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Hépatologie
Organisation de la greffe hépatique en France : aspects éthiques et réglementaires
Cours d'Hépatologie
 


 

Introduction :

La greffe de foie a débuté dans les années 1960 mais ne s’est réellement développée qu’à partir des années 1980.

Ses indications se sont constamment élargies et elle représente aujourd’hui un traitement efficace pour l’insuffisance hépatique terminale.

En 2000, 806 greffes de foie ont été effectuées en France, contre 699 en 1999 et 693 en 1998.

Cette thérapeutique est soumise au même encadrement juridique que les autres greffes d’organe, qui définit précisément l’organisation des activités de prélèvement et de greffe.

Elle présente cependant des questions spécifiques sur le plan éthique, liées notamment au fait qu’il s’agit de la principale greffe d’organe vital pour laquelle le don du vif est possible.

Le cadre juridique du prélèvement et de la greffe, tel qu’on le connaît aujourd’hui, a pour objectif de garantir l’application de principes fondamentaux dans le domaine du respect de la personne, de l’éthique et de l’équité face aux soins. Il s’agit tout particulièrement :

– d’affirmer la protection du corps humain et de prévenir toute pratique mercantile ;

– de faciliter l’expression du consentement libre et éclairé des donneurs vivants apparentés ;

– d’organiser l’activité de greffe de manière à garantir l’équité dans l’accès au greffon ;

– d’assurer la sécurité sanitaire de ces activités.

Ces grands principes sont réunis dans deux textes de loi, connus sous le nom de « lois de bioéthique », l’une relative au respect du corps humain (loi n° 94-653 du 29 juillet 1994), l’autre relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal (loi n° 94-654 du 29 juillet 1994).

Parallèlement à ces deux textes de loi, la volonté de l’État de garantir la bonne organisation des activités de prélèvement, aussi bien d’organes que de tissus et de cellules-souches hématopoïétiques, et d’en assurer la sécurité sanitaire, au lendemain de l’affaire du sang contaminé, s’est traduite par la création d’un établissement public national d’État, l’Établissement français des greffes (EFG).

Le cadre juridique et organisationnel actuel prévoit aussi bien des dispositions s’appliquant aux individus, receveurs et donneurs, qu’aux structures (établissements de santé) concernées par le prélèvement et la greffe.

Ces dispositions répondent à une grande partie des interrogations éthiques posées par l’activité de greffe de foie.

Des réponses plus satisfaisantes restent cependant à trouver sur des points tels que l’accès à la greffe (en termes aussi bien d’accès à la liste d’attente que d’accès au greffon) ou la place de la greffe à partir de donneur vivant.

Sur ce dernier point, la possibilité de réviser les lois de bioéthique, prévue dès le départ par le législateur, devrait permettre d’adapter les textes aux évolutions auxquelles sont confrontées les professionnels dans leur pratique.

L’encadrement juridique et les questions éthiques peuvent être abordées en distinguant les filières de prise en charge du receveur, d’une part, du donneur, décédé ou vivant, d’autre part.

Encadrement juridique de la filière suivie par le receveur :

Bénéficier d’une greffe implique pour le patient d’avoir recours à une équipe posant l’indication, s’assurant de son consentement à une thérapeutique lourde et procédant à l’inscription en liste nationale d’attente prévue par les textes pour pouvoir, in fine, recevoir un greffon.

A - ACCÈS À UNE ÉQUIPE DE GREFFE HÉPATIQUE :

L’activité de greffe d’organes fait partie des activités de soins soumises à autorisation, en application du décret n° 90-845 du 24 septembre 1990, relatif aux « activités de transplantations d’organes nécessitant un traitement immunodépresseur ».

Parallèlement à cela, cette activité fait l’objet d’une planification nationale dans le cadre de la carte sanitaire.

Aussi le nombre d’équipes de greffe hépatique nécessaires pour couvrir les besoins du territoire a-t-il été fixé à 26 (arrêté du 31 juillet 1992).

Si, globalement, ce nombre d’équipes paraît suffisant, cette planification n’est cependant pas déclinée sur le plan régional dans le cadre des schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS), ce qui a provoqué le développement d’une répartition hétérogène. Ainsi, actuellement, 24 équipes sont autorisées, dont 11 pour la greffe adulte et pédiatrique, trois pour la pédiatrie seule et dix pour les adultes seuls.

Parmi elles, huit sont situées en région parisienne, tandis que le Nord n’en dispose que d’une seule.

Si l’on admet que les besoins potentiels en greffe de foie sont distribués de manière homogène sur le territoire, les données récentes suggèrent des disparités géographiques dans l’accès à l’offre de soins et, donc, à la liste d’attente et à la greffe.

Ainsi, en 2000, le nombre de nouveaux inscrits varie de 9,4 à 20,2 inscriptions par million d’habitants selon l’interrégion.

Une analyse plus approfondie est actuellement nécessaire pour écarter des facteurs de confusion et, si besoin, développer une meilleure adaptation de l’offre.

B - ACCÈS À LA LISTE D’ATTENTE :

1- Indications :

Les principales indications de la greffe de foie sont aujourd’hui représentées par les cirrhoses postalcooliques et posthépatitiques (respectivement 24 % et 19 % des greffes), suivies des carcinomes hépatocellulaires (9 %) et des hépatites fulminantes (7 %), puis de l’atrésie des voies biliaires (4 %) et des maladies métaboliques (4 %). Ces indications ont évolué depuis la conférence de consensus qui avait eu lieu en France en 1993.

Il n’en reste pas moins que les indications et le choix des receveurs potentiels restent variables d’une équipe à l’autre et qu’il est important de développer des protocoles de sélection des candidats, notamment en ce qui concerne les indications encore un peu marginales (extension des indications pour des cancers du foie, greffe chez les sujets positifs pour le virus de l’immunodéficience humaine [VIH]).

* Indication de greffe pour cirrhose alcoolique :

La cirrhose alcoolique constitue aujourd’hui une indication reconnue de greffe hépatique et les résultats obtenus dans ce cadre s’avèrent encourageants. Pourtant, cette indication est encore sujet à débat.

Les réticences à l’inscription d’un malade ayant une cirrhose alcoolique peuvent être de plusieurs ordres :

– la notion de la responsabilité du patient dans sa maladie, avancée par certains, justifierait de placer ces patients après ceux atteints d’une autre pathologie ; cette attitude a été défendue notamment par Moss et Siegler, mais n’est guère partagée aujourd’hui au regard des considérations éthiques ;

– les risques de récidive du comportement addictif et de mauvaise compliance au traitement immunosuppresseur sont les arguments le plus fréquemment avancés pour contre-indiquer la greffe ; ces risques sont cependant considérés aujourd’hui, par la plupart des équipes, comme des contre-indications relatives, devant faire l’objet d’une évaluation rigoureuse avant de prendre la décision ; aussi la plupart des équipes s’accordent-elles sur la nécessité de déterminer des critères de sélection de ces patients, c’est-à-dire généralement d’avoir affaire à un patient coopérant et abstinent depuis une période relativement stable (6 mois le plus souvent en France) ;

– la crainte de répercussions négatives sur le don d’organes, fondée sur l’idée d’une faible acceptabilité, par la population, de l’utilisation de ressources rares (les greffons) en faveur de sujets « responsables » de leur maladie et globalement discrédités au regard des valeurs sociales ; outre le fait que cet argument est à récuser sur le plan de l’éthique, un quelconque lien entre la pratique de la greffe dans ces indications et le taux d’opposition au don d’organes n’a jamais été démontré.

* Indication de greffe chez des sujets positifs pour le virus de l’immunodéficience : humaine

Jusque récemment, la séropositivité au VIH était considérée comme une contre-indication à la greffe.

L’évolution de la prise en charge de la maladie depuis l’apparition des trithérapies a cependant radicalement modifié l’espérance et la qualité de vie de ces malades.

Dans le même temps, le développement, chez beaucoup de ces patients, d’une co-infection par le virus de l’hépatite C ou le virus de l’hépatite B, avec l’apparition de cirrhoses posthépatitiques menaçant le pronostic vital, a amené les équipes médicales qui les prenaient en charge à discuter l’indication de greffe hépatique.

Un certain nombre de greffes hépatiques ont été effectuées dans ce contexte depuis 2 ans dans différents pays, notamment aux États- Unis, mais aussi en France (trois greffes en 2000).

Sur le plan médical, les problèmes posés par l’association entre un traitement immunosuppresseur et la trithérapie sont au premier plan. Sur le plan éthique, des questions très semblables à celles qui sont discutées à propos de la greffe au bénéfice de sujets atteints de cirrhose alcoolique ont été soulevées par ces interventions, à savoir :

– celle de la « responsabilité » de l’individu dans sa séropositivité ; cet aspect est aujourd’hui globalement dépassé parmi les professionnels ;

– celle des résultats à attendre d’une telle greffe, en faveur de patients perçus comme n’ayant pas les meilleures chances de survie et potentiellement non compliants au traitement immunosuppresseur (anciens toxicomanes particulièrement) ;

– celle d’un éventuel impact négatif sur le don d’organes, évoqué par certaines équipes de prélèvement ;

– enfin, celle du recours au donneur vivant dans ce contexte particulier s’est posée à des équipes confrontées à des demandes insistantes de proches, y compris de personnes qui ne pourraient être autorisées à donner dans le cadre actuel des lois de bioéthique.

En France, les réflexions menées sur ce sujet par les équipes médicochirurgicales de greffe ainsi que par le Comité d’éthique de l’EFG vont actuellement dans le même sens : elles préconisent que des greffes hépatiques puissent être réalisées chez des sujets VIH positifs dont l’état de santé le nécessite, sous réserve que le patient soit stabilisé sur le plan du VIH et que cela se déroule dans le cadre de protocoles permettant une évaluation précise des résultats.

* Indication de greffe pour carcinome hépatocellulaire :

Avec maintenant quelques années de recul, l’indication de greffe dans les tumeurs primitives du foie, essentiellement les carcinomes hépatocellulaires, commence à être mieux codifiée.

La plupart des équipes s’accordent aujourd’hui pour estimer qu’il est raisonnable de poser l’indication pour des tumeurs de petite taille (tumeur unique de moins de 3 ou 5 cm de diamètre selon les équipes, ou moins de trois nodules dont le plus gros est inférieur à 3 cm de diamètre), avec des chances raisonnables de succès et notamment d’absence de récidive.

Ces critères ne vont pas sans entraîner des problèmes éthiques au regard de la sélection des receveurs, car entre le moment de l’inscription et celui auquel un greffon est disponible, le patient n’est souvent plus considéré comme « greffable » ; de plus, ils tendent à exclure des patients dont la fonction hépatique est encore conservée, qui, in fine, auront peutêtre une évolution moins favorable que s’ils avaient été greffés.

Aussi est-il important de continuer à affiner les attitudes à tenir pour cette indication dans le cadre de protocoles rigoureux.

Quant aux greffes pour des tumeurs secondaires du foie, elles sont pour l’heure écartées par la plupart des équipes car ne comportant pas suffisamment de chances de réussite et donc difficilement justifiables au regard de l’efficacité rapportée à la disponibilité en greffons.

2- Consentement du receveur :

L’obligation d’informer un patient des soins qui sont envisagés et de recueillir son consentement avant de les mettre en oeuvre n’est bien entendu pas spécifique à la greffe hépatique.

Cette obligation mérite cependant d’être rappelée dans le cadre d’une thérapeutique lourde, seule alternative possible face à une défaillance hépatique terminale.

Les deux obligations (information et recueil du consentement) sont indissociables puisqu’elles sous-tendent la notion de « consentement éclairé ».

Ces obligations font l’objet d’un certain nombre de dispositions contenues dans différents textes (Code de déontologie, loi hospitalière, Code civil).

Les questions d’information ont donné lieu, au cours de ces dernières années, à une jurisprudence importante, qui a contribué à faire évoluer la manière dont est envisagée, en France, l’information au patient.

Pour accompagner ces évolutions, un certain nombre de documents sont aujourd’hui élaborés afin d’aider les professionnels dans cette démarche.

Dans le contexte particulier de la greffe, la plupart des équipes attachent aujourd’hui une grande importance à l’information des patients, compte tenu non seulement des risques immédiats liés à l’intervention, mais aussi des contraintes à long terme liées au traitement immunosuppresseur.

3- Inscription en « liste nationale d’attente » des patients susceptibles de bénéficier d’une greffe :

Le principe de l’inscription des patients en attente de greffe sur une « liste nationale d’attente », gérée par un organisme indépendant des équipes de greffe, répond à un souci de transparence et d’équité dans l’accès à la greffe (cette procédure s’applique aux greffes d’organe, de moelle osseuse et, depuis 2000, de cornées).

Dans le cadre des lois de bioéthique, l’article L 1251-1 du Code de la santé publique confie à l’EFG la mission d’enregistrer l’inscription des patients en attente de greffe sur une liste nationale, de gérer cette liste et d’attribuer les greffons prélevés en France et hors du territoire national.

L’arrêté du 24 novembre 1994 relatif à la gestion de la liste nationale précise que les établissements de santé pratiquant les activités de greffes d’organe inscrivent sur cette liste nationale d’attente les patients susceptibles de bénéficier d’une greffe.

L’inscription est obligatoire, qu’il s’agisse ou non d’une urgence vitale, et que le greffon soit prélevé sur une personne décédée ou à partir d’un donneur vivant.

L’initiative de l’inscription d’un patient sur la liste nationale d’attente relève du responsable de l’équipe médicochirurgicale autorisée à pratiquer des greffes au sein de l’établissement.

Le médecin effectue directement cette inscription au moyen d’un code d’accès spécifique attribué par l’EFG à chaque unité, service ou département autorisé.

Lors de cette inscription, le médecin communique à l’EFG les informations médicales permettant d’apprécier l’état du patient.

Toutefois, cette inscription n’est que provisoire : pour être effective, elle doit être validée par l’EFG à partir d’informations transmises par le directeur de l’établissement de santé, et sous sa responsabilité, concernant notamment les conditions de prise en charge financière de l’intervention.

C’est pourquoi le praticien prévient dans le même temps l’administration hospitalière et adresse le patient au service compétent pour l’enregistrement administratif de l’inscription.

Une inscription peut être effectuée en urgence auprès de l’EFG par télécopie, suivie d’une confirmation par courrier dans les meilleurs délais. Dès que l’EFG valide l’inscription, le patient est éligible pour l’attribution d’un greffon.

Il reçoit un courrier lui confirmant son inscription, assortie d’un numéro de référence.

C - ACCÈS AU GREFFON : PRIORITÉS ET RÈGLES DE RÉPARTITION ET D’ATTRIBUTION DES GREFFONS

La nécessité de déterminer des règles de répartition et d’attribution des organes repose sur le fait que les greffons prélevés sur des personnes décédées sont une ressource rare.

Ces règles visent à respecter des principes d’équité, d’éthique médicale et de qualité des soins.

L’objectif est de trouver un équilibre entre l’urgence de la greffe ou la difficulté particulière d’y accéder pour certains malades, et l’utilisation optimale des greffons.

Les règles font ainsi référence aux notions de priorité et de dimension territoriale et traduisent le souci de concilier une répartition la plus équitable possible et les contraintes techniques inhérentes au prélèvement, au transport et au maintien de la qualité des greffons.

Les règles de répartition et d’attribution des greffons sont le fruit d’un consensus entre les professionnels : elles ont été approuvées par le

Conseil médical et scientifique de l’EFG et sont officialisées par l’arrêté du 6 novembre 1996.

Certaines de ces règles sont communes à tous les organes susceptibles d’être greffés.

Elles disposent tout d’abord qu’un organe ne peut être attribué qu’à un malade inscrit sur la liste nationale des malades en attente de greffe gérée par l’EFG, lequel est chargé d’appliquer les règles de répartition.

Il a la responsabilité de la proposition du greffon pour un malade ou un groupe de malades dont une équipe médicochirurgicale de greffe a la charge.

L’attribution définitive du greffon à un malade est cependant sous la responsabilité de l’équipe médicochirurgicale de greffe.

Cette attribution ne peut contredire les aspects communs et spécifiques des règles de répartition et d’attribution des greffons.

L’équipe doit porter par écrit à la connaissance de l’EFG les procédures qu’elle utilise pour déterminer l’attribution définitive des greffons.

Quatre échelons de répartition sont identifiés : local, interrégional, national et international. D’une manière générale, une proposition prioritaire du greffon peut être faite, notamment et successivement au bénéfice des receveurs suivants :

– ceux dont la vie est menacée à très court terme ;

– ceux pour lesquels la probabilité d’obtenir un greffon dans un délai convenable est très faible ;

– les enfants de moins de 16 ans. Pour les greffons hépatiques, les malades dont la vie est menacée à très court terme sont inscrits en « superurgence » et sont prioritaires au niveau national : il s’agit de ceux dont la vie est menacée du fait d’une hépatite fulminante, d’une forme suraiguë de maladie de Wilson ou parce qu’une greffe est jugée nécessaire dans les 8 jours suivant la greffe précédente.

Pour cette catégorie de patients, un accord particulier existe au niveau international entre la France et la Suisse : les patients suisses inscrits en « superurgence » peuvent bénéficier en priorité d’un greffon prélevé en France.

En contrepartie, les greffons prélevés et non utilisés en Suisse sont proposés en priorité à la France.

Les malades chez lesquels, du fait de l’urgence, la probabilité d’obtention d’un greffon dans un délai convenable est très faible, et qui s’inscrivent dans les catégories suivantes, sont prioritaires à l’échelon interrégional : nécrose ischémique dans l’atrésie des voies biliaires, présentation aiguë de certaines maladies métaboliques, défaillance fonctionnelle rapide d’un greffon précédent.

La durée d’inscription d’un receveur dans cette catégorie « urgence » est limitée à 30 jours.

Enfin, les enfants de moins de 16 ans sont prioritaires à l’échelon national pour les greffons prélevés chez les donneurs de moins de 16 ans, et à l’échelon interrégional pour les greffons prélevés chez les donneurs de moins de 30 ans. Sous réserve de ces priorités, le greffon est successivement proposé aux trois échelons : d’abord local, puis interrégional et enfin national.

À l’exception de dérogations possibles dans les deux catégories prioritaires, et sous réserve de l’accord d’un comité d’experts pour ce qui est de la catégorie « urgence », les greffons sont attribués en isogroupe sanguin ABO.

En cas de projet de partage du foie, l’EFG doit être avisé avant sa réalisation pour que le greffon créé par ce partage puisse, le cas échéant, être prioritairement proposé à une urgence de l’interrégion.

Dans certaines régions, un greffon issu d’un partage, s’il est effectivement transplanté, n’est pas enregistré dans le tour de rôle des équipes, cela afin d’encourager la pratique de partage du foie.

Un protocole de recherche clinique ne peut contredire les principes et les règles communes de répartition ; une éventuelle modification des règles spécifiques présentées ci-dessus doit être préalablement autorisée par l’EFG.

Chaque receveur greffé doit être retiré de la liste d’attente le plus tôt possible par l’équipe et au plus tard dans la journée qui suit la greffe.

En définitive, on constate que si les règles de répartition permettent de répondre efficacement au problème des « superurgences », elles ne sont pas entièrement satisfaisantes sur le plan éthique dans la mesure où elles ne semblent pas complètement garantes d’un accès équitable : en particulier, la priorité donnée aux receveurs âgés de moins de 16 ans ne se traduit pas par un accès plus rapide à la greffe.

Une réflexion sur ces aspects doit s’engager afin d’améliorer cette situation, à l’exemple de ce qui a été fait aux États-Unis.

Dispositions encadrant la filière suivie par le donneur d’organes :

En amont de la greffe hépatique, le prélèvement fait appel à un donneur : il peut s’agir d’un donneur décédé, dans le cadre d’un prélèvement multiorganes dont l’encadrement n’est pas spécifique au foie, ou, plus rarement, d’un donneur vivant. Dans les deux cas, le don est encadré par les lois de bioéthique et leurs textes d’application.

A - DON D’ORGANES À PARTIR DU CADAVRE :

Jusqu’en 1994, les dispositions en vigueur étaient celles prévues dans la loi dite « Caillavet » (loi n° 76-1181 du 22 décembre 1976), instaurant le principe du « consentement présumé ».

Ce texte disposait en effet que le prélèvement pouvait être effectué « sur le cadavre d’une personne n’ayant pas fait connaître de son vivant son refus d’un tel prélèvement ».

Le principe du consentement présumé reste en vigueur dans la loi du 29 juillet 1994, mais il est assorti d’une disposition prévoyant les modalités d’expression de ce refus en instaurant un registre national automatisé (le Registre national des refus).

L’interrogation de ce registre, dont les modalités de fonctionnement sont prévues par le décret n° 97-704 du 30 mai 1997, est désormais une obligation légale.

En l’absence de cette manifestation expresse de refus, « si le médecin n’a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s’efforcer de recueillir le témoignage de la famille » (article L 1232-1 du Code de la santé publique).

Cette disposition est souvent critiquée pour son ambiguïté : en effet, en dehors des cas, très rares, d’affirmation expresse de refus du prélèvement, les proches du défunt se voient investis d’un rôle d’interprète de sa volonté.

Or, la frontière entre ce rôle d’interprète et une prise de décision en lieu et place du défunt est ténue.

La loi prévoit par ailleurs que, dans le cas d’un mineur ou d’un majeur protégé, le consentement exprimé par écrit des deux titulaires de l’autorité parentale ou du représentant légal est nécessaire.

Dans le cas d’un prélèvement à des fins scientifiques autres que celles de la recherche de la cause de la mort, le consentement explicite du défunt ou de la famille est nécessaire.

La loi dispose enfin que « les médecins qui établissent le constat de la mort et ceux qui effectuent le prélèvement ou la transplantation doivent faire partie d’unités fonctionnelles ou de services distincts ».

Concrètement, l’organisation de cette activité repose donc :

– sur la coordination hospitalière du prélèvement ; ses missions, généralement assurées par une infirmière, en complémentarité avec un médecin coordonnateur, sont définies par l’arrêté du 27 février 1998 portant homologation des règles de bonnes pratiques relatives au prélèvement d’organes à finalité thérapeutique sur personne décédée ; elle s’occupe de l’accueil des familles, de l’interrogation du Registre national du refus, s’assure que les examens obligatoires pour la détection des maladies transmissibles prévues dans les textes ont été faits, informe le service de régulation et d’appui interrégional de l’EFG, et organise le déroulement du prélèvement ainsi que la restitution du corps à la famille ;

– sur le service de régulation et d’appui de l’EFG, qui est responsable de la répartition et de l’attribution des organes, dans le respect des règles d’attribution prévues par les textes, et garant, sur le plan de la sécurité sanitaire, de la traçabilité.

Le rôle de la coordination hospitalière est essentiel dans ce processus : il s’agit d’un rôle particulièrement difficile, impliquant de grandes qualités relationnelles.

La personne chargée de la coordination doit en effet « accompagner » la famille lors de l’annonce d’un décès le plus souvent très brutal, et mener le dialogue sur le don d’organes en vue d’un prélèvement, tout en respectant la douleur des proches et en s’abstenant de faire pression sur eux.

À ce travail fondamental au niveau des familles s’ajoute un rôle tout aussi décisif de coordination de l’ensemble des intervenants tout au long du processus jusqu’à la restitution du corps.

En particulier, la phase qui se déroule au bloc opératoire nécessite une parfaite coordination au niveau intrahospitalier et extrahospitalier pour faire intervenir successivement plusieurs équipes chirurgicales dans le cadre d’un prélèvement multiorganes.

La place à accorder à un prélèvement multiorganes par rapport à d’autres activités chirurgicales, et notamment les urgences, a fait l’objet de nombreux débats.

En effet, cette activité peut être vécue par une partie du personnel comme consistant à « s’occuper des morts pendant que des vivants attendent ».

Aussi a-t-il paru important de rappeler que l’activité de prélèvement n’a sa raison d’être que du fait de sa finalité, la greffe, et que sa place doit être bien définie en tant qu’urgence chirurgicale à part entière.

Ce point a fait l’objet d’une délibération du Conseil médical et scientifique de l’EFG en décembre 1998.

La coordination du prélèvement constitue donc un véritable métier dans l’hôpital : la tendance, dans la plupart des pays, est à une professionnalisation de cette activité.

En France, cela se traduit notamment par la mise en place progressive (2001-2003), dans le cadre d’un « plan greffe » national, de 120 postes équivalents temps plein de professionnels médicaux et infirmiers consacrés au prélèvement.

B - DON D’ORGANES À PARTIR DU VIVANT :

La greffe d’organes à partir de donneur vivant apparenté connaît aujourd’hui un intérêt nouveau, y compris en France, du fait à la fois de la pénurie d’organes et des résultats ainsi obtenus.

Cela est particulièrement vrai pour la greffe rénale, mais la question se pose aussi de plus en plus fréquemment pour la greffe de foie.

Le cadre juridique du don à partir du vivant est également régi par les lois de bioéthique de 1994 définissant les conditions de prélèvement sur un donneur vivant.

Le prélèvement d’organe sur donneur vivant ne peut être envisagé que pour un acte thérapeutique et à partir d’un donneur apparenté : le prélèvement d’organes sur une personne vivante, qui en fait le don, ne peut être effectué que dans l’intérêt thérapeutique direct d’un receveur.

Le receveur doit avoir la qualité de père ou de mère, de fils ou de fille, de frère ou de soeur du donneur, sauf en cas de prélèvement de moelle osseuse en vue d’une greffe. En cas d’urgence, le donneur peut être le conjoint (art L 1231-1 à 1231-4 du Code de la santé publique).

La législation française, contrairement à celle d’autres pays, limite donc le don d’organes à partir du vivant aux parents très proches.

Le lien conjugal est accepté uniquement en cas d’urgence.

Le cas des concubins n’est pas accepté, pas plus que les parentés du second degré.

Enfin, le prélèvement d’organe est interdit chez un mineur ou un majeur faisant l’objet d’une protection légale.

Ces restrictions ont été essentiellement dictées par la crainte de voir s’instaurer des dérives commerciales, ainsi que des risques de « mariages blancs ».

L’argument scientifique d’une plus grande compatibilité entre sujets génétiquement apparentés a également été avancé.

Le caractère limitatif du don du vivant a fait l’objet de multiples débats en vue de la révision de la loi de bioéthique.

Dans l’ensemble, une évolution plus libérale vers un élargissement du cercle des donneurs vivants est souhaitée.

Le législateur a voulu insister sur l’information à fournir au donneur et consacrer la protection du donneur en formalisant l’expression du consentement, par opposition à la révocabilité qui existe à tout moment.

Sur la question de l’information à délivrer au donneur, le décret du 29 avril 1996 désigne la personne qui doit faire l’information et son contenu. « Le donneur majeur est informé des risques qu’il encourt et des conséquences éventuelles du prélèvement par le médecin responsable du service, du département ou de la structure de soins de l’établissement de santé dans lequel le prélèvement est envisagé ou par un praticien du même établissement dûment désigné par ce responsable. »

Sur le plan médicotechnique, l’activité de prélèvement d’organes sur donneur vivant est soumise à autorisation, les conditions étant définies dans le décret du 1er avril 1997.

Réalisée la première fois au Brésil, puis en Australie, la greffe de foie à partir de donneurs vivants s’est ensuite développée aux États-Unis, en réponse à la pénurie d’organes dont souffraient les enfants en attente de greffe : cette pratique a contribué à la diminution du nombre de décès de receveurs pédiatriques en liste d’attente.

En France, la première a lieu en 1994 tandis que de tels programmes se développent ailleurs en Europe.

Parallèlement à cela, les techniques de greffe de foies partagés à partir de donneurs cadavériques se sont également développées.

À dater de 1991, cette pratique s’étend, aux États-Unis, aux greffes de foie à partir de donneurs vivants en faveur d’adultes. Aujourd’hui, ces greffes y représentent 4,8 % des greffes de foie.

Le Japon, compte tenu d’un contexte juridique spécifique (nonreconnaissance de la mort encéphalique jusqu’en 2000), développe également cette technique.

En 2000, parmi les 23 équipes autorisées en France, huit ont pratiqué 52 greffes à partir de donneurs vivants, dont 39 pour des receveurs adultes et 13 pour des receveurs pédiatriques (hors greffes domino).

Le développement de cette pratique pose néanmoins de nombreuses questions éthiques liées pour l’essentiel au risque couru par le donneur. Deux types d’interrogation suscitent des avis partagés : la question du risque, d’une part ; la question des conditions du consentement du donneur, d’autre part.

Le fait, pour une équipe soignante, de faire prendre un risque à un sujet sain, qui ne retire aucun bénéfice thérapeutique du prélèvement d’organe, se heurte au principe déontologique fondamental, « primum non nocere » de l’exercice médical.

L’importance des risques courus par le donneur vivant de foie rend ce débat particulièrement aigu : en effet, les pourcentage des complications, en termes de morbidité et de mortalité, estimées respectivement de 15 à 20 % et de 0,5 à 1 %, sont bien supérieurs à ceux observés pour la greffe de rein.

C’est pourquoi le développement rapide des dons à partir de donneurs vivants suscite des inquiétudes légitimes.

Liée à la compréhension et à l’acceptation du risque, se pose la question du degré de libre arbitre et de l’authenticité du consentement du donneur. Outre la question du « consentement éclairé », commune à toute pratique médicale, se pose ici celle de la liberté de choix du donneur.

Les difficultés pour faire la part entre un don motivé par l’affection pour un tiers, mais librement consenti, et un don favorisé par les sentiments de culpabilité, voire par la pression morale exercée par l’entourage, notamment en cas d’urgence vitale, sont considérables.

Enfin, le rôle qui, dans la décision, revient respectivement à l’équipe médicale, au donneur pressenti et à l’entourage est source d’approches très différentes selon que l’on se réfère à un modèle d’exercice de la médecine plutôt paternaliste ou plutôt partisan de la libre détermination des individus.

Concrètement, plusieurs auteurs préconisent de traiter ces questions complexes en s’entourant du maximum de garanties concernant à la fois la qualité et l’expérience de l’équipe, la sélection médicale du donneur et les modalités de sa prise de décision : ainsi, la sélection du donneur fait l’objet de protocoles rigoureux visant à éliminer tout donneur présentant le moindre risque.

En parallèle au recueil formel du consentement exigé par les textes, les motivations du donneur font l’objet d’évaluations collégiales, souvent par une équipe distincte de celle prenant en charge le receveur.

Pour éviter les risques de culpabilisation par l’entourage lors d’un refus, les équipes proposent souvent au donneur pressenti d’avancer une contre-indication médicale au don.

Dans ces conditions, la greffe à partir de donneur vivant est considérée par les équipes qui la pratiquent comme complémentaire de la greffe à partir de donneur décédé.

Pour mieux encadrer cette pratique, certaines équipes préconisent l’instauration d’une surveillance organisée des donneurs, sous forme de registres nationaux, voire internationaux.

Pour ce qui est du don à partir du vivant en faveur de l’enfant, il pose, d’une manière générale, moins de problèmes que pour l’adulte.

Deux types de situations peuvent être rencontrées : les parents peuvent exprimer d’emblée le souhait de donner en faveur de leur enfant, ou encore proposer le don comme solution de « réserve » si l’état de l’enfant s’aggrave et qu’un greffon de cadavre n’est pas disponible en temps utile.

Dans cette dernière éventualité, il est souhaitable de mener d’emblée, à distance de la greffe éventuelle, les entretiens avec le parent donneur et les bilans médicaux.

En effet, le contexte de l’urgence, d’une manière générale, n’offre pas les conditions les plus sereines pour apprécier les conditions du don du vivant et prendre la meilleure décision.

C - PRISE EN CHARGE DES FRAIS DE PRÉLÈVEMENT :

Qu’il s’agisse de prélèvement sur donneur décédé ou sur donneur vivant, le principe adopté en France a pour objectif que les frais de prélèvement ne puissent en aucun cas incomber, même partiellement, au donneur ou à sa famille.

Le décret n° 2000-409 du 11 mai 2000, relatif « au remboursement des frais engagés à l’occasion du prélèvement d’éléments ou de la collecte de produits du corps humain à des fins thérapeutiques », traite aussi bien des prélèvements effectués sur une personne vivante que des prélèvements effectués sur une personne décédée, ainsi que des flux financiers entre établissements préleveurs et établissements greffeurs ou organismes de conservation.

Ce décret définit les modalités du remboursement des dépenses engagées par le donneur ou sa famille et la prise en charge directe par l’établissement préleveur des frais liés au prélèvement.

Il régit également les relations financières entre les établissements de santé afin que les établissements de santé préleveurs soient certains d’obtenir de l’établissement greffeur le remboursement des frais afférents aux prélèvements, y compris lorsque ceux-ci n’aboutissent pas.

Les frais pris en charge en cas de prélèvement sur un donneur vivant comprennent tous les examens médicaux et les analyses visant à assurer la sécurité du donneur et du receveur, l’indemnisation des frais de transport et d’hébergement, les pertes de rémunération subies, la prise en charge des frais de déplacement liés à l’expression du consentement et le suivi postopératoire.

Ces frais sont pris en charge même si, in fine, le donneur n’est pas retenu pour le don et que la greffe ait ou non lieu.

La période d’hospitalisation du donneur ne doit donner lieu à aucune demande de prise en charge, ni à aucune transmission d’information aux caisses d’assurance maladie, quelle que soit sa nationalité et ce pour préserver son anonymat.

En revanche, si le donneur n’est pas en état de reprendre son travail après sa sortie de l’hôpital, il doit être régulièrement placé en congé de maladie.

Les frais pris en charge en cas de prélèvement sur un donneur décédé comprennent les frais du personnel de coordination, de transfert des donneurs, les frais générés par le constat de la mort et la sélection du donneur, par l’assistance médicale avant le prélèvement, par le conditionnement et le transport des organes et, enfin, les frais de restauration et de conservation du corps.

Dans tous les cas, lorsque l’établissement de santé, public ou privé, qui a assuré le prélèvement n’est pas celui qui greffe, il facture l’intégralité des frais afférents au prélèvement lors de la cession du greffon à l’établissement de santé qui effectue la greffe.

En cas de prélèvement multiorganes, ces frais sont répartis entre les différents établissements greffeurs.

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