Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou par hélicoptère Cours de
réanimation - urgences
Introduction
:
Le transport d’un patient présentant une
pathologie grave représente une situation à
risque qu’il convient d’évaluer au mieux
avant de décider d’un transfert.
Les risques
du transport paraissent faibles puisqu’ils
sont évalués à 5 % et semblent être plus en
relation avec l’état clinique et la difficulté de
réaliser des soins qu’avec le transport et la
mobilisation du patient.
La mise en
condition du patient permet d’assurer le
transport dans des conditions optimales de
sécurité et doit répondre à trois objectifs :
rétablissement et maintien des grandes
fonctions physiologiques (hémodynamique,
respiratoire et neurologique), prévention ou
traitement d’une aggravation de l’état
clinique du patient, prévention ou traitement
des conséquences du transport (douleurs,
stress...).
Enfin, l’expérience et la formation
du médecin, ainsi que le type de matériels,
doivent être adaptés à chaque type de
transport.
L’ensemble de ces contraintes justifie la prise
en charge de ces patients graves par des
services mobiles d’urgence et de réanimation
(Smur). On distingue deux types de
transport de patients :
– les transports primaires assurent
l’acheminement de patients préalablement
non hospitalisés vers une structure
hospitalière, le plus souvent de proximité ;
– les transports secondaires intrahospitaliers
ou interhospitaliers permettent d’amener les
patients vers une structure de soins mieux
adaptée à leur état clinique ou vers un
plateau technique où peuvent être réalisés
certains gestes chirurgicaux ou examens
paracliniques spécifiques, tout en assurant
la continuité des soins et une surveillance
rapprochée.
Contraintes liées
aux circonstances :
A - LORS D’UN TRANSFERT PRIMAIRE
:
La prise en charge extrahospitalière du
patient peut être soumise à un certain
nombre de contraintes.
L’environnement est
parfois hostile (mauvaises conditions
météorologiques, terrain accidenté...), le
patient peut ne pas être mobilisable
immédiatement, par exemple s’il est
incarcéré lors d’un accident de la voie
publique.
La présence fréquente de témoins peut gêner
la prise en charge du patient, mais peut
aussi apporter des renseignements
importants, en particulier sur les
circonstances de l’accident.
L’anamnèse est
en effet souvent difficile à connaître, en
particulier lorsque la gravité du patient ne
permet pas un interrogatoire direct.
La prise
en charge d’un patient avant son
hospitalisation impose de reconnaître une ou
des détresses vitales, de les traiter, en tenant
compte du mécanisme lésionnel éventuel, et
d’effectuer un bilan des lésions le plus
complet possible.
Dans un contexte traumatologique, la
connaissance du mécanisme lésionnel et des
circonstances du traumatisme permet
d’orienter le diagnostic vers des associations
lésionnelles : une décélération brutale peut
orienter vers la désinsertion d’un gros
vaisseau, une lésion splénique ou hépatique.
À une chute de grande hauteur, les lésions
associées au port de la ceinture de sécurité
sont également bien décrites actuellement.
L’examen clinique est parfois réalisé dans
des conditions difficiles.
Après que l’on a
identifié la ou les détresses vitales, débuté
un traitement urgent et défini une ligne de
conduite, on réalise l’examen clinique
complet.
Pendant la phase de prise en
charge, l’examen clinique doit être répété
afin d’apprécier l’évolution clinique du
patient.
La mise sous scope, les mesures
d’oxymétrie pulsée et de capnométrie sont
actuellement couramment utilisées, ainsi que
les mesures de glycémie capillaire, de
l’hématocrite et de l’hémoglobinémie par
microméthode.
Lors de la prise en charge
d’un patient retrouvé inconscient à domicile,
le diagnostic d’intoxication au CO peut être
étayé par la mesure de CO dans l’air ambiant.
Les éléments d’orientation
diagnostique peuvent être rassemblés par
l’interrogatoire des témoins ou par la fouille
des locaux.
La décision thérapeutique est guidée en
premier lieu par la nécessité de traitement
des détresses vitales afin de stabiliser l’état
du patient et, si possible, de l’améliorer
avant le transport.
Ce traitement est
essentiellement symptomatique lors de la
prise en charge extrahospitalière.
Il est basé
sur le rétablissement d’une fonction
respiratoire correcte et le contrôle des voies
aériennes supérieures (les indications
d’intubation trachéale et de ventilation
assistée sont relativement larges chez un
patient dans un état grave et devant être
transporté).
La fonction circulatoire est
optimisée par le remplissage vasculaire en
cas d’hypovolémie ou par l’administration
de drogues vasoactives en cas de défaillance
cardiaque.
L’urgence du transport doit être
évaluée, afin par exemple de ne pas perdre
de temps lors d’une hypovolémie aiguë qui
ne pourra être maîtrisée que par un geste
chirurgical.
Le moyen de transport par
ambulance ou par hélicoptère est choisi en
fonction de l’urgence du transport, de sa
durée, mais également des conditions
météorologiques.
B - LORS D’UN TRANSFERT INTRAOU
INTERHOSPITALIER (TIH)
:
L’objectif de la médicalisation de ce type de
transport est d’assurer, outre la continuité
des soins, une surveillance continue des
patients.
Il existe trois types principaux de
transfert :
– transport vers une unité de réanimation
d’un patient déjà hospitalisé dans un autre
service et dont l’état s’aggrave ou d’un
patient admis aux urgences dans un état
grave.
La prise en charge de ce type de
patient peut parfois s’apparenter à la prise
en charge préhospitalière avec nécessité
d’une phase de stabilisation avant le
transport ;
– transport depuis le service de réanimation
vers un plateau technique pour un examen
à visée diagnostique.
Ce type de transport,
très fréquent, n’est pas anodin pour autant,
puisque environ 20 à 30 % des TIH sont
suivis de modifications thérapeutiques.
Les risques sont en partie liés à la longue
durée des déplacements, à l’inadaptation des
sites et du personnel technique pour le
monitorage et la surveillance, ainsi qu’aux
difficultés d’accès au patient en cas
d’incident.
Un patient dont l’état clinique
reste instable peut nécessiter que l’équipe de
transport reste sur place pendant l’examen ;
– transport du ou vers un bloc opératoire.
Il
s’agit d’un transport à risque en raison de la
pathologie qui motive le transfert au bloc
opératoire (choc hémorragique...) et parce
que la période postopératoire immédiate est
une période à risque.
En sortie de bloc, le
transfert se fait donc, au mieux, après un
passage en salle de surveillance
postopératoire (SSPI).
Contraintes liées
au transport :
A - DIFFÉRENTS MODES DE TRANSPORT
:
1- Moyens terrestres
:
Les moyens terrestres sont représentés par
les différents types de véhicules sanitaires :
unité mobile hospitalière (UMH), véhicules
de secours aux asphyxiés et blessés des
pompiers (VSAB), et enfin, ambulances
privées.
2- Moyens aériens
:
Les moyens aériens sont principalement
représentés par l’hélicoptère, mais aussi par
l’avion lors des transferts interhospitaliers de
longue distance.
3- Choix du moyen de transport
:
Le choix du moyen de transport s’effectue
en fonction de la distance du trajet (plus de
40 km), de la topographie de la zone
d’intervention (montagne/mer) et enfin, du
type de pathologie.
Il semble que les
pathologies ou terrain médicaux qui
bénéficient le plus du transport héliporté
soient : le polytraumatisme (injury severity
score > 16), le traumatisme crânien,
l’enfant traumatisé, la néonatologie et
l’obstétrique.
À l’opposé, il semblerait que
le transport héliporté puisse aggraver les
patients présentant une pathologie
coronaire.
B - EFFETS DU TRANSPORT
:
1- Mobilisation
:
Les changements de position d’un patient
influencent la répartition du volume sanguin
circulant et peuvent entraîner ou aggraver
une instabilité hémodynamique, d’autant
plus que le déficit volémique est important.
Par ailleurs, la mobilisation, outre qu’elle
accentue les phénomènes douloureux, peut
avoir des effets particulièrement délétères,
spécialement dans un contexte traumatologique,
avec des risques de compression
nerveuse ou vasculaire, d’embolie graisseuse
(fracture diaphysaire mal immobilisée), voire
aggraver le déficit neurologique sur un
rachis insuffisamment immobilisé.
2- Accélérations. Décélérations
:
Elles sont de type longitudinal, latéral ou
vertical.
Un malade allongé perçoit surtout
les accélérations longitudinales et latérales.
Lors du transport terrestre, ces accélérations
peuvent être importantes, en particulier lors
de freinage (0,6 à 1,85 g) ou dans les virages
(0,4 g).
Elles sont plus importantes
lorsque le transport se fait à haute vitesse
(70 km/h de moyenne) avec accélération et
freinage, que lorsqu’il s’effectue à vitesse
régulière (40 km/h), et peuvent alors être
responsables de variations significatives de
la fréquence cardiaque et de la pression
artérielle.
Lors d’un transport héliporté,
les accélérations verticales sont faibles et
n’ont pas de répercussion hémodynamique.
3- Vibrations
:
Les vibrations mécaniques qui sont générées
par le moteur ou par le contact du véhicule
avec le sol sont caractérisées par leur
fréquence.
Les basses fréquences
correspondent aux bornes de résonance du
corps humain (12 Hz pour la colonne
vertébrale, 6 Hz pour le coeur, 60 à 90 Hz
pour le globe oculaire).
Ces vibrations
sont la source de trépidations qui vont gêner
la surveillance du patient (parasites au
niveau du monitorage, gêne pour réitérer
l’examen clinique) ou la réalisation d’un
geste éventuel.
Elles peuvent être la source
de chute de matériel mal fixé dans la cabine
sanitaire, de déplacement de cathéter, voire
de sonde d’intubation.
La nécessité absolue
d’une bonne fixation de tous les éléments de
surveillance et de traitement du patient n’est
donc pas une vue de l’esprit.
Les vibrations
mécaniques peuvent également induire une
mobilisation, voire un déplacement des
foyers de fracture mal immobilisés et
augmenter ainsi les phénomènes
douloureux.
Elles sont particulièrement
dangereuses lors d’une plaie oculaire, avec
un risque accru d’issue du contenu de l’oeil.
Les vibrations étant maximales lors d’un
transport héliporté, ce transport n’est pas
indiqué lors des plaies pénétrantes de l’oeil.
C - CONSÉQUENCES GÉNÉRALES
:
1- Sur le patient
:
* Hémodynamiques
:
Les modifications hémodynamiques sont les
modifications les plus fréquentes lors du
transport de patient dans un état grave.
Elles
sont liées à l’état hémodynamique, mais
également à l’excès ou au défaut d’analgésie
et de sédation des patients.
La fréquence des
modifications hémodynamiques liées au
transport est très variable d’une étude à
l’autre, en fonction des critères retenus d’une
part, et de l’état de santé sous-jacent du
patient d’autre part.
Szem et al ont
retrouvé une fréquence de 5,9 % de
complications lors de transports
intrahospitaliers, dont 41 % d’origine
hémodynamique et 16 % d’hypotensions
nécessitant une intervention médicale.
Pour Bellinger et al, lors du transport de
patient présentant un infarctus du
myocarde, une hypotension artérielle était la
complication la plus fréquemment retrouvée,
devant les blocs auriculoventriculaires du
3e degré et les tachycardies ventriculaires
non soutenues.
* Respiratoires
:
Les modifications respiratoires survenant
lors du transport de patients sont liées au
contrôle des voies aériennes supérieures ou
sont en relation avec une aggravation de la
fonction ventilatoire ou une ventilation
inadéquate du patient.
Lorsqu’elles sont
liées au contrôle des voies aériennes, il peut
s’agir d’un patient non intubé dont la
fonction ventilatoire se dégrade en cours de
transfert ou d’un patient intubé et ventilé,
avec une obstruction ou un déplacement de
la sonde d’intubation, voire une extubation.
La difficulté vient alors des conditions dans
lesquelles le patient doit être éventuellement
(ré)intubé.
Les problèmes ventilatoires vrais
sont également très fréquents.
Waydhas et al
ont observé, lors de 49 transports
intrahospitaliers, une diminution du rapport
pression artérielle en oxygène/concentration
de l’oxygène dans l’air inspiré (PaO2/FiO2)
chez 84 % des patients.
Actuellement, les
modifications respiratoires en cours de
transport sont plus rapidement mises en
évidence grâce à la surveillance de la
saturation périphérique en oxygène (SpO2)
et la mesure de CO2 expiré (PeTCO2) par la capnographie.
* Neurologiques
:
Le transport peut être responsable d’une
aggravation des lésions du système nerveux
lors d’un traumatisme rachidien ou lors d’un
traumatisme crânien grave.
L’aggravation
des lésions neurologiques rachidiennes se
rencontre essentiellement à l’occasion des
manipulations (ramassage, brancardage...)
alors que l’aggravation des lésions
neurologiques cérébrales est en relation avec
un défaut de ventilation, un défaut de
sédation ou une hypoperfusion cérébrale.
Gentelman et al retrouvent une hypoxie
dans 22 % des cas alors que David et al
retrouvent respectivement une hypercapnie
ou une hypocapnie profonde chez 43 et 38 %
d’entre eux.
Ces anomalies étaient
essentiellement en relation avec un défaut
de ventilation (sur- ou sous-estimation des
besoins) ou un défaut de sédation.
La
fréquence et l’importance du retentissement
de ces lésions cérébrales secondaires induites
par des modifications hémodynamiques ou
respiratoires lors du transport des patients
ont été bien décrites par Gentelman et
Jennett.
* Thermiques
:
Le brûlé, le polytraumatisé, les enfants, a
fortiori prématurés, sont particulièrement
sensibles à l’hypothermie.
Celle-ci peut être
présente lors de la prise en charge ou
apparaître lors du transport.
Elle est alors
liée à une absence de protection thermique
ou à la perfusion de solutés de remplissage
à basse température.
L’hypothermie est
délétère car responsable de troubles
multiples parmi lesquels des troubles
hémodynamiques ou rythmiques, infectieux
ou métaboliques.
Elle est responsable d’une
mortalité et d’une morbidité accrue.
* Digestives
:
Leur fréquence est difficile à évaluer.
Elles
sont représentées par les nausées et les
vomissements lors du transport terrestre et
par les phénomènes de dilatation des gaz
digestifs lors du transport aérien
(dysbarisme). Leur prévention passe par la
pose d’une sonde nasogastrique et/ou la
prise d’antiémétique.
2- Conditions de surveillance
et de soins
:
La surveillance et les soins dont bénéficie le
patient doivent être de qualité équivalente à
ce qu’ils seraient en service de réanimation,
et ce malgré un environnement parfois
défavorable.
Cela impose la présence d’un
matériel d’anesthésie-réanimation et de
surveillance prévus pour le transport.
Ce matériel doit permettre de
réaliser une intubation endotrachéale, de
ventiler le patient, de mettre en place une
perfusion intraveineuse ou un drainage
pleural et enfin, d’administrer des
médicaments d’urgence.
L’équipement du moyen de transport
comporte au minimum :
– au niveau circulatoire, un électrocardioscope
avec un enregistreur de tracé
électrocardiographique (ECG) et un
défibrillateur, un appareil de mesure
automatique non invasive de la pression
artérielle, des dispositifs de perfusion à débit
continu (pousse-seringue électrique par
exemple) ;
– au niveau respiratoire, une quantité
d’oxygène en bouteilles suffisante pour
couvrir la totalité du transport, un
respirateur de transport muni d’une alarme
de débranchement et d’une mesure de la spirométrie, un insufflateur manuel de
secours, un aspirateur de mucosités, un
oxymètre de pouls, un capnographe.
Tous ces appareils doivent être portables,
autonomes en énergie pour la durée du
trajet, et munis d’alarmes.
Doivent également se trouver dans le
véhicule : un brancard adapté, un matelas à
dépression (« coquille »), des dispositifs
d’immobilisation cervicale ou d’immobilisation
de membres, un accélérateur de
perfusions (blood-pump), un dispositif
d’entraînement électrosystolique externe, un
pantalon antichoc, un appareil de mesure de
la glycémie, de l’hémoglobine ou de
l’hématocrite, de la température, un moyen
de prévention de l’hypothermie.
Le matériel
de surveillance de la pression artérielle
sanglante, du cathétérisme des cavités
droites (Swan-Ganz) doit être disponible au
niveau de l’organisme prenant en charge le
transport.
Modalités d’organisation
et de réalisation :
A - ORGANISATION
:
1- Moyens
:
La loi n° 86-11 du 6 janvier 1986 définit
l’aide médicale urgente comme une
organisation qui a pour objet de faire assurer
aux malades, blessés et parturientes, quel
que soit l’endroit où ils se trouvent, les soins
d’urgence appropriés à leur état.
De plus est
créé le Centre de réception et régulation des
appels (CRRA).
Le décret n° 87-1005 du 16 décembre 1987
précise les missions du service d’aide
médicale d’urgence (Samu) :
– assurer une écoute médicale permanente ;
– déterminer et déclencher, dans le délai le
plus rapide, la réponse la mieux adaptée à
la nature des appels ;
– s’assurer de la disponibilité des moyens
d’hospitalisation publics ou privés adaptés à
l’état du patient, compte tenu du respect du
libre choix, et faire préparer son accueil ;
– organiser, le cas échéant, le transport dans
un établissement public ou privé, en faisant
appel à un service public ou à une entreprise
privée de transport sanitaire ;
– veiller à l’admission du patient ;
– participer à des tâches d’éducation
sanitaire, de prévention et de recherche.
Le même décret met en place pour les CRRA
un numéro d’appel téléphonique unique, le
15.
Le décret n° 97-620 du 30 mai 1997 stipule
que le médecin d’une équipe de Smur doit
être thèsé (ou, pour les internes de spécialité, avoir validé quatre semestres) et doit avoir
acquis une formation à la prise en charge
des urgences, soit par une qualification
universitaire, soit par une expérience
professionnelle d’au moins 1 an dans le
domaine de l’urgence et de la réanimation.
De plus, pour les interventions du Smur qui
requièrent l’utilisation de techniques de
réanimation, l’équipe doit comporter au
moins trois personnes, dont le responsable
médical de l’intervention et un infirmier.
2- Régulation
:
Les interventions des Smur sont déclenchées
et coordonnées par le Centre de réception et
de régulation des appels (CRRA) du Service
d’aide médicale urgente (Samu).
Lorsqu’un
appel est reçu par le CRRA, le premier
interlocuteur est un permanencier auxiliaire
de régulation médicale (PARM).
Celui-ci doit
obtenir les coordonnées de l’appelant. Si
l’objet de l’appel est une demande de
renseignements simples, non directement
médicaux, le PARM pourra y répondre seul.
Dans les autres cas, l’appel est transféré au
médecin régulateur, anesthésisteréanimateur
ou urgentiste du Samu.
Pour
les centres recevant un important flux
d’appels, la régulation médicale peut être
organisée en deux pôles :
– un pôle de médecine libérale, répondant aux
demandes de conseils médicaux ou aux
urgences médicales relatives, pouvant faire
proposer une consultation au cabinet du
médecin traitant, une consultation à
domicile par un médecin de garde ou faisant
partie d’une association privée de médecins
urgentistes, ou l’envoi d’une ambulance
privée pour assurer le transport vers un
service d’accueil des urgences ;
– un pôle de médecine hospitalière pour tous
les cas justifiant a priori une réponse urgente
de type Smur ou pour toutes les demandes
de TIH de patients.
Il peut être fait appel aux pompiers par une
demande d’envoi d’un VSAB, dans le cadre
d’urgences nécessitant des « prompts
secours », a fortiori pour les urgences sur la
voie publique.
Le médecin régulateur participe à la décision
de transport, choisit le mode de transport le
plus adapté à l’état du patient, vérifie et
assure la bonne coordination entre les
différents intervenants : le service d’origine
(cas d’un transfert), le service de destination
du patient, enfin, l’équipe médicale du Smur. Cette dernière tient le CRRA informé
du déroulement de l’intervention.
Les
critères de décision pour l’envoi d’une
équipe du Smur concernent l’état du patient
et les conditions éventuelles du transport
(distance, moyen de transport).
La réponse
médicale doit être graduée, appropriée au
type d’urgence et au niveau de gravité
estimé.
Tout patient dans un état grave ou
susceptible de s’aggraver du fait de sa
pathologie et/ou du transport doit pouvoir
bénéficier de soins de réanimation adaptés à
son état lors de son transfert.
Sont concernés
les patients ayant une détresse vitale avérée
ou potentielle, un risque fonctionnel avéré
ou potentiel, associés ou non à des douleurs
nécessitant une prise en charge spécifique.
La décision d’un TIH doit être justifiée en
termes de bénéfice attendu par rapport au
risque potentiel du transport.
Le bénéfice
attendu peut être lié à des moyens de
surveillance et de traitement plus adaptés à
l’état du patient, à l’existence d’un plateau
technique de haute technologie permettant
d’affiner un diagnostic, ou à une meilleure
capacité de l’équipe médicale du service
d’accueil à assurer la prise en charge du
patient.
Ces conditions sont fréquemment
réunies dans le cadre du transfert de patient
des hôpitaux de proximité vers les centres
hospitaliers universitaires.
Le transfert se fait
alors dans des délais qui dépendent d’une
part de son urgence, et d’autre part de la
disponibilité des moyens nécessaires,
moyens qui doivent être mobilisés en
priorité pour des urgences préhospitalières.
La notion de chaîne de soins est
primordiale : il ne doit pas y avoir de hiatus
dans la surveillance et le suivi médical de
ces patients.
Aussi la transmission du
dossier et des consignes doit-elle être
systématique et rigoureuse, que ce soit au
départ du service d’origine ou à l’arrivée
dans le service de destination.
B - RÉALISATION PRATIQUE
:
1- Mise en condition
avant le transport
:
* Prise en charge préhospitalière (intervention
de type primaire)
:
Dès l’arrivée de l’équipe Smur auprès du
patient, l’examen du patient est la première
des tâches que le médecin va effectuer.
Il
s’agit d’une étape indispensable à
l’évaluation de la situation et au dépistage
des détresses médicales.
Une détresse circulatoire est suspectée
devant l’existence d’une pâleur, de sueurs
abondantes et froides, d’une agitation ou au
contraire d’un état stuporeux, d’une
augmentation du temps de recoloration
capillaire, d’un pouls rapide et filant, d’une
pression artérielle effondrée, d’une
bradycardie.
Les circonstances et l’anamnèse
recueillies auprès du patient et/ou des
témoins éventuels, ainsi que l’examen
clinique peuvent orienter le diagnostic
étiologique et préciser le mécanisme physio-pathologique : défaillance
myocardique primitive ou secondaire
(épanchement péricardique...), choc
hypovolémique (contexte traumatologique
ou brûlure importante), choc à résistance
vasculaire effondrée (sepsis, anaphylaxie).
Une détresse respiratoire peut se manifester
par une dyspnée avec tachypnée ou
bradypnée, des mouvements respiratoires
volontiers anormaux de faible amplitude ;
l’existence d’une respiration paradoxale
(signe d’épuisement).
Les signes associés
fréquemment retrouvés sont une cyanose,
des troubles de conscience pouvant aller de
l’agitation au coma, des troubles
hémodynamiques pouvant se manifester par
une hyper- ou une hypotension artérielle
systémique.
Là encore, les éléments
anamnestiques, circonstanciels et cliniques
permettent de déterminer ou d’approcher la
cause de cette détresse.
Devant une détresse neurologique, dont la
principale manifestation est un trouble de la
conscience, il convient d’abord d’éliminer les
causes secondaires de trouble de la
conscience : détresse cardiaque, respiratoire,
métabolique (hypo- ou hyperglycémie,
insuffisance hépatocellulaire, insuffisance
rénale), intoxication ou traumatisme.
Une
mesure rapide de la glycémie capillaire doit
également être effectuée le plus vite possible.
L’anamnèse pourra orienter sur une cause
neurologique primitive telle qu’une crise
convulsive ou un état de mal, un accident
vasculaire cérébral.
L’examen clinique est orienté en fonction du
type de pathologie présentée par le patient :
– auscultation soigneuse du coeur et des
gros vaisseaux, prise de pression artérielle
aux quatre membres, recherche des pouls
périphériques, ECG en cas de suspicion de
pathologie cardiovasculaire ;
– auscultation des champs pulmonaires,
percussion, recherche d’un hippocratisme
digital si une pathologie pulmonaire est
suspectée ;
– mesure du score de Glasgow, examen des
pupilles et des paires crâniennes, recherche
de déficit sensitivomoteur ou de signes
méningés si une pathologie neurologique est
suspectée.
L’examen de l’abdomen peut être motivé par
l’existence d’une douleur spontanée ; il est
systématique dans un contexte traumatologique.
L’existence d’une défense abdominale
signe un épanchement intrapéritonéal.
Enfin,
dans le cadre de la traumatologie, le massif
facial, le bassin et les membres sont
soigneusement inspectés.
S’il existe une
fracture, la recherche de complications à
type de compression vasculaire ou nerveuse
est systématique.
À l’issue de l’examen clinique, une synthèse
rapide permet d’appréhender la
physiopathologie ou le mécanisme lésionnel,
ainsi que l’état de gravité du patient.
L’installation du monitorage s’effectue en
même temps que l’examen clinique.
Au niveau thérapeutique, les détresses
vitales sont bien évidemment traitées en
priorité. L’objectif est de stabiliser, voire
d’améliorer l’état du patient avant le
transport.
Si seul un traitement chirurgical
urgent est susceptible d’améliorer la
symptomatologie, il convient de ne pas
perdre de temps lors de la prise en charge :
l’objectif de la réanimation initiale se limite
à la stabilisation du patient ou, au minimum,
à l’obtention d’un état permettant le
transport jusqu’au bloc opératoire le plus proche.
Dans les autres cas, la réanimation
initiale s’applique à améliorer l’état du
patient avant le transport afin de minimiser
les risques inhérents à ce dernier.
La pose
d’une voie veineuse périphérique de bon
calibre est systématique chez le patient dans
un état grave devant être transporté.
Au
niveau respiratoire, les indications
d’intubation trachéale et de ventilation
assistée sont larges en raison du risque
d’aggravation de l’état respiratoire au cours
du transport.
La sédation et l’analgésie sont
adaptées avant que ne débute le transport,
en particulier dans les contextes
traumatiques. L’installation du patient pour
le transport doit être soigneuse.
Le brancard
doit être solidement arrimé dans l’habitacle ;
une vérification soigneuse de la fixation des
voies d’abord veineuses, des drains et
sondes doit être systématique.
Le matériel
contenu dans le véhicule doit être
solidement attaché.
Les médicaments et
solutés de perfusion éventuellement
nécessaires doivent être à portée de main.
Avant le transport, le médecin de l’équipe Smur se met en contact avec le médecin
régulateur afin de préciser l’état du patient
et le type de service qui est le plus adapté à
son état.
* Prise en charge en vue d’un transport
secondaire
:
Le plus souvent, l’état du patient a été
stabilisé par l’équipe soignante du service
d’origine.
Cependant, la prise en charge peut
parfois s’apparenter à une situation
extrahospitalière : malade s’aggravant dans
un service de médecine, découverte fortuite
lors d’un examen paraclinique d’une
pathologie potentiellement grave...
Le
médecin responsable du patient transmet le
dossier médical et l’observation au médecin
qui va assurer le transport. Ils évaluent
ensemble l’état du patient et adaptent les
soins en cours, ainsi que les éléments de
surveillance nécessaires au transport.
Les
données sont ensuite transmises au médecin
régulateur avant le départ.
Seul le médecin
du Smur assurant le transport a la
responsabilité de déterminer la faisabilité ou
non du transfert et les éventuels soins ou
examens paracliniques nécessaires avant
celui-ci.
2- Surveillance et soins
pendant le transport
:
Pendant le transport, la surveillance doit être
absolument constante et adaptée à l’état du
patient.
Elle porte sur des éléments cliniques
et sur le monitorage multimodal du patient.
Il ne faut jamais oublier que les conditions
du transport sont toujours un élément
perturbateur lors de la réalisation d’un
examen clinique ou de gestes de
réanimation.
Le médecin responsable du
transport s’attache particulièrement à déceler
les modifications hémodynamiques,
respiratoires et neurologiques liées au
transport.
Dans certains cas, l’état clinique
du patient a nécessité la mise en place
d’appareils médicaux spécifiques dans un
but thérapeutique (drain thoracique, sonde
d’entraînement électrosystolique, dérivation
de liquide céphalorachidien...) ou de
monitorage (pression artérielle invasive,
sonde de Swan-Ganz, capteur de pression
intracrânienne...).
Ces techniques doivent
être connues du médecin responsable du
transport ; il doit en connaître les
indications, le fonctionnement, ainsi que les
conduites à tenir en cas de dysfonctionnement.
3- Transmission à l’accueil
hospitalier
:
Lors de l’arrivée du patient dans le service
de destination, celui-ci est confié par le
médecin responsable du transport au
médecin du service qui le prend en charge.
La transmission est à la fois verbale et écrite
et doit se faire de médecin à médecin.
Elle
comporte d’une part les éléments
anamnestiques et circonstanciels concernant
le patient, ainsi que le type de pathologie
présenté, l’examen clinique initial, les gestes
thérapeutiques effectués avant et pendant le
transport, l’ensemble des paramètres de
surveillance notés à intervalles réguliers
pendant le transfert et le dossier médical du
patient.
Une transmission des soins
infirmiers peut également être effectuée sous
forme orale et/ou écrite par l’infirmier de
l’équipe.
L’ambulancier se charge de la
transmission des renseignements
administratifs et du vestiaire du patient.
Cas particuliers
:
A - MISE EN CONDITION
DU POLYTRAUMATISÉ :
Les polytraumatisés ont constitué la
première des raisons qui ont conduit à la
médicalisation des secours en France.
À son
arrivée sur les lieux de l’accident, le médecin
de l’UMH doit être capable :
– d’identifier et traiter les détresses vitales,
particulièrement celles qui vont nécessiter
un geste chirurgical d’urgence ;
– d’effectuer un bilan lésionnel complet, de
la tête aux pieds ;
– de lutter contre les facteurs aggravants
(douleur, hypothermie...) ;
– de décider, en accord avec le médecin
régulateur, du lieu et du moyen de transport
les plus adaptés à l’accueil et au transport
de la victime ;
– de surveiller et de poursuivre les soins
pendant l’évacuation.
1- But d’un bilan rapide
de la situation avant les soins
:
Par le coup d’oeil général et le contact avec
le responsable des premiers secours sur
place (ou à défaut des témoins), il convient
de :
– s’assurer en priorité, même si cela est
censé avoir été fait, qu’il n’y a pas de risque
évolutif (suraccident, explosion...) ;
– dénombrer, selon les circonstances, les
victimes et d’apprécier sommairement la
gravité de leurs blessures apparentes
respectives.
Ce triage rapide permet de
décider des priorités thérapeutiques, en
répartissant les tâches, et de demander
d’éventuels renforts matériels ou humains ;
– recueillir un maximum d’informations
permettant d’orienter le bilan lésionnel en
fonction des circonstances du traumatisme
(impact direct, indirect, décélération) et de
l’état initial (le blessé a-t-il été déplacé ?
quelle était sa position initiale ? était-il
conscient ?).
2- Stratégie de prise en charge
:
La controverse demeure entre l’attitude de
Scoop and Run, chère aux Anglo-Saxons, et
celle de la médicalisation sur le terrain,
adoptée en France.
Il semble que l’attitude à
adopter dépende étroitement de la
pathologie considérée.
En effet, si le facteur
temps est crucial dans certaines
circonstances où la seule solution
thérapeutique est chirurgicale (hémorragie
non contrôlée, hématome extradural), il
persiste des situations où une médicalisation
préalable au transport est bénéfique au
patient (obstruction des voies aériennes,
traumatisme crânien grave).
La prise
en charge optimale suppose la présence
d’une équipe médicale entraînée, réalisant
les gestes thérapeutiques indispensables à la
mise en sécurité des patients, sans qu’ils
soient pour autant synonymes d’excès
thérapeutique et de perte de temps.
3- Réanimation de « sauvetage »
:
Il s’agit de rétablir une ventilation alvéolaire
efficace, un état hémodynamique satisfaisant
et de combattre toute source d’aggravation
des lésions neurologiques.
* Rétablir une ventilation alvéolaire efficace
:
Le premier geste à faire est de s’assurer de
la liberté des voies aériennes et d’oxygéner
largement le patient.
Les détresses
c i rculatoires ou respiratoire s , l e s
traumatismes crâniens graves, les gros
délabrements maxillofaciaux sont des
indications d’intubation orotrachéale.
Après
installation d’un monitoring complet
(pression non invasive, électrocardioscope,
SpO2), mise en place d’une voie veineuse
périphérique, préparation du matériel
d’aspiration, préoxygénation pendant
3 minutes, l’intubation de la trachée est
réalisée par voie orale avec une induction
de l’anesthésie en séquence rapide.
Durant
cette phase, il est indispensable de maintenir
la rectitude du rachis.
Dans certains
traumatismes faciaux ou laryngés, une
ponction trans-trachéale ou une cricothyroïdotomie, à l’aide d’un banal
cathéter veineux (du plus gros calibre possible) ou de dispositifs spéciaux
(Quicktracht ou Minitracht II) peuvent
permettre une ventilation de sauvetage et
une oxygénation temporaire.
Un
épanchement thoracique n’est à drainer
qu’en cas de mauvaise tolérance clinique.
* Prise en charge hémodynamique
:
La sous-estimation d’une hypovolémie lors
de la prise en charge préhospitalière est très
fréquente.
Quelques signes cliniques
peuvent, dans le contexte, aider au
diagnostic : il s’agit d’une pâleur des
téguments, d’une élévation de la fréquence
cardiaque, d’une hypotension artérielle, d’un
temps de recoloration capillaire supérieur à
2 secondes, de points d’appels hémorragiques
(plaie vasculaire avec saignement
extériorisé, défense abdominale...).
Un
trouble du comportement peut parfois
accompagner ces signes (agitation,
confusion, prostration...).
Si l’interprétation
des chiffres de fréquence cardiaque et de
pression artérielle reste difficile en préhospitalier, en raison de l’intrication des
pathologies (en particulier crâniennes), des
tares associées (souvent méconnues en
période préhospitalière) et de la mise en
oeuvre de mécanisme compensateur, la
mesure immédiate de la fréquence cardiaque
et des pressions artérielles systolique et
diastolique reste l’un des premiers gestes à
effectuer : une chute de pression artérielle
avec une tachycardie étant un signe évident
d’hypovolémie.
Une pression artérielle
différentielle pincée (inférieure à 35 mmHg),
liée au maintien d’une pression artérielle
diastolique par la vasoconstriction, est un
indicateur de choc hypovolémique ou
cardiogénique.
Un effondrement de la
pression artérielle, témoin d’un dépassement
des mécanismes de compensation, serait le
reflet d’une perte sanguine supérieure à
30 % de la volémie.
La présence, dans ce
contexte, d’une bradycardie doit faire
évoquer la possibilité d’une bradycardie dite
paradoxale, témoin d’une hypovolémie
sévère, et qu’il est impératif de respecter,
sous peine de désamorçage de la pompe
cardiaque.
L’atropine est alors strictement
contre-indiquée.
En cas d'arrêt
cardiorespiratoire, la réanimation suit les
mêmes règles que pour un arrêt cardiaque
d’origine médicale.
Lors d’un état de choc, en particulier hypovolémique, l’objectif de pression
artérielle va dépendre de l’association
éventuelle à des lésions du système nerveux
central, mais également du terrain sur lequel
survient le traumatisme (âge, insuffisance
coronaire...).
Chez un sujet jeune qui
présente une plaie vasculaire isolée dont
l’hémostase peut être rapidement effectuée,
la correction complète de l’hypotension par
un soluté cristalloïde peut être néfaste.
L’objectif de pression artérielle systolique
(80-90 mmHg) correspond au seuil
d’autorégulation des circulations cérébrales
et coronaires.
Les traumatismes graves de
la face avec hémorragie nasale et/ou buccale
(en l’absence de lésions encéphaliques
majeures), ainsi que les fractures de la
ceinture pelvienne avec instabilité tensionnelle (en l’absence de lésions
thoracoabdominales) justifient de la même
attitude thérapeutique lors de la prise en
charge initiale.
Pour les patients âgés,
porteurs d’une cardiomyopathie ischémique
et/ou hypertensive ou lorsqu’un
traumatisme crânien grave est associé,
l’objectif de pression artérielle systolique
devient 110-120 mmHg.
Cet objectif de
remplissage vasculaire est atteint par
l’expansion volumique, à base de solutés
cristalloïdes et/ou colloïdes.
Au-delà de
2 000 mL de soluté cristalloïde isotonique, le
recours aux solutés colloïdes de synthèse
s’impose.
Cependant, une hémodilution trop
importante est à éviter car elle est
susceptible d’augmenter le risque
hémorragique.
L’apport de produits
sanguins permet un transport en oxygène
satisfaisant (hématocrite entre 25 et 30 %)
et une hémostase adéquate (hématocrite
supérieur à 25 %, nombre de plaquettes
supérieur à 50·109 G·L-1, temps de Quick
supérieur à 50 %, fibrinogène supérieur à
1 g·L-1). Le réchauffement des solutés
(et du patient) peut être utile pour éviter de
créer ou d’aggraver une hypothermie et
pour maintenir une température centrale
entre 36 et 37 °C.
Le recours à une
catécholamine peut être justifié pour
atteindre plus vite l’objectif thérapeutique,
en particulier quand l’hypovolémie s’associe
à une vasoplégie précoce, ou pour limiter le
volume liquidien perfusé.
La dopamine est,
en raison de sa maniabilité, la plus
fréquemment utilisée.
Dans le cas d’un traumatisme sousdiaphragmatique
avec hypovolémie
importante, le pantalon antichoc peut être
installé sur le matelas à dépression, sans être
gonflé.
En cas d’échec des premières
mesures thérapeutiques (remplissage,
catécholamines) et pression artérielle
effondrée, il est alors gonflé, réalisant ainsi
une compression du système artériel et
veineux sous-diaphragmatique.
Les
indications du pantalon antichoc sont les
traumatismes abdominaux avec hémorragie
incontrôlable, les saignements liés à une
fracture du bassin ou les hématomes rétropéritonéaux (effet hémostatique) avec
choc hémorragique.
Les pressions de
gonflage sont alors de 60 à 80 mmHg en
commençant par le gonflage des segments
des membres inférieurs.
Le pantalon est
gonflé après protection des voies aériennes
supérieures par une intubation de la trachée,
puis mise sous ventilation artificielle.
La
principale contre-indication est représentée
par les lésions sus-diaphragmatiques.
* Prévention et traitement d’une détresse
neurologique
:
Lors d’un traumatisme crânien, le risque
principal est représenté par l’ischémie
cérébrale.
Celle-ci est en relation avec les
lésions primaires, liées au traumatisme
(hématome intracrânien, contusion
cérébrale...) et peut être aggravée par la
survenue de lésions dites secondaires, qui
sont liées à des agressions d’origine centrale
(hypertension intracrânienne, crise
comitiale..) ou d’origine systémique
(agressions cérébrales secondaires d’origine
systémique [ACSOS] : hypotension artérielle,
hypoxie, hypo- ou hypercapnie, anémie,
hyperglycémie..).
Les ACSOS doivent être
traitées et prévenues lors de la prise en
charge préhospitalière :
– l’objectif de pression artérielle est de
maintenir une pression artérielle systolique
supérieure à 90 mmHg.
Il s’agit d’un
objectif prioritaire puisque le débit sanguin
cérébral (DSC) et la pression de perfusion
cérébrale (PPC) dépendent étroitement de la
pression artérielle moyenne (autorégulation
du DSC/pression artérielle moyenne
[PAM]).
L’osmothérapie par Mannitolt 20 %
ou sérum salé hypertonique (en cours
d’évaluation) est à réserver aux situations
d’hypertension intracrânienne avec
apparition de signes d’engagement
cérébraux ;
– les indications d’intubation trachéale et de
ventilation mécanique sont larges (score de
Glasgow inférieur à 8), compte tenu des
dangers bien établis de l’hypoxémie et de
l’hypercapnie, mais également du risque de
régurgitation et de pneumopathie
d’inhalation.
Celle-ci est idéalement réalisée
après une induction en séquence rapide.
L’intubation est réalisée de préférence par
voie orotrachéale en cas de traumatisme de
la face.
La mobilisation du rachis cervical
est dans tous les cas limitée et très prudente.
Les objectifs de la ventilation mécanique
sont de maintenir une PaO2 supérieure à
80 mmHg (SpO2 supérieure à 96 %) et une
PaCO2 de 35-38 mmHg.
L’hyperventilation
avec hypocapnie profonde n’est
justifiée que devant l’apparition de signes
d’engagement cérébraux ;
– la sédation du patient neurotraumatisé
(neurosédation) est débutée après un
examen neurologique détaillé. Ses objectifs
sont multiples : adaptation au respirateur,
analgésie...
Elle fait appel le plus souvent à
l’association d’une benzodiazépine
(midazolam) et d’un morphinique (fentanyl
ou sufentanil).
L’utilisation du pentobarbital
serait plutôt à réserver comme traitement de
seconde intention de l’hypertension
intracrânienne ;
– de la même manière qu’une réanimation
précoce et de qualité est capable de réduire
de façon significative la mortalité des
traumatismes crâniens graves, un
transfert rapide dans un centre spécialisé
peut également améliorer le pronostic
global.
4- Mise en condition standardisée
du patient :
La mise en condition d’un patient vise d’une
part à restaurer ou à préserver les grandes
fonctions physiologiques (essentiellement ventilatoires et circulatoires) et d’autre part
à assurer le transport dans des conditions
optimales de sécurité.
5- Bilan lésionnel
:
Les objectifs du bilan lésionnel sont
multiples.
Il permet d’établir une véritable
cartographie du traumatisme, et ainsi, de
déterminer le niveau d’urgence du transport,
le moyen d’évacuation (terrestre ou
aéroporté) et, enfin, l’orientation optimale du
patient traumatisé.
Il ne s’agit pas de rappeler ici toutes les
symptomatologies et tous les diagnostics
possibles, mais plutôt de préciser les
objectifs et la démarche qui en découle,
enfin, d’attirer l’attention sur les pièges les
plus habituels.
D’une part, les indications
chirurgicales constituant une urgence
extrême doivent être parfaitement connues :
évacuation d’un hématome extradural
compressif, thoracotomie, laparotomie ou cervicotomie d’hémostases.
D’autre part, la
mise en condition ne doit pas aggraver
certaines lésions occultes, comme les lésions
rachidiennes, et ne doit pas faire perdre un
temps précieux à un geste chirurgical.
Par
ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que
certains symptômes peuvent être masqués
par les conséquences d’associations
lésionnelles ou d’autres pathologies comme
une intoxication éthylique.
* Traumatismes neurologiques
:
Le score de Glasgow est déterminé
initialement puis régulièrement.
L’examen
s’attache également à déterminer la présence
ou l’apparition de signe de focalisation,
l’apparition de signes de déficits
neurologiques périphériques.
La fréquence
du traumatisme cervical chez le traumatisé
crânien impose la mise en rectitude du
rachis par la pose systématique d’un collier
cervical.
Cependant, l’association urgence
chirurgicale extra- et intracrânienne est
relativement rare (0,5 à 2 %).
* Traumatismes thoraciques
:
L’arrêt respiratoire ou l’hypoventilation
alvéolaire majeure sont les situations de
détresses vitales immédiates les plus
habituellement rencontrées en pathologie
traumatique.
Elles peuvent être en relation
avec une atteinte thoracique ou extrathoracique.
Quand elles sont
thoraciques, elles peuvent être dues à des
troubles de la mécanique ventilatoire (volet
thoracique), la douleur (limitation de
l’ampliation thoracique), des épanchements
pleuraux (hémo- et/ou pneumothorax),
enfin, des contusions pulmonaires.
Quand
elles sont extrathoraciques, elles peuvent être
liées à un traumatisme crânien (responsable
de trouble de la conscience avec perte du
réflexe de déglutition, hypotonie musculaire
et chute de la langue en arrière), à une lésion
médullaire haute (au-dessus de C4) avec
paralysie diaphragmatique, à un
traumatisme maxillofacial (risque
d’obstruction des voies aériennes
supérieures par des corps étrangers tels que
des dents, des débris osseux...), enfin, et
beaucoup plus rarement, à une atteinte
cardiaque avec incompétence myocardique
(contusion myocardique) et/ou rupture de
pilier entraînant un tableau d’oedème aigu
du poumon (OAP).
Une turgescence des
jugulaires évoque un épanchement pleural
suffocant ou une tamponnade.
Par ailleurs,
un sus-décalage du segment ST est à
rechercher systématiquement chez tout
traumatisé thoracique où il est évocateur de
contusion myocardique.
* Traumatismes des gros vaisseaux
:
L’incidence des lésions aortiques lors de
traumatisme thoracique a été de 25 % dans
un travail récent de Vignon et al.
Ce type
de traumatisme, qui atteint préférentiellement
l’isthme aortique, doit être envisagé
de principe chez tout traumatisé thoracique
(décélération horizontale ou verticale
brutale).
La présentation clinique en est
extrêmement variable.
Les lésions de
l’aorte sont responsables d’une partie des
décès préhospitaliers et constituent une
véritable urgence chirurgicale puisque 85 % des patients décèdent avant l’arrivée à
l’hôpital et que, sur les 15 % qui survivent,
30 % décèdent dans les 6 heures.
* Traumatismes abdominaux
:
Ils sont à évoquer de principe chez tout
polytraumatisé car ils représentent la
première cause de choc hémorragique (plaie
d’un organe plein avec hémopéritoine), les
traumatismes hépatiques sont les plus
fréquents après les traumatismes
spléniques. Les plaies des organes
creux sont responsables de pneumopéritoine,
secondairement de péritonite.
* Traumatismes maxillofaciaux
:
Parmi les différentes atteintes rencontrées
chez le polytraumatisé, les traumatismes
maxillofaciaux sont fréquents.
Les
principaux risques sont représentés par
l’encombrement respiratoire (chute de dents,
inhalation de sang...) et par certaines formes
d’hémorragie grave (lésion de l’artère
ethmoïdale antérieure...), les complications
sont avant tout d’ordre fonctionnel et
esthétique.
Quelques situations nécessitent
une prise en charge chirurgicale rapide :
plaies de face, fracture de l’orbite de type trap door, fracture de la mandibule,
hématome de la cloison nasale.
L’un des
problèmes posés lors de la prise en charge
de ce type de patient est celui de l’intubation
trachéale.
Dans le contexte de l’urgence,
l’intubation trachéale expose le traumatisé
au risque d’inhalation bronchique (5 % en
phase préhospitalière) , de lésion
neurologique en cas de rachis cervical
instable et d’intubation difficile proprement
dite.
Ces complications potentielles imposent
le recours à une technique d’intubation
adaptée, soit intubation vigile, soit
intubation après induction en séquence
rapide avec compression cricoïdienne.
Il est
classiquement déconseillé de réaliser
l’intubation par voie nasotrachéale.
Cependant, même si le risque de placement
accidentel de la sonde d’intubation en
position intracrânienne semble réduit, il a
été admis que la présence ou la suspicion
d’une lésion ethmoïdale avec brèche duremérienne
était une contre-indication absolue
à l’intubation nasotrachéale.
Ainsi, la
technique d’intubation nasotrachéale n’est
pas à considérer en première intention dans
le cadre de l’urgence vitale chez un
traumatisé maxillofacial : réalisation difficile
chez un patient agité, majoration du
saignement, risque de nausées et
vomissements, taux d’échecs important.
L’intubation rétrograde est proposée comme
une alternative possible en cas d’intubation
difficile.
* Traumatismes des membres et du bassin
:
Une luxation ou une fracture de membre
doit s’accompagner de la recherche d’une
atteinte vasculonerveuse avant de tenter
toute réduction et immédiatement après.
En
ce qui concerne les membres arrachés, il
semble que 6 heures d’ischémie chaude soit
actuellement le délai maximal généralement
admis.
Le fragment amputé doit être
acheminé dans des conditions optimales
d’asepsie et de froid.
Cependant, en période préhospitalière, une asepsie stricte est
souvent illusoire et il faut se contenter d’un
simple rinçage au sérum physiologique, tout
en évitant les solutions susceptibles de
colorer les tissus.
Au niveau du moignon
restant, la pose d’un garrot est à éviter car
elle peut ajouter une lésion vasculaire et
nerveuse supplémentaire .
En fait ,
l’hémorragie peut être le plus souvent
facilement contrôlée avec un simple
pansement compressif.
Les fractures du bassin sont d’une gravité
particulière, en particulier lorsqu’elles
s’associent à des hématomes rétropéritonéaux.
Dans ce cadre, la pose d’un
pantalon antichoc pourrait être utile en
permettant la contention des fractures du
bassin, la diminution du saignement par
contre-pression externe et l’augmentation de
la pression artérielle par élévation du retour
veineux.
* Défenestration
:
Il s’agit d’une forme de polytraumatisme
particulier par sa gravité habituelle et la
fréquence des atteintes hémorragiques
(hémopéritoine, hémopneumothorax ou
hématome rétropéritonéal). Une atteinte du
rachis ou de l’isthme aortique sont à
évoquer de principe.
* Brûlure :
Un brûlé grave peut souffrir de choc hypovolémique, d’hypoxie, d’hypothermie
en plus de phénomènes douloureux très
importants.
La qualité des premiers soins va
conditionner l’évolution locale et systémique
de la brûlure. Le premier geste à effectuer
est de refroidir la brûlure (limitation de la
profondeur de la brûlure) en prenant garde
de ne pas surajouter une hypothermie
(personnes âgées, enfants).
L’évaluation
de l’importance de la brûlure repose sur la
combinaison de la profondeur (définie en
1er, 2e et 3e degrés) et de la surface totale de
brûlure, évaluée le plus souvent par la règle
des 9 de Wallace (9 % : extrémité céphalique
et chaque bras ; 18 % : tronc antérieur, tronc
postérieur et chaque membre inférieur).
Chez l’enfant, des tables en fonction de l’âge
sont disponibles.
La prise en charge thérapeutique des brûlés graves comporte
trois axes principaux : hydratation,
protection des voies aériennes et
oxygénation, analgésie.
L’hydratation d’un brûlé est capitale en
raison des pertes hydriques cutanées très
importantes, sous peine de voir apparaître
rapidement une insuffisance rénale.
Le
remplissage vasculaire est guidé par la
formule modifiée de Parkland.
Le soluté
de référence est le Ringer Lactatet.
Il est
possible d’associer des colloïdes en cas de
choc hypotensif.
L’analgésie préhospitalière est impérative en
raison du caractère extrême des phénomènes
douloureux (exception faite des brûlures du
3e degré).
Elle fait appel à la titration par un
morphinique.
L’anesthésie est induite par
l’association benzodiazépine-étomidate ou
benzodiazépine-kétamine.
L’utilisation de la succinylcholine dépend du risque
d’hyperkaliémie (brûlure au 3e degré).
L’entretien de l’anesthésie repose sur
l’association benzodiazépine-morphinique
ou benzodiazépine-kétamine.
Durant le
transport, une attention particulière est
accordée à la prévention de l’hypothermie.
Enfin, les brûlures profondes de plus de
15 %, les brûlures des voies respiratoires, les
brûlures avec un risque fonctionnel
(extrémités) ou esthétique important, les
brûlures chimiques, doivent être adressées à
un centre spécialisé.
6- Surveillance du patient
polytraumatisé :
Elle doit être de type « multimodal » et
comporter obligatoirement la fréquence
cardiaque, la pression artérielle non invasive,
la SpO2.
La surveillance de la fraction
expirée de gaz carbonique (EtCO2) permet
de détecter précocement une intubation
oesophagienne, de surveiller la ventilation
mécanique et d’apprécier la perfusion
tissulaire.
Il s’agit d’un paramètre fiable à
condition de tenir compte des aléas de la
mesure lors d’une hypotension marquée ou
lors de lésions parenchymateuses
susceptibles de modifier le gradient
PetCO2-PaCO2.
Une sonde thermique peut être utile lors
d’intervention prolongée ou en zone de
montagne.
L’estimation de la concentration
d’hémoglobine avant le remplissage et
régulièrement au cours de la prise en charge
peut se faire par des dispositifs portables de
type Hemocuey (Hemocue AB, Angelhom,
Sweden) ou des dispositifs à hématocrite.
Il
est actuellement possible de disposer
d’appareillage portable et léger de mesure
des gaz du sang (i-staty, Hewlett-Packard).
B - PRISE EN CHARGE D’UNE DÉTRESSE
RESPIRATOIRE
:
Les détresses respiratoires non traumatiques
sont des situations fréquentes en médecine préhospitalière.
Les principales causes sont
représentées par les décompensations aiguës
d’insuffisance respiratoire chronique et par
les crises d’asthme.
Les pneumopathies
infectieuses et les embolies pulmonaires sont
plus rarement rencontrées.
La principale étiologie est la surinfection bronchopulmonaire.
Parmi les autres
étiologies, on peut trouver l’introduction
d’un nouveau traitement médicamenteux,
l’embolie pulmonaire, ou un pneumothorax.
On retrouve fréquemment la notion d’une
histoire pulmonaire ancienne (bronchopneumopathie
chronique obstructive [BPCO],
tabagisme...).
Le tableau clinique peut
associer : tachypnée, cyanose, sueurs, tirage
sus-sternal et sus-claviculaire, respiration
paradoxale. Un encombrement bronchique
est souvent présent.
Différents signes de
gravité sont à repérer qui font proposer une
stratégie thérapeutique d’emblée agressive.
La thérapeutique associe au
traitement étiologique un traitement
symptomatique (bronchodilatateur,
corticoïde).
La ventilation non
invasive est une technique d’assistance
respiratoire permettant de diminuer le
travail respiratoire, d'améliorer
l’oxygénation sans aggravation des gaz du
sang, d’éviter une intubation sur deux et de
réduire la mortalité hospitalière.
Cependant, son utilisation réclame une
formation particulière et très peu d’études
sont disponibles en situation préhospitalière.
2- Asthme
:
On distingue différents types de crise
d’asthme : crise prolongée inhabituelle
(durée prolongée et/ou mauvaise réponse
au traitement), l’asthme aigu grave (crise
d’intensité inhabituelle), enfin, l’asthme
suraigu (stade le plus aigu du bronchospasme,
risque de mortalité important).
Parmi les facteurs déclenchants, on
retrouve : l’exposition à un allergène, un
nouveau traitement médicamenteux, une
surinfection bronchique, l’arrêt du
traitement de fond (+ + corticoïde).
Un arrêt
cardiaque peut être en relation avec la
survenue d’une asphyxie (bronchospasme +
hypersécrétion), avec une arythmie due à
l’hypoxie et/ou aux b-agonistes, à l’auto-
PEEP (pression positive résiduelle
expiratoire) (tamponnade gazeuse) et enfin,
à un pneumothorax bilatéral.
La
thérapeutique associe des bronchodilatateurs,
des anticholinergiques, des corticoïdes
au traitement d’un facteur déclenchant.
En
cas d’échec, il est possible d’associer de
l’hélium inhalé (transformation de flux
turbulent en flux laminaire et baisse du
travail respiratoire) ou des b-agonistes
intraveineux. L’échec de ces traitements
entraîne le recours à la ventilation
mécanique.
C - MISE EN CONDITION EN CAS
DE DÉTRESSE CARDIOLOGIQUE :
Les principales situations rencontrées sont
la dissection aortique, l’infarctus du
myocarde, l’insuffisance ventriculaire
gauche, les troubles du rythme et l’arrêt
cardiorespiratoire.
1- Arrêt cardiorespiratoire
:
La grande majorité des arrêts cardiaques
inopinés sont initialement des fibrillations
ventriculaires.
La défibrillation immédiate
peut permettre une survie jusque dans 90 %
des cas, alors que les chances de survie
finale diminuent de 10 % par minute de
retard dans la mise en route des gestes
élémentaires de survie (GES).
Lorsque la
récupération d’une activité circulatoire
spontanée (RACS) n’est pas obtenue après
les seuls premiers chocs électriques, la
réanimation cardiopulmonaire spécialisée,
associant adrénaline et/ou drogues
antiarythmiques, est nécessaire.
Les chances
de survie se réduisent alors de façon
dramatique.
L’accent est mis actuellement
sur l’apprentissage au plus grand nombre
des GES, seul moyen d’améliorer la survie
des patients en arrêt cardiaque. Dans cette
optique, les GES ont été simplifiés.
La
prise en charge thérapeutique de l’arrêt
cardiaque a été récemment actualisée, avec
en particulier l’introduction de nouveaux
traitements médicamenteux (vasopressine)
ou de nouvelles techniques de
massage cardiaque (cardiopump, valve
d’occlusion inspiratoire).
Lors d’une asystolie, la thérapeutique repose
sur l’association des gestes de réanimation cardiopulmonaire (massage cardiaque externe [MCE], IOT et ventilation en
oxygène pur, pose d’une voie veineuse
périphérique) à l’injection intraveineuse de
bolus d’adrénaline (1 mg/3 min) auquel
peut être adjoint l’atropine (bolus
intraveineux direct de 1 mg, maximum
0,04 mg/kg).
Celle de la fibrillation
ventriculaire (ou de la tachycardie
ventriculaire sans pouls) repose avant tout
sur la défibrillation à laquelle est associée,
en cas d’échec de la défibrillation,
l’adrénaline (bolus de 1 mg, à répéter toutes
les 3 à 5 minutes) ou la vasopressine (bolus
unique de 40 U).
Des antiarythmiques
peuvent être associés au traitement de la
fibrillation ventriculaire, l’amiodarone
(injection lente de 300 mg dilués dans
20 mL) est actuellement préférée, dans les
recommandations internationales, à la
lidocaïne (1,5 mg/kg, intraveineuse
directe).
Il est important de toujours chercher et
traiter une étiologie de l’arrêt cardiorespiratoire
(ACR) (hypothermie, hypoxie, hypovolémie , pneumothorax,
hyper/hypokaliémie, tamponnade,
intoxication).
Une fois la reprise d’activité cardiocirculatoire obtenue, le traitement de
base de l’encéphalopathie anoxique est
entrepris (neuroprotection, maintien de la
pression de perfusion cérébrale).
Enfin, en dehors de certaines intoxications
(b-bloquant, digitalique) et de l’hypothermie
(inférieure à 32 °C), la réanimation n’est pas
prolongée au-delà de 30-40 minutes.
2- Dissection aortique
:
C’est une pathologie vasculaire fréquente
qui concerne avant tout l’homme
hypertendu, âgé de 50 à 70 ans.
Chez
l’homme jeune, une douleur thoracique
typique doit faire évoquer le diagnostic, en
particulier s’il existe un profil de type marfanoïde.
Le pronostic spontané est grave
puisque la survie à 48 heures n’est que de
50 %.
La présentation clinique est le plus
souvent celle d’une douleur thoracique
violente, volontiers migrante.
Le principal diagnostic différentiel de la
dissection est celui de l’infarctus du
myocarde, qui peut être difficile puisque les
dissections aortiques s’accompagnent
fréquemment de modification de l’ECG
(tachycardie, hypertrophie ventriculaire
gauche, anomalie de la repolarisation…).
La
prise en charge thérapeutique est guidée par
le contrôle de la pression artérielle avec un
objectif de tension compris entre 100 et
120 mmHg.
Enfin, compte tenu de la gravité
de l’évolution spontanée, le patient doit
impérativement être dirigé vers un centre de
chirurgie cardiovasculaire dès que le
diagnostic devient probable.
3- Infarctus du myocarde
:
Les syndromes coronariens aigus qui
comprennent l’infarctus du myocarde,
l’infarctus sans onde Q, l’angor instable sont
des situations cliniques fréquemment
rencontrées en préhospitalier.
La prise en
charge thérapeutique est actuellement bien
définie.
Elle repose sur l’association de
techniques de reperfusion (fibrinolyse,
angioplastie ou pontage coronaire) à des
traitements symptomatiques (b-bloquant,
antiagrégant, anticoagulant, antalgique,
dérivés nitrés).
En ce qui concerne la
fibrinolyse extrahospitalière, il est
actuellement recommandé par l’European
Society of Cardiology et l’European
Resuscitation Council de la débuter si le
délai de transport est supérieur à 30 minutes
ou si le délai pour obtenir l’angioplastie
(ATC) est supérieur à 60 minutes.
La mise
en route précoce de la fibrinolyse est
susceptible de réduire la mortalité et la
survenue d’événements cardiaques. Le protocole habituellement retenu associe
l’alteplase (Actilyset) et l’héparine chez le
sujet de moins de 75 ans et la streptokinase
(Streptaset) suivie d’héparine chez le sujet
de plus de 75 ans.
De nouveaux thrombolytiques en injection unique seront
prochainement disponibles (tenecteplase).
Lors d’un infarctus du myocarde avec
élévation du segment ST, la fibrinolyse reste
le traitement de référence (patient de moins
de 75 ans) alors que lorsque s’y associe des
signes de choc, il est recommandé une
stratégie agressive de prise en charge
(angioplastie ou pontage coronaire).
En ce qui concerne les angors instables et les
infarctus du myocarde sans onde Q,
l’utilisation des inhibiteurs des GPIIb/IIIa
est recommandée.
Ils présentent un effet
synergique avec l’aspirine et l’héparine non
fractionnée.
Les héparines de bas poids
moléculaire sont une alternative possible aux
héparines non fractionnées.
4- Insuffisance ventriculaire gauche
:
Il s’agit d’une cause fréquente d’hospitalisation
en urgence.
La présentation clinique
va de l’OAP jusqu’au choc cardiogénique.
* OEdème aigu du poumon
:
Différents facteurs peuvent contribuer à
déclencher un OAP (trouble du rythme,
infarctus du myocarde, traitement
médicamenteux...).
L'insuffisance
ventriculaire gauche entraîne une
augmentation des pressions veineuses
pulmonaires qui conduit à une inondation
du compartiment alvéolaire par un
transsudat qui limite ainsi le transfert de
l’oxygène de l’alvéole vers le vaisseau.
Le tableau est stéréotypé : crise aiguë
dyspnéique de début brutal et le plus
souvent nocturne.
L’auscultation révèle des
râles crépitants des deux champs, plus
rarement des râles sibilants (pseudoasthme
cardiaque).
Les modalités de prise en charge sont :
– patient assis, électrocardioscope, SpO2, PA
non invasive, ECG systématique ;
– oxygénothérapie à haut débit, ventilation
au masque en pression positive continue
(CPAP) avec des niveaux de pression
positive de 5 à 10 mmHg.
La CPAP améliore
l’oxygénation par augmentation du
recrutement alvéolaire et réduction de la
postcharge du ventricule gauche et
permet de diminuer le recours à l’intubation
trachéale ;
– recherche et traitement d’une étiologie :
trouble du rythme, poussée d’hypertension
artérielle, infarctus du myocarde ;
– traitement de l’OAP : diurétique type
diurétique de l’anse (furosémide) en
association avec les dérivés nitrés si la
pression artérielle est conservée.
Les digitaliques ont un intérêt essentiel pour
ralentir une arytmie complète par fibrillation
auriculaire (AC/FA).
Inotrope type
dobutamine (pression artérielle systolique
inférieure à 100 mmHg) ou inodilatateur
type inhibiteur des phosphodiestérases
(pression artérielle systolique supérieure à
100 mmHg) ;
– en cas d’échec du traitement conventionnel
et/ou de la CPAP, l’utilisation de la
ventilation mécanique (avec PEEP) peut
s’imposer.
* Choc cardiogénique
:
Il peut être lié à différentes pathologies :
infarctus du myocarde, lésions valvulaires
aiguës (insuffisance aortique ou mitrale),
tamponnade, dissection aortique, myocardite
toxique ou infectieuse.
Il complique environ
10 % des infarctus du myocarde et sa
mortalité est estimée à 80 %.
Il est
vraisemblable qu’une prise en charge
agressive soit justifiée en cas de choc cardiogénique sur infarctus du myocarde.
Elle associe au mieux une technique de
revascularisation précoce (angioplastie
percutanée [APC] ou pontage coronaire
[PAC]) avec, si besoin, un soutien
hémodynamique par un ballon de
contrepulsion diastolique intra-aortique
(CPBIA).
L’utilisation de la CPBIA, suivie
d’une coronarographie diagnostique, voire
d’un geste de revascularisation, peuvent
réduire la mortalité.
Ainsi, pour les
patients présentant un infarctus du
myocarde compliqué d’un choc cardiogénique
dans un centre ne disposant pas de
possibilités de revascularisation (APC ou
PAC), la mise en place d’une CPBIA pourrait
permettre le transport dans de meilleures
conditions hémodynamiques.
De la même
façon, les chocs cardiogéniques d’origine
non ischémique (toxique, infectieux)
pourraient bénéficier de la mise en place de
CPBIA.
Cependant, cela suppose une
formation adéquate des équipes de transport
et des relations étroites avec les services de
soins intensifs cardiologiques ou de
réanimation chirurgicale cardiologique.
5- Troubles du rythme cardiaque
:
L’attitude thérapeutique face à un trouble
du rythme dépend étroitement de sa
tolérance clinique.
Des signes de mauvaise
tolérance peuvent se manifester par un
tableau de défaillance myocardique (OAP,
choc cardiogénique), de trouble de
conscience (agitation, coma) ou de douleur
thoracique (tachycardie anginogène).
Un ECG est à réaliser immédiatement lors de la
prise en charge d’un trouble du rythme.
Il
permet de différencier les tachycardies
(supraventriculaire et ventriculaire) des
bradycardies, et donne une orientation sur le mécanisme du trouble du rythme, ainsi
que sur la démarche thérapeutique à
suivre. Dans les formes les plus graves de
tachycardie, le traitement de choix est le plus
souvent représenté par le choc électrique
externe.
Il faut cependant garder à l’esprit
que la réalisation d’un choc électrique
nécessite l’anesthésie du patient, ce qui, en préhospitalier, n’est pas dénué de risque
(estomac plein...).
De la même façon,
l’utilisation des antiarythmiques n’est pas
dénuée de complications.
Les indications
sont à discuter très précisément, au mieux
directement avec le cardiologue du service
d’accueil. Ainsi, dans la plupart des cas, la
mise en route du traitement peut attendre
l’arrivée dans un service spécialisé.
Les bradycardies, en particulier quand elles
sont liées à un trouble de conduction auriculoventriculaire de haut degré, sont
traitées par l’isoprotérénol (0,5 à
1,5 μg/min), par l’adrénaline (2 à
10 μg/min) ou par entraînement
électrosystolique externe (EEE), plus
rarement par mise en place d’une sonde
d’entraînement intracavitaire.
L’utilisation
de l’EEE nécessite, en raison de sa pénibilité,
l’association d’une sédation, le plus souvent
à base de benzodiazépine.