1- Origine du clone myélomateux
et son devenir médullaire
:
- Il semble naître des cellules B mémoire, après leur
activation dans les centres germinatifs de la rate (ou des
ganglions périphériques).
- L'événement « critique » pourrait survenir, lors de la
réactivation par l'antigène, des conséquences d’une
translocation, au moment du switch, dans la région
codant les gènes des chaînes lourdes des immunoglobulines
(IgG ou A ou E…) dans le chromosome 14
– même
dans les myélomes « à chaînes légères ».
- La cellule clonale initiale est donc « prémédullaire ».
Elle circule dans le sang et va se loger « au hasard » dans
la moelle (homing) où, sous l'effet des cytokines et facteurs
de croissance, elle va proliférer.
- Le rôle du micro-environnement de la moelle est
majeur pour le développement de la maladie médullaire
(cellules dendritiques, le virus KSHV ou HHV8 infectant
les cellules dendritiques, divers facteurs de croissance
: HGF, fibroblast growth factor (FGF) et surtout
l’IL-6 des cellules du stroma).
- L’un des stimulants majeurs de la prolifération des cellules myélomateuses comme de l'activité ostéoclasique
est l'interleukine 6 (IL-6) produite essentiellement par
l'atmosphère médullaire périplasmocytaire, mais aussi
par une production plasmocytaire autocrine, et dont le
taux est proportionnel à celui de la protéine C-réactive
(CRP) qui en découle. Le transforming growth factors
(TGF) b1, sécrété par le plasmocyte, stimule cette production
d’IL-6 et déprime les lymphocytes B et T normaux.
L’IL-6 inhibe l’apoptose induite par la dexaméthasone
(et, inversement, la dexaméthasone diminue
l’activation due à l’IL-6), mais pas celle induite par l’irradiation.
L’IL1-b est exprimée par les cellules myélomateuses
[et non par les plasmocytes normaux ni ou
rarement dans les gammapathies monoclonales de
signification indéterminée (MGUS)] et semble contribuer
à l’évolutivité maligne.
- De nouveaux événements « oncogéniques » peuvent
survenir, aggravant d'autant la « malignité » de la prolifération
:
. mutation de l'oncogène ras (chez 1/3 des malades) (à
l'origine de cellules indépendantes de l’IL-6 ) ;
. mutation (inactivation) du gène p53 (surtout dans les
leucémies à plasmocytes ) ;
. mutation du gène suppresseur Rb (qui favorise l'entrée
en phase S ) ;
. délétions de divers inhibiteurs des CDK (antagonistes
de l'effet d'inactivation de pRb ) ;
. surexpression de la cycline D (qui inactive pRb avec
les CDK et favorise l'entrée dans le cycle ) ;
. surexpression (plutôt que réarrangement) de c-myc et
Bcl-2.
2- États prémyélomateux : les gammapathies
monoclonales de signification indéterminée
On a longtemps appelé « gammapathies monoclonales
bénignes » les situations (3 fois plus fréquentes que les
myélomes « symptomatiques ») où l’on observait une
immunoglobuline monoclonale stable, sans aucune
manifestation d’évolutivité tumorale (signes osseux,
cytopénie ou hypercalcémie) et sans non plus d’inhibition
des clones lymphocytaires B normaux : donc sans baisse
du taux des autres immunoglobulines.
Un élément
d’orientation est le faible taux du pic (moins de 30 g/L) et classiquement le faible taux de plasmocytes médullaires
(< 5 ou 10 % ), bien que ce dernier signe soit plus discutable.
Ces états, effectivement d’évolution souvent
longtemps et spontanément « bénigne », sont aujourd’hui
appelés gammapathies monoclonales de signification
indéterminée.
Les travaux de Kyle font bien apparaître
qu’il s’agit en fait de clones myélomateux
stabilisés à un niveau de faible malignité, mais possédant
les caractères de la malignité (révélée par exemple
par l’existence d’anomalies quantitatives du contenu en
ADN des cellules), ce que confirme le risque d’évolution
ultérieure vers une hémopathie maligne authentique
(myélome, macroglobulinémie ou lymphome) évalué à
20 % à 13 ans.
Cette évolutivité maligne est dépendante
de l’action des cytokines et induite par la survenue
des événements secondaires indiqués plus haut.
Tout intrinsèquement « maligne » qu’elle soit, cette gammapathie monoclonale « stable » ne justifie pas de
traitement dans l’état actuel de nos connaissances.
Les
essais de chimiothérapies à ce stade sont souvent inefficaces,
donc nuisibles (par le risque infectieux ou leucémogène)
; il n’est pas impossible qu’une chimiothérapie
puisse même contribuer à susciter une activation du
clone quiescent ou à sélectionner des cellules résistantes.
3- Étiologie
:
Comme dans beaucoup de maladies malignes, la « cancérogenèse
» du myélome est multifactorielle.
L’hypothèse d’un facteur viral progresse aujourd’hui et
il semble que le virus associé au sarcome de Kaposi
(HHV8), très souvent objectivé dans les cellules dendritiques
des myélomes (mais non les plasmocytes), joue
un rôle important.
Des facteurs environnementaux sont possibles et expliqueraient
notamment une fréquence plus grande chez
les agriculteurs.
Enfin, l’existence de quelques cas familiaux fait discuter
une participation génétique individualisant des « terrains
à risque ».
4- Explication physiopathologique
des symptômes :
- Plusieurs cytokines sécrétées par les cellules myélomateuses
ou induites par leurs effets sur le stroma
médullaire (IL-6, TNF b) ont une activité stimulante sur
les ostéoclastes (osteoclast activating factor, OAF) :
cela aboutit à l’ostéolyse par découplage entre les processus
de construction et destruction osseuses.
Cette stimulation
des ostéoclastes se fait au contact des plasmocytes
malins.
Ceux-ci sont groupés en petits amas
nodulaires (les cellules possédant habituellement des
molécules d’adhésion à leur surface), c’est pourquoi les
lésions ostéolytiques prennent en général une allure
micronodulaire disséminée.
À l’ostéolyse s’associe une
tendance à l’hypercalcémie (en général sans hypophosphorémie),
qui n’est pas strictement proportionnelle à
l’abondance des lésions osseuses, et qui peut apporter sa
symptomatologie propre et son risque de tubulopathie
rénale.
Ces lésions osseuses multiples fragilisent les os
concernés (ceux qui contiennent le plus de moelle, c’est-à-dire les os du squelette axial et les côtes), et favorisent
les microfractures (douloureuses), ou les fractures spontanées
de certaines diaphyses (fémurs, humérus), des
côtes ou des corps vertébraux (tassements).
- Dans certaines formes, les plasmocytes n’expriment
pas les molécules d’adhésion (CD56 notamment), d’où
une perte du homing et de la propension à se grouper en
amas médullaires : c’est le cas des rares « leucémies à
plasmocytes » où les lésions osseuses, moins fréquentes
initialement, sont plus souvent à type de décalcification
diffuse.
En revanche, de rares formes sont condensantes.
Elles ne s’accompagnent pas d’hypercalcémie et se
voient surtout dans une forme très particulière, le
POEMS syndrome.
- À partir des lésions osseuses, la tumeur plasmocytaire
peut s’étendre aux structures du voisinage : envahissement
pleural à partir d’une côte, surtout, à partir d’une vertèbre, extension vers le canal médullaire (risque
d’épidurite et de compression médullaire) ou les trous
de conjugaison (névralgies intercostales, sciatiques).
- Comme toute pathologie médullaire maligne, la prolifération myélomateuse tend à s’accompagner d’une
inhibition de la myélopoïèse normale.
C’est surtout
l’érythropoïèse qui est freinée, mais au fur et à mesure
que la masse tumorale augmente et que l’évolutivité
progresse vont survenir neutropénie et thrombopénie.
- Dans 75 % des cas, le myélome est « sécrétant », ce
qui se traduit par l’existence d’un pic à base étroite sur
l’électrophorèse des protides (EPP) : il correspond à la
sécrétion d’une même immunoglobuline (Ig) par le
clone plasmocytaire.
Elle migre en général au niveau
des gammaglobulines, parfois des b-globulines (surtout
dans le cas des IgA, IgD et IgM) et elle est responsable
d’une forte élévation de la vitesse de sédimentation
(VS), atteignant souvent 100 mm à la 1re heure, même
pour des taux peu élevés. Biologiquement, cela explique
le phénomène des rouleaux d’hématies qui peut perturber
l’étude des frottis sanguins et donner parfois de
fausses macrocytoses.
Quand le taux est très élevé, il
peut s’ensuivre une hyperviscosité qui peut retentir cliniquement,
au point d’aboutir au coma.
Une hémodilution
peut aussi s’observer et augmenter artificiellement
le degré de l’anémie.
Au début, l’aspect de l’électrophorèse des protides est
celui d’un « pic dans la colline ».
Mais dans les myélomes
très tumoraux et évolutifs, l’inhibition des clones
plasmocytaires normaux entraîne un effondrement des
autres immunoglobulines.
L’aspect est alors celui d’un
« pic dans la plaine ».
Il y a de ce fait une réelle hypogammaglobulinémie fonctionnelle.
On comprend
dès lors un type de complications fréquent dans le myélome
: les infections bactériennes par les germes encapsulés,
comme les pneumocoques, qui ont besoin d’être opsonisés pour être phagocytés.
- Dans les autres cas, le plasmocyte n’excrète pas son
immunoglobuline.
Pour la raison vue ci-dessus, l’aspect
de l’électrophorèse des protides est celui d’une hypogammaglobulinémie
majeure.
Exceptionnellement, il s’agit
d’un vrai myélome non sécrétant, en général aux cellules
très immatures ; parfois (1 à 2 %), c’est un myélome sécrétant,
mais non excrétant, où l’étude en immunofluorescence
des plasmocytes médullaires pourra objectiver l’immunoglobuline
dans leur cytoplasme et prouver ainsi leur
caractère monoclonal.
Le plus souvent, il s’agit d’un myélome
n’excrétant que la chaîne légère.
Le plasmocyte
pathologique n’est alors pas capable de combiner chaînes
lourdes et légères : la chaîne légère est libérée, la chaîne
lourde peut être mise en évidence dans le cytoplasme.
Ce
type de myélome « à chaîne légère » ou à « protéine de Bence-Jones* (PBJ)» expose plus que d’autres au risque
d’insuffisance rénale.
En effet la chaîne légère (qui est toujours
monoclonale: kappa ou lambda) a un poids moléculaire
(17 000) beaucoup plus bas que celui de l’albumine, la
plus petite protéine retenue physiologiquement par les glomérules
: elle est donc entièrement filtrée.
La protéinurie
qui en découle (qui ne doit pas être recherchée par la bandelette,
laquelle ne détecte que l’albumine) expose au
risque de tubulopathie aiguë anurique en cas de baisse de la
diurèse ou dans des circonstances à risque, comme l’utilisation
de produits de contraste iodés qui favorisent la réabsorption
et la précipitation dans les cellules tubulaires distales
de la protéine de Bence-Jones.
Il faut savoir que tout
myélome sécrétant une immunoglobuline complète peut
excréter en surplus une protéine de Bence-Jones.
Enfin,
dans de rares cas de myélome (5 à 10 %), presque toujours
à chaîne légère lambda, il peut s’installer un tableau
d’amylose, qu'on ne peut distinguer de l’amylose primitive,
avec dépôts d’amylose AL dans les glomérules, le tube
digestif et surtout le coeur, dont l’atteinte de très mauvais
pronostic explique la courte survie de ces malades.
Diagnostic
:
A - Diagnostic positif :
1- Il repose sur la mise en évidence
d’une triple association :
- infiltration médullaire par des plasmocytes monoclonaux ;
- sécrétion d'une immunoglobuline monoclonale complète
dans le sérum et (ou) d'une chaîne légère monotypique
dans les urines ;
- lésions ostéolytiques.
La forme typique associe les trois. Il existe en revanche
des formes à plasmocytes ne sécrétant que des chaînes
légères (avec vitesse de sédimentation basse, hypogammaglobulinémie
et protéinurie) ou non sécrétante : la
recherche de l’infiltration plasmocytaire par myélogramme
ou, mieux, biopsie médullaire, avec étude de la
monoclonalité en immunofluorescence, est alors indispensable.
On s’attend à y trouver plus de 10 ou 15 % de
plasmocytes parfois dysmorphiques (quelques-uns au
noyau parfois « blastique » et fortement nucléolé, au
cytoplasme flammé ou vacuolé).
Elle est moins nécessaire
pour le diagnostic lorsque les éléments 2 et 3 sont présents.
Parfois, il peut être préférable d'aborder directement
une lésion ostéolytique unique ou douteuse
(vertèbre, côte) plutôt que d'effectuer une ponction sternale
systématique : dans ce cas, un myélogramme pauvre
en plasmocytes ne permettrait pas d'écarter le diagnostic.
2- Le myélome multiple peut donner
de nombreuses complications :
Elles ne sont pas toujours observées simultanément, certaines
pouvant n'être jamais observées chez un malade
donné, chacune d’entre elles pouvant être révélatrice.
Manifestations osseuses : elles sont les plus fréquentes
et les plus symptomatiques : zones d'ostéolyse dans les
os contenant de la moelle ; elles sont responsables de :
- douleurs du squelette axial (rachis, côtes, clavicules,
bassin, fémurs) et des humérus ;
- tumeurs osseuses visibles à l'inspection (sternum, côtes,
crâne) ;
- compressions nerveuses (sciatique, névralgie cervicobrachiale)
ou médullaires (paraplégie ou tétraplégie,
complète ou non, par bascule vertébrale ou, surtout, coulée
épidurale) ;
- ou asymptomatiques et seulement détectées sur des
radiographies simples (micro-lacunes à l’emporte-pièce
– sans condensation périphérique
– du crâne ou des
côtes, tassement vertébral, opacité thoracique périphérique;
plus rares et moins spécifiques : un aspect de
décalcification diffuse).
Ces tumeurs osseuses myélomateuses sont bien objectivées
par le scanner et l'imagerie par résonance magnétique
(IRM), qui peuvent détecter des lésions non
visibles sur les radiographies classiques.
En revanche, la
scintigraphie osseuse standard n'est pas utile.
l Manifestations rénales :
- protéinurie par libération de la chaîne légère libre ou
par glomérulopathie (amylose) ;
- risque d'insuffisance rénale par amylose, hypercalcémie
(en fait rarement en cause à elle seule), surtout précipitation
dans les tubules de la protéine de Bence-Jones à l'occasion
d'une déshydratation ou d'une opacification radiologique
par produit iodé.
- neuropathies périphériques par infiltration plasmocytaire,
ou amylose ou activité anti-myéline de l'immunoglobuline
monoclonale, ou syndrome paranéoplasique.
Manifestations hématologiques : signes d'anémie, rarement
et tardivement pancytopénie, souvent d’ailleurs
majorée par les chimiothérapies ; thrombopathie.
Manifestations infectieuses : surtout pneumonies, qui doivent faire doser les taux des diverses immunoglobulines
sériques.
Manifestations en rapport avec l’hypercalcémie :
nausées, vomissements, polyurie-polydipsie, voire
coma.
Manifestations en rapport avec une amylose : syndrome néphrotique à « gros reins », douleurs articulaires
(notamment des épaules), macroglossie, hépatosplénomégalie,
insuffisance cardiaque.
Manifestations biochimiques : élévation de la vitesse
de sédimentation (au-dessus de 100) révélant le pic
monoclonal à l'électrophorèse des protides, hypercalcémie, hyperuricémie. L'électrophorèse des protides est
indispensable, mais doit être complétée par le typage de
l’immunoglobuline monoclonale qu’elle a pu déceler :
on utilise plus souvent aujourd’hui l’immunofixation
que l’immuno-électrophorèse.
Il faut toujours rechercher
une protéinurie, avec électrophorèse des protides
urinaires le cas échéant.
Diagnostic différentiel
:
1- Ce qui n’est pas un myélome
:
Les plasmocytoses médullaires bénignes, que l’on
peut observer dans des infections virales (rubéole, hépatites,
cytomégalovirus, etc.), jusqu’à 40 à 50 %, ou
même les cirrhoses : elles sont faites de plasmocytes aux
noyaux « mûrs », parfois riches d’anomalies cytoplasmiques,
mais toujours polyclonaux.
Les autres hypergammaglobulinémies, parfois révélées
par de très fortes élévations de la vitesse de sédimentation
:
- polyclonales, faciles à distinguer dès l’électrophorèse
des protides, dans les infections chroniques (notamment
les hépatites), les maladies dysimmunitaires (lupus, syndrome
de Sjögren, sarcoïdose), les cirrhoses ;
- monoclonales :
. bénignes, que l’on peut voir dans certaines infections
virales
– cytomégalovirus (CMV) notamment
– ou des
réactions immuno-allergiques : elles sont spontanément
réversibles en quelques semaines ;
. malignes : la macroglobulinémie de Waldenström,
caractérisée par la sécrétion d’une IgM monoclonale
par des cellules lympho-plasmocytaires (et non purement
plasmocytaires, comme dans les exceptionnels
myélomes à IgM), sans lésion osseuse (en général),
mais avec grande fréquence d’une franche splénomégalie,
parfois des adénopathies profondes, et tendance
à l’hyperviscosité ; on peut aussi observer de petits
pics monoclonaux dans certains lymphomes avec différenciation
plasmocytaire, des leucémies lymphocytaires
chroniques, certains lymphomes T, l’amylose primitive.
Les autres lésions ostéolytiques :
- il est rare, mais possible, que des métastases de cancer
donnent un aspect microlacunaire d’un crâne par
exemple ;
- plus difficile est un aspect d’ostéoporose chez un sujet de
plus de 70 ans, âge commun à l’ostéoporose sénile et au myélome : la biologie, le myélogramme, éventuellement
une ponction-biopsie vertébrale aident au diagnostic.
2- Ce qui entre dans le cadre du myélome :
Les gammapathies monoclonales de signification
indéterminée se présentent comme un clone plasmocytaire
de faible quantité et non évolutif (taux d’immunoglobuline
inférieur à 20 ou 30 g/L, pour les IgA et IgG;
absence de tout symptôme osseux, hématologique,
rénal; absence d’hypercalcémie; et pic stable) : mais il
s’agit potentiellement d’un myélome et il convient de
contrôler une à deux fois par an l’absence d’évolutivité.
Le POEMS syndrome est une entité rare associant :
une plasmocytose monoclonale sécrétante, une polyneuropathie
périphérique, souvent un aspect de « myélome
condensant », et de multiples manifestations de type
paranéoplasique : cutanées, hématologiques (hyperplaquettose),
une hépatosplénomégalie, des troubles endocriniens
surrénaux.
Le plasmocytome solitaire : la prolifération reste limitée
dans un même site (os ou structure lymphoïde digestive),
faite de cellules fortement adhésives et, souvent, à
faible cinétique de prolifération.
La tumeur peut être
volumineuse.
Son caractère apparemment isolé rend
licite un traitement localisé (chirurgie si elle est possible,
ou radiothérapie) avec de longues survies.
C’est
une situation assez proche de celles des cancers solides,
avec le même risque à terme (souvent long de plusieurs
années) de rechute soit isolée à nouveau, soit par la dissémination
médullaire du myélome multiple.
La leucémie à plasmocytes : les cellules circulent en
abondance dans le sang et le tableau est vite celui d’une leucémie aiguë, avec pancytopénie.
Le pronostic est
généralement très mauvais.
Évolution
:
Le myélome multiple reste une maladie incurable, à la
survie moyenne médiocre : avec les traitements classiques,
la médiane de survie est de l’ordre de 3 ans et
demi, tous groupes confondus.
Généralement, sous traitement, une amélioration apparaît,
exceptionnellement complète (< 5 %), plus souvent
partielle (réduction d’au moins la moitié de la masse
tumorale, notamment appréciée par le pic monoclonal
ou la protéinurie des 24 h), avec installation d’une phase
dite de « plateau ».
À ce stade, la poursuite d’un traitement
n’a pas d’utilité. Cette phase peut durer de
quelques mois à plusieurs années, puis vient une rechute,
souvent moins facile à maîtriser.
Peu à peu la maladie
devient de plus en plus résistante, accélérée parfois par
une complication intercurrente mortelle.
Lorsque la survie
est prolongée (près de 10 ans dans certains cas), on
peut voir survenir une leucémie aiguë induite par les alkylants.
Plusieurs raisons s’associent pour expliquer les résultats
particulièrement décevants du traitement classique du
myélome :
- le faible taux de cellules en cycle de division, qui le
rapproche des autres hémopathies lymphoïdes à cinétique
lente (LLC, lymphomes de bas grade) où les
rémissions complètes ne sont pas la règle et où la guérison
est exceptionnelle ;
- la fréquente acquisition d’une résistance à la chimiothérapie (notamment par la transcription du gène MDR),
qui explique que l’efficacité des chimiothérapies soit
limitée dans le temps ;
- la gravité propre des complications de la maladie
(lésions osseuses, neurologiques ou rénales) ;
- l’âge des malades (65 ans en moyenne) et leur particulière
fragilité vis-à-vis des infections (en particulier par l’effondrement
de l’immunité humorale), qui ont longtemps
limité l’utilisation de fortes doses de chimiothérapie.
Classification pronostique
:
Il est apparu depuis longtemps qu’il existait de grandes
variations des taux de survie d’un malade à l’autre.
La
notion de « masse tumorale », au diagnostic, s’est affirmée
comme le critère pronostique majeur.
La classification
clinique de Durie et Salmon, universellement utilisée,
distingue trois stades allant de la plus faible à la
plus forte masse.
Actuellement cette classification apparaît insuffisante,
bien que toujours utilisée.
Tous les auteurs s’accordent
pour ajouter, à l’estimation de la masse tumorale (au
mieux évaluée aujourd’hui par la b2-microglobuline),
celle de la cinétique de prolifération tumorale, évaluée
par le classique index mitotique (ou labeling index), ou
le taux de LDH, ou le taux sérique de protéine C-réactive
suivant les auteurs.
D’autres facteurs pronostiques semblent apporter une
valeur prédictive de la survie: le résultat du caryotype
(découverte de translocations), la réponse à la chimiothérapie
initiale, la fonction rénale.
Enfin, l’âge a
aujourd’hui une valeur importante, puisqu’il autorise ou
non la pratique des traitements intensifs avec autogreffe
de moelle ou de cellules souches périphériques, attitudes
qui ont presque doublé l’espérance de survie chez
les sujets de moins de 60 ans.
Indications du traitement
:
Dans les stades II et III de Durie et Salmon, le traitement
s’impose :
- chez le sujet de moins 60 à 65 ans, une intensification
avec fortes doses de melphalan (Alkéran) intraveineuses
et (ou) irradiation corporelle totale (TBI) avec « autogreffe
de moelle » ;
- chez le sujet plus âgé : une chimiothérapie périodique,
en ambulatoire si possible, souvent limitée à la très
ancienne combinaison de melphalan per os et corticoïdes,
est plus raisonnable.
Dans les stades I, de masse tumorale faible, où la survie
moyenne peut être prolongée (6 à 7 ans), beaucoup
d’auteurs s’accordent à ne pas débuter de chimiothérapie
tant qu’il n’y a pas de signe d’évolutivité : apparition
d’une lésion osseuse (éventuellement peu parlante et
objectivable par résonance magnétique), cytopénie,
voire élévation régulière du pic monoclonal.
Dans tous les cas, le traitement symptomatique doit
être assuré avec vigilance : boissons alcalinisantes, surtout
s’il y a une protéinurie; antalgiques
– éventuellement
morphiniques
– voire irradiation à visée antalgique si une irradiation corporelle totale n’est pas envisageable
; surveillance du rein, en n’hésitant pas à proposer
une hémodialyse en cas d’insuffisance rénale ; traitement
d’une hypercalcémie par bisphosphonates –
perfusions de pamidronate (Aredia) ou prises d’étidronate
(Clastoban) – ; décompression chirurgicale d’une
lésion vertébrale entraînant une paraparésie ; éventuellement,
perfusion d’immunoglobulines polyvalentes pour
prévenir une récidive de pneumopathie ; échanges plasmatiques
en cas d’hyperviscosité.
Surveillance
:
Elle comporte :
- la recherche de nouveaux signes osseux par l’interrogatoire,
les radiographies au moindre signe, éventuellement
une imagerie par résonance magnétique en fonction
de l’évolution clinique et biologique ;
- un bilan biologique standard effectué systématiquement
à chaque cycle de traitement, et au moins tous les
deux mois en cas d’arrêt du traitement, avec : numération
formule sanguine, électrophorèse des protides, b-2 microglobulinémie, calcémie, créatininémie, LDH ou
protéine C-réactive, et, suivant les cas et l’évolution,
protéinurie des 24 h et radiographies osseuses (notamment
du crâne).
Le myélogramme n’a pas d’utilité dans la surveillance,
sauf en cas de suspicion d’une myélodysplasie préleucémique.