La mortalité maternelle demeure un problème d’actualité.
Elle
revêt une ampleur considérable dans de nombreux pays du monde
tandis qu’elle passe inaperçue dans la plupart des pays développés.
Dans ces derniers, elle constitue un indicateur de la qualité des soins
en obstétrique ; dans les pays pauvres elle est plutôt un indice du
développement social et tout particulièrement de la situation faite
aux femmes.
Toutefois, certaines de ses caractéristiques sont communes à tous les
pays, quelle que soit l’acuité du phénomène.
Mesurer la fréquence
de la mortalité maternelle et ses causes est une tâche relativement
complexe, que les pays soient dotés, ou non, d’un bon système de
recueil d’informations démographiques et sanitaires.
Les facteurs qui
augmentent la probabilité de survenue de la mort maternelle,
facteurs de risque, sont bien répertoriés et sont quasi universels.
Les aspects méthodologiques, définition, modalités de recueil des
informations et calcul des indicateurs, la dimension du phénomène,
fréquence et répartition des causes selon les pays, et facteurs de
risque de la mortalité maternelle, sont présentés successivement.
Malgré des progrès remarquables dans la connaissance de la
mortalité maternelle depuis une dizaine d’années, dans de
nombreuses régions du monde, il est encore peu de pays où l’on
démontre une tendance positive, c’est-à-dire une baisse de la
fréquence de la mortalité maternelle.
Définitions :
A - DÉFINITION DE LA MORT MATERNELLE EN FRANCE
ET AU NIVEAU INTERNATIONAL :
La mort maternelle, entendue à l’origine comme le décès d’une
femme donnant naissance à un enfant, a été étendue depuis
quelques années à tout décès de cause obstétricale survenant au
cours de la grossesse, l’accouchement, ou dans les suites de couches
jusqu’à 42 jours (définition A).
L’usage de la définition établie par
l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et publiée
successivement dans la 9e puis la 10e révision de la Classification
internationale des maladies (CIM), tend à se généraliser.
En
France, les études épidémiologiques menées sur cette question
utilisent la définition de l’OMS.
Cette définition reprend, dans sa première partie, celle élaborée par
la Fédération internationale de gynécologie obstétrique (FIGO), ce
qui amène à inclure les décès liés aux avortements (spontanés,
légalisés ou illégaux) et aux grossesses extra-utérines, et à exclure
tout décès dont l’origine est accidentelle ou fortuite même s’il
survient au cours de la grossesse (par exemple accident de la route,
suicide ou homicide, tumeurs et pathologies diverses), s’il est sans
rapport avec l’état gravide.
Il est éminemment souhaitable de se conformer à la définition A de
l’OMS, bien qu’elle ne soit pas toujours simple à appliquer.
Les
raisons de ce choix sont doubles : être en mesure de réaliser des
comparaisons nationales et internationales ; mettre en évidence les
facteurs du système de soins qu’il conviendrait d’améliorer, tout
particulièrement en obstétrique et en périnatalogie.
B - DIFFICULTÉS RELATIVES À LA DÉFINITION DE LA
MORT MATERNELLE
:
En dépit du consensus affiché au niveau de certaines instances
internationales (OMS, FIGO), les études sur la mortalité maternelle
ont utilisé de nombreuses variantes de définition.
Ainsi en Suède, on a souvent retenu les seules causes obstétricales
directes dans la statistique.
En France, une enquête particulière a
montré que parmi un certain nombre de décès, où la notion gravidopuerpérale avait été déclarée d’emblée sur le certificat de
décès, seulement 24 cas sur 41 avaient été considérés décès de cause
obstétricale, directe ou indirecte, et par conséquent classés en cause
principale avec les codes du chapitre XI de la CIM.
Après l’enquête,
31 décès ont été reclassés maternels.
Certains pays ne considèrent
pas les avortements.
Deux questions se posent de manière récurrente : quelle est la durée
optimale de l’intervalle post-partum à prendre en considération
pour rattacher le décès d’une femme à la maternité ?
Quels
événements sont liés à l’état de femme enceinte et retentissent sur le
risque maternel ?
– Le délai de 42 jours dans le post-partum, arrêté officiellement
depuis une vingtaine d’années, paraît trop bref à certains car les
progrès réalisés dans les techniques de réanimation conduisent à
observer des décès, causés à l’origine par un problème obstétrical,
mais finalement dus à une cause immédiate parfois très différente et
surtout dans un délai qui dépasse très largement les 42 jours.
Soixante jours, 90 jours ou 1 an ont été proposés et parfois utilisés.
– L’exclusion des décès fortuits, c’est-à-dire non liés directement à
l’état gravidopuerpéral, est critiquée par ceux qui s’intéressent à
l’environnement conditionnant la femme et sa santé génésique
ou par ceux qui pensent que la préhension de tous les décès,
survenant au cours de la grossesse, l’accouchement ou les suites de
couches, quelle que soit la cause, permettra ensuite de mieux cerner
les décès de cause réellement obstétricale.
Ces critiques ont été entendues et prises en compte puisque, dans la
10e révision de la CIM, de nouvelles notions ont été introduites.
Ces
définitions furent préconisées il y a quelque temps, dans une revue
générale de la question ; elles ont été récemment utilisées dans
une étude historique renouvelée des morts maternelles en Suède.
Il en résulte une vision très nuancée de la mortalité féminine liée à
la grossesse, l’accouchement ou les suites de couches, mais plus
complexe à interpréter.
Pour simplifier, on peut recommander :
– d’utiliser la définition stricte et classique des morts maternelles
(A) (cf premier encadré Définition de la mortalité maternelle
recommandée par l’OMS), pour évaluer la qualité des soins en
obstétrique et réaliser des comparaisons internationales d’une part ;
– d’utiliser la notion large de mort liée à la grossesse (L), pour estimer le poids de la santé génésique dans la
condition féminine ou lors d’une approche sociologique du
problème d’autre part.
Toutefois, nous attirons l’attention sur le fait que la multiplication
des définitions, ou leur complication, ne masquera aucunement les
lacunes actuelles de certains systèmes d’information démographique
et sanitaire, sans pour autant aider les pays qui sont aujourd’hui
dans l’incapacité d’établir des statistiques régulières à résoudre leurs
difficultés.
Sources des informations :
A - DONNÉES HOSPITALIÈRES :
Les données émanant des établissements ou des maternités sont les
plus anciennement et les plus largement utilisées car il est
relativement aisé de les élaborer.
Il est simple de comptabiliser tous
les accouchements et tous les décès qui se produisent dans un
service.
Cette procédure peut être étendue à un ensemble
d’établissements ou de maternités, ou encore couvrir une zone
géographique déterminée.
Les inconvénients sont de divers ordres :
tout d’abord on ne connaît pas les décès se produisant en dehors, à
quelque moment que ce soit de la grossesse, ou intervenus dans le
post-partum après la sortie de l’établissement.
La durée de séjour en
maternité conditionne le nombre de décès observés.
Pour des raisons extrêmement diverses, la population d’un
établissement est sélectionnée, induisant un biais de recrutement.
Cette sélection conduit à une distorsion d’autant plus grande entre
la réalité et le phénomène observé en hôpital, que la proportion des
accouchements qui se fait en milieu hospitalier est plus faible. Le
biais de recrutement peut résulter :
– des hospitalisations en urgence. Les femmes transférées dans un
état grave imprévu ont un pronostic vital moins bon que les femmes
dont l’admission était programmée.
Si les hospitalisations en
urgence sont nombreuses, la mortalité maternelle sera élevée ;
– d’un système de transfert efficace.
Les accouchements difficiles et
les complications sont évacués vers un hôpital de référence
(universitaire par exemple).
Si l’afflux des patientes à risque est
important, la mortalité maternelle sera plus élevée ;
– des hospitalisations payantes. Les femmes admises dans le service
sont sélectionnées par leur revenu ou par leur situation
administrative (vis-à-vis de la sécurité sociale par exemple).
Si les
femmes de milieu favorisé sont plus nombreuses, la mortalité
maternelle sera plus faible.
D’une manière générale, la mortalité maternelle estimée à partir des
données hospitalières est nettement supérieure, exemple au Burkina
Faso : taux de 4 111/ 100 000 au centre hospitalier universitaire de
Ouagadougou contre 318/100 000 en population de cette même
capitale, ou en Tanzanie, avec la « méthode des soeurs », taux
de 444 à partir de l’enquête dans les services contre 366 à partir de
l’enquête dans les ménages.
B - DONNÉES D’ÉTAT CIVIL
:
Dans la plupart des pays industrialisés, l’obligation de déclarer le
décès à l’état civil est assortie d’un certificat médical, ce qui permet
de connaître les causes obstétricales, entre autres.
Depuis quelques
années, un ajout a été porté sur le certificat médical sous forme de
case à cocher, ou de question plus précise (cf le modèle français
récemment mis au point), afin de connaître l’incidence d’un éventuel
état gravidopuerpéral de la femme.
Tous les pays ne disposent pas
encore de cette case malgré les recommandations faites à ce sujet.
Les pays l’ayant expérimentée et évaluée y trouvent un rôle positif
pour cerner les morts liées à la grossesse.
Les données issues de l’enregistrement systématique des causes de
décès ont l’avantage d’être permanentes, et de concerner l’ensemble
de la population.
Elles autorisent les analyses de tendances
(évolutions chronologiques, comparaisons géographiques).
Elles
présentent l’inconvénient d’inclure essentiellement les causes
obstétricales directes.
Elles donnent une image incomplète de la
mortalité maternelle, souvent sous-estimée, notamment dans les
pays où l’avortement provoqué est illégal, mais aussi en raison des
lacunes de la collecte et du classement.
Enfin, l’état civil est loin d’exister partout.
On considère qu’un tiers
de la population mondiale est couvert par un enregistrement des
naissances, des décès et de leurs causes, jugé fiable et à peu près
acceptable.
C - ENQUÊTES EN POPULATION
:
Dans les pays ne disposant pas d’enregistrement systématique des
décès et de leurs causes, s’est développé un ensemble d’enquêtes
démographiques et de santé.
Certaines enquêtes dépassent
largement le problème de la mortalité maternelle (Enquêtes
Démographie et Santé [EDS]), d’autres sont ciblées sur ce
problème ; certaines sont anciennes, d’autres plus récentes,
exemple Tunisie ou Zambie.
Les enquêtes EDS sont réalisées dans les pays peu développés, sur
un échantillon représentatif de la population ; elles sont ponctuelles,
et apportent des informations précieuses sur les fréquences globales
de la mortalité des adultes, y compris la mortalité des femmes en
âge de procréer liée à la grossesse, l’accouchement ou ses suites.
Il existe d’autres enquêtes, dont le système de recueil repose sur
l’observatoire de population, notamment en zones rurales comme
au Sénégal, à Niakhar, Bandafassi et Mlomp, ou au Bangladesh, à
Matlab.
D - MÉTHODE DES SOEURS :
Dans les pays sans état civil ou sans système de recueil régulier des
données démographiques, pour pallier l’absence d’information sur
la mortalité, des techniques indirectes spéciales ont été imaginées ;
elles sont présentées dans le manuel des Nations unies sur les
techniques indirectes d’estimation démographique.
Les enquêtes
démographiques, lorsqu’elles portent sur des échantillons de taille
suffisante, comportant 3 000 à 6 000 adultes de plus de 15 ans,
permettent d’estimer indirectement le niveau général de la mortalité,
y compris maternelle.
La méthode d’estimation indirecte de la
mortalité maternelle, dite « méthode des soeurs » a été développée à
partir des modèles de survie décrits par Hill et Trussell en 1977.
Elle repose sur l’hypothèse que la différence entre les âges des
répondants et les âges de leur fratrie peut être précisément
modélisée, la descendance finale des mères des répondants étant
connue ; ainsi, l’estimation des probabilités de décès de la fratrie est
possible à partir des réponses des participants à l’enquête
démographique.
Comme toutes les approximations reposant sur des modèles, celles
qui résultent de la méthode des soeurs procurent un ordre de
grandeur de la mortalité maternelle, utile notamment au niveau
national, mais sujet à controverse, comme le furent les nouvelles
estimations de l’Unicef issues de cette méthode.
Ces estimations
sont relatives à une période révolue ; elles ne disent rien des causes,
pourtant indispensables à connaître dans une optique d’organisation
et d’évaluation des soins d’obstétrique.
Toutefois certains auteurs, estimant que cette technique est la seule
possible en population en l’absence de recueil d’état civil, pensent
que les avantages l’emportent sur les inconvénients.
En fait, des
études prospectives en population sont possibles mais elles sont
rares.
E -
ENQUÊTES CONFIDENTIELLES :
L’enquête confidentielle, quoique rare, constitue une source
privilégiée d’information médicale et obstétricale puisqu’elle est
directement liée à la mort maternelle.
Dans plusieurs pays européens, comme l’Angleterre, le Danemark
ou la Suède, cette pratique remonte à la période 1920-1930.
La
plus célèbre par son ancienneté, sa permanence et ses résultats,
concerne les îles Britanniques où elle se déroule régulièrement
depuis 1952 et donne lieu tous les 3 ans à la publication d’un rapport
largement diffusé.
Aux Pays-Bas, après une première expérience
ponctuelle en 1972, l’Association néerlandaise d’obstétrique et de
gynécologie l’a instituée à partir de 1981.
Plus tardive encore est
l’expérience de la France, ébauchée en 1990, et instituée à partir de
1996.
Pourtant dès 1959, le congrès de la Fédération des sociétés
de gynécologie et d’obstétrique de langue française avait
officiellement proposé la création de comités d’étude des décès de
femmes en couches, au sein des sociétés nationales.
Actuellement, de telles études se multiplient, en Afrique du Sud
et aussi dans des pays en développement, par exemple au
Zimbabwe et au Surinam.
Ces enquêtes visent à l’exhaustivité du recueil des cas de mort
maternelle sans que l’on puisse toujours vérifier qu’elles y
parviennent.
À cet égard, le dernier rapport du Royaume-Uni est
révélateur puisqu’il a montré une augmentation remarquable du
taux de mortalité maternelle, de 9,9 à 12,0/100 000 naissances
vivantes.
Cette rectification provient de la vérification croisée qui a
été effectuée pour la première fois en 1994-1996, avec les certificats
de décès provenant de l’enregistrement de l’état civil.
L’importance des enquêtes confidentielles réside principalement
dans leur capacité à débusquer les points faibles de la prise en
charge des complications graves de la grossesse, l’accouchement et
les suites de couches, grâce à une méthode d’investigation très
approfondie ayant ses règles propres.
Ces enquêtes respectent une
stricte confidentialité vis-à-vis des malades et des soignants
impliqués.
Le système de révision des cas par les pairs se fait dans
un esprit de recherche scientifique afin d’améliorer la qualité des
soins en obstétrique.
La mise en évidence de soins non optimaux par grand domaine
pathologique est essentielle pour conduire à des recommandations
ciblées et orienter la réorganisation des soins.
Indicateurs :
D’une manière générale, le choix de l’indicateur doit dépendre, outre
les données disponibles, des objectifs recherchés.
A - VALEURS CALCULÉES :
La mesure le plus fréquemment utilisée est le rapport de décès
maternels, une année, aux naissances vivantes observées cette annéelà,
dans la zone considérée.
Cet indice est improprement appelé taux
de mortalité maternelle.
Ce taux est parfois appelé « ratio » par les
anglophones.
On peut également retenir la part des décès de causes obstétricales
parmi toutes les causes de décès féminins, exprimée en pourcentage,
et enfin le taux de mortalité par cause obstétricale ; les définitions
de ces indicateurs figurent dans le développement méthodologique.
La létalité est le rapport du nombre de décès dus à une pathologie
obstétricale au nombre de cas de cette même pathologie, par unité
de lieu et de temps.
B - ESTIMATIONS INDIRECTES :
La définition OMS de la mortalité maternelle requiert des données
peu conventionnelles (pour connaître la mortalité par cause et l’état
gravide) difficilement disponibles aussi bien par l’absence de
données régulières (état civil) que par suite de la grande rareté, dans
nos pays, de l’événement étudié.
Des méthodes approchées existent
pour pallier l’absence de données : la méthode des soeurs, dans le
cadre des enquêtes en population et l’estimation rapide à partir de
tables de mortalité.
C - INDICATEURS POUR LES COMPARAISONS
INTERNATIONALES :
Dans les comparaisons entre pays, ou d’une époque à l’autre, il est
nécessaire de faire appel à des taux.
Il est recommandé d’utiliser le
taux de mortalité maternelle stricto sensu, décès de causes
obstétricales directes et indirectes survenus pendant la grossesse,
l’accouchement ou les suites de couches dans le délai de 42 jours,
rapportés aux naissances vivantes correspondantes.
Dimension de la mortalité maternelle
dans le monde :
A - FRÉQUENCE :
Il existe des disparités considérables dans le monde, d’une part entre
pays développés et pays pauvres, d’autre part à
l’intérieur des pays en fonction des zones rurales ou urbaines ou en
fonction des sous-groupes de populations.
Ces disparités sont
nettement plus prononcées pour la mortalité maternelle que pour la
mortalité infantile.
1- Pays pauvres
:
Par exemple, en Inde, dans le district d’Ananta en 1984-1985, le taux
était de 830 en zone rurale et de 545 en zone urbaine, au
Zimbabwe, taux de 168 dans la région rurale de Masvingo, et de 85
dans la capitale Harare, en 1989-1990.
Plus récemment, 1995-1996 au Sénégal, dans des enquêtes utilisant strictement la même
méthodologie et à base populationnelle, taux de 800/100 000
naissances vivantes en zone semi-rurale et taux de 170 en milieu
urbain.
Dans ces pays, les décès maternels représentent de 25 à 36 % des
décès survenant chez les femmes en âge de procréer (France 0,71 %).
2- Pays développés
:
Actuellement, les taux de la France et du Royaume-Uni
peuvent être estimés à 10-12/100 000 naissances vivantes, en
moyenne nationale annuelle, tandis que les Pays-Bas, le Japon et la
Suède enregistrent des taux inférieurs (respectivement 9,7 sur la période 1983-1992, 9,5 en 1991-1992 et 7,4 pour la période 1980-
1988).
Aux États-Unis, les publications les plus récentes font
état de taux variant selon les périodes envisagées entre 9,1 pour
1987-1990 et 7,5 pour 1983-1996, mais taux jugés sous-estimés par
leurs auteurs.
3- Évolutions récentes
:
Malgré les efforts entrepris depuis l’appel de Nairobi, en 1987, pour
lutter contre ce fléau mondial et en améliorer la connaissance, il est
difficile de mettre en évidence des baisses significatives de la
fréquence des morts maternelles.
La mortalité maternelle a très
vraisemblablement augmenté dans certains pays d’Afrique au sud
du Sahara, mais il n’y a que peu de preuves scientifiques étayant
cette affirmation, malgré la publicité faite aux estimations révisées
de l’Unicef-OMS en 1996.
Inversement quelques
exemples, Matlab ou le Sri Lanka, montrent des baisses
remarquables, obtenues en peu de temps.
À Matlab, entre 1980 et
1991, une diminution des taux, passant de plus de 400 décès par
causes obstétricales directes pour 100 000 naissances vivantes à
moins de 200, a été démontrée dans les différentes zones d’étude.
Dans les pays développés, les faits les plus récents (données non
montrées) sont la mise en évidence du sous-enregistrement des
morts maternelles, tout d’abord en France, puis dans plusieurs
pays européens.
Au Royaume-Uni enfin, le taux est passé de 10
à 12/100 000 du fait d’un changement introduit dans la méthode de
collecte des données.
Il en résulte que la nouvelle série 1994-1996 est
peu comparable avec les précédentes.
En règle générale, le
renouvellement des données rend complexe l’analyse des séries
statistiques sur le long terme.
B - CAUSES OBSTÉTRICALES :
Elles sont bien connues malgré les problèmes de classement et les
difficultés des comparaisons ; elles sont universelles, et la majorité
d’entre elles sont évitables car des traitements éprouvés et reconnus
existent.
1- Pays comparables à la France :
Les complications de l’hypertension, y compris les accidents cérébrovasculaires, première cause aux Pays-Bas, disputent la
primauté aux maladies thromboemboliques, première cause au
Royaume-Uni, ou aux hémorragies du post-partum, première
cause en France.
Compte tenu de l’amélioration réelle
de la certification médicale et du traitement statistique des certificats
de décès, il existe une stabilité remarquable de la répartition des
causes obstétricales depuis plusieurs années, hormis l’augmentation
sensible des troubles cardiaques.
2- Pays pauvres :
Il s’agit des hémorragies, principalement de la délivrance ou du
post-partum, des infections puerpérales et des septicémies liées aux
avortements, et des complications de l’hypertension gravidique.
Dans de nombreux pays sous-développés, tels que
l’Afrique subsaharienne, il faut ajouter les dystocies dynamiques ou
obstructives conduisant à une fréquence proportionnellement très
élevée de ruptures utérines, elles-mêmes rarement imputables à des
antécédents de cicatrice utérine.
C - SOINS NON OPTIMAUX
:
Dans les pays où des enquêtes confidentielles avec comité d’experts
ont été instaurées, il est devenu normal de mettre en évidence des
soins non optimaux ou des décès considérés évitables sous certaines
conditions.
La proportion de soins non optimaux varie beaucoup,
de 50 % en moyenne dans les pays européens à 95 %, par exemple
au Surinam.
La mise en évidence de ces problèmes conduit les comités d’experts
à émettre des recommandations visant à rappeler quelles bonnes
pratiques doivent être mises en oeuvre ou à relever les domaines
nécessitant des améliorations, des évolutions ou une réorganisation
des soins.
D - FACTEURS DE RISQUE
:
Ils sont bien établis depuis de longues années et demeurent les
mêmes malgré des controverses assez régulières sur le poids
respectif de chacun.
1- Âge à la maternité et histoire génésique
:
L’âge, seulement lorsqu’il dépasse 35 ans, est en lui-même un facteur
important, qui augmente la probabilité des complications graves
pour la mère, en France et dans tous les pays.
Ce facteur
joue indépendamment de la parité (nombre d’accouchements) y
compris dans les pays à forte fécondité : une étude l’a démontré au
Zimbabwe.
D’après l’étude cas-témoins réalisée en France, un âge
supérieur à 35 ans multiplie par trois-quatre le risque relatif et, sous
l’hypothèse d’une relation causale entre âge et décès maternel, le
risque attribuable au seul facteur âge serait de 22 % dans les
conditions actuelles de fécondité.
La grossesse multiple constitue un autre facteur contribuant à mettre
en péril le pronostic vital maternel.
2- Facteurs culturels et économiques
:
Ils ont une influence variée selon les populations.
Le nombre des
grossesses multiplie automatiquement le risque encouru par une
femme au cours de son existence reproductive.
Ainsi a-t-il été
calculé, en zone rurale tanzanienne, que dans les conditions de
fécondité de sept enfants par femme, le risque de décès maternel
sur la durée de la vie s’élève à 1 sur 25 grossesses alors qu’il est
estimé à 1 sur 3 700 en Amérique du Nord ou en Europe.
Or, les
facteurs culturels sont déterminants dans les comportements de
fécondité puisqu’ils conditionnent le niveau d’instruction des
femmes, leurs droits en matière de santé génésique et leur possibilité
de pratiquer ou non l’espacement ou l’arrêt des naissances.
Des disparités ont été démontrées entre les femmes migrantes et les
autres, entre les Françaises et les non-Européennes sans que
l’on ait clairement identifié les facteurs directement responsables du
surcroît de mortalité maternelle parmi les migrantes (parité plus
élevée, non-fréquentation des services, difficultés linguistiques ou
autres).
3- Services de santé et qualité des soins obstétricaux
:
Le rôle de l’offre de soins et de son organisation, qui avait été un
peu délaissée, tend à revenir au premier plan actuellement.
Il existe des remèdes qui ont fait leur preuve dans la lutte contre la
mortalité maternelle.
Ces évidences ont été rappelées maintes fois.
Même dans les pays en développement, lorsque tous les
facteurs sont pris en compte, le système de soins intervient en tant
que variable ayant son rôle propre ; c’est ce qui a été démontré
statistiquement par Kwast à Addis-Abeba, où, après le revenu et le
niveau d’instruction, le fait d’avoir bénéficié de consultation
prénatale intervient comme déterminant.
Une analyse récente
menée au Sénégal a mis en évidence le rôle primordial de la
qualification du personnel assistant la femme lors de l’accouchement
pour détecter les complications obstétricales sévères et prévenir les
morts maternelles.
L’étude du Surinam relève que : les
obstétriciens dans 45 % des cas, l’hospitalisation dans 42 %,
l’organisation des soins dans 38 % et les soins de santé primaires
dans 23 % des cas, sont impliqués dans l’évitabilité du décès
(plusieurs raisons possibles) ajoutés aux 58 % de situations où la
patiente et la famille sont également responsables.
Tous ces faits expliquent pourquoi la carte du monde de la fréquence
des naissances bénéficiant d’une assistance qualifiée au moment de
l’accouchement constitue le négatif de la carte de la mortalité
maternelle.
La qualité des soins obstétricaux au moment de l’accouchement,
plus que la surveillance prénatale, apparaît aujourd’hui être la
pièce essentielle du dispositif dans la lutte contre la mortalité
maternelle.
Conclusion
:
Étudier la mortalité maternelle reste indispensable, y compris dans les
pays industrialisés où elle est devenue très rare.
Elle doit l’être de
manière suivie grâce aux données d’état civil.
En outre et malgré les
difficultés, elle doit l’être sous forme d’audit ou d’enquêtes
confidentielles, contribuant ainsi à mettre en évidence les problèmes de
qualité et d’organisation des soins dans le domaine périnatal.
Un
complément utile sera de développer les recherches sur les causes
obstétricales qui mettent directement en jeu le pronostic vital maternel
ou étude de la morbidité maternelle sévère, mais l’étude des décès
maternels demeure incontournable, de manière rigoureuse et suivie.