OEdèmes aigus pulmonaires non cardiogéniques Cours de
réanimation - urgences
Introduction
:
La première description de défaillance
pulmonaire aiguë suite à des traumatismes
ou des chocs hypovolémiques graves
remonte à 1967.
Les caractéristiques
cliniques les plus évidentes sont la dyspnée,
la tachypnée, l’hypoxémie souvent
réfractaire à l’oxygénothérapie, une
diminution notable de la compliance
pulmonaire.
L’OAP est dû à une
augmentation de perméabilité de la paroi
alvéolocapillaire entraînant une invasion des
alvéoles par des liquides riches en protéines
et en cellules.
Les radiographies pulmonaires
montrent des infiltrations bilatérales
inhomogènes du parenchyme pulmonaire.
Ce syndrome est connu sous le nom de
syndrome de détresse respiratoire aigu de
l’adulte (SDRA).
Il peut être d’origine
pulmonaire directe ou le plus souvent
indirecte extrapulmonaire.
Physiopathologie
:
A - AGRESSION PULMONAIRE DIRECTE
:
L’agression pulmonaire directe par agents
nocifs (paraquat, vapeurs acides, fumées, O2
pur, toxines infectieuses...), par contusion ou
par pneumonie infectieuse aboutit à une
défaillance pulmonaire des suites d’une
lésion directe de l’épithélium alvéolaire ou
d’une activation des macrophages
alvéolaires.
Les caractéristiques de cette
souffrance pulmonaire sont l’oedème par
extravasation, la nécrose cellulaire,
l’hyperplasie épithéliale, l’inflammation et la entraînent une activation macrophagique
avec réaction inflammatoire.
Cette dernière
atteint l’épithélium pulmonaire et
l’endothélium capillaire pulmonaire.
Les
macrophages peuvent être également
activés, avec pour résultante une
modification de la perméabilité capillaire et
une accumulation de liquides, de protéines
et de cellules dans les alvéoles.
Quelques
heures après l’agression initiale, les cellules
endothéliales libèrent des médiateurs
inflammatoires, des substances vasoactives,
des facteurs procoagulants, et expriment des
récepteurs d’adhésion pour les cellules
phagocytaires.
Le renforcement de cette
adhésion endothéliale en présence de
médiateurs inflammatoires chémotactiques
active les cellules granulocytaires qui vont
diffuser dans les septa intra-alvéolaires et les
alvéoles pulmonaires.
La résultante est une
aggravation de la réaction inflammatoire en
cours.
Il y a rapidement apparition de
membranes hyalines constituées de
protéines plasmatiques extravasées,
d’immunoglobulines, de fibrinogène, de
débris cellulaires et d’alvéoles congestionnées,
oedémateuses et partiellement collabées.
B - AGRESSION PULMONAIRE INDIRECTE
:
Les médiateurs libérés à distance dans
d’autres organes parvenant au poumon par
le flux sanguin et l’accumulation de
microagrégats dans les capillaires
pulmonaires sont responsables du
développement du SDRA d’origine
indirecte, qui apparaît ainsi comme un
aspect particulier d’un phénomène
inflammatoire plus général.
Les cellules
sanguines (monocytes, granulocytes,
plaquettes, hématies) et les cellules
endothéliales sont des éléments
particulièrement actifs de cette forme de SDRA.
Lors d’une agression infectieuse, sous
l’effet stimulateur des cytokines (TNF,
interleukine 1...) et de l’endotoxine, ou lors
des phénomènes d’ischémie-reperfusion des
états de choc, le fonctionnement normal de
l’endothélium est perturbé, avec l’apparition
d’une activité procoagulante qui favorise
une coagulation intravasculaire, la
consommation de plaquettes et les dépôts
de fibrine.
Les cellules endothéliales
libèrent alors de nombreux médiateurs
(platelet activating factor, cytokines, facteurs
chémoattracteurs...), activent le complément
par liaison des complexes immuns circulants
et expriment des récepteurs d’adhésion en
nombre croissant.
Ces derniers augmentent
les interactions avec les neutrophiles attirés
et activés par les médiateurs de
l’inflammation libérés par les cellules
endothéliales.
Tout ceci contribue à
entretenir et amplifier la réaction
inflammatoire.
Ces altérations de
l’endothélium ont des conséquences sur la
perméabilité capillaire et l’oedème, mais
aussi sur les fonctions métaboliques du
poumon, entraînant une augmentation
significative de substances actives comme la
bradykinine responsable d’hypotension et
d’oedèmes, les prostaglandines E1, E2 et F2
alpha à l’origine d’augmentation de la
perméabilité vasculaire, la noradrénaline et
la sérotonine favorisant la vasoconstriction,
l’agrégation plaquettaire et l’adhésion
leucocytaire.
Quel que soit le type d’agression, directe ou
indirecte, le SDRA se définit par un rapport
pression partielle artérielle en oxygène
(PaO2) /FiO2 inférieur à 200.
Le diagnostic
différentiel se fait entre l’OAP cardiogénique
et les oedèmes de perméabilité.
Principes généraux
du traitement
du syndrome de détresse
respiratoire aigu
de l’adulte :
Les principes du traitement de l’insuffisance
respiratoire aiguë hypoxique reposent sur
l’identification de l’origine de l’agression
pulmonaire diffuse et de la fuite capillaire
pulmonaire, car l’élimination des stimulus
inflammatoires limite la progression de
l’agression et permet une amélioration
progressive.
Aucun traitement ne parvient à
une réparation directe de l’endothélium et
de la perméabilité alvéolaire, ni n’accélère la
résorption du liquide alvéolo-interstitiel.
A - TRAITEMENTS MÉDICAMENTEUX
:
Les corticostéroïdes n’ont pas montré
d’effets sur la mécanique pulmonaire, les
échanges gazeux ou le pronostic du SDRA
au stade précoce.
Leur justification, pour
certains auteurs, porte sur la diminution de
la fibrose postinflammatoire, avec des
résultats convaincants pour des
administrations prolongées de méthylprednisolone.
Les anti-inflammatoires non
stéroïdiens tels que l’ibuprofène peuvent
légèrement modifier l’évolution de
l’agression pulmonaire en cas de sepsis, mais
les résultats des investigations cliniques sont
décevants.
Les taux de surfactant sont
réduits dans le SDRA, mais des essais
d’aérosols de surfactant chez les adultes
n’ont pas montré d’amélioration du
pronostic.
L’administration d’antiradicaux
libres en prévention de l’agression
pulmonaire aiguë ne sont pas
encourageants.
B - OBJECTIFS THÉRAPEUTIQUES
:
Les principaux objectifs du traitement
symptomatique sont de maintenir des
niveaux de PaO2 et de transport en oxygène
adéquats, tout en prévenant les
complications telles que la toxicité de l’O2,
la surcharge volémique, les hémorragies
gastro-intestinales, les infections locales ou
systémiques, la maladie thromboembolique,
la malnutrition et les problèmes liés à la
ventilation mécanique.
Prise en charge ventilatoire
:
Elle doit être guidée par plusieurs principes.
L’objectif n’est pas d’obtenir des constantes
physiologiques normales.
L’hypercapnie
permissive (PaCO2 à 60-70 mmHg) et la
diminution de la PaO2 aux alentours de
55 mmHg semblent plus raisonnables que de
risquer une surdistension pulmonaire, un
trapping aérien, une défaillance circulatoire
ou une toxicité à l’O2 surajoutée.
La surdistension alvéolaire peut endommager
les parois alvéolaires et capillaires, et
entraîner une augmentation de la fuite
liquidienne avec aggravation de l’OAP
et/ou rupture aérienne conduisant au
barotraumatisme.
L’augmentation de la PEP
afin d’améliorer la PaO2 peut diminuer le
débit cardiaque et réduire ainsi la délivrance
en O2 aux tissus.
Chez ces patients, seule
une petite fraction de poumon est compliante et capable d’échanges gazeux ; le
réglage du volume courant doit donc être
relativement faible.
Enfin, la physiopathologie
sous-jacente varie dans le temps et doit
nécessiter l’adaptation constante du mode ventilatoire et de ses réglages.
La
ventilation en décubitus ventral du SDRA a
été réactualisée ces dernières années du fait
de constats spectaculaires sur l’amélioration
des indices d’oxygénation dans une large
proportion de patients.
Le mécanisme de
cette amélioration est complexe, avec des
interactions entre mécanique thoracique et
répartition de la perfusion.
Cependant, cette
technique n’a pas d’impact sur le pronostic
ni sur la prise en charge en urgence.
Les
indications, la durée, le mécanisme d’action
doivent être précisés.
Le pronostic du SDRA est meilleur s’il
survient isolément (survie supérieure à
85 %) que lorsqu’il est intégré à un
syndrome de défaillance multiviscérale
(survie de 30 %).
Les pneumonies
nosocomiales augmentent significativement
la mortalité.
Les lésions pulmonaires
disparaissent complètement chez 60 % des
patients qui survivent après extubation.
OEdème aigu pulmonaire
non cardiogénique
en médecine d’urgence
:
Est envisagée dans ce chapitre la prise en
charge des OAP non cardiogéniques
auxquels le médecin des urgences risque
d’être le plus fréquemment confronté dans
son exercice quotidien.
A - OEDÈMES AIGUS PULMONAIRES
NON CARDIOGÉNIQUES
ET PATHOLOGIES
CIRCONSTANCIELLES :
1- Noyade
:
Elle reste une cause de mortalité importante
(3 000 décès par an en France) et pose le
problème d’une réanimation d’extrême
urgence sur les lieux mêmes.
Le pronostic
reste sombre par l’association des lésions
hypoxiques cérébrales et du SDRA.
* Physiopathologie
:
Les lésions pulmonaires sont dues au film
aqueux qui se forme sur les parois
alvéolaires avec des lésions du surfactant,
une augmentation des résistances
thoraciques et une altération majeure de
l’hématose avec hypoxémie sévère.
Les
altérations observées varient en fonction de
l’eau inhalée.
L’eau de mer est hypertonique
par rapport au plasma.
En contact avec la
membrane alvéolocapillaire, celle-ci se
comporte comme une membrane semiperméable
et va donc conditionner les
mouvements d’eau du plasma vers les
alvéoles afin de rétablir une isotonie.
Ceci a
pour conséquence de créer une hémoconcentration
avec hypovolémie et d’aggraver
l’inondation alvéolaire.
L’inhalation d’eau
douce, hypotonique, provoque des
mouvements d’eau dans le sens inverse.
Il
en résulte une hypervolémie avec
hémodilution et risque d’hémolyse si
l’hypotonie est trop importante.
Le poumon
reste le siège d’un oedème pulmonaire de
type lésionnel par altération de la membrane
alvéolaire et du surfactant.
La présence de
chlore, d’impuretés, de sable, ne fait
qu’aggraver les lésions.
* Clinique :
À l’examen clinique, plusieurs tableaux
peuvent se rencontrer :
– ingestion simple d’eau sans inhalation
pulmonaire, qui provoque des vomissements
sans gravité chez un patient conscient ;
– trouble de la conscience réversible après
sauvetage sans détresse respiratoire
majeure ;
– coma plus ou moins profond, de
préférence hypertonique, parfois
accompagné de crises convulsives associées
à une détresse respiratoire sévère ; celle-ci
est marquée par une cyanose, un
encombrement pulmonaire majeur, une
respiration rapide et superficielle ; à ces
troubles neurologiques et respiratoires
s’associent souvent des désordres
hémodynamiques sous forme de collapsus ;
– patient en état de mort apparente, en arrêt
respiratoire ou circulatoire.
* Prise en charge immédiate
:
Face à ces différents tableaux cliniques,
plusieurs classifications ont été proposées,
dont celle de Szpilman.
Elle s’appuie sur
un algorithme basé sur l’examen clinique
respiratoire et cardiovasculaire.
Cet algorithme est intéressant
car il permet une approche pratique de la
conduite à tenir.
Ainsi, la conduite à tenir
sur les lieux de l’accident varie en fonction
de l’état clinique.
Dans tous les cas, la
réanimation doit être la plus précoce
possible.
Si le sujet est conscient (classe 1 de Szpilman), sans trouble respiratoire, il faut
le réchauffer et le rassurer.
Une
hospitalisation de courte durée est
préconisée.
Si le sujet est conscient avec des
troubles respiratoires modérés (classe 2 de Szpilman), il faut assurer une oxygénothérapie
soit au masque à haut débit (de 8 à
12 L/min), soit par VS-PEP entre 5 et
10 cmH2O et FiO2 entre 50 et 100 %.
L’objectif est l’obtention d’une saturométrie
de pouls supérieure à 95 % sans signe
clinique d’épuisement respiratoire.
Un
monitorage hémodynamique non invasif est
instauré en même temps qu’un réchauffement
lent externe.
Un transport médicalisé
et une hospitalisation en soins continus,
voire en réanimation, complètent la prise en
charge préhospitalière.
Si le sujet est en
insuffisance respiratoire aiguë (classe 3 de Szpilman), la réanimation respiratoire est
instaurée soit par VNI et PEP si le sujet est
conscient et coopérant, soit par ventilation
mécanique avec PEP sur sonde endotrachéale
à FiO2 de 100 %.
En cas de troubles
hémodynamiques associés (classe 4 de Szpilman), un remplissage vasculaire par
macromolécules type hydroxy-éthyl-amidon est indiqué.
En cas d’arrêt respiratoire (classe
5 de Szpilman) ou cardiaque (classe 6 de
Szpilman), une réanimation classique
respiratoire ou cardiopulmonaire est débutée
et poursuivie, en l’absence de reprise
d’activité cardiaque, en se souvenant que
l’hypothermie très fréquente dans ce
contexte protège le cerveau contre les
séquelles anoxiques.
* Prise en charge secondaire
:
En milieu hospitalier, la réanimation de la
détresse respiratoire est poursuivie sous
contrôle clinique, biologique (gazométrie
artérielle) et radiographique.
Les différentes
techniques de ventilation (VNI, ventilation
mécanique en pression contrôlée, ajustement
des niveaux de FiO2 et de PEP) sont
optimisées et ajustées en fonction de
l’évolution clinique et mises en oeuvre dès
l’admission de la victime aux urgences ou
en réanimation.
Les traitements associés
(monoxyde d’azote, drainage postural, fibroaspiration bronchique) ne sont pas
spécifiques de la noyade mais de l’évolution
du SDRA.
L'antibioprophylaxie
systématique par l’association amoxicillineacide
clavulanique reste très discutée, et
peut être remplacée en réanimation par une
surveillance bactériologique et un traitement
adapté aux données de l’antibiogramme.
L’évolution neurologique d’un coma postanoxique reste incertaine et les mesures
classiques de réanimation neurologique sont
entreprises (neurosédation, traitement de
l’hyperpression intracrânienne, monitorage
de la pression intracrânienne, de la pression
de perfusion cérébrale...).
Si le patient ne présente aucune détresse à
l’admission aux urgences, une hospitalisation
en unité d’hospitalisation de courte
durée pour une surveillance de 24 heures
avec radiographie pulmonaire et bilan
biologique est souvent indiquée.
2- Inhalation de fumées
:
* Toxicologie
:
Les fumées d’incendie sont schématiquement
responsables de deux types de
toxicité : la première est pulmonaire,
aboutissant à un SDRA ; la seconde est
systémique, d’expression immédiate ou
retardée.
Il n’est pas souvent possible de
connaître la toxicité précise des fumées
inhalées.
Les facteurs comme la durée
d’exposition, la proximité du foyer de
combustion, jouent un rôle essentiel dans la
nature et l’importance des effets toxiques.
La combustion induit une baisse de la FiO2
pouvant atteindre 10 % et produit du CO2,
sans toxicité importante, et du monoxyde de
carbone (CO), dont la toxicité est bien
établie.
Des concentrations élevées de CO2
entraînent une hyperventilation et induisent
une pénétration pulmonaire importante
d’autres toxiques.
Le CO se fixe sur
l’hémoglobine avec une affinité 250 fois
supérieure à celle de l’O2, entraînant la
formation de carboxyhémoglobine (HbCO).
Il en résulte une diminution du transport
d’O2.
De plus, le CO exerce des effets
toxiques directs en diminuant l’activité de la cytochrome-oxydase et en augmentant la
perméabilité de la membrane
alvéolocapillaire.
La combustion de nombreux matériaux de
synthèse (polyamide, polyacrylonitrile,
résines, polyuréthane...) mais aussi de
matériaux naturels (bois, laine, soie) est
susceptible de dégager des cyanures, et ce
d’autant que la combustion s’effectue à
haute température et que la concentration
en O2 de l’atmosphère est faible.
Les
cyanures inhibent de nombreux complexes
enzymatiques, en particulier la cytochromeoxydase
en bloquant l’utilisation d’O2 par
les mitochondries.
De nombreux autres toxiques systémiques
sont identifiés, mais leur importance relative
reste imprécise.
Les oxydes d’azote et de
soufre, l’ammoniac, le chlore, le phosgène
sont irritants.
L’hydrogène sulfuré exerce à
la fois des effets toxiques systémiques et des
effets irritants avec OAP lésionnel.
En pratique, seule la responsabilité de la
baisse de FiO2, du CO et des cyanures a été
cliniquement établie, ce qui n’exclut pas la
toxicité potentielle de nombreux autres
composants.
On parle de toxicité globale des
suies et gaz inhalés sans pouvoir aller plus
loin dans l’identification des principaux
toxiques pulmonaires.
* Physiopathologie
:
Les lésions trachéobronchiques ne sont
pratiquement jamais dues à la chaleur, mais
sont de nature chimique.
Il s’agit d’une part
des gaz irritants, et d’autre part des suies.
Les gaz irritants provoquent des OAP
lésionnels à des concentrations faibles, de
l’ordre de 50 ppm pour le chlore.
Les suies
sont de nature chimique très complexe et
responsables de brûlures.
De plus, elles
peuvent adsorber de nombreux autres
toxiques, provoquant des réactions
secondaires à l’origine de nouveaux
toxiques.
Le dépôt de particules inhalées
dépend étroitement de leur diamètre. Des
particules de plus de 10 μm se déposent
surtout sur les bronches jusqu’à la quatrième
génération ; en dessous de 3 μm, elles
atteignent les bronches les plus distales.
Cette brûlure chimique est clairement mise
en évidence par l’aspect de la muqueuse
bronchique sous-jacente aux dépôts
adhérents retirés par fibroaspiration.
De
manière très précoce, des altérations
importantes du surfactant pulmonaire sont
constatées après inhalation de fumées.
Très
rapidement apparaît un oedème interstitiel
avec augmentation du débit lymphatique.
Un afflux de polynucléaires est observé et
va participer au déclenchement du SDRA
par libération de nombreuses enzymes
protéolytiques et de radicaux libres.
La
physiopathologie ne diffère guère de celle
d’autres SDRA, à ceci près que l’atteinte est
diffuse, avec peu de zones saines.
* Clinique
:
Cliniquement, les signes d’intoxication au
CO comme les céphalées, les troubles
visuels, les nausées, les vomissements, la
coloration cutanée cochenille sont
recherchés.
Les signes cardiovasculaires
peuvent comprendre un collapsus ou un
arrêt cardiocirculatoire. Le diagnostic repose
jusqu’à preuve du contraire sur le dosage
plasmatique de l’HbCO.
Le diagnostic
d’intoxication cyanhydrique repose
essentiellement sur la clinique ; la réalisation
du dosage biologique en urgence est souvent
impossible.
Tout intoxiqué par les fumées
d’incendie présentant des signes
neurologiques compatibles avec une anoxie
cérébrale ou des signes cardiovasculaires
graves (collapsus, arrêt circulatoire) doit être
considéré comme un intoxiqué aux
cyanures.
Le dosage des lactates
plasmatiques permet d’orienter vers ce
diagnostic avec une haute probabilité s’ils
sont supérieurs à 10 mmol/L.
Les lésions des voies aériennes supérieures
(brûlures de la face, des vibrisses, dépôts de
suies narinaire et lingual, tatouages cutanés
de la face) ne préjugent pas de l’atteinte
pulmonaire. L’expectoration de suies dans
les crachats a certes une valeur prédictive,
mais non infaillible.
Un des éléments
essentiels demeure l’interrogatoire afin de
savoir si le patient a inhalé ou non de la
fumée.
* Examens complémentaires
:
De nombreux examens complémentaires ont
été proposés pour le diagnostic de l’atteinte
pulmonaire.
La radiographie peut montrer
des opacités alvéolaires, des atélectasies,
mais elle n’est pas d’un grand secours lors
de l’admission de la victime aux urgences à
cause du retard radioclinique.
La gazométrie
artérielle est d’interprétation difficile,
notamment parce qu’il existe souvent une
hypoxémie transitoire en l’absence
d’intoxication vraie.
En fait, c’est la
répétition de ces examens qui permet
d’apprécier la gravité.
La scintigraphie au
xénon 133 et la réalisation d’explorations
fonctionnelles avec courbes volume-débit
sont potentiellement utiles, mais non
réalisables en urgence.
L’examen le plus
utile à la période initiale dans le diagnostic
des atteintes pulmonaires est la fibroscopie
bronchique.
Elle évalue l’importance des
lésions et l’oedème des voies aériennes
supérieures.
Surtout, elle permet
d’authentifier l’inhalation des fumées
d’incendie en montrant des lésions de la
muqueuse trachéobronchique : dépôts de
suies, lésions inflammatoires avec parfois
oedème de la muqueuse bronchique saignant
au contact, fausses membranes correspondant
à un amalgame de mucus, suies et
débris de muqueuses pouvant former des
bouchons.
La fibroscopie permet aussi le
diagnostic d’inhalation de liquide gastrique
chez un patient comateux.
L’absence de
telles lésions en dessous de la glotte exclut
une atteinte pulmonaire importante.
En
revanche, leur présence sous-glottique
affirme le diagnostic, avec un risque
important de SDRA de survenue immédiate
ou retardée.
Toutefois, il est très difficile
d’établir un pronostic de gravité à partir des
données de la fibroscopie pour plusieurs
raisons. D’une part, seules les bronches
proximales sont accessibles au fibroscope,
alors que l’atteinte bronchique distale et
alvéolaire est primordiale.
D’autre part, la
composition chimique des suies inhalées est
imprévisible.
Devant des arguments de
suspicion clinique ou biologique d’inhalation
de fumées, il convient de pratiquer une
fibroscopie bronchique.
Elle doit être
systématique devant tout patient intubé et
ventilé, et d’indication large pour les autres
patients, notamment s’il existe des brûlures
cutanées associées.
* Traitement
:
Les principes de traitement des victimes
d’inhalation de fumées sont bien codifiés.
Le traitement de l’intoxication
oxycarbonée repose sur l’oxygénothérapie, normobare dans la plupart des cas et
hyperbare pour les formes avec signes de
gravité, notamment neurologique et pour les
femmes enceintes.
Le traitement de
l’intoxication cyanhydrique repose sur
l’oxygénothérapie et l’administration de
l’antidote utilisable en urgence, y compris
en préhospitalier, à savoir l’hydroxocobalamine.
Cette dernière, administrée dans les
formes graves, a fait la preuve de son
efficacité et est dénuée d’effets secondaires
importants.
La posologie est de 5 g par
voie intraveineuse, éventuellement
renouvelable.
Le traitement du SDRA en
rapport avec l’inhalation de fumées
d’incendie ne diffère pas de la réanimation
habituelle, à ceci près que le risque de
surinfection est très élevé, ainsi que la
mortalité.
Cependant, le poumon peut
cicatriser malgré des dommages initiaux
considérables.
La fibroscopie bronchique a
un rôle thérapeutique en levant les
obstructions bronchiques dues aux suies et
responsables d’atélectasies favorisant les
surinfections.
Le lavage endobronchique n’a
pas fait la preuve de son efficacité
thérapeutique.
Des agents médicamenteux
comme la N-acétyl-cystéine ou l’allopurinol
pourraient présenter un intérêt, mais il
n’existe pas de preuve clinique de leur
efficacité.
En conclusion, à l’arrivée du patient aux
urgences, l’examen clinique est refait et des
examens complémentaires sont effectués :
radiographie pulmonaire, gazométrie
artérielle, dosage de l’HbCO, dosage des
lactates plasmatiques.
Devant une inhalation de fumées
authentifiée par la fibroscopie bronchique,
une hospitalisation en unité de soins
intensifs est privilégiée, car la survenue d’un SDRA est hautement probable et
d’apparition retardée.
3- OEdème pulmonaire de haute
altitude
:
L’OAP de haute altitude est une
complication potentiellement fatale de
l’ascension rapide à des altitudes
supérieures à 2 900 mètres.
Cet OAP
provient de mécanismes non cardiogéniques,
bien que l’hypertension artérielle
pulmonaire apparaisse impliquée dans la
pathogénie.
Des études hémodynamiques
ont montré une augmentation de la
pression artérielle pulmonaire avec une
pression veineuse pulmonaire normale.
L’OAP peut résulter d’une augmentation de
la pression capillaire pulmonaire dans des
régions limitées du lit capillaire pulmonaire
ou d’une augmentation de la perméabilité
des capillaires pulmonaires.
Les symptômes débutent après 6 à 36 heures
en haute altitude.
Il apparaît une dyspnée
de repos, une tachypnée et des crépitants
aux bases.
Dans les formes les plus
prononcées, la cyanose, l’orthopnée et
l’hémoptysie sont présentes.
Une
caractéristique de cet OAP est la présence
de membranes hyalines dans les petites
bronches et les alvéoles.
L’origine de leur
formation reste inconnue.
La méthode la
plus simple de prévention et de traitement
de l’OAP de haute altitude est de pratiquer
une ascension progressive et de descendre
dès qu’apparaissent les symptômes.
L’administration de salmétérol semble
présenter un intérêt dans la prévention.
Le traitement spécifique comprend
l’oxygénothérapie avec adjonction d’une
PEP ou l’utilisation d’une chambre
pressurisée et une hydratation adéquate.
L’acétazolamide (de 500 à 750 mg), la
nifédipine et la dexaméthasone (de 8 à
16 mg) peuvent aussi se révéler efficaces
dans ce contexte.
Plus récemment,
l’utilisation du monoxyde d’azote améliore
la gazométrie et semble améliorer l’évolution
de l’OAP de haute altitude.
Le
traitement le plus simple reste la redescente.
4- OEdème aigu pulmonaire
et pendaison
:
Lors de pendaison, d’authentiques OAP
lésionnels sont décrits.
Le mécanisme est dû
à une alternance de violentes surpressionsdépressions
lors des mouvements
respiratoires réflexes (gasp) sur l’obstacle des
voies aériennes supérieures.
Ceci favorise les
ruptures alvéolaires avec création d’un
oedème.
Pour d’autres, cet OAP pourrait être
lié à une hypertension artérielle pulmonaire
ou à une histaminolibération.
On en
rapproche les OAP survenant au décours
d’une obstruction laryngée.
B - OEDÈME AIGU PULMONAIRE
NON CARDIOGÉNIQUE
ET TRAUMATOLOGIE
:
1- Contusion pulmonaire
:
Les contusions pulmonaires s’observent
dans les suites d’un traumatisme direct du
parenchyme pulmonaire (traumatisme
thoracique) ou indirect (polytraumatisme,
onde de choc).
* Physiopathologie
:
La lésion élémentaire est une rupture alvéolocapillaire entraînant une fuite de sang
extravasculaire et une fuite d’air en dehors
de l’alvéole.
Ces lésions peuvent rester
circonscrites ou s’étendre et créer un
hémothorax, un pneumothorax, un
emphysème interstitiel.
En quelques heures
(de 2 à 6 heures) apparaît un oedème
pulmonaire de type lésionnel, riche en
protéines, dans les zones lésées et périlésionnelles.
Il peut être bilatéral et
atteindre des zones non lésées.
Il existe une
infiltration de cellules mononucléées et de
polynucléaires dans les zones où
l’architecture est conservée.
Vingt-quatre
heures plus tard, ces phénomènes
s’accentuent avec des dépôts de fibrine hyalinoïdes et des cellules épithéliales dans
les zones périlésionnelles.
La zone contuse
se densifie, avec une dilatation des
lymphatiques sous-pleuraux et une
thrombose de nombreux vaisseaux dans les
zones périlésionnelles corticales.
De plus, la
dilacération pulmonaire qui favorise la
création d’hématocèles et de pneumatocèles
est plus ou moins hémorragique.
Ce
saignement aggrave par lui-même les lésions
pulmonaires par noyade hémorragique
d’alvéoles situées en zone déclive.
L’évolution naturelle de ces lésions reste
assez mal précisée.
Schématiquement, le
risque majeur est l’évolution vers le SDRA.
Ce risque est d’autant plus important que le
malade est choqué, nécessite un remplissage
vasculaire important et est sous ventilation
mécanique avec PEP.
À l’inverse, les
diurétiques sont sans effet.
* Diagnostic
:
Il repose habituellement sur des arguments
simples lors de l’admission de la victime aux
urgences.
Le mécanisme lésionnel met en
évidence la notion de traumatisme
important, d’écrasement ou de blast.
Cliniquement, une hémoptysie ou des
sécrétions bronchiques sanglantes peuvent
être constatées.
Radiologiquement, il existe
un temps de latence entre le traumatisme et
l’apparition d’images radiologiques.
Ce délai
est variable selon le volume contus, le
volume liquidien perfusé, la présence de
lacérations pulmonaires associées.
Le
scanner précoce permet une approche
diagnostique dans la mesure où la contusion
est visible immédiatement après le
traumatisme.
De plus, l’étude des
densités est susceptible d’individualiser une
zone hématique, et donc de reconnaître la
nature traumatique des images et de
quantifier exactement le degré de
contusion.
La réalisation précoce du
scanner n’est possible que si l’état de la
victime, notamment hémodynamique, le
permet.
* Traitement
:
La ventilation spontanée en VS-PEP
constitue une technique intéressante, mais
aucune étude précise n’est venue le prouver
à ce jour.
Lorsque la ventilation mécanique
est nécessaire, il est indispensable dans ce
contexte d’en connaître les effets délétères.
Un volume courant trop élevé entraîne une
distension du parenchyme pulmonaire sain
avec augmentation de la perméabilité de
l’endothélium microvasculaire et de
l’épithélium alvéolaire.
De plus,
l’augmentation des pressions favorise
l’augmentation de volume des pneumatocèles.
Enfin, en cas de lésions majeures de la
membrane alvéolocapillaire, l’hyperpression
favorise la survenue d’embolies gazeuses.
L’adjonction d’une PEP à la ventilation
mécanique est la mesure la plus courante
pour améliorer la PaO2 sans devoir
augmenter excessivement la FiO2.
L’augmentation du degré de contusion sous
PEP semble être essentiellement liée à une
réduction de drainage lymphatique dans le
territoire contus avec création d’oedème.
La compliance est donc significativement
diminuée. L’amélioration gazométrique et
radiologique liée à une augmentation de la
capacité résiduelle fonctionnelle ne signifie
pas une réduction des lésions.
2- Embolie graisseuse
:
* Physiopathologie
:
La traumatologie rend compte de la quasitotalité
(95 %) des étiologies d’embolies
graisseuses consécutives à l’obstruction du
réseau micro circulatoire par des
microgouttelettes de graisses insolubles
issues des graisses médullaires lors des
fractures osseuses.
Les os le plus
fréquemment incriminés sont par ordre
décroissant le fémur, le tibia ou les deux os
de la jambe.
Les fractures du bassin, du
membre supérieur ou des côtes ne sont que
très rarement incriminées lorsqu’elles sont
isolées.
Les facteurs favorisants semblent
être la multiplicité des fractures, l’association
à des lésions viscérales avec état de choc,
l’importance du déplacement, la mauvaise
contention du foyer fracturaire avec
déplacement secondaire.
Pour que puisse survenir l’embolisation
graisseuse dans la circulation veineuse, il
faut d’une part une rupture des veines
périosseuses et d’autre part une pression
dans la moelle osseuse supérieure à celle qui
règne dans le réseau veineux.
Les capillaires
pulmonaires de faible diamètre sont alors
progressivement occlus par les globules
graisseux, obstruction majorée par
l’adhésion plaquettaire et de fibrine.
La
lipoprotéine lipase pulmonaire, en
hydrolysant les graisses neutres embolisées,
libère des acides gras libres non estérifiés
dans la circulation.
Cette libération d’acides
gras libres conduit au SDRA par toxicité
directe au niveau de la membrane
alvéolocapillaire et du surfactant, et aux
troubles de coagulation par relargage de
thromboplastine.
Ces lésions de type
toxique viennent aggraver les lésions
obstructives secondaires à l’embolisation
graisseuse et à la formation de caillots
fibrinocruoriques.
Cette atteinte
respiratoire fait toute la gravité de la
maladie.
* Clinique :
L’installation progressive d’une insuffisance
respiratoire aiguë conduit au SDRA.
L’auscultation pulmonaire et la radiographie
à la phase initiale sont aspécifiques, voire
normales.
L’électrocardiogramme peut
montrer des signes de coeur pulmonaire
aigu.
L’étude hémodynamique droite
retrouve une hypertension de l’artère
pulmonaire de type précapillaire avec une
PAPo normale, non modifiée par
l’oxygénothérapie.
Les manifestations
neurologiques sont polymorphes,
conséquence de l’embolisation graisseuse et
fibrinocruorique cérébrale, de l’hypoxémie
liée à l’atteinte pulmonaire et des lésions
hémorragiques provoquées par la toxicité
des acides gras libres sur l’endothélium
vasculaire.
Les manifestations cutanéomuqueuses
sont retardées (de j2 à j4) et
correspondent à un purpura pétéchial.
Le traitement repose vraisemblablement sur
l’immobilisation précoce des foyers de
fracture et sur la réanimation respiratoire
faisant appel à une oxygénothérapie au
masque dans les formes modérées et à la
ventilation artificielle avec PEP pour les
formes graves.
C - OEDÈMES AIGUS PULMONAIRES
NON CARDIOGÉNIQUES
ET ATTEINTES NEUROLOGIQUES :
1- OEdème aigu pulmonaire
neurogénique :
*
Physiopathologie
:
Le mécanisme physiopathologique
responsable de l’OAP neurogénique n’est
pas complètement élucidé.
Le primum
movens est la survenue d’une atteinte
encéphalique engendrant une poussée
d’hypertension intracrânienne aiguë qui
provoque une stimulation sympathique
majeure.
Celle-ci est responsable d’une
décharge massive et brutale de
catécholamines, comme le prouvent les taux
importants plasmatiques et urinaires de ces
dernières chez les patients souffrant
d’hémorragies cérébroméningées.
La
recherche d’un site anatomique responsable
du déclenchement de l’OAP neurogénique
montre qu’il semble être situé dans la
medulla oblongata, au niveau du nucleus
tractus solitarus.
La stimulation de ces
zones est responsable expérimentalement
d’un OAP.
Deux grandes théories physiopathologiques
sont avancées pour expliquer la formation
de l’OAP neurogénique : la théorie
hémodynamique et l’augmentation de la
perméabilité capillaire.
La vasoconstriction
systémique provoquerait un détournement
du sang vers le lit vasculaire pulmonaire.
L’élévation brutale et transitoire de la
pression intravasculaire dans les capillaires
pulmonaires qui en découlerait serait
responsable d’une lésion directe de
l’endothélium par barotraumatisme.
Il en
résulterait une altération de la perméabilité
capillaire réalisant ainsi un OAP de type
lésionnel.
D’autres causes d’augmentation
de cette perméabilité capillaire peuvent
trouver leur origine par un mécanisme
central par ouverture des pores endothéliaux
ou par des facteurs toxiques endogènes
comme les endorphines.
Le caractère
lésionnel de l’OAP neurogénique est appuyé
par l’augmentation de la concentration
alvéolaire en protéines.
La théorie hémodynamique repose sur des
explorations réalisées dès l’apparition des
premiers signes cliniques.
Ces résultats, en
montrant une augmentation des résistances
vasculaires systémiques et pulmonaires avec
chute de l’index cardiaque, sont en faveur
d’une origine hydrostatique de l’OAP
neurogénique.
Une incompétence
ventriculaire gauche est souvent associée à
une PAPo élevée et à une baisse de l’index
cardiaque.
À l’appui de la théorie
hémodynamique, une amélioration voire une normalisation des paramètres est
constatée après administration de dobutamine.
Ainsi, bien que ces
mécanismes physiopathologiques restent
toujours discutés, à côté de la vasoconstriction
pulmonaire qui à elle seule peut
entraîner un OAP, une atteinte myocardique
directe pourrait jouer un rôle.
Les troubles
de la repolarisation à coronarographie
normale souvent rencontrés dans
l’hémorragie cérébroméningée vont dans ce
sens.
Il n’existe pas d’étude clinique prospective
évaluant l’incidence de l’OAP neurogénique.
Ce dernier surviendrait de manière
symptomatique dans environ 2 % des
hémorragies cérébroméningées.
Sur le plan
étiologique, toutes les lésions cérébrales
responsables d’une hypertension
intracrânienne peuvent se compliquer
d’OAP neurogénique.
Les deux grands
pourvoyeurs d’OAP neurogéniques sont
donc les traumatismes crâniens et les
hémorragies cérébroméningées.
* Tableau clinique
:
Cliniquement, le début est suraigu.
Dans un
contexte de lésion cérébrale responsable
d’hypertension intracrânienne aiguë,
l’apparition d’une hypersécrétion
bronchique sérohématique, le plus souvent
abondante avec cyanose, doit faire envisager
le diagnostic d’OAP neurogénique.
Une
tachycardie, une poussée d’hypertension
artérielle suivie éventuellement d’une
instabilité hémodynamique sont souvent
associées.
À la radiographie pulmonaire,
l’OAP est massif, suraigu, bilatéral.
Le
diagnostic différentiel se fait avec un
syndrome de Mendelson ou une infection
pulmonaire, qui peut toutefois être éliminée
aisément par le délai séparant la survenue
de l’OAP de l’accident initial.
* Traitement
:
La prise en charge thérapeutique de l’OAP
neurogénique est essentiellement
symptomatique avec la mise en place d’une
ventilation contrôlée.
L’utilisation d’une PEP
est fréquente.
Son effet potentiellement
délétère sur la pression intracrânienne doit
être nuancé.
La PEP peut être proposée en
cas d’hypoxie réfractaire, y compris en
présence d’une hypertension intracrânienne,
à la condition de contrôler les variations de
la PaCO2 et de la pression artérielle. La dobutamine a été utilisée avec succès et a
permis une résolution rapide de l’OAP.
Cependant, le pronostic de ces patients reste
étroitement lié à la possibilité d’amélioration
de l’état neurologique.
D - OEDÈMES AIGUS PULMONAIRES
NON CARDIOGÉNIQUES
ET PRODUITS TOXIQUES :
1- OEdème aigu pulmonaire
et inhalation d’hydrocarbures
:
L’OAP résulte de l’effet toxique direct des
hydrocarbures volatils sur l’épithélium et la
vascularisation respiratoire.
Elle survient
chez des patients qui, ayant ingéré des
hydrocarbures, les inhalent. Les problèmes
surviennent le plus souvent chez l’enfant.
Chez l’adulte, il s’agit dans la plupart des
cas d’accidents industriels, de tentatives
d’autolyse, de siphonnage de réservoirs
d’essence.
Les hydrocarbures entraînent une
agression respiratoire d’étendue variable,
dépendant de la viscosité et du volume
d’inhalation.
Plus la viscosité est basse, plus
important est le volume inhalé et plus la
lésion est grave.
En tant que solvant des
lipides, ces produits sont directement
toxiques pour les tissus respiratoires.
Un OAP, des hémorragies, des atélectasies, des
membranes hyalines et une nécrose
épithéliale des voies aériennes et des septa
alvéolaires sont constatés.
L’inhalation survient après ingestion et les
vomissements ne sont pas obligatoires.
Une
dyspnée, une tachypnée, une tachycardie et
une fièvre élevée surviennent rapidement.
L’expectoration peut être hémoptoïque.
La
somnolence est habituelle, mais des
altérations de la conscience plus sévères
peuvent survenir, comme une confusion, des
convulsions, voire un coma.
L’auscultation
pulmonaire est le plus souvent normale.
Les
examens de laboratoire donnent des
éléments non spécifiques.
Une hyperleucocytose
modérée existe ; une hypoxémie
artérielle se développe.
La radiographie du
thorax est particulièrement utile, car des
infiltrats apparaissent 20 à 30 minutes après
l’inhalation de certains hydrocarbures.
Les
infiltrats, multiples, duveteux, mal définis,
prédominent dans les zones inférieures du
poumon.
Certains patients présentent un
tableau d’infiltrat périhilaire bilatéral.
Le
diagnostic correct nécessite de retrouver à
l’interrogatoire la notion d’ingestion ou
d’inhalation d’hydrocarbures confirmée par
l’odeur de l’haleine.
Le traitement repose sur une oxygénothérapie
substitutive afin de maintenir une
PaO2 au-dessus de 60 mmHg.
Une
ventilation mécanique avec PEP peut être
nécessaire.
Les vomissements induits pour
éliminer les hydrocarbures résiduels sont à
éviter.
L'utilisation systématique
d’antibiotiques ne repose sur aucune
donnée.
Les corticoïdes par voie générale
(prednisone, 1 mg/kg/j) à la période aiguë
entraînent, dans des cas anecdotiques, une
amélioration.
2- Autres oedèmes pulmonaires aigus
toxiques :
La cause la plus fréquente d’OAP en
toxicologie reste la pneumopathie
d’inhalation.
Un OAP peut être causé par
une toxicité pulmonaire directe (OAP
lésionnel) ou plus rarement par les
conséquences de l’intoxication (OAP
hémodynamique).
* Cocaïne
:
Avec la cocaïne, les formes mettant en jeu le
pronostic vital s’observent chez les passeurs
en cas de rupture d’emballage in corpore.
Il se développe alors un véritable syndrome
adrénergique avec défaillance neurologique
(coma, oedème cérébral, convulsions,
accident vasculaire cérébral), dépression
respiratoire avec OAP lésionnel et signes
cardiovasculaires avec ischémie ou infarctus
myocardique, troubles du rythme
ventriculaire, défaillance cardiaque
globale.
Le traitement est symptomatique
avec administration d’anticonvulsivants,
d’alpha- ou bétâbloquants afin de limiter les
effets de la décharge sympathoadrénergique,
administration de lactate molaire de sodium
sur des anomalies de conduction
intraventriculaire, amines vasoactives et
ventilation artificielle pour la détresse
respiratoire.
Des OAP lésionnels sont décrits lors
d’overdoses à l’héroïne, dont certains relèvent
d’une ventilation mécanique.
* Chloroquine
:
Les intoxications à la chloroquine peuvent
donner dans de très rares cas des hypoxies
réfractaires sans que le mécanisme
physiopathologique ne puisse être mis en
évidence.
Ces hypoxies dans ce contexte
favorisent la survenue de troubles du
rythme et leur traitement n’est pas
spécifique.
Il s’intègre dans le protocole
thérapeutique des intoxications sévères à la
chloroquine, comprenant l’administration
d’adrénaline, de thiopental, de diazépam.
* Paraquat :
Le paraquat est un herbicide largement et
exclusivement utilisé par les professionnels
de l’agriculture.
Il se comporte comme un
caustique doué d’une toxicité systémique
aiguë, notamment pulmonaire, et il n’existe
pas de traitement spécifique.
L’atteinte
pulmonaire combine oedème et hémorragie
ou, à un degré moindre, une alvéolite aiguë
qui peut évoluer vers la fibrose
pulmonaire.
Plusieurs approches
thérapeutiques sont proposées mais restent
controversées. L’association corticoïdesimmunosuppresseurs,
l’administration de
déféroxamine, de vitamine C, E, de
bêtabloquants, de précurseurs du surfactant,
la dialyse péritonéale, l’hypo-oxygénationhypothermie
ont été tentées sans succès.
La
ventilation mécanique répond aux critères
classiques de ventilation des OAP lésionnels.
* Aspirine :
L’intoxication par l’acide acétylsalicylique
peut être à l’origine d’OAP lésionnels ou
mixtes.
Les mécanismes physiopathologiques
sont multiples : effet toxique direct
sur l’endothélium pulmonaire avec
augmentation de la perméabilité et
extravasation ; effet dépresseur central et OAP neurogénique ; effet hémodynamique
avec hyperadrénergie d’origine centrale ;
inhibition des prostaglandines avec
augmentation du flux lymphatique
pulmonaire.
Le traitement de l’intoxication
par acide acétylsalicylique repose sur les
traitements évacuateurs et épurateurs où
l’hémodialyse prend toute son importance
dans les formes de mauvais pronostic.
Il
n’existe pas d’antidote spécifique.
* Chlore
:
Les inhalations de chlore et de dérivés
chlorés (acide chlorhydrique, phosgène, trifluorure de chlore) peuvent donner une
symptomatologie immédiate (gaz
chlorhydrique) ou retardée de quelques
heures ( chlore , phosgène).
La
radiographie pulmonaire peut être normale
au début de l’intoxication ou bien montrer
d’emblée une distension alvéolaire, un
syndrome interstitiel ou des images
d’oedème.
Dans les formes massives, la
détresse respiratoire est au premier plan,
avec un OAP présentant des membranes
hyalines alvéolaires et des microthrombus
vasculaires à l’étude anatomopathologique.
La prise en charge ne présente pas
de spécificité.
* Autres toxiques
:
Il faut aussi citer dans ce cadre la possibilité
de survenue d’OAP lésionnel d’origine
médicamenteuse iatrogène, qui peut être un
motif d’admission aux urgences.
Le tableau
clinique associe fièvre, collapsus et OAP
lésionnel, qui peut apparaître quelques
minutes ou quelques heures soit après une
anesthésie locale à la lidocaïne, soit après
une angiographie chez un patient traité par
amiodarone ou après réintroduction d’un
médicament comme l’halopéridol,
l’hydrochlorothiazide, l’association
sulfaméthoxazole-triméthoprime....
E - OEDÈMES AIGUS PULMONAIRES
ET PNEUMOPATHIES D’INHALATION :
La pneumopathie d’inhalation est une
agression pulmonaire entraînée par le
contenu acide de l’estomac.
Cette inhalation
survient lors de vomissements ou de
régurgitations.
Les troubles de la conscience,
l’anesthésie, la chirurgie, les gestes médicaux
(sonde nasogastrique ou endotrachéale) sont
des situations à risques.
L’utilisation de
ballonnet à basse pression et à haut volume
sur les sondes endotrachéales diminue le
risque d’inhalation.
Les principaux
facteurs déterminant l’importance de la
maladie provoquée par l’inhalation sont
l’acidité du liquide inhalé à un pH inférieur
à 2,5 réalisant le classique syndrome de Mendelson, la présence de particules
alimentaires, le volume de l’inhalation et sa
dispersion.
Ces facteurs entraînent une
réaction inflammatoire péribronchique
importante et provoquent des pneumopathies
sévères.
Une fois inhalé, l’acide est
rapidement distribué dans le poumon et
atteint la plèvre en quelques secondes.
L’acidité entraîne une brûlure chimique des
bronches, bronchioles et parois alvéolaires
avec exsudation créant un authentique
oedème lésionnel.
L’altération du surfactant
favorise le collapsus alvéolaire.
La compliance pulmonaire décroît progressivement
avec l’augmentation des liquides
interstitiels et les altérations des tensions de
surface.
Le diagnostic repose sur
l'interrogatoire et le contexte de
détérioration brutale de la fonction
respiratoire chez des sujets prédisposés aux
inhalations de liquide gastrique.
Cliniquement, il existe des formes
initialement silencieuses développant
secondairement une détresse respiratoire
aiguë, motif d’admission aux urgences.
Biologiquement, seule l’hypoxémie artérielle
semble constante ; les autres éléments
biologiques sont aspécifiques.
La
radiographie thoracique est extrêmement
variable et il n’existe pas de corrélation avec
l’évolution clinique.
Les principes du
traitement en urgence reposent sur le
maintien d’une oxygénation suffisante (PaO2
> 60 mmHg) avec ventilation au masque ou
sur ventilation mécanique avec PEP pour les
formes les plus sévères.
Les bronchodilatateurs
peuvent être utiles.
L’administration
prophylactique d’antibiotiques dans les
inhalations acides n’est pas indiquée, tout
comme les corticostéroïdes.
L’orientation de
ces patients se fait vers un service de
médecine, de soins intensifs ou de
réanimation, sans occulter le caractère
rapidement évolutif dans certains cas de
cette pathologie.
F -
OEDÈMES AIGUS PULMONAIRES
ET TRANSFUSIONS :
Il s’agit d’une complication à laquelle le
médecin des urgences peut être confronté
lors de la nécessité d’une transfusion.
En
dehors de l’éventualité de l’OAP de
surcharge pour lequel les enfants et les sujets
âgés sont les plus exposés, la survenue d’un
OAP lésionnel post-transfusionnel est
possible.
Il constitue la troisième cause de
décès dû aux transfusions de produits
sanguins, avec une morbidité et une
mortalité allant de 5 à 14% selon les études.
Cet OAP se caractérise par une détresse
respiratoire aiguë avec oedème bilatéral à la
radiographie.
Il survient de 1 à 2 heures
après la transfusion de globules rouges ou
de tout autre produit contenant des produits
sanguins.
Il n’existe pas de facteurs
individuels prédisposants vis-à-vis de l’OAP
transfusionnel.
En effet, le mécanisme
physiopathologique incriminé est celui de la
transfusion concomitante d’anticorps human
leukocyte antigen I ou II, ou de granulocytes
spécifiques. Ils apparaissent comme étant les
médiateurs de la réponse inflammatoire à
l’origine des lésions microvasculaires
pulmonaires.
Pour 80 % des patients,
l’évolution est favorable et sans séquelle
dans les jours qui suivent l’agression initiale.
G - OEDÈMES AIGUS PULMONAIRES
ET ÉPANCHEMENTS PLEURAUX
:
L’OAP lésionnel de réexpansion (a vacuo)
peut se rencontrer lors du drainage
d’épanchements pleuraux gazeux ou
liquidiens.
Les manifestations cliniques
peuvent aller de la simple toux lors de
l’aspiration à un tableau clinique et
radiologique d’OAP, le plus souvent
unilatéral, du côté drainé mais parfois
bilatéral.
L’oedème semble lié à la réexpansion brutale d’un poumon rétracté
sur son hile, impliquant un mécanisme de
type ischémie-reperfusion à l’origine de
l’OAP lésionnel.
Cependant, la relation entre
la brutalité de la réexpansion et l’oedème et
l’existence de cas d’OAP a vacuo bilatéraux
plaident pour un mécanisme hémodynamique
impliquant l’importance de la
dépression appliquée à la plèvre.
Les
facteurs de risque de l’OAP de réexpansion
semblent donc être l’ancienneté du
décollement pleural, le caractère totalement
rétracté du poumon, voire déplacé du côté
opposé, la brutalité et l’importance de
l’aspiration.
Il est donc recommandé pour
les pneumothorax de laisser le drain au
bocal sans aspiration pendant 1 heure avant
d’appliquer progressivement une aspiration.
L’évolution est le plus souvent favorable.
Toutefois, des évolutions vers des formes
graves ont été décrites, avec des taux de
décès de 15 à 20 % malgré l’instauration
d’une ventilation mécanique.