Les symptômes caractéristiques de la maladie obsessionnelle
ont été individualisés dès le milieu du XIXe
siècle par J. Falret.
Cependant, c’est à S. Freud que l’on
doit le terme de névrose obsessionnelle, très marqué de
l’empreinte de ses découvertes.
En référence à la théorie
psychanalytique qu’il élabora, Freud rattacha les signes
cliniques observés à une certaine organisation pathologique de la personnalité chez le sujet porteur de
l’affection (fixation-régression au stade sadique-anal,
mécanismes de défense à type d’inversion et de déplacement,
etc.).
Diagnostic
:
A - Diagnostic positif
:
• Le sujet adulte souffrant de trouble obsessionnel
compulsif est envahi par des idées, des pensées, des
images qui font irruption dans ses pensées et dont il ne
peut se départir : ce sont des obsessions qui littéralement
l’assaillent (latin obsidere : assiéger) de façon importune,
répétitive et anxiogène.
Tout en émanant de sa propre
vie psychique, ces obsessions sont souvent en désaccord
avec les principes moraux du sujet (représentation
sexuelle ou insulte par exemple), et sont ainsi qualifiées
d’égodystoniques.
Elles ont aussi un caractère absurde
ou pour le moins disproportionné (peur des microbes
par exemple), dont le malade est traditionnellement tout
à fait conscient.
On distingue :
– les obsessions phobiques, ou craintes d’être confronté
à un stimulus extérieur comme les déchets, les fèces,
les sécrétions sexuelles…;
– les obsessions « idéatives » ou idées obsédantes,
centrées sur un mot ou une idée le plus souvent
inacceptables et répugnants, les doutes ou scrupules
sur une attitude passée (Fallait-il agir ainsi ? Personne
n’a-t-il été lésé ou blessé ?…) ou encore des ruminations
métaphysiques sans fin;
– les obsessions impulsives ou phobies d’impulsion, qui
sont la crainte angoissante d’être conduit de façon
irrépressible et contre sa volonté à commettre un acte
incongru, immoral ou criminel (prononcer des
insultes en public, blesser une personne avec un objet
contondant…).
Fait caractéristique, cette crainte ne
s’accompagne jamais d’un passage à l’acte.
Les obsessions ont pour thèmes les plus fréquents des
idées de contamination, de doute pathologique, d’agression
ou de violence, de sexualité, des préoccupations
somatiques, un besoin de symétrie et de précision.
En réponse à ces pensées obsédantes, le patient se sent
contraint d’accomplir des actes répétitifs dont la portée
symbolique vise à annuler l’obsession : par exemple,
lavage de mains en cas d’obsession de la saleté,
vérifications multiples en cas de « folie » du doute.
Ces compulsions, dont on a souligné la valeur
conjuratoire, possèdent les mêmes caractéristiques que
les obsessions : caractère répétitif, absurde, gênant et
dérisoire dont le malade est conscient mais qu’il ne peut
s’empêcher de réaliser sous peine de recrudescence
anxieuse.
Les compulsions les plus fréquentes correspondent aux
rituels de vérification, de lavage, et aux compulsions de
comptage ou arithmomanie.
Pour prévenir ces actes qu’il redoute, le sujet souffrant
de trouble obsessionnel compulsif adopte souvent des
conduites de « protection » pour ne pas se trouver
confronté à ses propres obsessions.
Ainsi, le sujet
souffrant de l’obsession phobique des microbes tente
d’éviter toute source de contamination comme serrer les
mains ou les poignées de porte.
Alors que l’obsession augmente classiquement l’angoisse
du sujet, l’accomplissement du rite compulsif entraîne
un soulagement de la note anxieuse, du moins temporairement.
Cette lutte interminable contre ses propres
obsessions engendre souvent un état d’asthénie majeure
dénommée psychasthénie, cause ou conséquence des
troubles obsessionnels compulsifs selon les différents
auteurs.
On ne parle de trouble obsessionnel compulsif que
lorsque la fréquence et l’intensité des symptômes sont
telles qu’ils finissent par entraver les activités quotidiennes
du sujet.
Dans de nombreux cas, le malade
lui-même considère ses obsessions et ses compulsions
comme un handicap : temps accaparé par les pensées
intruses et les rituels, retard dans son travail, conduites
d’évitement…
• Les troubles obsessionnels compulsifs chez l’enfant
et chez l’adolescent présentent une grande similitude
avec ceux de l’âge adulte, dans la symptomatologie
ainsi que dans l’efficacité des techniques thérapeutiques
habituellement utilisées.
Les tics, et particulièrement la maladie de Gilles de la Tourette, sont aussi souvent associés aux troubles obsessionnels
compulsifs chez l’enfant.
B - Diagnostic différentiel
:
Le trouble obsessionnel compulsif correspond à une
pathologie organisée autour de symptômes douloureux
et handicapants.
• Toute rumination anxieuse, toute idée fixe, toute
conduite ou « manie » (au sens populaire du terme) de
lavage, vérification ou autre est banale si elle est isolée
et fugace.
• Les obsessions se distinguent des phobies, dans la
mesure où la crainte angoissante existe même en dehors
de la situation redoutée.
Les phobies surviennent en
effet lors de la confrontation directe à l’objet, à la situation
ou à la personne redouté(e).
Les craintes obsédantes
sont aussi volontiers plus diffuses et abstraites que les
craintes phobiques.
• Dans l’anxiété généralisée, certaines préoccupations
anxieuses concernant des actes de la vie quotidienne
peuvent quelquefois prendre un caractère répétitif
« obsédant », mais sans revêtir le caractère absurde et égodystonique de l’obsession.
• L’exacerbation des symptômes obsessionnels
compulsifs s’accompagne volontiers, comme toute
manifestation anxieuse conséquente, d’un retentissement
thymique qui dure le temps du paroxysme.
Cependant, un état dépressif authentique est une association
fréquente, posant un réel problème de diagnostic
différentiel ou plus précisément la question du double
diagnostic de trouble obsessionnel compulsif et de
dépression.
La recherche des autres symptômes de
dépression et de leur persistance sur une durée d’au
moins 15 jours étaye le diagnostic.
• Les troubles du contrôle des impulsions (trichotillomanie,
compulsions d’achat, jeu pathologique) sont des
syndromes proches des troubles obsessionnels compulsifs ;
cependant l’état de malaise et la dimension obsédante en
sont le plus souvent absents et l’expérience compulsive
est vécue par le sujet comme un désir irrépressible à
satisfaire plutôt que comme un acte permettant de réduire
l’intensité anxieuse.
• Certaines obsessions peuvent être difficiles à distinguer
d’idées délirantes.
La conscience du caractère
absurde et pathologique du trouble, la reconnaissance de
la pensée obsédante comme issue de son propre système
de pensée mais en désaccord avec son système de
valeurs (à l’origine de la dimension égodystonique déjà
soulignée) sont très en faveur d’un trouble obsessionnel
compulsif.
Cependant, la coexistence de celui-ci avec des symptômes
psychotiques n’est pas exceptionnelle.
La cooccurrence
de troubles obsessionnels compulsifs et de
troubles schizophréniques pourrait atteindre 10 à 15 %.
Évolution – Complications
:
Quatre-vingts pour cent des patients présentent une
évolution chronique, avec une intensité des symptômes
variant selon les stress auxquels ils sont confrontés.
Cette évolution est habituellement progressive, émaillée
de phases de recrudescence obsessionnelle et de longues
périodes d’atténuation des symptômes.
L’association
avec d’autres manifestations anxieuses et la survenue
d’un état dépressif caractérisé sont fréquentes.
Dans les formes légères, grâce à une aide thérapeutique,
l’anxiété parvient à être maîtrisée par le patient sous la
forme de symptômes, d’intensité modérée, n’altérant
pas l’adaptation sociale du sujet.
Dans les formes les plus sévères et non traitées, le sujet
peut se trouver totalement accaparé par ses troubles.
Toute activité peut alors devenir impossible, conférant
à cette pathologie une dimension éminemment handicapante
avec une résistance possible à toute approche
thérapeutique.
Traitement
:
Les stratégies thérapeutiques spécifiques des troubles
obsessionnels compulsifs font classiquement appel à des
approches pharmacologique et psychothérapique, leur
association étant le plus souvent indispensable.
A - Méthode pharmacothérapique
:
1- Antidépresseurs
:
Un antidépresseur tricyclique (la clomipramine) et
les inhibiteurs de recapture de la sérotonine ont prouvé
leur efficacité dans le trouble obsessionnel compulsif.
Leur mécanisme d’action commun serait sérotoninergique.
La clomipramine (Anafranil), le citalopram
(Seropram),la fluvoxamine (Floxyfral), la fluoxétine
(Prozac), la paroxétine (Deroxat) et la sertraline (Zoloft)
ont démontré leur propriété anti-trouble obsessionnel
compulsif dans des études versus placebo.
Certains
d’entre eux sont actuellement commercialisés avec cette
indication.
Il s’agit d’un effet spécifiquement anti-obsessionnel,
c’est-à-dire qu’il ne s’exerce pas par le biais d’un effet
antidépresseur concomitant.
Cet effet anti-obsessionnel
se manifeste d’ailleurs avec un délai plus long (8 à
12 semaines) que celui habituellement nécessaire à
l’action antidépressive.
De même, les posologies recommandées
dans le trouble obsessionnel compulsif sont
classiquement plus importantes que celle utilisées dans
un but antidépresseur.
L’effet thérapeutique obtenu sur la symptomatologie
obsessionnelle par les antidépresseurs est le plus souvent
partiel, la disparition complète des symptômes
étant l’exception.
2- Autres médicaments
:
D’autres psychotropes peuvent apporter un certain
bénéfice thérapeutique.
Les benzodiazépines, en particulier
le clonazépam (Rivotril), procurent un indéniable
soulagement, l’amélioration semblant porter davantage
sur la symptomatologie anxieuse aspécifique que sur les
symptômes obsessionnels proprement dits.
3- En pratique
:
En 1re intention, il est actuellement recommandé de
prescrire un inhibiteur de recapture de la sérotonine, en
débutant par une posologie modérée et en augmentant
progressivement les doses au cours des 3 premiers mois
jusqu’à 2 à 3 fois la dose utile préconisée pour l’obtention
d’un effet antidépresseur (40 à 60 mg/j de paroxétine,
de fluoxétine, ou de citalopram, 100 à 150 mg/j de
sertraline, 300 mg de fluvoxamine).
L’évaluation peut
demander, pour un produit donné, jusqu’à 6 mois avant
de conclure à l’absence de réponse thérapeutique.
En raison de ses effets indésirables et de ses contre-indications
plus importantes, la clomipramine (Anafranil)
est prescrite lorsque les inhibiteurs de recapture de la sérotonine sélectifs se sont montrés insuffisamment
efficaces.
Les posologies recommandées (jusqu’à
300 mg/j) sont aussi supérieures à celles préconisées
dans le traitement des états dépressifs.
Si le trouble obsessionnel compulsif est associé à
d’autres symptômes à type de tics complexes, comme
dans la maladie de Gilles de la Tourette, l’usage de neuroleptique
est préconisé.
B - Approche psychothérapeutique
:
Depuis l’avènement des thérapies biologiques et cognitivo-comportementales, d’action plus immédiate,
les indications de la psychanalyse, et notamment de la
cure type, se sont limitées aux rares patients modérément
atteints, souhaitant s’engager dans cette forme
de thérapie et capables, grâce à un bon discernement,
d’en bénéficier.
Les thérapies d’inspiration analytique,
de technique plus souple, ou la psychothérapie de soutien
peuvent aider le sujet à prendre conscience de ses
conflits intrapsychiques ou du moins à s’engager dans
une démarche de soins.
Les techniques comportementales et cognitives sont
actuellement considérées comme les approches psychothérapeutiques
les plus adaptées aux sujets souffrant de
trouble obsessionnel compulsif.
Ce type de thérapie se
caractérise par l’aspect directif de la prise en charge, par
le caractère chaleureux et empathique de la relation
établie entre le psychothérapeute et le patient, et par la
définition, avant le début de la prise en charge, d’objectifs
ciblés à atteindre par le patient au cours de celle-ci.
L’accent est mis également sur la collaboration qui doit
s’établir entre le patient et son médecin ainsi que sur
l’évaluation de la prise en charge thérapeutique à l’aide
d’échelles appréciant de façon « quantitative » les
progrès observés.
La technique de choix dans le trouble obsessionnel compulsif
est celle dite de « l’exposition avec prévention de
la réponse » ; elle consiste à exposer le patient à la
situation redoutée de façon progressive et soutenue tout
en tentant de différer puis de supprimer la réponse
ritualisée.
Cette technique a démontré une efficacité
comparable à celle des antidépresseurs sérotoninergiques,
l’association des 2 méthodes étant habituellement
recommandée.
Les techniques dites de restructuration cognitive ont
aussi montré leur efficacité.