Oeil rouge et (ou) douloureux
Cours d'Ophtalmologie
Examen ophtalmologique
:
Comme devant tout problème médical, il faut faire un interrogatoire
précis.
Il est important de savoir s’il y a une baisse
d’acuité visuelle uni- ou bilatérale et de la chiffrer, s’il y a
d’autres signes fonctionnels, l’heure du traumastisme oculaire
et les soins qui ont été réalisés.
Pour éviter de méconnaître une urgence ophtalmologique,
seuls un examen complet avec une mesure de l’acuité
visuelle, l’examen externe (paupières, orbite), l’examen
des pupilles, l’oculomotricité, l’examen à la lampe à fente
avec la tension oculaire et l’ophtalmoscopie, permettront
de l’éviter.
Conduite à tenir devant une brûlure
et devant un traumatisme
de la région orbitaire
:
A - Brûlures chimiques :
Il faut impérativement laver abondamment les yeux avec
de l’eau pendant 5 minutes en écartant en force les paupières
sur le lieu de l’accident.
Dans le département d’urgence, cela doit être refait avant
même d’appeler l’ophtalmologiste de garde.
Les brûlures par bases sont plus graves que les brûlures par
acides parce que les bases pénètrent facilement les tissus.
L’importance des dégâts n’est pas toujours visible initialement.
B - Plaie du globe oculaire :
La deuxième urgence absolue est la plaie du globe oculaire
; elle doit être suspectée devant une lacération de la
conjonctive, une pupille irrégulière, une cataracte.
Enfin,
une hernie de l’uvée signe la plaie du globe.
Si l’on suspecte une plaie du globe, il faut impérativement
arrêter tout examen de l’oeil.
Il faut mettre un pansement
non compressif, assurer la prophylaxie antitétanique et ne
plus bouger le malade qui doit être envoyé en urgence dans
un service d’ophtalmologie.
Le maître symptôme de plaie du globe oculaire à la lampe
à fente est le signe de Seidel, l’hypotonie oculaire s’il existe
un doute sur le caractère transfixiant ou non d’une plaie de
cornée, la hernie de l’uvée en cas de plaie de la sclère.
Les radiographies à la recherche d’un corps étranger intraoculaire
doivent être prescrites au moindre doute.
Le traitement est chirurgical en urgence.
La plaie est fermée
sous anesthésie générale, qui permet de plus de faire
le bilan lésionnel.
Un corps étranger intra-oculaire métallique
doit être enlevé en urgence à l’électro-aimant.
Un
corps étranger non aimantable sera enlevé dans un second
temps opératoire.
La prophylaxie de l’endophtalmie est obligatoire surtout
en cas de corps étranger intra-oculaire.
En l’absence de
traitement, l’évolution se fait vers la surinfection (endophtalmie) dont le pronostic est très réservé.
Les plaies oculaires
sont associées à des lésions contusives (cataractes,
hémorragie du vitré, décollement de rétine) dont le pronostic
s’est beaucoup amélioré.
Un corps étranger métallique
laissé en place, en l’absence de surinfection, engendre
une métallose responsable de la perte irréversible de la
fonction visuelle par altération de la rétine.
C - Contusions du globe oculaire
:
L’hyphéma, lorsqu’il est suffisamment important, est visible
à l’examen à l’oeil nu avec une lampe stylo.
La conduite à
tenir est la même qu’en cas de plaie du globe.
Les autres
lésions contusives sont l’hypertension oculaire, immédiate
ou retardée (glaucome post-traumatique), la cataracte, la
luxation du cristallin, l’hémorragie du vitré et des lésions
rétiniennes contusives dont le décollement de rétine.
D - Traumatismes orbitaires
:
L’hématome orbitaire nécessite rarement un drainage chirurgical.
Celui-ci est justifié lorsque l’exophtalmie est
importante : exposition cornéenne ou souffrance du nerf
optique.
La fracture de l’orbite est suspectée devant une hémorragie sous-conjonctivale, une diplopie, une épistaxis, une
hypoeoesthésie dans les territoires des nerfs sus- ou sousorbitaires,
une dystopie orbitaire, un ptosis, ou encore en
cas d’atteinte du nerf optique avec baisse d’acuité visuelle.
Les radiographies simples, si besoin le scanner avec des
coupes coronales, confirmeront la fracture, l’incarcération musculo-aponévrotique et mettront en évidence des signes
directs et indirects d’une fracture de la paroi de l’orbite
(rupture de continuité, hémosinus, image en goutte dans le
sinus maxillaire, pneumo-orbite, pneumo-encéphale en cas
de fracture du plafond avec brèche ostéo-méningée).
Le traitement est chirurgical s’il existe un risque de séquelle
de diplopie ou encore d’énophtalmie.
E - Plaies palpébrales :
Les plaies du tiers interne sont fréquemment accompagnées
d’une plaie des voies lacrymales nécessitant une réparation
microchirurgicale.
Une désinsertion ou une plaie de releveur de la paupière
supérieure nécessite une suture de celui-ci.
F - Abrasions et corps étrangers cornéens :
Ces pathologies sont caractérisées par une sensation de
corps étranger accompagnée de douleur, de larmoiement
et de photophobie.
Un examen à la lampe à fente permet
le diagnostic de l’ulcère traumatique, permet de rechercher
le corps étranger parfois fiché dans le cul-de-sac conjonctival
supérieur et enlevé après une anesthésie de contact.
Conduite à tenir devant un oeil rouge
non traumatique :
Il faut savoir identifier une pathologie simple ne menaçant
pas la vision (hémorragie sous-conjonctivale, conjonctivite,
blépharite, chalazion, orgelet, ulcération cornéenne), d’une pathologie grave menaçant la vision et (ou) l’intégrité
du globe oculaire telle que : une infection cornéenne,
une sclérite, une iritis, un glaucome aigu ou encore une cellulite
orbitaire.
L’examen consiste en une mesure de l’acuité visuelle, un
examen de la face, des orbites et des annexes, de la motilité
oculaire, de la pupille et de la cornée à la fluorescéine
à l’aide d’une lampe stylo munie d’un filtre bleu.
Cet examen
permet de déterminer la pathologie causale : palpébrale,
orbitaire, atteinte des voies lacrymales, de la conjonctive,
de la sclère, de la cornée, ou intra-oculaire.
L’examen
ophtalmologique à la lampe à fente permet d’étudier la
conjonctive, la cornée à la recherche d’un ulcère, un effet
Tyndall, des synéchies antérieures ou postérieures et permet
l’examen du cristallin.
La tension oculaire est prise à
l’aide du tonomètre par aplanation.
Après avoir vérifié la
motilité intrinsèque et éliminé une fermeture de l’angle irido-cristallinien, la pupille est dilatée.
La dilatation de la
pupille permet de faire un examen du segment postérieur
de l’oeil.
A - Causes palpébrales :
1- Orgelet
:
C’est une infection de la bordure ciliaire, caractérisée par
une petite tuméfaction centrée par un cil.
2- Chalazion :
C’est une inflammation granulomateuse d’une glande
Meibomius.
Il se caractérise par une voussure souscutanée
intrapalpébrale.
Le traitement est le même que
celui de l’orgelet : massage par une pommade antiinflammatoire.
En l’absence de guérison, le traitement est
chirurgical.
3- Blépharites :
Elles sont caractérisées par une sensation de corps étranger,
de brûlures, de picotements.
Le traitement le plus efficace
est l’hygiène des bords libres.
4- Ectropion :
C’est une éversion de la paupière inférieure. L’oeil est irrité
et rouge en raison d’une protection inadéquate de la surface
oculaire. Le traitement est chirurgical.
5- Entropion :
C’est l’inversion de la paupière.
Les cils frottent sur la cornée
et provoquent une kératite.
Le traitement est
chirurgical.
B - Causes orbitaires :
Les cellulites orbitaires sont caractérisées par des douleurs,
une diplopie, un oedème et une rougeur des paupières, une
exophtalmie, un ptosis et une limitation de l’oculomotricité
; c’est une urgence absolue en raison des risques d’une
baisse irréversible de l’acuité visuelle, de septicémie, de
thrombophlébite du sinus caverneux.
Une hospitalisation,
un scanner en urgence à la recherche d’un sinus infecté,
une antibiothérapie parentérale sont réalisés en urgence
après la réalisation d’un bilan inflammatoire et infectieux :
NF, VS, hémocultures.
Les germes en cours sont le plus
souvent : Staphylococcus ou Streptococcus chez l’adulte,
et l’Haemophilus influenzae chez l’enfant.
C - Atteinte des voies lacrymales :
La dacryocystite aiguë est une infection du sac lacrymal
caractérisée par un gonflement rouge et douloureux à
l’angle inféro-interne de l’orbite, avec un reflux purulent
à la pression du sac lacrymal.
C’est une urgence thérapeutique
en raison du risque de dissémination hématogène.
Il
faut faire un prélèvement et instaurer une antibiothérapie
à large spectre.
Le traitement chirurgical se fait à froid : dacryocystorhinostomie.
D - Affections de la conjonctive
et de la sclère :
1- Conjonctivites :
Elles sont définies par une inflammation isolée de la
conjonctive : l’oeil est rouge, non douloureux, sans baisse
d’acuité visuelle, avec une sensation de gêne oculaire et des sécrétions.
Le reste de l’examen ophtalmologique est
normal. L’examen à la lampe à fente permet de rechercher
des signes évocateurs de l’étiologie.
• Les conjonctivites bactériennes sont caractérisées par
des sécrétions purulentes. Les germes en cause sont : Staphylococcus,
Streptococcus, et Haemophilus.
Un prélèvement
conjonctival avec un examen cyto-bactériologique et
un antibiogramme sont indispensables.
En cas de port de
lentille de contact, celle-ci est mise en culture.
La guérison
est obtenue par une antibiothérapie à large spectre pendant
5 à 8 jours.
Chez le nourrisson, elle complique généralement
une dacryo-sténose congénitale qui guérit le plus
souvent spontanément à l’âge de 1 an.
Les conjonctivites
néonatales à Neisseria gonorrhaoeae (Gonococcique) surviennent
dans les 8 jours après la naissance, véritable
urgence nécessitant une antibiothérapie par voie parentérale.
Autrefois, l’évolution se faisait vers la fonte purulente du
globe oculaire.
Cette conjonctivite gravissime est traitée
de façon préventive par une goutte de nitrate d’argent à 1 %
à la naissance.
• Les conjonctivites virales sont caractérisées par des sécrétions séro-muqueuses, la notion d’épidémie, une fréquente
bilatéralisation, des adénopathies prétragiennes.
L’examen
à la lampe à fente permet de retrouver une conjonctivite
folliculaire (éléments lymphoïdes vascularisés en périphérie
de façon circonférentielle). Le virus en cause est le plus
souvent un adénovirus.
Le traitement par antiseptiques a
pour but d’éviter une surinfection.
• Les conjonctivites allergiques sont caractérisées par des
sécrétions séreuses, une irritation, voire un prurit sévère.
L’examen à la lampe à fente permet de mettre en évidence
une conjonctivite papillaire dans les formes chroniques
(infiltrats leucocytaires centrés par un pédicule vasculaire),
ou un simple chémosis dans les formes aiguës.
La conjonctivite
printanière de l’enfant est caractérisée par des papilles
volumineuses (pavés) se compliquant de kératite.
Le traitement est local par des antihistaminiques et (ou) par
des inhibiteurs de la dégranulation des mastocytes.
2- Hémorragie sous-conjonctivale :
L’oeil est rouge, non douloureux, sans baisse d’acuité
visuelle avec un examen normal.
Il faut rechercher une
hypertension artérielle, un diabète, une anomalie de la crase
sanguine.
3- Syndrome sec :
La baisse quantitative ou une anomalie qualitative des
larmes sont responsables d’une altération de la trophicité
des cellules épithéliales de la conjonctive, mais aussi de la
cornée (kérato-conjonctivite sèche).
Les signes fonctionnels sont l’oeil rouge avec une irritation
oculaire. Les signes d’examen sont un Schirmer positif et
(ou) un test au rose Bengale positif.
Les étiologies principales
sont séniles, médicamenteuses ou encore inflammatoires.
Le traitement est symptomatique par des larmes artificielles
en collyres.
4- Épisclérites :
L’oeil est rouge avec une douleur localisée.
La rougeur ne
disparaît pas à l’instillation d’un vasoconstricteur.
La vision est conservée et l’examen à la lampe à fente est
normal.
Le bilan étiologique recherche une maladie inflammatoire
générale.
E - Uvéite antérieure
:
L’uvéite antérieure
– inflammation de l’uvée antérieure
(iris, corps ciliaire)
– est caractérisée par un oeil rouge avec
des douleurs oculaires, un myosis et un flou ou une baisse
d’acuité visuelle, nécessitant une consultation par un ophtalmologiste
dans l’heure qui suit l’apparition des symptômes.
L’examen à la lampe à fente permet de confirmer le diagnostic
en objectivant l’hyperhémie conjonctivale avec un
cercle périkératique et l’inflammation du segment antérieur.
Il existe un effet Tyndall, des précipités rétrocornéens,
des synéchies irido-cristalliniennes.
Il peut y avoir des synéchies antérieures responsables d’une
hypertonie oculaire irréversible.
Le diagnostic différentiel avec le glaucome aigu
est très important car la dilatation de la pupille fait partie
du traitement de l’uvéite antérieure.
La dilatation de la pupille permet de vérifier l’intégrité du
segment postérieur.
Le traitement symptomatique vise à juguler l’inflammation
par des anti-inflammatoires stéroïdiens et non stéroïdiens
et à dilater la pupille pour faire lâcher les synéchies.
Les séquelles de l’uvéite antérieure, en l’absence de traitement,
ou en cas de récidives sont : la cataracte, le glaucome,
le bloc pupillaire par synéchies postérieures circonférentielles
nécessitant une iridotomie, et la phtisie du globe
par altération du corps ciliaire.
Le traitement est par ailleurs étiologique.
Les examens complémentaires permettant d’aboutir au diagnostic
étiologique sont demandés selon les caractéristiques
de l’uvéite, les antécédents, le terrain et l’examen
médical complet.
Glaucome aigu par fermeture de
l’angle (GFA) :
Il est caractérisé par un frein à l’écoulement de l’humeur
aqueuse entre la chambre postérieure et la chambre antérieure.
Il est favorisé par une dilatation spontanée ou médicamenteuse
(Atropine ou toute autre méthode ayant un effet
parasympatholytique, antidépresseurs tricycliques, antispasmodiques
intestinaux, antiparkinsoniens par exemple).
Il survient préférentiellement chez un sujet morphologiquement
prédisposé en raison d’une chambre antérieure
étroite : femme d’un certain âge avec un gros cristallin,
hypermétropie.
Cette prédisposition explique la bilatéralisation
de la maladie dans 100 % des cas, d’où la nécessité
absolue d’effectuer un traitement préventif sur l’oeil controlatéral.
Il débute par des douleurs modérées ou violentes, au point
d’être émétisantes et d’engendrer des troubles de l’équilibre.
La vision est floue ou bien sévèrement abaissée. L’oeil
est rouge, en semi-mydriase aréflexique, il est dur à la palpation.
Une perfusion de Diamox doit être immédiatement
posée si possible et le patient transporté en urgence en ophtalmologie.
L’examen constate un oeil rouge avec un cercle périkératique.
La cornée est trouble voire totalement blanche, oedémateuse.
La chambre antérieure est étroite, l’angle est fermé en gonioscopie, la tension oculaire mesurée par
tonomètre par aplanation est très élevée, généralement audessus
de 40 mmHg, l’examen en gonioscopie de l’oeil
controlatéral permet de retrouver un angle irido-cornéen
étroit.
Il faut en urgence compléter l’injection intraveineuse de Diamox (500 mg) par une perfusion de Mannitol à 25 %
(500 mL passé en 20 min), en l’absence de contre-indication
générale.
Le traitement en collyres a pour but de tarir
la sécrétion d’humeur aqueuse (Trusopt), mais aussi de
lever le bloc pupillaire et angulaire par une instillation
toutes les 5 minutes au départ de myotique et enfin de diminuer
l’inflammation par des anti-inflammatoires en collyres.
Lorsque la pression intra-oculaire est normalisée, une iridotomie
périphérique au laser, homolatérale et controlatérale,
est effectuée pour éviter respectivement la récidive et
la bilatéralisation.
Si la transparence de la cornée ne permet
pas de réaliser une iridotomie, une iridectomie chirurgicale
est effectuée.
En l’absence de traitement ou en
cas de traitement trop retardé, l’évolution est caractérisée
par la perte fonctionnelle du globe oculaire.
Kératites
:
Les kératites sont caractérisées par un oeil rouge, douloureux,
avec une photophobie et un larmoiement et parfois
une baisse d’acuité.
Une consultation ophtalmologique en
extrême urgence est nécessaire en raison du risque de perforation
du globe oculaire, de surinfection et d’endophtalmie
ou de séquelles visuelles irréversibles.
Les signes d’examen sont la rougeur conjonctivale avec un
cercle périkératique, une coloration positive à la fluorescéine
des zones de défect épithélial (ponctuées, dendritiques,
en carte de géographie, ou ulcère rond plus ou moins
creusant) en cas de kératite superficielle, un oedème du
stroma en cas de kératite interstitielle.
Les kératites ponctuées sont généralement associées à une
conjonctivite virale ou à une anomalie de l’auvent palpébral
(entropion, ectropion, lagophtalmie, exophtalmie).
L’herpès est responsable de kératites dendritiques ou en
carte de géographie.
Le diagnostic est clinique.
Dans ces
formes épithéliales, un traitement antiviral en urgence doit
être instauré ; les corticoïdes locaux sont formellement
contre-indiqués.
L’ulcère infectieux se complique rapidement d’un abcès de
cornée, il survient surtout chez le porteur de lentilles de
contact.
Il nécessite en urgence un prélèvement, un antibiogramme
et une antibiothérapie en collyres.
Le traitement est ajusté selon les règles classiques de l’antibiothérapie
et la lentille de contact est mise en culture
également.