Nous utiliserons le terme de tympanoplastie pour décrire ce genre
d’intervention, terme préférable à celui de greffe de tympan.
La myringoplastie est donc une tympanoplastie de type I et consiste à
la mise en place d’un tissu conjonctif pour obturer une perforation
tympanique.
Depuis l’Arrêté du 24
janvier 1997, il n’est donc plus question d’utiliser quelque
allogreffe que ce soit pour réaliser une tympanoplastie : « la
transformation, l’importation, l’exportation, la distribution,
la cession à titre gratuit ou onéreux et l’utilisation à des
fins thérapeutiques des hypophyses, des tympans et des rochers
d’origine humaine sont interdites.
Seuls les osselets d’origine
humaine prélevés par le conduit auditif externe peuvent être
utilisés à des fins thérapeutiques chez l’homme ».
L’utilisation de l’autogreffe comme seule et unique source de
greffon restreint donc les possibilités d’approvisionnement offertes
il y a quelques années et qui étaient justifiées :
– dans les perforations totales avec disparition du bourrelet de Gerlach
et/ou absence de manche du marteau ;
– en l’absence de disponibilité de greffon sur des oreilles multiopérées.
Cet Arrêté a donc limité et interdit les prélèvements et l’utilisation
thérapeutique des tissus, notamment ceux de la sphère encéphalique, eu
égard aux risques potentiels de transmission de la maladie de Creuzfeldt-Jacob.
Matériaux de greffe
:
Tos, dans le Manuel de chirurgie de l’oreille moyenne, fait une revue
exhaustive des matériaux potentiellement utilisables chez l’homme, en
particulier sur des oreilles multiopérées où fascia temporalis et
périchondre sont inutilisables.
Il souligne l’intérêt du périoste temporal situé sous le muscle temporal,
au-dessus de la linea temporalis.
Cette technique déjà décrite par Wullstein en 1968 retrouve donc un regain d’actualité lorsque l’on
désire un large greffon pour des perforations totales ou subtotales.
Le greffon peut être prélevé par voie postérieure rétroauriculaire ou
endaurale élargie, soit en réclinant le muscle, soit en le sectionnant
horizontalement à mi-hauteur pour découvrir le plan profond
aponévrotique qui est séparé de l’os temporal à la rugine.
Le fascia lata, quoique relativement épais, peut être utilisé pour les
mêmes raisons que précédemment mais surtout dans deux conditions :
– lorsque l’on reconstruit en même temps le canal osseux, car c’est un
matériau très recouvrant, se résorbant peu ;
– lorsque l’on veut recouvrir ou oblitérer une cavité masto-antroatticale
en technique ouverte en même temps que la tympanoplastie.
Voies d’abord
:
Cette voie n’est pas
nouvelle (Popper 1935, Googhill 1964) et n’est pas stricto sensu
utilisée à dessein pour une tympanoplastie mais pour explorer la
gouttière postérieure de la caisse.
Les techniques d’endoscopie de
l’oreille moyenne ont largement supplanté ces artifices opératoires.
Néanmoins, de par leur facilité, ces deux approches antérieures méritent
d’être rappelées, ne serait-ce que pour être exhaustif, et informer le
lecteur.
Dans la technique de Goodhill, le chirurgien doit se placer devant le
visage du patient, le spéculum est introduit doucement en poussant le
tragus en avant.
La technique de Popper était utilisée pour la fenestration du canal latéral.
Une incision de 3 cm est réalisée verticalement en avant du tragus.
Le
tragus et sa peau sont écartés en avant.
La peau du conduit est incisée à
la jonction os-cartilage.
Un écarteur autostatique permet au chirurgien placé devant la face du
patient de contrôler la partie postérieure de la caisse : accès facile pour
traiter un cholestéatome de la gouttière postérieure, positionnement
postérieur du greffon périchondral.
Technique chirurgicale
:
Le chirurgien étant en France actuellement définitivement privé
d’allogreffe tympano-ossiculaire, comment peut-il gérer une perforation
totale avec disparition du bourrelet de Gerlach ?
Nous avons proposé en 1997 une technique originale de mise en place
du greffon aponévrotique ou de périoste temporal.
L’absence d’annulus fibreux ou bourrelet de Gerlach, en particulier dans
la partie antérieure du tympan, peut constituer en cas de chirurgie une
difficulté pour le positionnement du greffon.
Cette difficulté se conçoit aussi bien chez les tenants d’une intervention
où la pose du greffon est extrafibreuse que chez ceux où la pose est sous- ou
intrafibreuse.
Cette situation se rencontre essentiellement en cas de reprise de myringoplastie pour des perforations résiduelles antérieures ou totales.
Le bourrelet de Gerlach est un élément important puisqu’il marque la
frontière entre l’oreille externe et moyenne et qu’il offre lorsqu’il est
présent un point d’appui pour le greffon.
Le respect anatomique de l’angle tympanoméatal antérieur est
indispensable pour le bon fonctionnement de la membrane tympanique.
Il n’est plus possible de réaliser une technique extrafibreuse et de
désépidermiser l’annulus dans cette situation, de même qu’il n’est plus
possible de plaquer le greffon sous les restes tympaniques antérieurs
inexistants.
Si l’on veut éviter toute latéralisation et comblement de l’angle antérieur tympanoméatal, il est conseillé d’éviter de remonter le greffon sur la
paroi antérieure du conduit, de le placer en extrafibreuse et de placer le
greffon sous le manche du marteau.
Si l’on veut éviter les inclusions épidermiques de l’angle antérieur, il
faut préférer une technique intrafibreuse.
A - Voie d’abord
:
S’agissant d’une perforation totale ou antérieure et, a fortiori, d’une
reprise, la voie d’abord postérosupérieure est conseillée.
Elle autorise un prélèvement de fascia, de périchondre rétroconqual, de
périoste temporal.
Elle permet d’aléser la partie postérosupérieure du conduit ou sa partie
antérieure, étape indispensable pour contrôler l’angle antérieur.
Ce mauvais contrôle constitue le plus souvent d’ailleurs la cause de
l’échec de la tympanoplastie.
Le greffon de fascia doit être séché pour
une application plus facile.
B - Principes
:
Il est indispensable et capital que le fascia puisse être maintenu bien en
avant de la perforation tympanique où il n’existe plus de bourrelet de
Gerlach.
Nous respectons totalement la peau antérieure du conduit après avoir
avivé les bords de la perforation.
Après incision horizontale du conduit, le lambeau tympanoméatal est
disséqué sur les deux tiers postérieurs de sa circonférence, ne laissant en
place que l’angle antérieur.
Si nécessaire, le lambeau est séparé du manche du marteau, en
particulier lorsque celui-ci est verticalisé.
Le toit du protympanum est avivé à la curette rétrograde avec ablation
de sa muqueuse.
Cependant, les parois interne, inférieure et externe du protympanum sont scrupuleusement respectées.
Le fascia séché est taillé en forme de raquette de tennis dont le manche
vient s’appliquer sur 3 à 4 mmcontre le toit du protympanum, cependant
que le « tamis » parfaitement découpé aux formes du conduit osseux
vient se plaquer sous les restes tympaniques et sous le manche du
marteau s’il est horizontal ou reposer sur le manche du marteau si
celui-ci est vertical.
En cas de positionnement du fascia sur le marteau, pour éviter toute
latéralisation dans la partie médiane du tympan, un fascia
supplémentaire est mis sous le manche du marteau, ce dernier se
retrouvant pris en sandwich entre deux fibreuses.
Dans la région sous-ligamentaire antérieure et hypotympanique
antérieure, sont tassées des boulettes de Spongel qui plaquent le fascia
contre la face inférieure du tympan.
Aucun matériau n’est interposé dans le protympanum pour éviter toute
bride ou synéchie dans la partie antérieure de la caisse.
La colle biologique peut également être utilisée.
Le fascia est glissé sous contrôle de la vue sur ou sous le manche du
marteau, puis le manche du fascia est introduit dans le protympanum
jusqu’à ce que le « tamis » vienne buter contre la partie osseuse de la
caisse.
Des boulettes de Spongelt sont glissées sous le fascia pour le soutenir
comme indiqué précédemment.
La languette antérieure du fascia est plaquée contre le toit de la trompe
d’Eustache.
Le lambeau tympanoméatal et le fascia sont rabattus vers le bas et
l’arrière et plaqués sous le marteau dans le cas où le fascia est positionné
en dedans du marteau.
L’opérateur vérifie l’absence de toute déhiscence en avant.
Des
aménagements ultérieurs (utilisation de colle, mise en place du fascia en
sandwich sous le manche du marteau) achèvent l’opération.
C - Intérêt
:
En l’absence
de bourrelet de Gerlach dans la partie antérieure du
tympan, il est représenté par sa facilité d’exécution (à condition
d’utiliser une voie postérosupérieure).
Cette technique est conservatrice de l’angle tympanoméatal antérieur,
de la peau antérieure du conduit, elle évite toute latéralisation antérieure
du tympan, tout comblement de l’angle tympanoméatal antérieur et
toute inclusion épidermique.
Elle évite les déhiscences antérieures entre le fascia et les « restes
tympaniques ».
Cette technique peut s’appliquer à n’importe quel type de perforation
antérieure.
Les pansements et soins postopératoires sont ceux de toute myringoplastie par autogreffe.
D - Résultats
:
Les résultats à 5 ans font apparaître :
– une fermeture tympanique obtenue dans 98 % ;
– l’absence d’inclusion épidermique ;
– l’absence de comblement dans l’angle antérieur ;