Physiologie des mouvements palpébraux
Cours d'Ophtalmologie
Introduction
:
Le rôle des paupières est d’assurer la protection mécanique du globe vis-à-vis
des agressions, l’hydratation cornéoconjonctivale par la répartition du film
lacrymal, la limitation de son évaporation pendant le sommeil, puis
l’évacuation vers les voies lacrymales, de réguler la pénétration de lumière
dans l’oeil à l’état de veille en fonction de l’intensité lumineuse et selon les
séquences visuelles.
De plus, les paupières constituent, avec les cils et les
sourcils, les composants essentiels du regard dans sa signification esthétique,
raciale, et relationnelle par la mimique.
Les paupières s’ouvrent, se ferment, sont animées de clignements rythmés,
spontanés ou réflexes.
Ces mouvements sont anatomiquement et
physiologiquement liés aux mouvements oculaires, nous insisterons sur leurs
relations étroites.
Anatomophysiologie
:
1- Muscles palpébraux
:
Les paupières constituent un ensemble anatomophysiologique complexe avec
une forte implication neuro-ophtalmologique (commande et inhibition
réciproques, réflexes).
Le muscle orbiculaire, qui assure l’essentiel de la
fermeture, appartient aux muscles peauciers de la tête qui sont innervés par le
nerf facial (VII).
Il est formé de fibres concentriques entraînant une action de
sphincter.
On distingue deux portions : la première est la portion palpébrale
qui s’insère sur le plan du septum et du tarse et qui intervient dans la fermeture
simple, la seconde est la portion orbitaire dont les insertions sont osseuses et
qui intervient dans la fermeture forcée.
En nasal, les faisceaux de l’orbiculaire
se disposent en une portion lacrymale qui conditionne le fonctionnement de
la pompe lacrymale, dont nous ne parlerons pas ici.
L’orbiculaire voit son action renforcée, de façon variable selon la mimique, par le muscle procerus
(pyramidal du nez) dont la contraction plisse la peau dans les sillons médians
de la racine du nez, le muscle corrugator du sourcil (sourcilier) et le muscle
abaisseur du sourcil qui dirige le sourcil vers la racine du nez en accentuant le
surplomb vis-à-vis de l’angle interne.
Les antagonistes assurant l’ouverture
sont, pour la paupière supérieure, le muscle releveur doublé du muscle de
Müller, innervé respectivement par le III et le sympathique, et pour la paupière
inférieure un muscle rétracteur peu mobile à innervation également
sympathique et formé, comme le muscle de Müller, de fibres lisses.
L’aponévrose du releveur positionne le niveau palpébral, le muscle de Müller
a un effet dynamisant.
Il s’y ajoute le muscle frontal ou occipitofrontal,
puissant antagoniste vertical de l’orbiculaire, bien qu’innervé aussi par le VII.
Le muscle frontal aide fréquemment le releveur palpébral dans la vision
courante dans le regard vers le haut, dans des conditions de faible luminosité
ou de vision difficile.
On évalue sa contraction par l’élévation du sourcil et les
rides horizontales du front d’un côté par rapport à l’autre.
Les lois d’innervation de Hering et Sherrington influent sur la position des
paupières non seulement dans un oeil, mais - fait fondamental - sur l’oeil
controlatéral (suivant les capacités de fusion et/ou la dominance).
1- Loi de Hering :
Les muscles releveurs sont innervés de façon égale de chaque côté.
Il s’agit
d’une extension de la loi de Hering gouvernant les muscles oculomoteurs.
Il
en résulte, par exemple, une petite part de rétraction palpébrale supérieure
controlatérale à un ptôsis unilatéral.
Ce phénomène laisse supposer que les
deux releveurs reçoivent leur innervation d’un noyau commun médian.
2- Loi de Sherrington
:
Les muscles palpébraux obéissent aussi à la loi de Sherrington d’innervation
réciproque.
Les études électromyographiques montrent une inactivation de
l’orbiculaire lors de l’ouverture palpébrale, et notamment dans le regard
extrême vers le bas, alors que dans le mouvement de fermeture volontaire, il
y a inhibition du muscle releveur.
B - Muscles oculomoteurs - tissus connectifs
de l’orbite antérieure :
Les paupières font écran au contenu orbitaire limité par le septum orbitaire, et
sont liées aux muscles oculomoteurs par le tissu connectif de l’orbite ainsi
que par l’innervation.
Embryologiquement et anatomiquement, les relations
entre ces différentes structures sont très importantes.
Cliniquement, elles
sont extrêmement complexes et subtiles : tantôt ce sont des mouvements associés dans le regard vers le haut ou le regard vers le bas, tantôt ce sont des
mouvements dissociés dans le phénomène de Bell.
Pourtant, dans les deux
cas, tout se passe entre les IIIe (releveur, muscles droit supérieur et droit
inférieur, oblique inférieur) et VIIe nerfs crâniens.
L’imagerie par résonance
magnétique (IRM) fonctionnelle montre de façon remarquable les
déplacements respectifs du muscle droit inférieur, de l’oblique inférieur, et de
la paupière inférieure par l’intermédiaire de la condensation du ligament
transverse inférieure de Lockwood, puis du rétracteur de la paupière
inférieure.
Pour la paupière supérieure, le rôle du ligament transverse
supérieur de Whitnall apparaît moindre que ce qui était admis.
Ce qui frappe
est plutôt la souplesse du septum et l’amplitude de mobilité considérable entre
les points d’insertion antérieure du releveur et du droit supérieur, dans les
différents mouvements.
L’IRM fonctionnelle montre aussi le déplacement
et/ou la compression des compartiments graisseux, inférieur, supérieur préet
rétroseptal, sourcilier.
La loi de Hering fait intervenir aussi l’élévation du globe sur l’élévation
palpébrale de façon unilatérale et de façon controlatérale en fonction, comme
pour les paupières supérieures entre elles, de la fusion et/ou de la dominance.
1- Tarse :
Le tarse est une lamelle fibreuse et élastique qui assure l’essentiel de la rigidité
palpébrale.
Il constitue avec les ligaments palpébraux et le septum orbitaire la
charpente des paupières.
Le tarse de la paupière supérieure est plus haut que
celui de la paupière inférieure.
Il est tapissé en arrière par la conjonctive tarsale et doit mouler intimement le globe dans les mouvements palpébraux
(sa distension anormale dans le syndrome de floppy eyelid entretient la
conjonctivite chronique).
2- Peau
:
La peau des paupières est extrêmement fine, délicate et souple.
Elle présente
une grande élasticité et une grande déformabilité.
Le tissu sous-cutané est
aussi extrêmement fin, peu adhérent, dépourvu de graisse, contribuant à
l’exceptionnelle souplesse de cette région et aux exigences de forte mobilité.
Les phénomènes inflammatoires et l’oedème peuvent entraîner aussi, par ces
qualités, des distensions considérables.
Ouverture palpébrale
:
A - Position primaire :
La fente palpébrale expose le globe entre la paupière supérieure et la paupière
inférieure.
En position primaire, sa longueur moyenne est de 28 mm
(25-30 mm) chez l’adulte et 18 à 21 mm chez l’enfant de moins de 1 an. La
croissance s’effectue pendant la première décennie.
La hauteur moyenne de
la fente palpébrale est de 8 à 11 mmet atteint sa mesure adulte dès la fin de la
première année de vie.
En fait, cela est dû à une légère rétraction relative,
commune chez le petit enfant.
Chez l’adulte, la position normale de la
paupière supérieure est un recouvrement de 1 à 2 mm du limbe sclérocornéen
supérieur, en position primaire et une position tangente au limbe inférieur.
L’aire de la fente est d’environ 2,2 cm2, ce qui représente, en somme, la
surface d’évaporation lacrymale.
Avec l’âge et la perte des fibres
élastiques, la fente palpébrale s’affaisse par rapport au globe : en moyenne la
position normale du niveau palpébral supérieur chute de 0,4 mm par décade
entre 20 et 80 ans, la paupière inférieure augmentant, mais à moindre
degré, l’exposition du blanc scléral inférieur.
L’ouverture de la fente palpébrale peut être modifiée par certains collyres à
action neurovégétative par le degré d’exophtalmie, selon la posture et surtout
par le déplacement des muscles oculomoteurs.
1- Collyres à action adrénergique
:
Ils ont une action de mise en tension du muscle de Müller et provoquent une
rétraction palpébrale qui est variable.
Le test à la néosynéphrine ou
phényléphrine 10 % ponctue utilement tout examen d’un ptôsis.
Il faut
l’apprécier relativement tôt après l’instillation, 3 à 10 minutes, c’est-à-dire
bien avant l’effet de mydriase.
Il faut tenir compte aussi d’une très légère
rétraction de la paupière inférieure.
Sur des enregistrements de blépharogramme, la néosynéphrine augmente la phase rapide du mouvement
d’élévation de la paupière et, du fait de l’action d’activation sympathique,
n’a pas d’effet de ptôsis controlatéral.
Les autres drogues à action
adrénergique n’ont guère été étudiées.
L’apraclonidine, adrénergique d’action
directe comme la phényléphrine a une action de rétraction de 2 mm
fréquemment notée et plus rapide que les adrénergiques indirects (cocaïne
10 % ou hydroxyamphétamine 1 %).
2- Guanéthidine 5 % (Ismélinet collyre)
:
C’est un collyre sympatholytique, qui doit théoriquement occasionner un
léger ptôsis. Son action doit s’apprécier, d’après notre expérience, après
30 minutes et est très inconstante.
Ce collyre peut être irritant.
3- Degré d’exophtalmie :
Par le seul fait de l’exophtalmie, et indépendamment de toute rétraction
palpébrale, l’exposition du blanc scléral est augmentée surtout en temporal et
dans le regard latéral.
En effet, le globe est mécaniquement poussé en
temporal dans l’axe de l’orbite, mettant en tension les adhérences de la
paupière au tubercule de Whitnall.
S’ il se rajoute une rétraction palpébrale,
l’orbiculaire prétarsal est horizontalisé, vient se replier sous l’orbiculaire
préseptal, et devient moins efficace pour débuter une fermeture.
L’énophtalmie influe de façon inverse à celle de l’exophtalmie.
4- Posture
:
Le simple fait de passer de la position couchée à la position assise élève de
1 à 2 mmle niveau du bord libre supérieur, contrairement à l’effet présumé de
la pesanteur.
Pendant le même mouvement, le degré d’exophtalmie augmente
de 1,25 mm(± 0,79 mm).
Certains auteurs recommandent de ce fait le réglage peropératoire des niveaux palpébraux supérieurs en position assise.
5-
Déplacement des muscles oculomoteurs :
Les relations entre l’oculomotricité et la position des paupières reposent selon
les cas sur les connexions aponévrotiques ou sur les influences innervationnelles que nous avons évoquées au paragraphe
Anatomophysiologie.
Il en résulte les effets suivants :
– des reculs importants des muscles droits ont tendance à accentuer une
exophtalmie et à agrandir la fente palpébrale. Inversement, des résections ou
plissements importants des muscles droits accentuent une enophtalmie et un
rétrécissement de la fente palpébrale ;
– une hypotropie d ’un oeil a des conséquences palpébrales différentes selon
qu’il s’agit d’un oeil dominé ou d’un oeil dominant :
– un oeil dominé partant en hypotropie entraîne la paupière supérieure vers
le bas constituant un pseudoptôsis ;
– s ’il s’agit d’un oeil dominant, ou si le sujet tente de compenser
l’hypotropie par un effort de fusion, l’effet sur la paupière supérieure sera
surtout une tendance à la rétraction palpébrale supérieure.
Cette rétraction
sera d’autant plus importante que l’effort à fournir est marqué (par exemple
dans le cas d’un droit inférieur fibreux et inextensible) ;
– un recul du droit inférieur déplace la paupière inférieure vers le bas en
augmentant l’exposition du blanc scléral sous le limbe inférieur (scleral
show).
Un renforcement du droit inférieur remonte le bord libre de la paupière
inférieure vers la cornée.
Un déplacement du droit supérieur, en revanche, a
relativement peu d’effet sur la paupière supérieure.
B - Regard latéral :
Il existe des phénomènes de syncinésie normale plus ou moins développés
selon les individus.
Le phénomène de Friedenwald correspond à une
élévation de la paupière concomitante au mouvement d’abduction, il peut être
accentué en cas de parésie du droit externe.
Le phénomène de Fuchs est une
certaine élévation de la paupière concomitante au mouvement d’adduction.
C - Regard vers le haut :
Le muscle frontal entre généralement aussi en jeu comme l’atteste l’élévation
du sourcil.
Si l’on veut étudier l’action purement palpébrale, il faut bloquer
l’action du frontal avec la main.
Chez l’homme (comme chez le singe), il existe une correspondance précise
entre le mouvement du globe et celui de la paupière.
La fente palpébrale
tend à rester relativement perpendiculaire à l’axe visuel.
La paupière
supérieure s’élève, la paupière inférieure reste plus rigide.
La hauteur de la
fente palpébrale augmente à 12,1 mm et sa surface augmente à 3 cm2.
Dans des mouvements sinusoïdaux vers le haut puis vers le bas, la réplique
entre oculomotricité et paupière est fidèle : on peut donc parler de saccades
palpébrales comparativement aux saccades oculaires.
Dans un mouvement
vers le haut, la saccade palpébrale débute 5 ms plus tard que la saccade
oculaire, mais le pic de vélocité arrive en même temps.
En l’absence de
traction du muscle frontal, la saccade palpébrale est un peu moins ample que
la saccade oculaire. Le muscle releveur et le droit supérieur ont une
composition assez similaire selon le type de fibres musculaires, avec une forte
proportion de fibres rapides par rapport aux fibres lentes.
Les fibres rapides
ont des capacités oxydatives supérieures et confèrent des propriétés de contractibilité très rapides bien adaptées au rôle de l’oeil et des paupières.
En ce qui concerne la résistance à la fatigue, le releveur aurait des capacités
significativement supérieures à celles du droit supérieur.
D - Regard vers le bas :
La fente palpébrale suit aussi le regard mais sa hauteur se réduit par rapport à
la position primaire : de 9,4 mm elle passe à 5,7 mm. Sa surface se réduit à 1,2 cm2.
Cette diminution de hauteur est surtout le fait de la paupière
supérieure qui suit le globe et dont le niveau empiète même de 1 mm en plus
sur la cornée supérieure alors que la paupière inférieure garde une relative
rigidité et ne s’abaisse que très peu.
Le phénomène s’accentue encore dans le
ptôsis involutionnel avec déhiscence de l’aponévrose : la fente palpébrale
devient pratiquement fermée pour la lecture, d’autant plus que, dans cette
position, la traction du muscle frontal s’exerce moins facilement.
Contrairement au clignement où, comme nous le verrons plus loin, intervient
le muscle orbiculaire, il n’y a pas d’activation de muscle palpébral dans le
regard vers le bas.
Plusieurs facteurs interviennent : les connexions
anatomiques entre muscle oculomoteur et paupières, la force de gravité, les
forces de friction entre paupière et oeil (de faible valeur, elles ont été mises en
évidence en les réduisant grâce à l’instillation d’huile de castor !) et, de façon
assez subtile, une force élastique passive succédant à l’élévation. Cette
force est composée d’une part par la mise en tension de la paupière supérieure
par le globe, et d’autre part par la résistance de la paupière inférieure et des canthi.
E - Amplitude - fonction - force d’ouverture
:
Le mouvement palpébral est caractérisé par l’amplitude de déplacement du
bord libre au centre de la paupière, entre le regard vers le bas, puis le regard
vers le haut.
Les chiffres normaux selon Fox sont de 12 à 18 mm(moyenne
14,4 mm) pour la paupière supérieure, et de 3 à 8 mm(moyenne 5,3 mm) pour
la paupière inférieure.
La paupière supérieure est donc 2,7 fois plus mobile
que la paupière inférieure.
Avec l’âge et la perte d’élasticité de la paupière
inférieure, l’amplitude de mouvement de la paupière inférieure diminue de
0,5 mm par décennie en moyenne.
En pratique, lorsqu’on parle d’amplitude palpébrale, c’est la paupière
supérieure qui est concernée.
L’action du muscle frontal peut intervenir pour
5 mm d’élévation et doit être effectivement évaluée en faisant une mesure
avec blocage du sourcil.
La rotation normale du globe vers le haut peut
transmettre une élévation de 2 mm à une paupière supérieure par un effet
purement mécanique.
Mais, c’est donc surtout l’action du muscle releveur qui
est jugée.
On parle volontiers, bien qu’abusivement, de mesure de la fonction
du releveur, selon laquelle est déterminée la valeur de la résection du muscle
releveur.
Récemment, Frueh a insisté sur une notion plus représentative du muscle
releveur en mesurant la force du releveur : un enregistreur est fixé aux
cils, la force du releveur est mesurée en demandant un mouvement brutal
d’élévation de la paupière, en regardant vers le haut.
Il existe des variations
individuelles considérables, la force normale étant d’environ 65 g jusqu’à
180 g de valeur maximale.
Globalement, la force du releveur est de 30 %
supérieure chez l’homme par rapport à la femme.
Fermeture palpébrale
:
La fermeture volontaire ou involontaire des paupières est sous l’action du
muscle orbiculaire dont les portions prétarsales préseptales ou orbitaires sont
mises en jeu différemment suivant le type de mouvement.
Fermeture volontaire et fermeture pendant le sommeil,
phénomène de Bell
:
1- À l’état de veille
:
Les paupières sont ouvertes.
La force du releveur l’emporte sur le tonus du
rétracteur.
La fermeture palpébrale volontaire met en jeu un centre au niveau
du lobe frontal dans la région rolandique, proche de la motricité du nez, du
cou et du pouce.
La commande est ensuite véhiculée par la voie pyramidale et
le bulbe. Le releveur est inhibé et le rétracteur se contracte.
La force de
fermeture a pu être évaluée à 2-3 g dans la fermeture simple, à 40 g pour la
fermeture forcée rapide, et à 20 à 40 g pour le maintien fermé forcé, alors que
la force maximale est de l’ordre de 80 g avec un seuil douloureux à 90 g.
Dans une fermeture simple, seul le contingent orbiculaire prétarsal intervient,
alors que dans la fermeture maximale, la portion orbitaire intervient
fortement, la peau des paupières supérieures et inférieures dépasse le tarse et
peut même se rejoindre.
2- Pendant le sommeil :
La fermeture est surtout due au tonus de l’orbiculaire, le muscle releveur étant
relâché.
Comme pour la fermeture volontaire, le fait dominant est l’élévation
du globe qui l’accompagne et qui correspond au phénomène de Bell.
3- Phénomène de Bell
:
Il s’agit de la bascule du globe oculaire en haut et en dedans lors de la
fermeture ou de la fermeture contrariée, bilatérale et symétrique.
L’élévation
normale est de 15° environ à partir de la position primaire, elle est en fait
proportionnelle à l’effet de la fermeture palpébrale et se montre, de ce fait,
très marquée dans le cas d’une paralysie faciale périphérique où le patient
tente un gros effort de fermeture réalisant le signe de Bell.
Lorsque les globes
ne sont pas en position primaire au départ, ils y reviennent avant de faire le
mouvement d’élévation.
Le phénomène est toutefois variable suivant les
individus, il peut être absent chez 10 % des sujets en fermeture volontaire et
beaucoup plus pendant le sommeil (44 % restent en position horizontale,
8,5 % en position latérale, 5,5 % en position vers le bas, réalisant le
phénomène de Bell inverse).
Le phénomène pendant le clignement sera décrit
dans le paragraphe suivant.
À l’ouverture des paupières, le globe fait un
mouvement inverse de descente à moins que le sujet n’ait à fixer une cible
latérale car, dans ce cas, il y aussi un déplacement latéral pendant la descente.
Le phénomène de Bell repose sur des liens probables au niveau du tronc
cérébral entre la partie du noyau oculomoteur du III, gérant le droit supérieur
et le noyau du VII ainsi qu’avec le noyau du V.
4- Phénomène de Piltz-Westphall :
Il correspond à un myosis retrouvé chez 35 % de sujets normaux à la
fermeture ou à la tentative de fermeture des paupières, et témoigne aussi d’une
connexion entre les noyaux du VII et du III.
5- Clin d’oeil
:
La fermeture volontaire est bilatérale et symétrique.
Elle peut être strictement
unilatérale dans le clin d’oeil avec des différences individuelles : certains
sujets sont incapables de faire ce type de mouvement, d’autres ne peuvent le
faire que d’un seul côté.
Au cours d’un clin d’oeil, il n’y a pas de phénomène
de Bell au niveau de l’oeil siège de la fermeture.
Clignement
:
L’état d’ouverture palpébrale caractéristique de l’état de veille est
périodiquement interrompu par une occlusion automatique ou réflexe, mais
qui peut être volontairement modifiée : c’est le clignement.
L’examen attentif du clignement est très important en clinique, notamment dans l’étude des blépharospasmes, dans les paralysies faciales ou devant des signes de
sécheresse oculaire.
Cet examen doit être, toutefois, discret car dès qu’on a
conscience d’être observé, les caractéristiques d’un clignement spontané
involontaire changent pour se rapprocher de celles du clignement volontaire.
On distingue, en effet, quatre types séméiologiques de clignement qui se
combinent dans les trois modes de déclenchement (spontané, volontaire et
réflexe) que nous allons décrire.
Du point de vue séméiologique, on distingue en effet :
– le clignement ébauché ou contrarié visible par exemple dans une séquelle
de paralysie faciale ou après une chirurgie du ptôsis ;
– le clignement incomplet qui est le profil le plus courant de clignement
spontané ;
– le clignement complet qui correspond à un clignement spontané conscient
ou volontaire ;
– le clignement forcé volontaire ou réflexe qui fait participer les portions
orbitaires de l'orbiculaire et les muscles de la racine du nez et du sourcil.
A - Clignement spontané :
C’est une fonction normale chez pratiquement tous les vertébrés possédant
des paupières.
Il s’agit d’une fermeture simple ou plus ou moins complète,
bilatérale, symétrique, rythmique et habituellement inconsciente des
paupières.
La durée globale du mouvement est d’environ 260 ms.
La paupière supérieure
descend en 80 ms en accélérant, atteignant la vélocité maximale d’environ
19 cm/s au moment du croisement de l’axe optique, elle ralentit à l’approche
du bord libre qui le plus souvent n’est pas touché, marque un temps d’arrêt de
3 à 5 ms et remonte un peu moins vite en ralentissant ensuite jusqu’à
l’ouverture totale.
Le releveur fonctionne par innervation réciproque, il se
relâche en tout premier, lors d’un clignement, 10 ms avant le début
d’activation de l’orbiculaire lui-même, et 35 ms avant le début de la descente
palpébrale.
L’amplitude de la course palpébrale supérieure pendant le
clignement est de 9 mm, la paupière inférieure restant à peu près au même
niveau.
La fermeture n’est pas uniforme : elle est un peu plus précoce en
temporal et se complète vers l’angle interne un peu comme une fermeture à
glissière.
L’angle interne lui-même est immobile, le tiers nasal des paupières
se déplace légèrement en nasal en se contractant, le tiers moyen est étiré,
l’angle externe quant à lui peut se déplacer d’environ 4 mm en dedans et un
peu vers le bas.
Une relative laxité du tendon canthal externe est
normale et nécessaire.
Tout ceci est fondamental pour le fonctionnement de la
pompe lacrymale permettant une bonne juxtaposition des deux points
lacrymaux, puis leur expansion élastique, créant une pression d’aspiration des
larmes.
Le bord libre de la paupière supérieure modifie sa forme.
De concave vers le
bas, en position d’ouverture, il se tend comme une corde en fermeture.
Ceci s’accompagne d’un déplacement vers l’arrière de 1 à 2mm,
induisant une élévation de la pression du globe que l’on estime à 10 mm de
mercure, et permettant une meilleure application de la face postérieure de la
paupière sur le galbe postérieur de la cornée.
Dans l’oeil, le mouvement de
pression provoque une légère concavité de l’iris qui vient se plaquer sur le
cristallin.
En ce qui concerne la motricité oculaire, on admet classiquement que le
clignement spontané simple est trop bref pour que le phénomène de Bell
d’élévation en fermeture puisse être réalisé.
Il y aurait tout de même une
ébauche ou, inversement, un léger mouvement du globe en nasal et en dedans de 1 à 5°. Un phénomène de suppression visuelle active, cérébrale, intervient
aussi lors du clignement.
Son intérêt est double : elle évite la perception du
balaiement de la paupière devant le globe, d’autre part elle est mise à profit
pour éviter l’impression de glissement des images lors des mouvements de
saccades du globe.
En effet, un clignement spontané accompagne chaque
changement rapide de direction du regard ou de la tête.
Pour un mouvement
de poursuite lente, le clignement est au contraire inhibé.
En dehors de ce facteur déclenchant, la fréquence normale est de 12 à
20 clignements/minute chez l’adulte et varie peu chez le sujet âgé.
Chaque
individu a en quelque sorte, un rythme personnel de base.
Le nourrisson ne
cligne que deux fois par minute, la fréquence s’accélère chez l’enfant et atteint
les chiffres adultes vers 15 ans.
Certains facteurs influencent la fréquence : en
accélération (regard vers le haut, stress émotionnel, parole, mémorisation,
stimulation cornéenne par sécheresse ou irritation) ou en ralentissement
(attention, lecture, port de lentilles lorsqu’elles sont bien tolérées, ingestion
importante d’alcool).
On peut volontairement bloquer l’activité du
clignement jusqu’à 4 minutes pour certains individus, mais il y a ensuite un
phénomène de rebond.
L’induction du clignement a pu être attribuée à la rupture du film lacrymal,
mais ce temps de rupture est, en règle, plus long.
On évoque plutôt un rôle des
noyaux gris centraux et du mésencéphale comme l’attestent les stimulations
expérimentales et la pathologie neurologique à hyperactivité dopaminergique
centrale (schizophrénie, syndrome de Gilles de la Tourette), où le clignement
est plus fréquent, alors qu’il y a raréfaction au contraire dans la maladie de
Parkinson ou les paralysies supranucléaires progressives.
L’anesthésie de cornée ne modifie pas le rythme de base du clignement.
B - Clignement réflexe
:
Le clignement réflexe, donnant un mouvement de clignement complet ou
forcé, est un processus de défense impliquant le tronc cérébral.
Il peut être
sollicité par plusieurs types de stimuli dont l’analyse précise peut être
importante en séméiologie neurologique.
Le réflexe orbiculaire peut être
stimulé par percussion du muscle (réflexe proprioceptif monosynaptique) ou
une autre partie de la face (réflexe mono- ou polysynaptique).
Le réflexe
cornéen est un réflexe trigéminopalpébral polysynaptique.
Il est très sensible,
le dernier à disparaître lors de l’anesthésie profonde.
Il devient toutefois
émoussé chez les vieillards, notamment ceux avec atteinte cérébrovasculaire.
Une stimulation auditive peut aussi provoquer un clignement (réflexe
cochléopalpébral) de même qu’une stimulation palatine (réflexe
palatopalpébral).
Le réflexe de clignement à l’éblouissement, de même que le
clignement à la menace, font intervenir une composante corticale et ont un
temps de latence plus long que les autres réflexes.
Ils sont abolis en cas de
destruction du lobe occipital, mais peuvent être présents en cas de cécité
corticale.
C - Clignement volontaire
:
Il s’agit plutôt d’un mouvement de fermeture volontaire de courte durée, il
met en jeu le centre cortical de fermeture palpébrale, puis la voie pyramidale.
Son mouvement est de type complet ou forcé.
Il est plus ample et plus lent
que les clignements spontanés ou réflexes.
Paupières et film lacrymal
(excluant le mécanisme de pompe
lacrymale excrétrice) :
Le rôle majeur des paupières est, donc, d’éviter la dessiccation de la surface
de l’oeil par la fermeture pendant le sommeil et le clignement à l’état de veille.
Le clignement contribue à l’étalement du film lacrymal et à l’excrétion, par
contraction du muscle de Riolan, de la production lipidique des glandes de
Meibomius.
Le clignement renouvelle aussi la couche mucineuse pour
assurer l’oxygénation de la cornée.
Ce renouvellement mucineux emporte
avec lui les lipides cutanés et exogènes qui viendraient polluer le film
lacrymal, et permet la reconstitution d’un surfaçage par les lipides
meibomiens beaucoup mieux adaptés.
L’ouverture des yeux, en fin de clignement, exerce, par un effet de capillarité, une pression d’aspiration au
niveau du bord libre où il se forme un ménisque supérieur et inférieur de
larmes.
Lorsque l’ouverture des yeux se prolonge, le film lacrymal se rompt
avec apparition de dry spots.
En pratique, le temps de rupture du film lacrymal
(normalement entre 15 et 40 s) est donc dépendant de la quantité de larmes et
de la qualité du film lipidique de surface, certes, mais aussi de l’importance
de l’ouverture palpébrale vis-à-vis des forces de tension superficielle du film
entre les deux ménisques de larmes.
Le rythme de clignement spontané (12 à
20 par minute chez l’adulte) n’est toutefois que très partiellement dicté par ce
temps de rupture du film lacrymal.
La stabilité du film lacrymal est
meilleure chez le nourrisson, ce qui est compatible avec la rareté du
clignement à cet âge (un à deux battement[s] par minute).
La mesure de la température de la cornée entre chaque clignement (par
thermomètre à infrarouge) illustre bien la subtilité des interrelations paupière-oeil.
Chez le sujet normal, la température est ainsi de 34,5° C
(± 0,4° C), mais elle décroît de 0,61°C entre chaque clignement, ce qui
paraît souhaitable pour le confort et qui pourrait être aussi un inducteur
du clignement.
Cette décroissance de température est plus faible dans
l’oeil sec puisqu’il y a moins d’évaporation.
L’augmentation de
température dans l’oeil sec contribuerait ainsi particulièrement à
l’inconfort de cette pathologie.
Paupières et lentilles de contact
:
La présence d’une lentille de contact peut accentuer légèrement
l’écarquillement palpébral.
L’étude du clignement spontané montre aussi
des modifications discrètes mais fort intéressantes.
Le clignement
apparaît un peu plus long, de morphologie plus variée avec plus de
fluctuations.
Le mouvement de la paupière supérieure est un peu moins
ample que sans lentilles, un peu plus saccadé.
La paupière nasale
inférieure augmente son amplitude de déplacement horizontal nasal
comme s’il y avait essai d’expulsion de la lentille vers le lac lacrymal.
La
lentille est poussée vers le bas par la paupière supérieure, ce qui entraîne
un déplacement du film lacrymal vers le centre suivi d’un effet de
recentrage de la lentille.
Les données physiologiques et leur observation sont fondamentales
dans la prise en charge des malpositions palpébrales, des blépharospasmes ou des lagophtalmies, des sécheresses oculaires et
de nombreuses formes de déséquilibres oculomoteurs verticaux.