Modifications de l'organisme maternel au cours de la grossesse
(Suite) Cours de
Gynécologie Obstétrique
Appareil urinaire
:
A - Modifications anatomiques :
Les modifications concernent les uretères et la vessie.
1- Uretères
:
Une dilatation des uretères commence dès la sixième SA, augmente jusqu’au
terme et revient à la normale plus ou moins vite (au septième jour dans un
tiers des cas, au bout de 1 mois dans deux tiers des cas, et pratiquement
toujours à 2 mois).
La dilatation est plus importante à droite en raison de deux phénomènes :
– l’uretère est comprimé entre le détroit supérieur et les vaisseaux iliaques
d’une part, l’utérus gravide d’autre part.
La dextrorotation habituelle de
l’utérus explique la prédominance droite de la stase.
À gauche, en revanche,
le sigmoïde s’interpose entre l’uretère et l’utérus, diminuant la pression
exercée par l’utérus sur l’uretère ;
– en outre, la veine ovarienne droite, très dilatée pendant la grossesse, croise
l’uretère droit avant d’aller dans la veine cave, et peut le « brider ».
À gauche,
en revanche, la veine est parallèle à l’uretère.
2-
Vessie
:
Le reflux vésico-urétéral serait plus fréquent pendant la grossesse.
Ce reflux
serait favorisé par des modifications anatomiques : en fin de grossesse,
l’utérus élève la vessie et le trigone, ce qui déplace latéralement les orifices
urétéraux, raccourcit la portion intramurale de l’urètre, dont le trajet, au lieu
d’être oblique, devient plutôt perpendiculaire.
B - Modifications fonctionnelles rénales :
Ces modifications ont été étudiées de manière exhaustive par Lindheimer et
Katz.
1- Filtration glomérulaire et flux plasmatique rénal
:
La filtration glomérulaire s’accroît de manière nette dès le début de la
grossesse.
L’élévation de la clairance de la créatinine est apparente dès
4 semaines postconceptionnelles ; elle atteint un pic 9 à 11 semaines plus tard,
de 40 à 50 % au-dessus des valeurs prégravidiques.
Cette augmentation dure
jusqu’à 35 SA, puis, selon les études, reste encore stable ou diminue de 15 à
20 %.
Le flux plasmatique rénal s’accroît également de 50 à 80 %au cours des deux
premiers trimestres.
Près du terme, il diminuerait, et l’augmentation ne serait
plus que de 25 %.
La fraction de filtration diminue et revient aux valeurs prégestationnelles aux alentours du terme.
Ces modifications semblent dues à
des facteurs hormonaux maternels.
Elles surviennent chez les patientes
porteuses d’un seul rein et chez les greffées rénales.
Ces modifications ont des conséquences cliniques très importantes.
La créatininémie diminue de 64 mmol/L à 44, l’azotémie de 4,3 mmol/L à 3,2 ;
des taux de créatininémie supérieurs à 80 mmol/L ou d’azotémie supérieurs à
5 mmol/L sont pathologiques.
L’augmentation de la filtration glomérulaire intervient également dans la
glycosurie, l’aminoacidurie et l’excrétion de vitamines hydrosolubles. Une
faible protéinurie peut également survenir.
La fréquence d’une microalbuminurie dans les grossesses normales est loin d’être négligeable.
2- Fonctions tubulaires :
Une glycosurie est fréquente, intermittente, et n’est pas obligatoirement
corrélée aux valeurs sanguines de glucose.
Elle est due à l’augmentation de la
filtration glomérulaire, et accessoirement à l’abaissement du Tm (capacité
tubulaire maximale d’excrétion).
L’excrétion d’autres sucres (lactose,
fructose, xylose, fucose) est également accrue, de manière peu importante.
Les excrétions rénales de la vitamine C, de l’acide nicotinique et de l’acide
folique sont augmentées.
La réabsorption tubulaire des folates est réduite.
L’excrétion de beaucoup d’acides aminés augmente au cours de la grossesse ;
cette excrétion peut atteindre 2 g/j, ce qui peut poser des problèmes si l’apport
protéique est insuffisant.
Cette fuite est due à l’augmentation de la filtration
glomérulaire et à une diminution de la réabsorption tubulaire.
L’acide aspartique, l’acide glutamique et l’arginine ne sont pas modifiés.
L’excrétion de l’acide urique augmente au cours de la grossesse.
L’uricémie
diminue au cours du premier trimestre, de 25 % environ ; elle est stable au
cours du deuxième, puis augmente progressivement pour revenir, en fin de
grossesse, à des valeurs proches des valeurs prégestationnelles.
Cette
diminution n’a pas d’explication univoque.
Pourraient intervenir
l’hémodilution, une augmentation de la filtration glomérulaire, une
augmentation progressive de la réabsorption.
La clairance typiquement
comprise entre 6 et 12 mL/min augmente à 12 à 20 mL/min.
Appareil digestif
:
L’appétit est statistiquement modifié au cours de la grossesse, et, en l’absence
de conseils diététiques, les femmes enceintes accroissent leur apport
alimentaire de 200 kcal/j, dès la fin du premier trimestre.
A - Tube digestif :
Globalement, son fonctionnement est ralenti, du fait de l’action de la
progestérone sur les muscles lisses.
Au niveau de la bouche, la production de salive et le pH de celle-ci ne sont pas
modifiés.
Un oedème gingival est habituel.
Le transit oesophagien est ralenti, et le tonus du cardia est abaissé.
La tonicité
et le péristaltisme gastrique sont un peu abaissés, avec un retard à la vidange
gastrique.
La sécrétion acide est diminuée, la production de mucus augmente.
La mobilité du grêle est réduite, avec un temps de transit prolongé, mais les
phénomènes d’absorption sont peu modifiés.
Enfin au niveau du côlon, la
réabsorption de l’eau est accrue de 59 %, et celle du sodium est accrue de
45 %.
B -
Foie et vésicule biliaire :
La vésicule biliaire est atone, sa vidange est ralentie.
Le cholestérol biliaire
augmente, et l’acide diénodéoxycholique est diminué, tout ceci prédisposant
à la lithiase.
Le fonctionnement du foie est peu modifié (débit sanguin, histologie). Les
modifications du fibrinogène, des protéines et des lipides sont décrites dans ce chapitre.
La bilirubine, les aminotransférases et les nucléotidases
ne sont classiquement pas modifiées.
Des données récentes font état de
valeurs diminuées de bilirubine, des aminotransférases et de la
γ-glutamyl-transférase.
Système endocrinien
:
A - Hypophyse :
Son poids double et sa vascularisation augmente de manière très importante,
ce qui traduit un hyperfonctionnement important.
Cette augmentation est
pratiquement due à l’hyperplasie des cellules lactotropes, due à la stimulation
oestrogénique.
En ce qui concerne la posthypophyse, l’ocytocine augmente de manière
importante, mais son rôle est mal précisé.
B - Glande surrénale :
1- Corticosurrénale :
Nous avons évoqué plus haut les modifications des minéralocorticoïdes.
En
ce qui concerne les glucocorticoïdes, il existe au cours de la grossesse un
hypercorticisme physiologique et adaptatif.
La transcortine, ou CBG,
augmente de manière importante. Le cortisol total augmente plus que ne le
voudrait l’augmentation de la CBG, car le cortisol libre augmente
nettement.
Le rythme circadien est conservé.
Le taux d’ACTH (adenocorticotrophic hormone) augmente progressivement
au cours de la grossesse, en raison sans doute d’une sécrétion placentaire,
indépendante d’un freinage par le cortisol circulant.
2- Médullosurrénale
:
Très peu de données existent concernant la médullosurrénale.
C - Glande thyroïde
:
Elle fonctionne davantage au cours de la grossesse normale.
La quantité
d’iode inorganique diminue dès le début de la grossesse en raison de
l’augmentation de la filtration glomérulaire et de l’excrétion rénale d’iode.
L’hypertrophie de la glande est un mécanisme compensateur, afin de
maintenir la production hormonale, en dépit d’une diminution de l’iode
organique plasmatique.
Sur le plan fonctionnel, l’élément le plus caractéristique est l’augmentation
de la globuline liant la thyroxine ou thyroglobuline (TBG).
Elle double dès la
12e SA.
L’hyperoestrogénie semble à l’origine de cette modification. Plus de
99 %des hormones thyroïdiennes sont liées à la TBG, de sorte que la T4 totale
est très augmentée.
La T4 libre, c’est-à-dire non liée, n’est guère modifiée de
même que la T3 libre.
Des élévations très discrètes ont été montrées par
certains auteurs.
En fin de grossesse, la T4 libre et la T3 libre baissent légèrement, alors que la TSH augmente légèrement. Ces modifications ne dépendent pas de l’apport
iodé.
Peut-être l’adaptation hormonale se fait-elle à un niveau légèrement
supérieur
γ
Globalement, on peut considérer que la T4 et la T3 libres, ainsi
que la TSH, restent dans des fourchettes normales.
D - Glande parathyroïde :
Au cours de la grossesse, un apport calcique quotidien de 1,2 g/j est requis.
Un apport calcique supplémentaire est nécessaire pour conserver
l’homéostasie maternelle, cependant que les croissances foetale et placentaire
s’effectuent.
À terme, on pense que 25 à 30 g de calcium sont accumulés chez
le foetus. L’absorption gastro-intestinale de calcium est augmentée.
Les taux de calcium ionisé ne changent pas de manière nette au cours de la
grossesse.
Et ce, alors que la concentration totale de calcium diminue
légèrement, de même que la concentration de magnésium et de phosphore.
La diminution de la calcémie totale généralement notée reflète surtout une
diminution de la quantité liée aux protéines : environ la moitié du calcium
plasmatique est liée aux protéines, notamment à l’albumine ; avec la
diminution de l’albumine et l’expansion plasmatique, la calcémie diminue
d’environ 5 %.
On a longtemps pensé qu’il y avait, au cours de la grossesse, une
hyperparathyroïdie fonctionnelle, mais cela est actuellement remis en
question.
Les dosages radio-immunométriques de parathormone montrent
une concentration non modifiée par la grossesse.
Des données contradictoires
concernant la sécrétion de calcitonine existent.
En ce qui concerne la vitamine D, les taux de 25-hydroxy-D3, principale
forme circulante, ne varient guère.
Les taux de 1,25-dihydroxy-D3, qui est la
forme active, augmentent sans doute par augmentation de la synthèse.
Autres appareils :
A - Appareil tégumentaire :
En ce qui concerne les cheveux, la phase de repos, qui suit la phase de
croissance (anagène), et qui précède la chute, est allongée au cours de la
grossesse, de sorte que l’on pourra observer une chute, retardée mais
apparemment plus importante au début du post-partum ; une reprise suivra,
mais la phase de croissance anagène est longue (2 à 6 mois).
La pigmentation se modifie (augmentation au niveau des seins, de la vulve,
de la ligne blanche médiane de l’abdomen).
Le débit sanguin cutané est accru,
avec augmentation légère de la température cutanée.
Cela a pour but de
favoriser la déperdition de chaleur (métabolisme accru du fait de la présence
de l’oeuf). Sur le plan histologique, le derme s’amincit.
B - Système ostéoligamentaire :
Le relâchement des ligaments des articulations, sous l’effet de la
progestérone, favorise les modifications du bassin mais expose à des douleurs
notamment au niveau de la ceinture pelvienne, et à un risque accru de
traumatismes.
Adaptation des différents métabolismes :
A - Métabolisme général :
La température basale est modérément accrue les 2 premiers mois, puis
diminue ensuite.
Aux deuxième et troisième trimestres existe une
hypothermie.
Le métabolisme basal s’élève de 15 à 30 %, en raison surtout du
développement de l’unité foetoplacentaire.
B - Prise de poids :
Il existe au cours de la grossesse une prise de poids obligatoire, évaluée à
7,5 kg environ.
La prise de poids observée est en général plus importante, et cela est lié à :
– la formation de réserves graisseuses (maximale entre le cinquième et le
septième mois) qui représente un phénomène adaptatif de l’espèce, pour
disposer de réserves en fin de grossesse ou lors de l’allaitement (période de
besoins maximaux du foetus) ;
– l’accumulation de liquide interstitiel et d’eau extracellulaire (oedèmes
physiologiques présents au niveau des membres inférieurs dans 80 % des
grossesses normales, au niveau des membres supérieurs dans 40 % des cas)
en relation avec l’augmentation de la pression veineuse, les modifications de
la perméabilité capillaire induite par les oestrogènes, et les variations de la
protidémie.
La prise de poids s’effectue normalement de manière harmonieuse :
– en début de grossesse existent des variations importantes liées à l’existence
fréquente de troubles digestifs ;
– entre 12 et 37 SA, la prise de poids est linéaire, les oedèmes physiologiques
ne modifient pas cet « axe d’homéostasie pondérale » ;
– en fin de grossesse, une stabilisation s’effectue et la courbe tend à
s’infléchir.
Le caractère linéaire de la prise de poids entre 12 et 37 SA fait que l’on peut
prévoir quelle sera la prise de poids totale ; et donc donner des conseils
diététiques, afin de limiter cette prise de poids, ou au contraire de
l’encourager.
C - Ajustements-métabolismes :
1-
Glucides
:
L’étude des glucides ne peut être envisagée sans tenir compte des apports
digestifs.
* Pendant la digestion
:
Dans les 5 à 6 heures qui suivent un repas, la grossesse se caractérise par une
résistance aux effets de l’insuline, c’est-à-dire qu’il faut davantage d’insuline
pour abaisser la glycémie.
Cela a été parfaitement démontré par la technique
dite des clamps euglycémiques : avec cette technique, l’action d’une quantité
déterminée d’insuline est réduite de 50 à 70 % au-dessous des taux de nongrossesse.
Cette diminution de l’action de l’insuline paraît liée à l’influence
d’hormones appelées « facteurs contra-insuline » : l’hPL (hormone
placentaire lactogène humaine), et à un moindre degré la progestérone, la
prolactine et le cortisol.
Avec l’avance de la grossesse, avec ces sécrétions contra-insuline qui augmentent, la résistance à l’insuline augmente.
Il est
possible que les taux élevés d’acides gras libres, que l’on observe dans la
grossesse, jouent un rôle dans cette résistance à l’insuline.
La diminution de l’action de l’insuline impose, pour maintenir l’euglycémie,
une sécrétion accrue d’insuline.
Cela est permis par une hyperactivité des
cellules bêta-pancréatiques.
En suivant les repas, au fur et à mesure que la grossesse avance et malgré cette
adaptation, de petites variations de la glycémie existent, et des variations
beaucoup plus importantes qu’en dehors de la grossesse de la sécrétion
d’insuline.
Les fluctuations des acides gras libres sont un peu plus importantes qu’en
dehors de la grossesse, après les repas, de même que les fluctuations des
acides aminés.
* Au cours du jeûne
:
Il est classique de dire que la grossesse s’accompagne d’un état de « jeûne
accéléré ».
Le jeûne s’accompagne d’un état d’hypoglycémie plus important
au cours de la grossesse.
La nuit, les taux de glycémie sont inférieurs de
10 mg/dL à ceux que l’on a en dehors de la grossesse.
Le mécanisme de cette
hypoglycémie de jeûne est complexe.
Les modifications des substrats gluconéogéniques, et notamment l’alanine, interviendraient.
Le jeûne prolongé s’accompagne d’une élévation des corps cétoniques et des
acides gras.
L’augmentation des taux d’acide gras provient de la
prédominance d’HPL, puisque l’insuline est très basse dans ces conditions du
jeûne.
Ces acides gras produisent des corps cétoniques.
Ces corps
cétoniques peuvent être utilisés comme source d’énergie.
Globalement, les hormones placentaires, et notamment l’HPL, dévient le
métabolisme maternel.
À l’état de jeûne, l’action lipolytique de l’HPL permet
d’utiliser les acides gras libres, en limitant la consommation de protides, pour
fournir de l’énergie.
Dans la phase postprandiale, les modifications
privilégient les transferts vers le foetus, à partir d’une glycémie légèrement
élevée, et d’une élévation légère de certains acides aminés.
De plus, la
résistance à l’insuline est plus importante au niveau du muscle squelettique
que du tissu adipeux, de sorte que les nutriments, en phase postprandiale, vont
plutôt vers le tissu adipeux, favorisant l’anabolisme maternel, et le stockage
de matériaux énergétiques.
2- Modifications des protéines plasmatiques et sériques
pendant la grossesse :
La grossesse va entraîner une baisse de la concentration totale sérique en
protéines au cours des 3 premiers mois, puis les taux sont stables à partir du
milieu de la gestation.
Le taux sérique des protéines diminue ainsi
globalement de 10 g/L.
Ces modifications vont être variables selon la sous classe
protéique.
* Préalbumine :
Elle subit des variations non significatives pendant la grossesse.
* Albumine :
La concentration sérique en albumine diminue rapidement au cours des
3 premiers mois puis continue à baisser lentement jusqu’au terme.
Le taux
moyen passe ainsi de 35 à 25 g/L.
Cette diminution de l’albuminémie est
responsable en majeure partie de la baisse de la protidémie.
L’hémodilution
semble être la principale explication.
La quantité totale d’albumine circulante
serait ainsi inchangée et son métabolisme demeure en fait identique.
L’hypoalbuminémie relative n’entraîne pas de stimulation de sa production
car celle-ci est inhibée par les hormones stéroïdes.
Cela reste discuté, et pour Hytten, la quantité totale de l’albumine circulante diminue pendant la
première moitié de la gestation puis elle retrouve sa valeur prégestationnelle
vers 36 SA.
L’albumine est le support majeur de la pression oncotique du plasma ; de plus,
elle représente un transporteur non spécifique de nombreuses substances
circulantes qui voient ainsi leur capacité de transport diminuer.
La pression
oncotique des protéines diminue au cours de la grossesse (28 mmHgen début
de grossesse jusqu’à 22 mmHg, en fin de grossesse).
Il existe toujours un
gradient entre la pression oncotique des protéines et la pression capillaire
pulmonaire, gradient supérieur à 10 mmHg.
* Globulines
:
Alpha-1 et alpha-2-globulines ont leur taux sérique qui augmente d’environ 1 g/L.
Le taux de bêta-globulines augmente également en atteignant 12 g/L à terme.
Il existe une diminution de la concentration en
γ-globulines
mais cette baisse est faible et semble ne concerner que les IgG3.
Les protéines porteuses des hormones sont augmentées.
L’alpha-2-macroglobuline semble augmenter d’environ 25 % au dernier
trimestre de la grossesse.
Cette protéine a une forte action antiplasmine et
paraît donc susceptible de jouer un rôle dans la coagulation intravasculaire
disséminée avec augmentation du risque thrombogène.
3- Modifications physiologiques des lipides chez la femme enceinte
:
Au cours de la grossesse, la concentration du sérum en lipides augmente
progressivement passant de 6 à 10 g/L.
Ces modifications quantitatives
s’accompagnent de profonds changements qualitatifs.
L’origine de ce
bouleversement physiologique est probablement hormonal.
* Triglycérides
:
Ils augmentent régulièrement pendant la grossesse avec un taux maximal à
terme atteignant deux à trois fois la concentration initiale ; de moins de 1 g/L
en début de grossesse, elle passe à 2 ou 3 g/L à terme.
Cependant, les
variations individuelles sont très importantes.
La prise pondérale semble
favoriser cette élévation des triglycérides.
Après l’accouchement, il y a un retour au taux antérieur en 6 semaines
environ.
Cette normalisation est plus rapide que celle du cholestérol et elle
semble être accélérée par l’allaitement.
* Cholestérol
:
L’augmentation paraît être linéaire, régulière et commencerait dès le début
de la grossesse jusqu’aux dernières semaines de la gestation.
Le mécanisme
de régulation du métabolisme du cholestérol n’est pas entièrement compris
pendant la grossesse.
La composition du régime alimentaire ne paraît pas
jouer de rôle important.
On sait également que l’administration de glucose ou
d’insuline aboutit à un effet opposé sur la cholestérolémie selon que la
patiente est gravide ou pas.
Le cholestérol libre augmente plus vite que le cholestérol estérifié pour
certains auteurs, parallèlement pour d’autres.
Après l’accouchement, le cholestérol retrouve son taux antérieur à la
grossesse en 8 semaines environ.
* Lipoprotéines :
Toutes les fractions lipoprotéiniques du plasma augmentent au cours de la
gestation.
L’augmentation concerne surtout les fractions
pré-bêta et bêta qui
correspondent aux lipoprotéines de basse densité (VLDL [very low density
lipoproteins] et LDL [low density lipoproteins]).
Les lipoprotéines de haute
densité HDL (high density lipoproteins) subissent des modifications peu
importantes.
Les apolipoprotéines augmentent.
Il existe également des modifications qualitatives.
Les lipoprotéines
deviennent plus riches en triglycérides.
Les HDL s’enrichissent
énormément en triglycérides.
Les interactions métaboliques entre les
différentes enzymes (les lipases, la lécithine-cholestérol-acyl-transférase)
expliquent une distribution particulière des différentes sous-classes de HDL.
Pendant la grossesse, il y a ainsi une prépondérance de la sous-classe de HDL
de grande taille et de faible densité HDL 2b.
La répartition des sous-fractions des LDL est également modifiée avec, à
l’inverse des HDL, un décalage vers les fractions les plus denses.
Ces
changements sont probablement en rapport avec l’état d’insulinorésistance et
avec l’action des oestrogènes.
* Phospholipides :
La concentration en phospholipides augmente régulièrement tout au long de
la grossesse.
De 2,5 g/L, elle atteint 3,5 à 4 g/L.
Le taux des céphalines triple,
celui des lécithines et des sphingomyélines double.
Les lysolécithines
baissent.
* Acides gras non estérifiés (acides gras libres) :
La lipacidémie varie rapidement selon de nombreuses circonstances,
notamment après le repas, avec l’effort ou le stress.
Son évaluation est de ce
fait difficile, mais on admet que la concentration sérique en acides gras libres augmente chez les gestantes.
Pendant l’accouchement, cette augmentation
peut être très élevée avec des taux dépassant les 1 000 ímol/L.
Cet effet est
probablement dû à l’action de l’ocytocine.
Les acides gras non saturés tels que les acides oléique, linoléique et arachidonique diminuent alors que les acides gras saturés palmitique et
stéarique augmentent.
* Mécanismes des modifications du métabolisme des lipides
:
Ces profonds changements sont probablement en relation avec les
bouleversements hormonaux.
Les acteurs les plus importants et les
mieux étudiés sont les oestrogènes, l’insuline, l’hormone lactogène
placentaire et la lipoprotéine lipase.
Ainsi, l’élévation des triglycérides peut être attribuée à l’action des
oestrogènes qui stimulent fortement la synthèse hépatique des VLDL,
principaux transporteurs de triglycérides à jeun.
Il s’y associe une diminution
de l’épuration car l’activité lipolytique du plasma diminue pendant la
gestation.
Les oestrogènes ont en effet une action inhibitrice sur la
lipoprotéine lipase.
L’augmentation du cholestérol LDL et de l’apoB pourrait
être en partie due à l’action de la progestérone.
Les LDL et HDL s’enrichissent
en triglycérides par diminution de l’activité de la lipoprotéine-lipase.
L’hormone lactogène placentaire exerce une action lipolytique tissulaire et
favorise la synthèse des VLDL.
La prolactine accélère l’utilisation des
triglycérides et régule les lipases ; cela explique la normalisation plus rapide
du taux de triglycérides en cas d’allaitement.
L’élévation des triglycérides permet de fournir de l’énergie à la mère en
économisant le glucose pour le foetus ; le cholestérol est utilisé pour la
synthèse des hormones stéroïdes placentaires.