La fidélité de la réplication de l’ADN, repose
sur le fait que chaque brin d’ADN sert de
matrice pour la synthèse d’un nouveau brin
d’ADN complémentaire.
Chez les bactéries,
la réplication procède par un mode semiconservatif,
c’est-à-dire que pour chaque
molécule fille d’ADN, un des deux brins
provient de la molécule-mère.
Au cours de la
réplication, le taux d’erreur par nucléotide
incorporé est très faible (de l’ordre de 10-9
soit 1 sur 1 milliard).
Une aussi grande
fidélité de réplication est non seulement due
à la fidélité des appariements des bases AT
et CG, mais aussi à la propriété de corriger
les erreurs.
Les modifications du matériel
génétique, survenant spontanément ou
induites, sont à l’origine de mutations.
Définitions
:
Mutation et mutant
:
Elles se définissent comme des
modifications de la séquence nucléotidique
d’un ADN (chromosomique, plasmidique ou
phagique).
Le génome d’une bactérie ayant
subit une mutation est donc différent de la
bactérie dont elle est issue, dite parentale.
Et
cette modification du génotype, transmise
héréditairement, n’est pas toujours associée
à une modification observable du phénotype.
En pratique, on parle de "bactérie mutante"
lorsque la mutation a une expression
phénotypique caractérisée (exemple :
résistance à un antibiotique), c’est-à-dire
qu’elle s’accompagne de modification(s)
détectable(s) du comportement de la
bactérie.
Par opposition à une bactérie mutante, une
bactérie est dite de type sauvage (wild type)
lorsque ses propriétés sont celles qui sont
retrouvées naturellement dans l’espèce
considérée (exemple : mutant de E. coli
résistant à la streptomycine, alors que les
souches sauvages de E. coli sont sensibles
à cet antibiotique)
La fréquence de mutants est le nombre de
cellules mutantes sur le nombre total de
bactéries.
Le taux de mutation est la
probabilité qu'un événement mutationnel se
produise en un intervalle de temps donné.
Le
taux de mutation est obtenu en mesurant la
fréquence de mutant par unité de temps
choisi.
Bases moléculaires des mutations
:
Rappel :
Bases puriques = adénine (A),
guanine (G) ;
Bases pyrimidiques = cytosine
(C), thymine (T)
Nature des mutations :
Mutation ponctuelle
:
Il s’agit de la substitution d’une seule base
qui peut se faire selon divers mécanismes
Transition : lorsqu’une base purique est
remplacée par l’autre base purique, ou une
base pyrimidique par l’autre base
pyrimidique ;
Transversion : lorsqu’une base purique est
remplacée par une base pyrimidique ou viceversa.
Mutation par addition ou délétion d’une ou
plusieurs bases.
Mutations spontanées ou induites :
Une mutation peut survenir naturellement, ou
spontanément.
Il s’agit de mutations qui
s’inscrivent dans le cadre de l’évolution
naturelle, c’est-à-dire survenant sans
l’intervention d’agent exogène et survenant
de façon aléatoire sur la séquence
nucléotidique.
La survenue d’un tel
événement est rare (la probabilité de voir
apparaître une modification de la séquence
d’ADN par génération cellulaire est de 10-8 à
10-11).
Il s’agit le plus souvent de mutations
génotypiques sans expression phénotypique.
Les mutations induites artificiellement
:
Grâce à l’action d’un agent exogène, il est
possible de favoriser la survenue de
mutations.
On parlera alors de mutations
induites par un mutagène.
Schématiquement
les mutagènes, qu’ils soient d’origine
physique, chimique ou biologique, et bien
qu'ils agissent par des mécanismes
différents, ils provoquent des mutations
aléatoires sur n’importe quelle partie du
génome.
Agents chimiques
:
Les analogues de bases provoquent le
changement d’une base au cours de la
réplication
Exemples :
- 5 Bromouracil :
Il s’agit d’un analogue de la
thymine qui s’apparie avec l’adénine (mais
de façon instable) et peut s’apparier avec la
guanine.
Ainsi, lors de la réplication, la paire
adénine thymine (A.T) est remplacée par la
paire gaunine-cytosine (G.C) ;
Il s’agit donc
d’un mécanisme de transition (A.T ! G.C ou
G.C ! A.T).
- 2 Aminopurine : Transition (A.T !G.C)
Les agents alkylants provoquent une
altération chimique d’une base conduisant à
un mésappariement et à l’apparition d’une
nouvelle paire de base.
Les agents intercalants doivent leur nom à
leur capacité à pouvoir s’intercaler entre
deux paires de bases d’un ADN.
Ils créent
des décalages au sein de la molécule d’ADN
conduisant le plus souvent à une mutation
par addition (plus rarement délétion) d’une
ou plusieurs paires de bases.
Exemples :
Les colorants d’acridines tels que
le Bromure d’éthydium
Agents physiques
:
Les ultra violets (UV) créent l’apparition de
dimères de thymine en provoquant une
liaison covalente entre deux thymines
adjacentes.
Les radiations ionisantes (X ou
gamma) créent également des modifications
de l'ADN par distorsion de la double hélice,
des cassures, ou des pontages interbrins ou
intrabrins (dimère de pyrimidines)
Conséquences des mutations :
Une
mutation a des répercussions diverses sur le phénotype selon sa
nature et sa localisation dans le génome, mais aussi selon les
conditions du milieu dans lequel vit la cellule ou l’organisme
concerné.
C’est quand le gène muté est exprimé, au moment de la traduction,
que l’effet sur la protéine codée par le gène se manifeste.
Quelles peuvent être les conséquences de ces mutations sur la
fonction des protéines correspondantes ?
Mutations ponctuelles :
La
substitution d’une seule base conduit à la modification d’un codon.
Compte tenu du code génétique, une mutation ponctuelle n’est pas
nécessairement associée à une modification d’un acide aminé au
niveau de la protéine.
Trois cas de figure sont alors possibles.
La
mutation est muette ou silencieuse :
Du
fait de la dégénérescence du code génétique, le changement de la
séquence nucléotidique dû à la substitution d’un nucléotide,
n’entraîne pas de changement de la séquence peptidique.
La
mutation est dite faux-sens :
Cette mutation entraîne l'incorporation d'un
"mauvais" acide aminé dans la chaîne
polypeptidique.
Si cet acide aminé est
important, on obtient un phénotype mutant. Il
est néanmoins possible que cette
modification soit sans effet sur la fonction de
la protéine ; se comportant alors comme une
mutation silencieuse.
La mutation est dite non-sens :
C’est une mutation conduisant à l’apparition
d’un codon non-sens (codon stop : UAA,
UAG, UGA) responsable de l’arrêt de la traduction.
Ainsi, la protéique sera tronquée ou absente (si le codon stop
apparaît au début de la phase ouverte de lecture).
Une
protéine tronquée et le plus souvent biologiquement inactive.
Les
mutations par insertion ou délétion qui résultent de l’insertion ou la délétion
d’une base ou d’un segment d’ADN sont
exceptionnellement silencieuses car elles
provoquent des déphasages du cadre de
lecture et désorganisent totalement les
régions touchées.
Le phénomène de réversion
:
Un mutant bactérien peut retrouver son
phénotype sauvage grâce à un phénomène
réversion.
Néanmoins c’est un phénomène
rare qui ne survient que lorsqu’il s’agit d’une
mutation ponctuelle, ou de l’insertion de
certains transposons capable de s’exciser
spontanément.
Dans le cas d’une mutation ponctuelle le
phénomène de réversion nécessite une
nouvelle mutation dite suppressive.
On parle
alors de vraie réversion lorsque la séquence
d’ADN redevient normale ou de pseudor
éversion lorsque le phénotype se normalise
mais que le génotype reste modifié par
rapport à la souche sauvage.
Le phénomène
de réversion ne peut pas survenir lorsque le
mécanisme de la mutation résulte d’une
délétion.
Principales caractéristiques des
mutations :
Exemple de la résistance aux antibiotiques
"Spontanéité" des mutations :
Si on considère une souche bactérienne
sensible à la streptomycine, donc incapable
de croître en présence de cet antibiotique à
une concentration ≥ 1mg/l.
Si l’on étale un nombre suffisant de bactéries
(108) sur une gélose contenant 100mg/l de
streptomycine, une ou plusieurs colonies
apparaissent, témoignant d’une acquisition
spontanée de la propriété de résister à la
streptomycine : ce sont des mutants
résistants à la streptomycine.
Fait essentiel, ces mutants n’ont pas été
créés par la streptomycine, mais sont
apparus de façon "spontanée" (ici, le
qualificatif spontané signifie simplement que
la mutation n’a pas été induite par la
streptomycine).
En d’autres termes, ces
mutants préexistaient parmi les 108 bactéries
mises sur la gélose contenant la
streptomycine, et ont seulement été
sélectionnés par l’antibiotique.
Le phénotype "résistant à la streptomycine"
est stable est se transmet aux générations
de descendantes.
Rareté des mutations
:
La probabilité qu’une bactérie mutante, pour
un caractère donné, apparaisse au cours
d’une division bactérienne, est d’environ 10-6
à 10-8. Mais, pour les mutants résistants aux
antibiotiques, la fréquence des mutations
varie en fonction de l’antibiotique considéré.
Par exemple, alors que, habituellement la
probabilité de mutation est de 10-6 à 10-8
mais, pour certains antibiotiques comme la
rifampicine ou fosfomycine la probabilité de
sélectionner des "mutants résistants" est
plutôt de 10-4-10-5 ; donc plus élevée.
La conséquence pratique en antibiothérapie
est de ne jamais utiliser la rifampicine ou la fosfomycine autrement que dans le cadre
d’une association de 2 antibiotiques (ou plus)
afin de diminuer la probabilité de
sélectionner des mutants résistants (exemple
d’une association ß-lactamine+fosfomycine:
les mutants résistants à la fosfomycine sont
détruits par la ß- lactamine associée).
Spécificité et indépendance des
mutations :
Spécificité
:
Une mutation est habituellement spécifique
d’un caractère donné.
Un mutant résistant à
la streptomycine ne résiste pas à l’amikacine
(autre aminoside) et encore moins aux ß-
lactamines (type pénicilline).
Cependant, la
mutation d’une porine provoque une
imperméabilité aux antibiotiques qui
empruntent cette porine (exemple :
aminoside, ß-lactamines).
On dit que la
mutation a un effet pléïotrope.
Indépendance
:
Un mutant résistant à la streptomycine peut
devenir résistant, par une deuxième mutation
à un autre antibiotique (exemple : la
rifampicine).
Fait essentiel, cette deuxième
mutation est indépendante de la première et
s’effectue à un taux qui lui est propre.
Ces propriétés sont à la base de l’emploi de
plusieurs antibiotiques simultanément
(polychimiothérapie), quand le risque de
résistance par mutation est grand.
Exemple du traitement de la
tuberculose :
Le traitement d’une tuberculose nécessite
initialement l’association de 3 antituberculeux
(Isoniazide INH, rifampicine et
éthambutol).
La résistance à chacun de ces antituberculeux
apparaît à une fréquence
d’environ 10-7 Mycobacterium tuberculosis.
Une caverne comporte environ 108 bactéries.
Aussi il peut exister d’emblée une résistance
primaire à l’INH.
Il faut donc donner au moins
deux antibiotiques actifs pour éviter la
sélection de mutants résistants.
En pratique, il est habituellement associé un
quatrième anti-tuberculeux, qui a la capacité
d’atteindre les germes intracellulaires
quiescents.
Il s'agit de la pyrazinamide.
Correction des mésappariements suite
à la réplication
:
Il existe de nombreux systèmes de
réapparition des anomalies de l'ADN, que
celles-ci soient survenus spontanément ou
induites par un agent exogène.
Ici nous ne
verrons que les principaux systèmes de
réparation suite à une erreur survenant au
cours de la réplication.
Bien que ces
systèmes aient pour but de garantir à la
cellule fille la transmission d’une information
génétique identique à celle de la cellule
mère, leur fiabilité reste imparfaite.
Ainsi le
taux de mutation observé reflète l’équilibre
entre le nombre d’événements qui
endommagent l’ADN et le nombre de ceux
qui ont été corrigés, ou éventuellement mal
corrigés.
Correction des erreurs de la réplication
:
D’après les données physico-chimiques sur
la spécificité de l’appariement entre les
bases nucléiques on estime que la fréquence
d’incorporation d’un nucléotide erroné devrait
être de l’ordre de 10-3 par nucléotide
incorporé.
Ce qui est nettement supérieur au
taux observé de mutations (10-8 à 10-10).
L'amélioration de la spécificité de la
complémentarité des bases se fait au cours
de la réplication grâce aux ADN polymérases
bactériennes qui possèdent une activité exonucléasique 3’!5’ ; qui fonctionnent
donc en sens inverse de la direction de la synthèse et qui
permettent d’assurer la correction immédiate d’erreurs d’appariement
au moment de la réplication.
Cependant, certains mésappariements échappent à cette correction et
des bases se trouvent parfois incorrectement insérées dans le brin
d’ADN en formation.
Ces
imperfections ne conduisent pas nécessairement à des mutations car
elles peuvent être corrigé par un système appelé système de
réparation de mésappariement
Correction des mésappariements :
Le système de réparation des
mésappariements identifie un mauvais
appariement par l’action du produit des
gènes mutS et mutL, il distingue les deux
brins à leur degré de méthylation,
l’endonucléase MutH incise alors le brin le
moins méthylé à une certaine distance de
part et d’autre de la base erronée,
l’exonucléase 1, qui agit de 5’ vers 3’, excise
alors les nucléotides de ce brin entre les
deux incisions, le fragment manquant est
synthétisé par complémentarité à la matrice
sous l’action de l’ADN polymérase-I, et la
continuité est rétablie par une ADN ligase.
Bien sûr une hélicase (MutU) en
l’occurrence, et des SSB (single strand
binding) qui stabilisent le simple brin,
interviennent dans ce processus.
Pour être correcteur, et non générateur
d’erreurs, un tel système de réparation doit
être capable de distinguer la base correcte,
celle du brin parental, de la base incorrecte,
celle de la molécule fille.
Cette
reconnaissance se fait grâce à l’enzyme
Dam méthylase (Dam pour "damage") qui
reconnaît et méthyle en position N6 des
adénines (A) des séquences GATC.
En effet,
la méthylation des adénines de cette
séquence GATC se fait après la réplication
mais pas au niveau de la fourche de
réplication.
Ainsi le brin parental a été méthylé sur toute sa longueur au cours du
cycle de réplication précèdent, alors que le
brin néosynthétisé présente un gradient de
méthylation, et surtout l'absence de méthylation à proximité de la fourche de
réplication.
Conclusion
:
Au cours de la réplication, l’instabilité
chimique et les lésions de l’ADN sont des
évènements distincts, qui, malgré les
mécanismes de correction et de réparation
de l’ADN, maintiennent un certain taux de
mutations qui introduisent donc une
variabilité de l’information génétique.
Ainsi la
permanence d’un certain taux de mutations
joue certainement un rôle important dans le
maintien de la diversité biologique au cours
de l’évolution.