Néphropathies vasculaires avec insuffisance rénale aiguë de l’adulte Cours de Néphrologie
Introduction
:
Les néphropathies vasculaires s’accompagnant d’une insuffisance
rénale aiguë correspondent à quatre principaux types :
– les angéites aiguës nécrosantes, avec ou sans atteinte glomérulaire
associée ;
– le syndrome hémolytique et urémique, primitif ou secondaire ;
– les embolies de cholestérol ;
– les thromboses artérielles rénales.
Elles représentent une proportion faible mais non négligeable des
insuffisances rénales aiguës (IRA).
Entre 1986 et 1992, sur
616 patients hospitalisés pour IRA dans le service de néphrologie A
de l’hôpital Tenon, 420 avaient une IRA organique et 63 de ces cas,
soit 15 %, étaient dus à des néphropathies vasculaires.
Les
mécanismes physiopathologiques, les modalités thérapeutiques et le
pronostic varient selon les différents types de néphropathies
vasculaires, qui sont donc envisagés ici séparément.
Insuffisance rénale aiguë des angéites nécrosantes
:
Les angéites nécrosantes sont constituées par la périartérite noueuse
(PAN) macroscopique classique, ou maladie de Kussmaul et Maier,
la polyangéite microscopique, le syndrome de Wegener, l’angéite granulomateuse allergique ou syndrome de Churg et Strauss.
Les
cas des angéites dites d’hypersensibilité du lupus érythémateux, du
purpura rhumatoïde, de la cryoglobulinémie mixte essentielle et de
l’endocardite d’Osler, où les atteintes glomérulaires sont
prédominantes, ne sont pas envisagés ici.
Ces angéites surviennent plutôt entre 50 et 70 ans mais peuvent
apparaître à tout âge.
Elles sont plus fréquentes chez les sujets de
race blanche et de sexe masculin.
L’incidence annuelle est estimée
à un à deux cas pour 100 000 habitants en Europe et en Amérique
du Nord.
A - ANATOMOPATHOLOGIE
:
Les lésions rénales des angéites nécrosantes sont caractéristiques.
Dans la PAN macroscopique, il existe une atteinte des artères interlobulaires et des artérioles glomérulaires comportant un infiltrat
inflammatoire intrapariétal et périvasculaire fait de cellules
mononucléées et de polynucléaires.
Fait essentiel, il existe une
nécrose de la paroi vasculaire, avec destruction de la lame élastique
visible sur les coupes après coloration de Weigert.
Les lésions sont
irrégulières, segmentaires et d’âge différent sur une même coupe.
Elles évoluent vers la fibrose cicatricielle avec épaississement de la
paroi et réduction de la lumière vasculaire.
En aval des lésions
artérielles et artériolaires, les glomérules sont ischémiques, rétractés
dans la chambre urinaire du glomérule.
L’examen en
immunofluorescence ne retrouve pas de dépôts d’immunoglobuline
ni de complément mais montre la présence de fibrine au sein des
lésions de nécrose.
Dans certaines PAN macroscopiques et
surtout dans la polyangéite microscopique, les lésions portent sur
les capillaires glomérulaires et associent des foyers de nécrose
glomérulaire partielle avec disparition complète de la membrane basale glomérulaire sur les colorations argentiques et une
prolifération cellulaire extracapillaire, constituée de cellules
épithéliales glomérulaires mais aussi de monocytes/macrophages,
de lymphocytes T et de fibroblastes.
Un afflux périglomérulaire
de ces cellules inflammatoires peut être observé, ainsi que des
ruptures de la capsule de Bowman.
Il n’y a pas de
prolifération endocapillaire.
La sévérité de l’atteinte rénale peut être
estimée par le pourcentage de glomérules lésés et par le degré
d’extension du croissant extracapillaire.
En immunofluorescence, ces
atteintes glomérulaires nécrosantes sont caractérisées par l’absence
de dépôts significatifs d’immunoglobulines et de complément dans
les glomérules.
Des dépôts de fibrine sont visibles au sein de la
nécrose glomérulaire et de la prolifération extracapillaire.
Des lésions très semblables peuvent être observées au cours du
syndrome de Wegener, qui se différencie cependant par la formation
de granulomes épithélioïdes sans nécrose caséeuse.
Ces
granulomes sont très caractéristiques lorsqu’ils sont retrouvés dans
l’interstitium du rein.
Leur interprétation est plus délicate lorsqu’ils
sont situés à proximité ou autour d’un glomérule lésé, car l’afflux périglomérulaire de cellules inflammatoires est aussi fréquent dans
la PAN.
Le degré de sclérose glomérulaire va déterminer le pronostic, les
croissants cellulaires étant de pronostic plus favorable que les
croissants fibrocellulaires ou fibreux.
B - SIGNES CLINIQUES
:
L’IRA de la PAN macroscopique survient habituellement dans un
contexte bruyant d’altération importante de l’état général, avec
amaigrissement, syndrome inflammatoire, multiples signes
extrarénaux tels que purpura nécrotique, nouures sous-cutanées,
polyneuropathie sensitivomotrice asymétrique ou non, arthralgies
et arthrites.
Une hypertension artérielle (HTA) sévère est associée à
l’atteinte rénale, souvent supérieure ou égale à 180/120 mmHg.
Les
lésions au fond d’oeil (hémorragies, exsudats, nodules dysoriques)
sont fréquentes.
L’oligoanurie s’installe rapidement.
La protéinurie
est peu abondante et le sédiment urinaire sans particularité.
Dans la polyangéite microscopique et le syndrome de Wegener,
l’insuffisance rénale est rapidement progressive, s’installant en
quelques jours.
L’HTA est fréquente, habituellement peu sévère. Une
protéinurie abondante, d’origine glomérulaire, peut être notée,
associée à une hématurie microscopique.
Les signes extrarénaux sont moins sévères que dans la PAN macroscopique
mais il existe souvent un fébricule, un syndrome inflammatoire, des
arthralgies, un purpura surélevé, témoignant d’un processus non
limité au rein.
Dans le syndrome de Wegener, les signes extrarénaux
sont habituels, notamment l’atteinte oto-rhino-laryngologique (ORL)
et pulmonaire.
Bien que rare, l’IRA a également été rapportée au
cours du syndrome de Churg et Strauss, où asthme non allergique,
hyperéosinophilie et infiltrats pulmonaires sont au premier plan.
Un certain nombre de glomérulonéphrites extracapillaires
nécrosantes dites primitives, sans dépôts abondants
d’immunoglobulines en immunofluorescence, correspondent très
certainement à des polyangéites microscopiques limitées au rein.
Elles se traduisent également par une insuffisance rénale rapidement
progressive avec HTA, protéinurie et hématurie.
Il n’est pas rare
d’observer une altération de l’état général, un fébricule ou des
arthralgies, suggérant en fait une diffusion infra-clinique extrarénale
des lésions.
Plus de 80 % des patients ont des anticorps anticytoplasme des polynucléaires, ce qui a confirmé leur parenté,
sinon leur similitude avec la polyangéite microscopique et le
syndrome de Wegener.
C - SIGNES BIOLOGIQUES
:
Syndrome inflammatoire, hyperleucocytose supérieure à
10 000/mm3, et hyperéosinophilie supérieure à 400/mm3 sont
fréquemment observés.
La recherche d’immuns complexes circulants
et d’une hypocomplémentémie est inconstamment positive.
Les anticorps anticytoplasme des polynucléaires sont retrouvés dans
plus de 80 % des cas de glomérulonéphrites nécrosantes et
extracapillaires pauci-immunes.
Ces autoanticorps initialement
décrits chez huit malades atteints de glomérulonéphrite nécrosante
par Davies en 1982 ont été observés au cours du syndrome de
Wegener par Van der Woude et al en 1985.
Leur intérêt
diagnostique fut alors montré, ainsi que leur variation parallèle avec
l’activité de la maladie.
Il est maintenant établi que plus de 90 %
des syndromes de Wegener ont des c-anti neutrophil cytoplasmic
antibodies (ANCA), habituellement de spécificité antiprotéinase 3
(anti-PR3), plus rarement pANCA, antimyélopéroxydase (antiMPO).
À l’inverse, seulement 30 % des malades atteints de PAN
macroscopique ont des ANCA habituellement de type anti-MPO.
Les polyangéites microscopiques et les glomérulonéphrites
primitives à croissants extracapillaires ont des ANCA dans 75 à 85 %
des cas, de type anti-MPO ou, plus rarement, anti-PR3.
Des anticorps
anti-MPO sont retrouvés dans environ 70 % des cas de syndrome de
Churg et Strauss.
Le mécanisme par lequel les ANCA sont pathogènes n’est pas établi
de façon certaine.
Des études in vitro montrent qu’une infection
virale provoque l’expression par les neutrophiles des antigènes
habituellement intracytoplasmiques, et reconnus pas les ANCA, à leur surface.
Les ANCA interagissent ainsi avec leurs antigènes,
provoquant la libération par le neutrophile, de radicaux libres
dérivés de l’oxygène et de protéases toxiques pour les cellules
endothéliales.
Cet effet est augmenté en présence de tumor
necrosis factor (TNF)-alpha.
Par ailleurs, des ANCA sont retrouvés
par double immunomarquage sur les lésions fibrinoïdes rénales
dans les glomérulonéphrites rapidement progressives (GNRP),
rendant compte d’un potentiel effet direct de ces anticorps sur les
cellules endothéliales.
Les sérologies virales de l’hépatite B, mais aussi l’hépatite C ou le VIH doivent être systématiquement pratiquées, en particulier dans
la PAN macroscopique.
Les vascularites associées à des
maladies virales bénéficieront en effet de traitements antiviraux
permettant souvent, à eux seuls, de guérir la vascularite.
D - SIGNES RADIOLOGIQUES
:
L’angiographie rénale est indiquée lorsqu’on suspecte une angéite
nécrosante pour rechercher des anévrismes ou des microanévrismes
qui ont une très grande valeur diagnostique.
Il s’agit de dilatations
arrondies appendues sur le trajet des vaisseaux artériels, mesurant 1
à 5 mm de diamètre, parfois plus grosses, jusqu’à 1 cm. Ils peuvent
aussi agrandir la largeur du vaisseau qui, normalement, va en se
réduisant, et restent opacifiés plus longtemps que la lumière
vasculaire normale.
Ils sont parfois encore visibles au temps néphrographique.
Ils peuvent être associés à des images d’infarctus
segmentaire et à des hématomes intrarénaux et périrénaux. Leur
présence contre-indique la biopsie rénale.
De tels microanévrismes
peuvent aussi être observés sur les branches de l’artère mésentérique
supérieure, ou de l’artère hépatique.
La radiographie pulmonaire est habituellement normale dans la
PAN, mais des infiltrats témoignant d’hémorragies intra-alvéolaires
sont possibles.
Dans le syndrome de Wegener, des infiltrats
pulmonaires, nodulaires parfois excavés sont caractéristiques.
Dans
le syndrome de Churg et Strauss, un syndrome interstitiel ou
alvéolo-interstitiel bilatéral est fréquent.
E - TRAITEMENT
:
Le traitement symptomatique des IRA comprend la correction des
troubles hydroélectrolytiques et de la rétention azotée par
l’hémodialyse.
La rétention hydrosodée, qui est fréquente, nécessite
le recours à l’ultrafiltration lorsque l’insuffisance rénale est sévère et
la diurèse insuffisante.
La pression artérielle doit être normalisée par
l’emploi d’antihypertenseurs par voie intraveineuse ou per os.
Les
inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les inhibiteurs calciques
sont souvent efficaces dans ce contexte.
Ces mesures symptomatiques sont insuffisantes à elles seules et
l’amélioration du pronostic des angéites nécrosantes autrefois
catastrophique avec une mortalité de plus de 80 % à 1 an est liée à
l’emploi de traitements immunosuppresseurs puissants et
notamment l’association corticothérapie (1 à 2 mg/kg/j pendant 6 à
8 semaines)–cyclophosphamide (50 à 100 mg/j per os ou perfusion
de 700 mg/m2 chaque mois).
Cette combinaison
permet l’amélioration de la fonction rénale chez 70 à 85 % des
patients et la rémission complète dans 60 % des cas.
Le cyclophosphamide utilisé en bolus semble être aussi efficace que le
traitement quotidien sur la rémission, provoquant moins d’effets
secondaires mais semble compliqué de plus de rechutes.
Les
emboles de méthylprednisolone sont utilisés, notamment en
urgence, lorsque le malade se présente avec un tableau typique
d’angéite nécrosante et une insuffisance rénale rapidement
progressive.
Plusieurs travaux ont montré un effet bénéfique de ces
traitements sur l’évolution de la fonction rénale.
Les échanges plasmatiques ont prouvé leur efficacité sur l’atteinte
pulmonaire du syndrome de Goodpasture et sur l’atteinte rénale de
la PAN macroscopique Hbs+.
Ils ne se sont en revanche pas
recommandés dans les GNRP pauci-immunes et le syndrome de
Churg et Strauss même si un effet bénéfique a été rapporté dans
plusieurs séries limitées.
En effet, une étude récente
prospective multicentrique, sur 39 patients présentant une GNRP, a
comparé l’immunosuppression seule à l’immunosuppression
associée aux plasmaphérèses.
Cette étude ne retrouve pas, dans
cette indication, d’amélioration ni de la survie ni du pronostic rénal
dans le groupe de patients recevant des plasmaphérèses.
De nouveaux immunosuppresseurs avec des actions plus spécifiques
sur la réponse lymphocytaire ou certaines cytokines sont aussi à
l’étude.
Les complications de tous ces immunosuppresseurs sont
nombreuses.
Le cyclophosphamide entraîne une leucopénie, des
lésions urothéliales avec cystite hémorragique, voire transformation
carcinomateuse et une stérilité, de sorte que les indications doivent
être pesées rigoureusement.
Nous employons systématiquement
une prophylaxie par le cotrimoxazole, d’autant plus que
ce médicament pourrait avoir une action propre sur la vascularite.
Un relais après la rémission par l’azathioprine ou le mycophénolate
mofétil peut permettre aussi de diminuer les complications avec,
semble-t-il, une prévention efficace des récidives.
La durée du
traitement d’entretien n’est pas formellement établie.
Elle est de 1 an
minimum puis peut être monitorée en fonction des signes cliniques
et des taux d’anticorps circulants.
F - INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË
DES MICROANGIOPATHIES THROMBOTIQUES :
Les microangiopathies thrombotiques (MAT) sont caractérisées par
la survenue de microthromboses des artérioles et des capillaires dans
différents organes.
Leur expression clinique est variable selon les
organes atteints et deux syndromes cliniques ont été décrits : le
purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT) de l’adulte où
l’atteinte neurologique est prédominante, qui correspond à la
description initiale de Moschcowitz en 1924 et le syndrome
hémolytique et urémique (SHU) de l’enfant, où l’atteinte rénale est
au premier plan, qui correspond à la description de Gasser en
1955.
Ces deux syndromes cliniques sont associés à une
hémolyse mécanique intravasculaire et à des lésions de
microangiopathie thrombotique constituées d’agrégats plaquettaires,
d’un gonflement et d’une prolifération des cellules endothéliales
sans infiltrats inflammatoires, et d’une accumulation de matériel
hyalin entre l’endothélium et la media des petits vaisseaux.
Ces deux
syndromes semblent représenter des expressions cliniques
différentes mais souvent très proches d’un processus lésionnel
identique, la microangiopathie thrombotique.
Ces dernières années
la compréhension de la physiopathologie de ces deux syndromes a
permis de mieux les distinguer.
1- Anatomopathologie
:
La ponction-biopsie rénale (PBR) au cours du SHU avec IRA a un
intérêt diagnostique et pronostique.
La thrombopénie empêche
souvent de réaliser ce geste par voie percutanée mais la technique
de biopsie rénale par voie transjugulaire permet maintenant
d’obtenir de bons fragments de rein chez ces patients.
Les lésions
peuvent toucher les glomérules, les artérioles préglomérulaires et
les artères intrarénales.
Les lésions glomérulaires typiques associent un gonflement des
cellules endothéliales et un élargissement de l’espace sousendothélial
qui réduisent le diamètre des capillaires glomérulaires.
Des thrombi obstruent ces capillaires.
Ils sont composés de
plaquettes agglutinées et dégranulées et de fibrine polymérisée.
Les dépôts clairs sous-endothéliaux pourraient correspondre à des
protéines plasmatiques s’accumulant à ce niveau du fait de
l’augmentation de la perméabilité de la barrière endothéliale.
Ils
pourraient aussi représenter des extensions des thrombi
plaquettaires à partir de la lumière du capillaire lésé.
Rarement,
une expansion mésangiale, une nécrose inflammatoire, voire une
prolifération extracapillaire sont observées.
En immunofluorescence,
des dépôts d’immunoglobuline G (IgG), d’IgM et de complément
sont présents de façon très inconstante.
Les lésions artériolaires et artérielles sont irrégulières et constituées
de thromboses faites d’agrégats plaquettaires et de fibrine, associées à une prolifération cellulaire intimale.
Contrairement aux angéites nécrosantes, il n’y a pas de réaction inflammatoire à l’intérieur et
autour de la paroi vasculaire.
Cette obstruction artériolaire entraîne
une rétraction ischémique des glomérules en aval. Au maximum,
une nécrose corticale est possible.
Des lésions semblables de la
microcirculation ont été démontrées dans d’autres organes.
Les
lésions artérielles sont de pronostic moins favorable, une insuffisance
rénale plus ou moins sévère pouvant persister après l’épisode
initial.
D’autres lésions, glomérulaires ou vasculaires
chroniques, préexistantes, peuvent être découvertes à l’occasion du SHU et sont propres à chaque étiologie.
L’existence en revanche
d’une nécrose tubulaire aiguë sur la biopsie est de pronostic
favorable.
2- Physiopathologie
:
Elle reste encore mal connue.
Deux phénomènes semblent jouer un
rôle important : l’agrégation plaquettaire intravasculaire et
l’altération des propriétés de la cellule endothéliale qui passent
d’une activité antiagrégante plaquettaire, antithrombotique et
profibrinolytique, à une activité proagrégante, prothrombotique et
antifibrinolytique.
Différents agents responsables de microangiopathie thrombotique toxiques, infectieux ou
immunologiques peuvent effectivement entraîner des lésions
endothéliales.
Un déficit d’activité fibrinolytique local dans les microvaisseaux atteints a été démontré, probablement en rapport
avec un excès d’inhibiteur des activateurs du plasminogène (PAI-1).
En immunofluorescence indirecte, nous avons mis en évidence des
dépôts de PAI-1 au sein de la fibrine dans les lésions de microangiopathie thrombotique de l’enfant et de l’adulte.
Cependant la cascade d’événement entre la lésion endothéliale et les microthromboses n’est pas toujours claire et semble différente dans
le SHU et le PTT.
Dans tous les cas, les lésions des cellules
endothéliales induisent des agrégats plaquettaires, entraînant des microthromboses.
L’anémie hémolytique est secondaire à
la fragmentation des érythrocytes sur ces microthromboses.
Dans certains cas de SHU dits idiopathiques ou familiaux, et même
dans certains SHU postinfectieux, un déficit constitutionnel ou
acquis en facteur H ou un facteur H anormal ont été retrouvés.
Le facteur H est le plus important régulateur de
la voie alterne du complément.
Son déficit entraîne donc
l’hyperactivation du complément.
L’anomalie du facteur H,
combinée à d’autres facteurs viraux ou circulants, explique
probablement la prédisposition au SHU de certains patients ou de
certaines familles.
Dans le PTT en revanche, il n’existe pas d’anomalie du facteur H,
mais un déficit constitutionnel ou acquis de l’activité de la protéase
du vWF.
Les complexes de hauts poids moléculaires, dits ultralarges complexes du facteur von Willebrand contenus dans les
cellules endothéliales sont libérés dans la circulation où ils entraînent
l’agrégation plaquettaire, et tout particulièrement dans les capillaires
où le « shear stress » est important.
À la phase aiguë des PTT,
ces complexes ultralarges sont retrouvés dans le sang des patients.
Il faut noter que dans les cas de PTT familiaux, ces complexes ultralarges persistent après l’épisode aigu, suggérant qu’un autre
cofacteur serait nécessaire à l’expression du PTT.
L’hypothèse d’un facteur circulant déclenchant le SHU est appuyée
par l’expérience de la transplantation rénale.
En effet, dans un grand
nombre de cas de greffes rénales, des récidives surviennent.
Elles
sont moins fréquentes chez les patients binéphrectomisés suggérant
que les reins natifs relarguent un facteur toxique qui, en interférant
avec les anomalies de la protéase vWF ou du facteur H,
déclencherait le SHU.
Les SHU épidémiques associés à des diarrhées sont dus à certaines
souches d’entérobactéries pathogènes (Escherichia coli, Shigella
dysenteriae, Salmonella typhi principalement) suggérant un rôle
des entérotoxines bactériennes. En 1977, Konowalchuk et al ont isolé
une toxine sécrétée par une souche d’E. coli responsable de diarrhée
hémorragique et de SHU chez l’enfant.
Cette toxine a un effet
cytotoxique sur les cellules Vero, cellules du rein de singe vert
africain, et est appelée Verotoxin.
Récemment, il a été montré que la
toxine traverse la muqueuse digestive puis est transportée par les
polynucléaires jusqu’à un récepteur spécifique sur les cellules
endothéliales.
L’internalisation dans la cellule endothéliale
entraîne alors un blocage de la synthèse protéique et une mort
cellulaire.
La lésion endothéliale pourrait aussi être d’origine auto-immune,
puisque des anticorps cytotoxiques anticellules endothéliales ont été
mis en évidence dans certains cas de SHU.
3- Signes cliniques
:
Il s’agit d’une maladie rare dont l’incidence annuelle chez l’adulte a
été estimée à environ 0,1 cas pour 100 000.
Les symptômes les
plus fréquents comprennent : asthénie, troubles psychiques,
purpura, hémorragie, douleur abdominale, fièvre.
Plus rarement,
ictère, myalgies, arthralgies sont notés.
Les troubles neurologiques
centraux vont de la simple céphalée avec confusion aux déficits
moteurs, aphasie, troubles visuels, crises convulsives et coma.
L’atteinte rénale, au premier plan dans le SHU et très fréquente
au cours du PTT, est caractérisée par une hématurie microscopique,
plus rarement macroscopique et une protéinurie.
L’IRA, souvent
oligoanurique, est associée habituellement à une HTA sévère et
complique 10 à 20 % des cas de microangiopathies thrombotiques
de l’adulte.
L’examen du fond d’oeil peut retrouver un oedème
papillaire, des hémorragies rétiniennes et du vitré. Un décollement rétinien est possible.
Plus rarement sont observés une arythmie ou
une insuffisance cardiaque, une insuffisance respiratoire aiguë en
rapport avec des hémorragies intra-alvéolaires, un diabète par
atteinte pancréatique, ou une rhabdomyolyse par atteinte
musculaire.
4- Signes biologiques
:
L’anémie hémolytique de type microangiopathique est
caractéristique.
Il s’agit d’une anémie hémolytique de type
mécanique due à la fragmentation des hématies sur les microagrégats obstruant les petits vaisseaux, aboutissant à la
formation d’hématies fragmentées ou schizocytes.
Parallèlement, la
réticulocytose est augmentée, ainsi que le taux de lacticodéshydrogénase (LDH) sérique, l’hémoglobinémie,
l’hémoglobinurie, la bilirubine non conjuguée.
L’haptoglobine
sérique est diminuée.
Le test de Coombs est négatif.
La thrombopénie est constante, parfois très profonde (moins de
10 000 plaquettes/mm3), liée à une consommation périphérique
importante non compensée par l’augmentation de production
médullaire dont témoigne l’augmentation des mégacaryocytes sur
le frottis de moelle.
Il n’y a pas de signe de coagulation intravasculaire disséminée.
Les
temps de Quick et temps de céphaline activée sont normaux.
Les
taux de fibrinogène et des autres facteurs de coagulation sont
normaux dans plus de 90 % des cas.
Il existe cependant une
discrète augmentation des produits de dégradation de la fibrine
(PDF) dans le sang et l’urine, témoignant d’une activation minime
de la fibrinolyse.
Une diminution de l’agrégabilité plaquettaire in
vitro a été montrée liée à la préactivation des plaquettes in vivo.
Une baisse du complément sérique (CH50, C3 et C4) a été observée
chez certains malades, cela est peu fréquent mais de pronostic
défavorable.
5- Traitement
:
Le traitement symptomatique a considérablement participé à
l’amélioration du pronostic des SHU avec IRA.
Les vasodilatateurs puissants, en particulier les inhibiteurs de
l’enzyme de conversion et/ou les antagonistes des récepteurs de
l’angiotensine II, associés ou non à l’hydralazine, les inhibiteurs
calciques ou les bêtabloquants permettent le plus souvent de
contrôler l’HTA et de diminuer l’ischémie rénale et la composante
mécanique de l’hémolyse.
Il s’agit d’un élément essentiel du
traitement symptomatique avec un objectif tensionnel strict ne
dépassant pas 120 mmHg de systolique.
La correction des troubles hydroélectrolytiques par l’hémodialyse, avec ou sans ultrafiltration,
permet de prévenir les complications métaboliques et volumiques
de l’IRA, quelle qu’en soit la cause.
Les traitements étiologiques qui ont été testés sont nombreux et
d’efficacité inconstante.
Il est nécessaire si possible d’identifier le
facteur responsable et de le traiter.
Cependant, pour le SHU
postinfectieux, secondaire à Escherichia coli 0157:H7, le traitement
antibiotique n’améliore pas et même aggrave le pronostic de la
maladie.
Seule la fosfomycine, donnée dans les deux premiers
jours d’une diarrhée due à Escherichia coli 0157:H7, pourrait
diminuer l’incidence des SHU chez les enfants.
L’emploi de perfusion de plasma frais (20 à 30 mL/kg/j) ou les
échanges plasmatiques ont permis, dans de nombreux cas, de
corriger l’hémolyse et la thrombopénie des SHU et PTT de
l’adulte.
Dans le PTT, ces perfusions ont prouvé leur
efficacité avec un effet parallèle à la dose.
George, sur
une série de 169 patients, a réalisé des échanges quotidiens, voire
biquotidiens, obtenant un taux de survie de 85 %.
Le recours aux
échanges plasmatiques est nécessaire en cas de surcharge volumique
et/ou d’anticorps dirigés contre la protéase du vWf.
Dans le SHU, aucune étude n’a démontré l’intérêt des PFC ou des échanges
plasmatiques, même si l’étude rétrospective de Dundas le suggère.
Les perfusions de plasma semblent logiques en cas de déficit en
facteur H.
Dans les autres cas, la majorité des équipes adultes
utilisent les PFC, voire les échanges plasmatiques par analogie avec
le traitement du PTT.
En revanche, dans les SHU typiques de
l’enfant, ni les échanges plasmatiques, ni les perfusions de plasma
frais congelés ne sont recommandés.
La corticothérapie, 0,5 à 1 mg/kg/j de prednisone, pourrait avoir
un effet bénéfique chez environ 30 % des malades adultes atteints
de PTT.
Elle semble essentielle chez les patients ayant une maladie
auto-immune comme un lupus erythémateux disséminé, ou chez les
patients porteurs d’un auto-anticorps inhibant la protéase du vWf.
Elle doit être discutée au cas par cas selon l’étiologie.
Les antiagrégants plaquettaires, 50 à 100 mg/j d’acide acétylsalicylique
et/ou 150 à 450 mg/j de dipyridamole, ont aussi été
proposés mais leur efficacité n’a pas été démontrée.
Ils sont de moins
en moins utilisés.
De façon exceptionnelle, la vincristine et la splénectomie sont
également employées, parfois avec succès, dans les formes
réfractaires aux traitements classiques.
6- Circonstances étiologiques particulières
:
Elles sont nombreuses et variées chez l’adulte.
Dans une
série récente, sur 55 cas de SHU de l’adulte admis dans notre
service, tous confirmés par la biopsie rénale, les étiologies
retrouvées peuvent être classées en deux grands groupes : les SHU
dits primitifs, c’est-à-dire sur rein antérieurement sain (72,7 %) et les
secondaires compliquant une néphropathie sous-jacente (27,2 %).
* Formes postinfectieuses ou idiopathiques
:
L’incidence du SHU post-Escherichia coli 0157:H7 est
particulièrement importante chez l’enfant.
Cette forme postinfectieuse existe néanmoins chez l’adulte et même chez le sujet
âgé et justifie la recherche systématique de la toxine dans les selles
de tous les patients présentant un SHU.
La PBR permet de
reconnaître les formes avec atteinte artériolaire prédominante, de
pronostic plus défavorable que les formes avec atteinte glomérulaire
exclusive ou prédominante.
Le traitement symptomatique par
hémodialyse et antihypertenseur et le traitement étiopathogénique
par plasma frais chez l’adulte ont bouleversé le pronostic de ces
formes autrefois catastrophiques.
De nombreux virus (entérovirus, virus de l’immunodéficience
humaine [VIH]) et en particulier le cytomégalovirus chez le patient
transplanté sont impliqués dans le déclenchement d’une
microangiopathie thrombotique.
Le lien de causalité est
souvent difficile à établir, en particulier chez les patients transplantés
pour lesquels la récidive de la néphropathie initiale, le rejet aigu vasculaire et les médicaments peuvent être aussi suspectés.
Cependant, dans certains cas, la survenue simultanée du SHU et
d’un syndrome viral documenté chez un patient dont les
médicaments n’ont pas été modifiés depuis plusieurs mois, peut
permettre de relier le SHU à la pathologie virale.
* Syndrome hémolytique et urémique et sclérodermie
:
L’insuffisance rénale aiguë de la sclérodermie est rare, mais connue.
Elle peut survenir, selon les séries, chez 10 à 40 % des malades sclérodermiques.
Elle se manifeste par un syndrome
hémolytique et urémique, le plus souvent avec HTA maligne.
La
sclérodermie, de type acrosclérose, est habituellement connue lors
de l’apparition de l’insuffisance rénale mais celle-ci peut être
révélatrice dans 5 à 10% des cas.
Une majoration des signes
viscéraux, une altération de l’état général, un syndrome
inflammatoire peuvent précéder la « crise vasculorénale ».
La prise
d’anti-inflammatoires non stéroïdiens ou de corticoïdes a été
incriminée comme facteur déclenchant.
L’HTA, lorsqu’elle
est présente, peut dépasser 200/120 mmHg.
Cependant, malgré des
lésions rénales sévères et un authentique SHU, certains malades ne
sont pas hypertendus.
Les lésions au fond d’oeil sont constantes avec
nodules dysoriques et/ou décollement de rétine, non corrélées avec
le niveau de la pression artérielle.
La biopsie rénale montre des
lésions essentiellement vasculaires, touchant surtout les artères interlobulaires, siège d’une endartérite proliférante ou fibreuse
circonférencielle réduisant la lumière vasculaire.
L’endartère est
infiltrée par un matériel mucoïde, assez caractéristique de la
sclérodermie ou par un matériel fibrinoïde.
Des nécroses corticales
ou corticomédullaires segmentaires sont possibles, détectables aussi
par l’angiographie rénale.
Plus tardivement, des lésions de néphroangiosclérose dues à l’HTA maligne peuvent se surajouter
touchant principalement les artérioles pré- et postglomérulaires avec
endartérite proliférative et nécrose fibrinoïde.
Le pronostic de l’IRA au cours de la sclérodermie, autrefois
catastrophique, reste péjoratif, la mortalité pouvant atteindre 50 %
la 1re année, par accident vasculaire cérébral, insuffisance cardiaque
ou cachexie.
Il s’améliore depuis l’emploi des inhibiteurs de
l’enzyme de conversion de l’angiotensine et des antagonistes des
récepteurs de l’angiotensine II.
Hémodialyse et transplantation
peuvent être pratiquées.
On observe des récupérations tardives
de la fonction rénale après plusieurs semaines ou mois
d’hémodialyse, la correction des chiffres tensionnels permettant
la régression lente des lésions d’endartérite et de nécrose
fibrinoïde.
* Néphroangiosclérose maligne
:
Elle se manifeste par une HTA maligne avec une pression artérielle
diastolique supérieure à 130 mmHg, et retentissement viscéral
majeur.
Elle peut survenir spontanément mais fait suite le plus
souvent à une HTA ancienne pas ou mal contrôlée, quelle qu’en soit
l’étiologie.
L’atteinte rénale est marquée par une insuffisance rénale aiguë ou
rapidement progressive, pouvant devenir oligoanurique.
Le plus
souvent cependant, les malades signalent une phase polyuropolydipsique précédant leur hospitalisation, associée à une
asthénie et à un amaigrissement. Des états de cachexie peuvent
s’installer rapidement.
La protéinurie est minime.
Il n’y a pas
d’hématurie. Les troubles visuels et les lésions au fond d’oeil sont
habituelles : hémorragies, exsudats, oedème papillaire.
L’encéphalopathie hypertensive est parfois au premier plan avec
céphalées, confusion, somnolence, voire coma, convulsions
généralisées ou hémorragie cérébroméningée.
Une insuffisance
ventriculaire gauche, liée à l’importante augmentation des
résistances vasculaires périphériques, peut entraîner un oedème
pulmonaire.
Au plan biologique, une anémie hémolytique de type microangiopathique est fréquente ; la thrombopénie est absente ou
peu marquée.
Une augmentation des enzymes musculaires (créatine phosphokinase [CPK], aldolase), peut témoigner de l’ischémie
musculaire due à la vasoconstriction périphérique extrême.
La
rénine plasmatique est constamment extrêmement élevée.
Le
volume plasmatique, qui peut être mesuré par dilution isotopique
de l’albumine marquée à l’iode125 ou par dilution du bleu Evans, est
souvent diminué du fait de la polyurie induite par l’HTA.
Après contrôle de l’HTA et des troubles de l’hémostase, une PBR
peut être pratiquée.
Elle montre des lésions caractéristiques
d’endartérite proliférative majeure touchant les artères
interlobulaires et surtout les artérioles pré- et postglomérulaires.
La
prolifération exubérante des cellules musculaires lisses en position intimale aboutit à la formation des lésions classiques en « bulbe
d’oignon » qui peut être retrouvée aussi dans le SHU et la sclérodermie.
De façon plus caractéristique, une nécrose des cellules musculaires
lisses et des infiltrats de fibrine dans la paroi vasculaire peuvent être
observés, constituant les lésions de nécrose fibrinoïde.
Une nécrose fibrinoïde de l’artériole afférente, éventuellement étendue au
glomérule, est très caractéristique de la néphroangiosclérose maligne
et n’est pas observée dans les autres néphropathies vasculaires.
Une
hyperplasie de l’appareil juxtaglomérulaire et une augmentation du
nombre de cellules contenant de la rénine ont été observées.
La pathogénie de l’HTA maligne au cours de la néphroangiosclérose
maligne fait intervenir avant tout une sécrétion importante de rénine
et la génération d’angiotensine II intrarénale et systémique.
L’endartérite proliférative et la nécrose fibrinoïde réduisent la
lumière vasculaire et entraînent une ischémie glomérulaire à
l’origine de la sécrétion de rénine.
Cette sécrétion de rénine
augmente la vasoconstriction et l’HTA, majorant l’endartérite
proliférative, et donc l’ischémie rénale qui, à son tour, stimule la
sécrétion de rénine.
Un cercle vicieux d’autoaggravation s’installe
ainsi, aboutissant à l’HTA maligne avec IRA.
Les lésions d’endartérite proliférative peuvent être secondaires à une
hypertension ancienne mal contrôlée, mais elles peuvent aussi
apparaître chez des sujets jeunes sans antécédent particulier.
Cette néphroangiosclérose primitive est à rapprocher des lésions
vasculaires observées chez le rat spontanément hypertendu (SHR),
dont les lésions artérielles et glomérulaires apparaissent et
progressent malgré le contrôle de l’HTA.
Il pourrait s’agir d’une
maladie primitive de la cellule endothéliale ou de la cellule
musculaire lisse artérielle.
Outre l’hémodialyse qui permet de corriger les désordres hydroélectrolytiques, le traitement de l’IRA au cours de l’HTA
maligne fait essentiellement appel au traitement antihypertenseur.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion seuls ou associés à
d’autres vasodilatateurs, en particulier les antagonistes des
récepteurs de l’angiotensine II, sont ici aussi remarquablement
efficaces et ont complètement remplacé la binéphrectomie qui était
autrefois nécessaire.
La normalisation des chiffres tensionnels
s’accompagne habituellement initialement d’une aggravation de
l’insuffisance rénale, voire d’une réduction de la diurèse.
Elle est
cependant indispensable pour prévenir l’installation de nouvelles
lésions artériolaires.
Cette aggravation à court terme n’empêche pas
une amélioration à long terme de la fonction rénale en quelques
semaines ou quelques mois.
Ce délai pourrait correspondre au
temps nécessaire à la régression de l’endartérite proliférative.
Durant
cette période, l’hémodialyse itérative et le traitement
antihypertenseur doivent être rigoureusement maintenus.
Les autres
traitements étiopathogéniques (corticoïdes, plasma frais congelé)
n’ont pas été évalués dans cette circonstance et ne nous semblent
pas justifiés.
* Syndrome hémolytique et urémique et grossesse
:
Le SHU de la grossesse survient habituellement au cours du
3e trimestre de grossesse et pose des problèmes diagnostiques avec
certaines formes de prééclampsie et Haemolysis, Elevated Liver
enzymes Low Platelet count (HELLP) syndrome où HTA, protéinurie,
anémie hémolytique microangiopathique, thrombopénie et
insuffisance rénale peuvent s’observer.
Les signes de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) absents dans le SHU sont
habituellement présents dans la prééclampsie.
En l’absence de
traitement, une mortalité foetale d’environ 80 % a été rapportée.
À
l’inverse, la perfusion de plasma frais a permis de contrôler le SHU,
de prolonger la grossesse et d’améliorer considérablement le
pronostic foetal et maternel.
Le SHU peut également apparaître dans le post-partum après un
accouchement normal et un intervalle libre sans symptôme de
quelques semaines à quelques mois.
Ce SHU du post-partum
est souvent plus sévère que celui qui survient au cours de la
grossesse, avec une évolution fréquente vers l’insuffisance rénale
terminale.
* Microangiopathies thrombotiques des cancers
et après chimiothérapie
:
Des signes évocateurs de microangiopathies thrombotiques (MAT)
ont été observés au cours des leucémies aiguës promyélocytaires,
des cancers de la prostate, des carcinomes gastriques ou
pancréatiques.
Des signes de CIVD sont souvent associés et les
lésions pourraient être en rapport avec des embolies tumorales.
La MAT peut être en rapport avec la maladie elle-même ou son
traitement.
Les MAT après chimiothérapie ont été observées
essentiellement chez les malades traités par mitomycine C et plus
récemment gemcitabine.
D’autres substances médicamenteuses
(cisplatine, associé à la bléomycine, la vinblastine ou la
vindésine) ont aussi été incriminées.
L’arrêt de la chimiothérapie et
les échanges plasmatiques permettent le plus souvent de traiter
efficacement ces SHU.
L’évolution est surtout celle de la maladie
cancéreuse.
* Autres causes médicamenteuses
:
De très nombreux médicaments ont été aussi mis en cause dans des
cas de SHU sur reins sains : entre autres le FK506 (1 à 5 % des
patients), la ciclosporine A, l’interféron-alpha, le clopidogrel et la
quinine.
Tous les tableaux peuvent être observés, de
la simple constatation histologique, à la défaillance multiviscérale.
Le mécanisme n’est souvent pas expliqué, mais on peut parfois,
comme après une prise de quinine, retrouver dans le sérum du
patient différents autoanticorps, en particulier contre les
glycoprotéines de la membrane plaquettaire GpIIbIIIa, mais aussi
contre les érythrocytes, les leucocytes et les cellules endothéliales.
INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË PAR EMBOLIE
DE CRISTAUX DE CHOLESTÉROL
:
Bien que l’insuffisance rénale due à des emboles de cristaux de
cholestérol dans la circulation rénale ait été décrite depuis 1945, sa
fréquence a longtemps été sous-estimée comme l’ont montré les
séries autopsiques.
Une étude néerlandaise a retrouvé par
exemple une incidence autopsique de 0,3 à 0,4 % contre une
incidence estimée à 0,6/100 000.
1- Anatomopathologie et physiopathologie
:
Les lésions dues aux emboles de cholestérol sont caractéristiques.
Les cristaux, aux angles très aigus, sont retrouvés dans la lumière
des artérioles de moyen calibre, de 150 à 200 µm de diamètre.
Ils
sont entourés d’un matériel amorphe et associés à une prolifération
cellulaire de la paroi vasculaire qui joue un rôle majeur dans
l’obstruction des vaisseaux. Ils sont biréfringents en lumière
polarisée sur les coupes non fixées.
La fixation et la coloration
des coupes entraînent la dissolution du cholestérol, de sorte que la
présence de cristaux est signalée par des lacunes ayant la forme du
cristal dans la lumière vasculaire obstruée.
L’obstruction vasculaire
est irrégulière et des territoires sains peuvent être voisins de zones
ischémiques caractérisées par la sclérose des glomérules et la
dégénérescence des tubules.
Il semble que les cristaux de cholestérol induisent une réaction à
corps étranger avec afflux de macrophages, formation de cellules
géantes, lésions des cellules endothéliales, activation des plaquettes
et de la coagulation, aboutissant à la migration et à la prolifération
des cellules de la media dans l’intima.
Il existe parfois de rares
phénomènes de reperméabilisation.
2- Signes cliniques
:
Les emboles de cristaux de cholestérol s’observent essentiellement
chez le sujet athéromateux, âgé de plus de 60 ans, ayant des
antécédents d’artérite des membres inférieurs, d’accidents
vasculaires cérébraux ou d’infarctus du myocarde.
Les facteurs déclenchants les plus communs sont :
– la chirurgie de l’aorte sus-rénale ou des artères rénales
athéromateuses ;
– le cathétérisme de l’aorte au cours des angiographies ;
– le traitement anticoagulant, avec ou sans surdosage.
Bon nombre de cas apparaissent sans facteur déclenchant évident.
L’atteinte rénale se caractérise par l’association d’une IRA et d’une hypertension artérielle sur un terrain athéromateux, souvent déjà
insuffisant rénal chronique et hypertendu.
La protéinurie peu
abondante et le sédiment urinaire normal, apportent peu de
renseignements.
Simultanément, d’autres territoires que le rein sont atteints tels que
les vaisseaux cutanés ou les vaisseaux rétiniens, mais aussi le
cerveau, le tube digestif ou le pancréas à l’origine de manifestations
cliniques variées, mimant parfois des vascularites.
Certaines anomalies biologiques ont été observées au cours des
embolies de cholestérol telles que l’hyperéosinophilie,
l’hypocomplémentémie, et la présence d’autoanticorps. Elles sont
inconstantes et non spécifiques.
La certitude diagnostique est apportée par la biopsie rénale, ou la
biopsie d’autres territoires atteints, cutanés ou musculaires, et le
fond d’oeil lorsqu’il montre des emboles de cristaux dans les
vaisseaux rétiniens.
3- Traitement
:
Outre le traitement symptomatique, il n’existe pas actuellement de
traitement efficace des IRA par emboles de cristaux de cholestérol :
perfusion de dextran, vasodilatateurs, corticoïdes, sympatholytiques
se sont avérés inefficaces.
Le traitement de l’hypertension doit être renforcé mais progressif,
car le risque est d’entraîner une ischémie cérébrale ou rénale
supplémentaire.
L’emploi des inhibiteurs de l’enzyme de conversion
doit être prudent également car les sténoses athéromateuses des
artères rénales sont fréquentes sur ce terrain.
Le plus important est certainement d’éviter les récidives.
Les
statines permettraient de stabiliser les plaques d’athérome.
Les
examens invasifs et l’anticoagulation doivent être proscrits chez ces
patients.
L’évolution est habituellement peu favorable : le plus souvent, il
persiste une insuffisance rénale chronique, nécessitant ou non
l’hémodialyse itérative, ou plus rarement la fonction rénale
s’améliore de façon progressive et incomplète.
Les cas secondaires à
un cathétérisme aortique ou à un traitement anticoagulant auraient
un pronostic plus favorable que les emboles de cholestérol
spontanées.
Insuffisance rénale aiguë
au cours des sténoses athéromateuses
des artères rénales :
De nombreux cas d’insuffisance rénale aiguë induits par les
inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les antagonistes des
récepteurs de l’angiotensine II chez les malades ayant des artères
rénales sténosées ou simplement athéromateuses sans sténose visible
à l’angiographie, ont été rapportés.
L’arrêt de la filtration
glomérulaire est lié à la suppression de la génération d’angiotensine II intrarénale, à la vasorelaxation de l’artériole efférente
glomérulaire et la chute de la pression de filtration qui s’ensuivent.
Fait très important, cette IRA, d’autant plus sévère qu’il existe une hypovolémie ou un bas débit cardiaque, est rapidement réversible à
l’arrêt du traitement par inhibiteur de l’enzyme de conversion et
réhydratation.
L’angio-IRM des artères rénales peut permettre de
confirmer le diagnostic de façon non invasive.
L’angiographie
rénale, malgré les risques d’embolie de cholestérol qu’elle comporte
chez ces malades, est alors indiquée pour tenter une angioplastie ou
décider d’une intervention chirurgicale de revascularisation.
Meyrier a rapporté une série de 32 malades athéromateux atteints
d’insuffisance rénale. Dans 30 cas, l’angiographie rénale a montré
une sténose serrée des artères rénales (ou de l’artère rénale d’un
rein fonctionnel unique).
La dégradation de la fonction rénale a été
déclenchée par la prise d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion de
l’angiotensine I dans 16 cas.
Très souvent, les sténoses des artères
rénales étaient associées à des sténoses multiples des vaisseaux intrarénaux, inaccessibles à un traitement, et à des emboles de
cholestérol.
L’ensemble de ces lésions regroupées par ces auteurs
sous le terme de maladie rénale athéromateuse semble constituer
une cause fréquente, mais sous-estimée, d’insuffisance rénale
chronique du sujet athéromateux.
L’occlusion brutale d’une artère rénale athéromateuse sur un rein
fonctionnel unique peut aussi être observée.
Elle entraîne une
insuffisance rénale aiguë, souvent oligoanurique, avec HTA et
oedème pulmonaire.
L’artériographie permet de confirmer
l’occlusion artérielle et montre parfois une vascularisation de
suppléance par les artères périrénales.
Cette vascularisation, qui
peut être appréciée par la scintigraphie rénale, bien que faible,
empêche la nécrose complète du rein et explique les succès de
revascularisation rénale observés quelques jours, voire quelques
semaines après l’occlusion de l’artère rénale.