L’échec clinique se manifeste dans les 48 à 72 h qui
suivent le début du traitement antibiotique par l’absence
d’amélioration ou par l’aggravation de la symptomatologie.
La paracentèse est obligatoire, avec examen
bactériologique et recherche de germes résistant au
traitement initial (pneumocoque de sensibilité diminuée
à la pénicilline).
• Un exsudat stérile ou une otite séreuse persiste chez
50 % des enfants au 15e jour, chez 30 % des enfants au
30e jour, même avec un traitement antibiotique efficace.
Cette otite séreuse peut faire le lit :
– de l’otite séromuqueuse (avec épanchement
muqueux) ; ses conséquences sur l’audition, la parole,
sont d’autant plus importante que l’enfant est jeune ;
– de l’otite moyenne aiguë à répétition, le liquide de
l’oreille moyenne servant de milieu de culture pour le
développement des germes issus du rhino-pharynx.
Il
se peut que la paracentèse puisse diminuer la fréquence
de ses otites séromuqueuses résiduelles.
• Les complications telles que la mastoïdite, les infections
labyrinthiques (surdité d’oreille interne, vertiges,
acouphènes), la paralysie faciale, les méningites, les
abcès extraduraux et cérébraux, la thrombophlébite du
sinus latéral, sont devenues exceptionnelles en France,
depuis l’utilisation systématique des antibiotiques dans
le traitement de l’otite moyenne aiguë.
Traitement
:
A - Moyens :
1- Antibiotiques :
Les macrolides ne sont pas recommandés du fait de la
résistance habituelle d’Hæmophilus influenzæ, et acquise
du pneumocoque, y compris pour les nouveaux macrolides
actuellement commercialisés.
L’amoxicilline ne peut être utilisée en raison de l’émergence
des souches d’Hæmophilus influenzæ sécrétrices
de bêtalactamase.
En revanche, la posologie élevée, 150 à 200 mg/kg/j est
utilisée dans le traitement des otites à Streptococcus
pneumoniæ de sensibilité diminuée à la pénicilline.
Compte tenu de la fréquence des souches d’Hæmophilus
influenzæ, de Moraxella catarrhalis et de staphylocoque
productrices de bêtalactamases, il faut donc utiliser des
céphalosporines orales, l’association amoxicilline-acide
clavulanique, stables aux bêtalactamases.
En ce qui concerne le streptocoque de sensibilité diminuée
à la pénicilline, l’activité des céphalosporines de
1re génération est modérée, meilleure pour celles de 2e et
3e générations (sauf exception), l’amoxicilline acide
clavulanique.
Le cotrimoxazole n’est plus utilisé compte tenu de la
résistance du streptocoque de sensibilité diminuée à la
pénicilline.
L’association érythromycine sulfisoxazole
active in vitro sur le streptocoque, de sensibilité diminuée
à la pénicilline, montre un taux d’échec clinique
important vis-à-vis de ce germe.
2- Aspirine et paracétamol
:
Ils sont utilisés systématiquement pour traiter la fièvre et
les douleurs.
3- Corticoïdes et anti-inflammatoires
non stéroïdiens :
Il n’y a pas assez d’études cliniques pour démontrer
l’efficacité en termes de rapidité de disparition de
symptômes, de prévention de l’otite séreuse résiduelle
en utilisant des corticoïdes et des anti-inflammatoires
non stéroïdiens.
4- Soins locaux :
Les lavages de nez au sérum physiologique, le mouchage
avec ou sans utilisation d’une mouchette, les anesthésiques
locaux dans le conduit auditif externe représentent
les soins locaux les plus efficaces.
5- Paracentèse :
Une paracentèse est pratiquée en cas d’échec du traitement
antibiotique évalué à la 48e ou 72e h, nécessitant une
aspiration pour examen bactériologique et un antibiogramme
spécialement s’il s’agit d’un pneumocoque résistant.
B - Indications :
L’attitude thérapeutique a été définie lors du consensus
sur le traitement de l’otite moyenne aiguë en 1996 et
tient compte de l’évolution des résistances des germes.
• Il existe un syndrome otite-conjonctivite : l’infection
à Hæmophilus influenzæ est probable.
Il faut prescrire soit amoxicilline-acide clavulanique
80 mg/kg/j soit une céphalosporine de 2e ou 3e génération.
• Il n’y a pas de facteur de risque d’infection à pneumocoques
de sensibilité diminuée à la pénicilline
(enfant de plus de 2 ans, pas de vie en collectivité, pas
de traitement dans les 3 derniers mois par des aminopénicillines)
:
– utilisation des 3 classes de céphalosporines ;
– utilisation de l’association érythromycine-sulfisoxazole.
• Il existe des facteurs de risque d’infection à pneumocoque
de sensibilité diminuée à la pénicilline,
il faut utiliser :
– amoxicilline acide clavulanique 80 mg/kg/j en 3 prises ;
– cefpodoxime Proxétil 8 mg/kg/j en 2 prises ;
– céfuroxime Axétil 30 mg/kg/j en 3 prises.
La durée de l’antibiothérapie est de 8 jours ; le nombre
de prises quotidiennes doit être respecté.
• La durée du traitement antibiotique peut être réduite à
5 jours s’il n’existe pas de facteurs de risque d’infection
à pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline.
• En cas d’échec du traitement à la 48e-72e heure : la
paracentèse avec étude bactériologique-antibiogramme
est indispensable à la recherche d’un pneumocoque
résistant.
Si la concentration minimale inhibitrice de ce germe est
inférieure à 2 mg/L : amoxicilline 150 mg/kg/j en
2 prises par jour ; si elle est supérieure à 2 mg/L :
céphalosporine de 3e génération injectable (ceftriaxone,
céfotaxime), à raison de 50 mg/kg/j une injection intramusculaire
par jour pendant 3 jours.