Migraine ophtalmique ou migraine avec aura visuelle
Cours d'Ophtalmologie
Introduction
:
La migraine ophtalmique est la variété la plus fréquente de migraine
avec aura (MA).
La migraine est une céphalée évoluant par crises
récurrentes, entre lesquelles le patient est en parfaite santé.
Le
diagnostic est basé essentiellement sur l’interrogatoire et la normalité
de l’examen clinique.
La classification de l’International Headache
Society (IHS) distingue deux variétés principales de migraine :
la migraine sans aura (MSA), auparavant dénommée migraine
commune et la MA, auparavant dénommée migraine accompagnée
ou migraine classique, dans laquelle la céphalée est précédée ou
accompagnée de symptômes neurologiques transitoires visuels,
sensitifs, aphasiques et rarement moteurs.
Dans la
migraine dite « ophtalmique », variété non individualisée comme
telle dans la classification de l’IHS, l’aura est constituée de
manifestations visuelles transitoires.
Certains patients n’ont que des
crises de MSA, d’autres que des crises de MA, et d’autres ont les
deux.
D’après l’IHS, il suffit de cinq crises de MA pour qualifier la
migraine de MA, même si la majorité des crises est sans aura.
Épidémiologie
:
Les études épidémiologiques utilisant la classification de l’IHS
donnent des résultats assez concordants d’un pays à l’autre.
La
prévalence de la migraine (MA et MSA) dans la population
occidentale est d’environ 12 %, dont 4-6 % chez l’homme et 13-25 % chez la femme.
Chez l’enfant, elle est de 5 à
10 %, sans différence entre les deux sexes.
Elle augmente
fortement chez la jeune fille à la période pubertaire, pour atteindre
un pic de 25 % autour de la quarantaine.
Chez l’homme, les
variations liées à l’âge sont plus atténuées. Le rapport de
prévalence femmes/hommes est de 2 à l’âge de 20 ans, 3,3 à l’âge
de 40 ans, puis se stabilise autour de 2,5 au-delà de la ménopause.
La prévalence de la MSA (6 à 10 %) est plus élevée que celle de la
MA (3 à 6 %) et le sex-ratio est de cinq femmes pour un homme
dans la MSA, et de trois femmes pour deux hommes dans la MA.
Chez l’enfant, la prévalence de la MSA et de la MA est
respectivement de 7,8 et 2,8 %.
La migraine débute généralement
avant 40 ans.
L’intensité, la fréquence et la durée des crises sont très
variables d’un patient à l’autre et chez un même patient au cours du temps.
Crises de MA et de MSA peuvent se succéder chez un même
patient.
Soixante-quinze pour cent des migraineux rapportent des
crises sévères ou très sévères, 50 % ont au moins deux crises par
mois, et 55 à 67 % ont des crises qui durent 4 à 72 heures.
Enfin, il faut signaler que 30 à 70 % des migraineux ne consultent
pas pour leur migraine et que le coût direct de la migraine en France
représente environ 1 % de la consommation médicale totale.
L’association entre migraine et certaines pathologies a été soulignée
par plusieurs études.
Une association significative a été observée
avec certains troubles psychiatriques, en particulier l’état
hypomaniaque, l’anxiété, la dépression et les phobies.
La
relation entre migraine et infarctus cérébral a été longtemps discutée.
La migraine n’apparaît pas comme un facteur de risque
démontré pour l’ensemble de la population ; en revanche, elle
augmente le risque d’infarctus cérébral chez la femme de moins de
45 ans.
Ce risque est multiplié par trois pour la MSA et par six pour
la MA.
Il est accru en cas de tabagisme ou de prise de
contraceptifs oraux.
Cependant, le risque absolu demeure très faible
en raison de la rareté de l’infarctus cérébral chez la femme jeune :
6/100 000 chez les non-migraineuses contre 19/100 000 chez les
migraineuses.
Enfin, la migraine semble représenter un facteur
de risque de dissection des artères cervicales.
Les relations entre
migraine et épilepsie sont très discutées.
Migraine et hérédité
:
En raison de la fréquente agrégation familiale, le caractère
héréditaire de la migraine est suspecté depuis le XIXe siècle.
Pour
tenter d’élucider le rôle des facteurs génétiques dans la migraine,
deux types d’études ont été menés : les études de jumeaux et les
études de familles.
Les études de concordance entre jumeaux
monozygotes et dizygotes ont pour but de faire la part entre facteurs
génétiques et environnementaux.
Toutes les études retrouvent des
taux plus élevés chez les monozygotes que chez les dizygotes (32 %
versus 13 %).
Ces chiffres varient peu pour la MSA (29 % versus
19 %) et beaucoup pour la MA (30 % versus 5 %), ce qui est en
faveur d’un rôle plus important des facteurs génétiques dans la MA.
Les études familiales permettent de préciser, outre le caractère
familial, les modes de transmission d’une affection.
Dans les
diverses études conduites de 1954 à 1995, le pourcentage de cas
familiaux varie de 30 à 90 %.
Tous les modes de transmission ont été
évoqués, sauf la transmission liée à l’X.
Les résultats contradictoires
de ces études sont liés en grande partie à des biais méthodologiques.
Deux études plus récentes, conduites par Russell et Olesen, ont évité
la plupart de ces biais et ont démontré l’existence de facteurs
génétiques dans la MA et la MSA.
Le mode de transmission le plus
probable serait polygénique.
MIGRAINE HÉMIPLÉGIQUE FAMILIALE :
Il s’agit de la seule variété de migraine héréditaire monogénique,
autosomique dominante.
C’est une variété de MA caractérisée par
la survenue d’un déficit moteur au cours de l’aura qui comporte par
ailleurs fréquemment des troubles visuels.
Un premier gène de la
migraine hémiplégique familiale (MHF), localisé sur le chromosome
19, a été identifié comme étant CACNA1A, codant pour la sousunité
principale des canaux calciques neuronaux de type P/Q.
Dans d’autres familles, la MHF est liée à des anomalies d’un gène
localisé sur le chromosome 1.
D’autres familles encore ne sont
liées ni à CACNA1A, ni au chromosome 1, démontrant l’existence
d’au moins un troisième gène de la MHF.
Le rôle éventuel de
CACNA1A dans les autres variétés plus fréquentes de migraine n’est
pas encore connu.
Physiopathologie
:
Les mécanismes de la migraine sont encore largement débattus.
Les
migraineux auraient une instabilité des mécanismes de contrôle du
tonus vasculaire et de la douleur au niveau du cortex, de
l’hypothalamus et du tronc cérébral.
Les études de débit sanguin
cérébral (DSC) durant l’aura migraineuse et certains cas de MSA,
retrouvent une hypoperfusion, pouvant aller de 20 à 40 % de
réduction du DSC, qui progresse des régions postérieures vers
l’avant du cerveau à la vitesse de 2 à 3 mm/min et est contemporaine
d’anomalies métaboliques.
Cette baisse de débit n’est
pas la cause directe de l’aura puisque d’une part, elle survient après
le début de l’aura visuelle, et d’autre part, elle est d’intensité
insuffisante pour entraîner une ischémie cérébrale.
Elle serait
consécutive à un phénomène de dépression corticale propagée
(spreading depression) qui n’a cependant été démontré que chez
l’animal après stimulation du cortex.
Des études récentes en
imagerie fonctionnelle ont mis en évidence, durant la céphalée, une
augmentation non spécifique (liée à la douleur) du DSC dans les
cortex cingulaires, les aires associatives, auditives et visuelles, mais
surtout une augmentation du débit dans le tronc cérébral, qui serait
spécifique.
Moskovitz et al ont proposé un modèle
susceptible de rendre compte de la céphalée migraineuse :
l’activation du système trigéminovasculaire.
Chez l’animal, la
stimulation antidromique des fibres de la branche ophtalmique du
V, qui innerve les artères du polygone de Willis et leurs branches,
provoque la libération de neuropeptides vasoactifs (neuropeptide Y,
substance P, tachykinines, calcitonine gene-related peptide)
responsables d’une inflammation neurogène au niveau des
méninges.
Elle se traduit par une vasodilatation artérielle, une
extravasation des protéines plasmatiques et de substances à l’origine
d’une dégranulation mastocytaire.
Cette inflammation neurogène
stimule de façon orthodromique les fibres du V.
L’activation du
tractus solitaire serait à l’origine des nausées et vomissements et
celles des voies thalamocorticales à l’origine des céphalées.
Les
récepteurs sérotoninergiques sont étroitement impliqués dans ces
phénomènes.
La stimulation du récepteur 5HT1D-alpha, localisé
sur les terminaisons nerveuses du V, entraîne le blocage de la
libération neuronale de peptides responsables de l’inflammation neurogène ; en revanche, la stimulation du récepteur 5HT1D-bêta,
localisé sur les muscles lisses vasculaires, entraîne une
vasoconstriction.
Le système nerveux central est également
riche en récepteurs sérotoninergiques, en particulier dans les
structures de contrôle de la douleur. Les récepteurs 5HT1 sont à ce
niveau des inhibiteurs de la transmission de la douleur, les 5HT2,
des excitateurs.
Le monoxyde d’azote (NO), dont l’enzyme de
synthèse est présente dans les fibres du V entourant les artères
cérébrales, pourrait également jouer un rôle.
La perfusion
d’histamine ou de trinitrine est susceptible de déclencher une crise
de migraine.
Ces deux substances induisent la formation de NO qui
diffuse dans les fibres musculaires lisses vasculaires et se lie à la guanylate cyclase.
Il s’ensuit une cascade de réactions aboutissant
au relâchement des fibres musculaires lisses et donc une
vasodilatation.
Olesen et al ont émis l’hypothèse qu’il pourrait
exister chez le migraineux une formation anormale du NO.
La
dépression corticale propagée pourrait stimuler le système trigéminovasculaire en activant les récepteurs glutamatergiques de
type NMDA, responsables de la formation de NO.
Cette molécule
pourrait représenter le lien entre la dépression corticale propagée
(aura) et l’activation du système trigéminovasculaire (céphalée).
Clinique
:
Dans la migraine ophtalmique, la céphalée est précédée ou
accompagnée de symptômes visuels transitoires.
Un sujet peut avoir
des crises de migraine avec aura exclusivement visuelle, des crises
de MSA, des auras visuelles isolées, des crises de migraine avec aura
neurologique complexe.
Les auras visuelles sont les plus fréquentes :
90 % des auras migraineuses sont des auras visuelles.
De plus,
99 % des auras comportent des signes visuels.
Ainsi, les auras
sensitives, aphasiques et motrices sont quasiment toujours associées
à des troubles visuels.
A - DESCRIPTION DES AURAS VISUELLES :
Plusieurs grands types de symptômes visuels peuvent survenir
pendant l’aura : scotome scintillant, phosphènes, déficits visuels
systématisés, troubles de la perception visuelle et hallucinations
visuelles complexes.
Certains de ces phénomènes peuvent se
succéder au cours de la même crise, ou alterner d’une crise à l’autre
ou d’une période de la vie à l’autre.
Ailleurs, ils s’intriquent à tel
point que toute description par le malade lui-même est très difficile.
Il faut cependant souligner que le plus souvent, les mêmes
phénomènes se reproduisent dans les moindres détails à chaque
attaque chez le même sujet.
1- Scotome scintillant :
C’est le plus fréquent et le plus caractéristique.
Typiquement, il s’agit
d’un point lumineux et scintillant qui survient brutalement dans la
zone centrale du champ visuel et va s’étendre par un seul de ses
côtés vers la périphérie du champ visuel, respectant une distribution hémianopsique ou quadranopsique latérale homonyme.
Le bord
de ce scotome conserve, durant son extension, son aspect brillant
parfois éblouissant.
Il est souvent formé de lignes brisées, dont la
forme rappelle les lignes de fortifications à la Vauban.
Il scintille à
une fréquence évaluée entre huit et dix éclairs par seconde.
Alors
que cette ligne progresse vers la périphérie en 5 à 30 minutes, elle
laisse derrière elle un scotome aveugle noir ou gris, gênant en tout
cas la vision.
Le scotome scintillant persiste les yeux fermés et
touche de façon identique la vision des deux yeux.
En général, la
vision redevient normale du centre vers la périphérie avant même
que le bord du scotome n’ait atteint la périphérie.
Certaines variantes de cet aspect sont possibles : la ligne scintillante
peut être colorée comme un arc-en-ciel ou avoir un aspect enflammé.
Elle peut aussi se fragmenter, chaque fragment progressant pour son
propre compte vers la périphérie.
Parfois, le scotome naît à la
périphérie, progressant vers la vision maculaire.
La vision peut
n’être que très peu perturbée par le scotome, avec simplement une
vision floue, colorée ou irisée du contour des objets.
Parfois, il s’agit
d’une sensation de voir à travers du brouillard, de la fumée ou de
l’air chaud.
Enfin, si le déficit visuel est le plus souvent latéral
homonyme, allant parfois jusqu’à l’hémianopsie latérale homonyme
complète, il peut être à cheval sur les deux hémichamps, surtout
sous la forme d’un scotome central entouré d’une ligne brillante.
Rarement, il englobe les deux champs visuels, constituant une
véritable amaurose totale.
2- Phosphènes
:
Les phosphènes et autres phénomènes lumineux seraient plus
fréquents que le caractéristique scotome scintillant.
Ils
correspondent à ce que les Anglo-Saxons appellent photopsia, car ils
rappellent les phénomènes visuels perçus lors du décollement de
rétine.
Ils sont très variables : taches lumineuses et scintillantes, de
taille et de nombre variables, fixes ou mobiles, extensives ou non,
dont certaines peuvent se transformer en zones aveugles.
Il peut
également s’agir de zigzags, de boules, d’étoiles, de flashs répétés.
Ces hallucinations ont habituellement une topographie latérale
homonyme, mais affectent parfois l’ensemble du champ visuel ou
se déplacent d’un champ visuel à l’autre.
Souvent, ces phosphènes
précèdent la survenue d’un scotome scintillant typique.
3- Formes purement déficitaires
:
Les manifestations visuelles, sans les phénomènes positifs que sont
les scintillements ou les couleurs, ne sont pas exceptionnelles.
Il peut
s’agir d’une simple vision floue, comme à travers un verre dépoli
ou un rideau de fumée ou d’eau, en général animée d’oscillations,
de topographie latérale homonyme.
Il peut aussi s’agir d’une
hémianopsie latérale homonyme complète, de survenue en général
progressive, mais parfois brutale.
Dans ce cas, et s’il s’agit du
premier épisode, le diagnostic différentiel entre une aura
migraineuse et un accident ischémique transitoire n’est pas possible,
et des explorations vasculaires sont nécessaires.
Parfois, l’aura
visuelle peut comporter une cécité corticale totale, un trouble visuel
rappelant l’agnosie visuelle ou la simultagnosie.
4- Troubles de la perception et hallucinations visuelles
complexes
:
Les objets peuvent être vus déformés (métamorphopsie) ou leur
taille modifiée (micropsie ou macropsie), ils peuvent être entourés
d’un liseré lumineux, animés de mouvements, multipliés (polyopsie)
ou encore il peut y avoir une persévération visuelle de l’objet qui a
disparu du champ de vision ou une vision en mosaïque.
Ce type
de symptôme semble être particulièrement fréquent dans l’enfance ;
il précède ou accompagne souvent un scotome scintillant ou des
hallucinations visuelles plus élaborées.
Un certain nombre de ces
distorsions perceptives sont retrouvées dans le conte « Alice au pays
des merveilles » et seraient tirées des expériences migraineuses de
l’auteur, L Caroll.
Les hallucinations visuelles élaborées sont
exceptionnelles au cours de la migraine.
Elles peuvent survenir au
cours de crises de migraine sévère avec confusion mentale et
somnolence, comme en ont certains patients atteints de MHF.
B - AUTRES TYPES D’AURAS :
Les signes visuels peuvent précéder ou être associés à d’autres
manifestations neurologiques : le plus souvent des troubles sensitifs
(paresthésies), plus rarement des troubles du langage (aphasie) et
très rarement un déficit moteur.
Les signes visuels précèdent
généralement les signes sensitifs.
Il s’agit le plus souvent de
paresthésies unilatérales de distribution chéiro-orale, progressant au
fil des minutes selon une « marche migraineuse » caractéristique.
C - CÉPHALÉE MIGRAINEUSE
:
La céphalée suit habituellement les symptômes de l’aura, soit
immédiatement, soit après un intervalle de moins de 1 heure.
Lorsqu’elle est unilatérale, elle siège le plus souvent du côté opposé
aux symptômes de l’aura.
Lorsqu’elle est homolatérale aux
symptômes de l’aura, elle est quasi pathognomonique de migraine,
signant une souffrance bilatérale.
Dans la migraine ophtalmique, son
intensité et sa durée sont variables, mais souvent moindres que dans
les crises de MSA.
La céphalée peut être intense, comme dans la MSA, aggravée par les efforts, la lumière, le bruit, les odeurs et
soulagée par le repos, le calme et/ou l’obscurité.
Elle peut être
pulsatile ou continue. Parfois, il s’agit d’une simple gêne durant
quelques heures.
Les nausées et les vomissements sont plus rares
que dans la MSA.
La céphalée dure rarement plus de quelques
heures.
D - TROUBLES VISUELS LORS DE VARIÉTÉS RARES
DE MIGRAINE OU DE MIGRAINE COMPLIQUÉE :
Des manifestations visuelles peuvent faire partie de l’aura lors de
crises de variétés rares de MA.
Ces crises soulèvent des difficultés
diagnostiques et nécessitent la pratique d’examens
complémentaires : imagerie cérébrale, électroencéphalogramme,
exploration cervicale ultrasonore et/ou ponction lombaire selon les
cas, pour éliminer une autre étiologie.
1- Migraine basilaire :
Les symptômes de l’aura comportent des troubles visuels et sensitifs
bilatéraux, un vertige, une ataxie, une diplopie, des troubles de la
vigilance allant jusqu’au coma.
L’ensemble évoque une atteinte du
territoire artériel vertébrobasilaire, d’où le nom de migraine
basilaire.
2- Migraine hémiplégique familiale :
La MHF est une variété autosomique dominante de MA, caractérisée
par la survenue d’une hémiparésie ou d’une hémiplégie lors de
l’aura.
Ce déficit moteur est toujours associé à d’autres
manifestations, avec par ordre de fréquence : des troubles sensitifs (paresthésies dans le même territoire que le déficit moteur), des
troubles du langage (aphasie et/ou dysarthrie) et des troubles
visuels (hémianopsie latérale homonyme, phosphènes ou scotome
scintillant).
L’aura dure de 10 minutes à plusieurs heures et est
suivie d’une céphalée migraineuse.
Des crises très sévères avec aura
prolongée (plusieurs semaines) et troubles de la conscience jusqu’au
coma surviennent chez 40 % des patients, avec récupération
complète.
3- Migraine ophtalmoplégique
:
C’est une forme rare, débutant dans l’enfance.
La crise débute
par une céphalée qui dure quelques jours, puis s’installe une
paralysie unilatérale d’un ou de plusieurs nerfs oculomoteurs qui
régresse en quelques jours ou semaines.
Le nerf moteur oculaire
commun (III) est le plus souvent atteint.
Il s’agit d’un diagnostic
d’élimination.
En effet, la pratique systématique d’imagerie par
résonance magnétique (IRM) a permis de mettre en évidence, dans
la majorité des cas, une lésion située sur ou au voisinage des nerfs
crâniens oculomoteurs.
Une paralysie douloureuse du III doit faire
rechercher en urgence un anévrisme de la terminaison de l’artère
carotide interne.
4- Migraine rétinienne
:
Dans cette variété exceptionnelle de migraine, le trouble visuel est
purement monoculaire, l’autre oeil étant parfaitement indemne.
Ces attaques ne réalisent qu’exceptionnellement l’aspect du scotome
scintillant.
Le plus souvent, il s’agit d’un déficit visuel de
topographie variable, en quadrant ou altitudinal, voire d’une cécité
monoculaire transitoire.
Assez souvent semble-t-il, le déficit visuel
est accompagné de phosphènes brillants.
Ce diagnostic ne peut être
retenu qu’après avoir éliminé les autres causes de cécité monoculaire
transitoire.
5- Infarctus migraineux
:
Il s’agit d’une complication exceptionnelle de la MA : lors d’une
crise chez un sujet atteint de MA avérée, les symptômes de l’aura ne
sont pas réversibles, la pratique d’un scanner ou d’une IRM
confirme l’existence d’un infarctus cérébral et les examens
complémentaires étiologiques pratiqués ne trouvent pas d’autre
cause à cet infarctus que la migraine.
Il existe une littérature
ancienne et abondante sur l’infarctus migraineux.
Cependant, en
raison de la fréquence et de l’hétérogénéité clinique de la migraine,
de la fréquence et la diversité étiologique des infarctus cérébraux,
de l’absence de critères diagnostiques jusqu’en 1988 et de l’absence
d’investigations étiologiques complètes, la plupart des cas rapportés
comme étant des « infarctus migraineux » n’en sont pas.
Il s’agit le
plus souvent d’infarctus survenant chez des migraineux, d’infarctus
ayant entraîné une symptomatologie d’allure migraineuse chez un
sujet non migraineux, parfois d’infarctus « tout-venant » avec
céphalées, et même de déficits prolongés lors d’aura migraineuse
sans infarctus.
Si l’on applique aux plus de 200 cas publiés avant
1988 les critères IHS de l’infarctus migraineux, avec
comme investigations appropriées minimales une échographie
cardiaque transthoracique et une angiographie cérébrale, le nombre
d’infarctus migraineux tombe à 40.
Ce nombre diminuerait encore
si étaient exigés en tant qu’« investigations appropriées » des
examens sanguins comme le dosage des anticorps antiphospholipides
(APL).
De plus, l’absence d’étiologie retrouvée après
l’infarctus ne signifie pas forcément que la migraine en est la cause,
puisque premièrement 50 % des infarctus du sujet jeune n’ont
aucune cause identifiable et, deuxièmement, la cause d’un infarctus
n’est parfois détectée que des années après.
Il est donc indispensable
d’utiliser des critères très restrictifs pour ne pas passer à côté
d’autres causes potentiellement curables.
Ces critères sont :
– un infarctus documenté (tomodensitométrie ou IRM), et pas
seulement un déficit prolongé ;
– survenant lors d’une crise de MA, chez un sujet ayant une MA ;
– caractérisé cliniquement par la persistance de tous ou de certains
symptômes de l’aura ;
– en l’absence d’autre cause après des investigations étiologiques
extensives et répétées, comprenant au moins échodoppler cervical,
angiographie (IRM ou conventionnelle), échographie cardiaque, de
préférence transthoracique et transoesophagienne et recherche
d’APL.
Ainsi définis, les infarctus migraineux concernent souvent le
territoire de l’artère cérébrale postérieure, avec un hémianopsie ou
une quadranopsie séquellaire.
Ils pourraient être dus à une hypoperfusion de sévérité inhabituelle durant l’aura ; les
mécanismes précis restent inconnus.
Profil évolutif et facteurs déclenchants
:
A - PROFIL ÉVOLUTIF :
La migraine ophtalmique évolue par crises qui peuvent débuter à
tous les âges mais généralement avant 40 ans, se répètent en nombre
éminemment variable au cours des années, pour généralement
diminuer en fréquence ou disparaître durant le troisième âge.
Plusieurs particularités existent.
Chez l’enfant, les crises peuvent
débuter très tôt, avant 5 ans.
Elles comporteraient fréquemment des
hallucinations visuelles à type de micropsie, d’inversion des images
ou d’hallucinations élaborées.
La céphalée est souvent brève (moins
de 4 heures) et calmée par le sommeil.
Chez l’adulte, la fréquence
des crises est variable et tend à diminuer avec l’âge.
La céphalée
tend également à être plus courte et moins violente avec l’âge, pour
parfois complètement disparaître.
De nombreux cas de migraine avec aura visuelle débutant vers 50
ans ont été rapportés.
Il s’agit souvent d’auras visuelles isolées.
Si
le premier épisode comporte un phénomène négatif (hémianopsie
latérale homonyme), en l’absence du caractéristique scotome
scintillant, le diagnostic différentiel avec un accident ischémique
transitoire est impossible et les explorations complémentaires
adéquates doivent être pratiquées.
B - FACTEURS DÉCLENCHANTS :
Ils sont nombreux et variables selon les patients et d’une crise à
l’autre chez un même patient.
Dans la migraine ophtalmique chez
la femme, les facteurs hormonaux jouent un rôle beaucoup moins
important que dans la MSA.
Les facteurs psychologiques (émotions,
stress) et les stimuli visuels sont beaucoup plus fréquents.
Les crises
peuvent être déclenchées par une lumière vive (soleil, lumière
électrique éblouissante) ou une lumière alternative (télévision ou
cinéma par exemple).
D’autres facteurs peuvent être incriminés :
alimentaires, climatiques (vent, froid, chaleur), traumatisme crânien
minime, effort, altitude, etc.
Diagnostic
:
Lorsque la description clinique est typique (scotome scintillant dans
un hémichamp visuel suivi ou non de céphalées) et que le sujet a
déjà eu au moins deux crises, le diagnostic est facile.
A - DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :
Les auras visuelles peuvent parfois être difficiles à différencier,
surtout lorsque manque la céphalée, de deux autres variétés de dysfonctionnement cérébral transitoire : les accidents ischémiques
transitoires (AIT) et les crises d’épilepsie partielles.
Les AIT
cérébraux sont des épisodes de dysfonctionnement cérébral, focalisé,
d’origine vasculaire, d’installation brusque et de durée brève
(habituellement de quelques minutes à 30 minutes, au maximum 24
heures) et régressant sans séquelle.
L’examen neurologique au
décours est, par définition, normal.
Un AIT dans le territoire vertébrobasilaire peut ainsi être à l’origine d’une hémianopsie isolée
durant quelques minutes.
De plus, certains AIT s’accompagnent de
céphalée.
La notion de terrain est un élément important pour le
diagnostic différentiel entre AIT et aura visuelle : les AIT survenant
plus chez l’homme (deux fois plus que chez la femme) de plus de 50
ans (âge moyen voisin de 60 ans) ayant des facteurs de risque
vasculaire (hypertension artérielle en particulier).
La même difficulté
se retrouve en ce qui concerne la distinction entre cécité monoculaire
transitoire et migraine rétinienne.
Là aussi, ce sont les antécédents
et l’âge qui vont guider la conduite à tenir.
Au moindre doute, il
semble indiqué de pratiquer des explorations vasculaires complètes
et d’introduire un traitement antiagrégant plaquettaire.
L’aspirine
semble un choix judicieux puisqu’il s’agit du traitement de référence
en prévention secondaire des infarctus cérébraux et que, à posologie
plus élevée (300 mg à 1 g/j), elle est également un traitement de fond
efficace dans les MA.
Une symptomatologie migraineuse peut être liée à une lésion
cérébrale telle une malformation vasculaire (malformation artérioveineuse plus souvent qu’anévrisme), ou à d’autres maladies
neurologiques ou générales tels le lupus, le syndrome des APL,
les thrombocytémies, les cytopathies mitochondriales, le cerebral
autosomal dominant arteriopathy with subcortical infarcts and
leukoencephalopathy (CADASIL).
Il s’agit alors de migraine
« symptomatique ».
Le diagnostic est le plus souvent orienté par
l’existence d’atypies sémiologiques et la présence de signes
neurologiques et/ou généraux à l’examen clinique (par exemple,
l’existence d’un souffle crânien oriente vers une malformation artérioveineuse).
B - MIGRAINE OPHTALMIQUE ET EXAMENS
COMPLÉMENTAIRES :
L’imagerie cérébrale (scanner ou IRM) n’est indiquée qu’en cas
d’atypie sémiologique, de signes neurologiques ou généraux
associés ou d’anomalies à l’examen. Des études IRM dans un but de
recherche ont mis en évidence, sur les séquences pondérées en T2,
des hypersignaux de la substance blanche qui sont plus fréquents
chez les migraineux que chez les non-migraineux, dans la MA que
dans la MSA, et dont la signification reste méconnue.
L’électroencéphalogramme, les potentiels évoqués visuels ou
l’échodoppler cervical et transcrânien n’ont aucune indication
diagnostique dans la migraine ophtalmique.
Traitement
:
La migraine peut représenter un handicap important.
Son traitement
nécessite une étroite collaboration entre le médecin et le patient.
Avant de prescrire un traitement, il est indispensable d’expliquer au
patient que la migraine est une maladie à part entière mais qu’il n’a
pas de lésion cérébrale ou oculaire organique (qu’il n’a pas de
tumeur au cerveau, qu’il n’a pas de problème vasculaire) et qu’il est
en général inutile de pratiquer des examens complémentaires.
Les
principaux facteurs déclenchants des crises doivent être recherchés,
et si possible éliminés ou combattus.
La différence entre traitement
de crise et traitement de fond doit être clairement expliquée.
Dans le
cas de la MA(dont la migraine ophtalmique), il est rare que les crises
soient fréquentes au point de nécessiter un traitement de fond.
Le
traitement est donc essentiellement celui de la crise.
Dans tous les
cas, la tenue d’un calendrier de la migraine, où le patient note ses
crises et le traitement pris, est recommandée.
Enfin, il faut toujours
recommander au patient d’arrêter sa voiture si l’aura survient
lorsqu’il est au volant.
A - TRAITEMENT DE LA CRISE
DE MIGRAINE OPHTALMIQUE :
Il n’y a pas de traitement pour écourter l’aura.
Les traitements de
crise visent à faire disparaître ou au moins soulager la céphalée. Ils
sont donc inutiles en l’absence de celle-ci.
Les traitements de crise
ont surtout été évalués dans la MSA.
Quatre groupes de substances
ont une efficacité démontrée dans la crise migraineuse : les
antalgiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les
dérivés de l’ergot de seigle et les triptans.
Les antalgiques et les AINS sont des traitement non spécifiques de la céphalée
migraineuse.
Ce sont des médicaments de première intention.
Il
ne faut pas hésiter à essayer différents AINS, car leur efficacité n’est
pas croisée.
Ils peuvent être pris dès que les signes visuels débutent,
afin d’écourter et de diminuer l’intensité de la céphalée ultérieure.
Les dérivés de l’ergot de seigle et les triptans sont des
traitements spécifiques de la céphalée migraineuse.
Ce
sont des agonistes des récepteurs sérotoninergiques 5HT1B/1D.
Ils
sont vasoconstricteurs et doivent donc être utilisés après la fin de
l’aura visuelle, car inefficaces et potentiellement dangereux au cours
de l’aura.
La seule étude spécifiquement consacrée à la MA a été
effectuée avec le sumatriptan : de façon intéressante, lorsqu’il est pris
durant l’aura, le sumatriptan n’empêche pas la survenue de la
céphalée.
Les dérivés de l’ergot de seigle, comprennent le tartrate
d’ergotamine, sous forme de comprimés ou suppositoires, et la dihydroergotamine, efficace uniquement par voie parentérale
(injection sous-cutanée ou intraveineuse, spray nasal).
Trois triptans
sont commercialisés en France : le sumatriptan (Imigranet), le
zolmitriptan (Zomigt) et le naratriptan (Naramigt).
Les
contre-indications des différents traitements doivent être strictement
respectées.
Il est souhaitable de proposer au patient un choix
multiple d’antimigraineux de crise à essayer les uns après les autres
lors de crises successives et dont il note l’efficacité dans son
calendrier de la migraine.
Néanmoins, en cas d’échec des quatre
classes utilisées séparément, on conseille la prise d’aspirine ou d’un AINS dès le début des troubles visuels, puis, si la céphalée apparaît,
la prise d’un triptan ou d’un dérivé de l’ergot de seigle.
En revanche, triptans et dérivés de l’ergot de seigle, tous deux vasoconstricteurs,
ne doivent jamais être associés.
Chez l’enfant, le traitement médicamenteux repose essentiellement
sur les antalgiques, l’aspirine et les AINS.
Le sommeil étant à lui
seul capable de stopper la crise, il est très utile de coucher l’enfant
dès le début de la crise.
B - TRAITEMENT DE FOND
:
Le but du traitement de fond est de diminuer la fréquence des crises.
Il est, on l’a vu, rarement nécessaire dans la migraine ophtalmique.
Aucun traitement ne permet de faire disparaître définitivement la migraine, ce qu’il faut expliquer au patient.
Le traitement de fond
ne se justifie qu’en cas de crises fréquentes (trois par mois), avec
céphalées sévères et longues, répondant mal au traitement de crises
et entraînant un retentissement important sur la qualité de vie.
Il
a parfois un intérêt en cas d’auras visuelles fréquentes, même sans
céphalée (certains patients peuvent avoir plusieurs auras par jour) :
l’aspirine est alors un traitement de choix (au moins 300 mg/j).
Les médicaments de fond majeurs sont ceux dont l’efficacité a été
démontrée dans au moins trois essais contrôlés contre placebo dans
la MSA : certains bêtabloquants, le pizotifène, le méthysergide,
l’oxétorone, la flunarizine, l’amitriptyline, les AINS et le valproate
de sodium.
Aucun essai thérapeutique n’a été
spécifiquement consacré au traitement de fond de la MA, à la fois
parce que la MA « pure » (sans crise de MSA) est rare et qu’il est
inhabituel que les crises de MA soient fréquentes.
Les bêtabloquants
sont à éviter dans la MA, des cas d’aggravation ayant été rapportés,
avec augmentation de la fréquence des crises et de la durée de
l’aura.
En cas de MA fréquente, on peut proposer en premier lieu de
l’aspirine.
Dans la plupart des cas, il est nécessaire d’essayer
plusieurs traitements successifs avant de trouver le plus approprié.
Il faut éviter les associations thérapeutiques qui n’ont pas démontré
leur supériorité par rapport à la monothérapie et multiplient le
risque d’effets secondaires indésirables.
Les doses de médicaments
sont toujours augmentées très lentement afin d’éviter les effets
secondaires et en visant la dose maximale tolérée.
La tenue d’un
calendrier des crises permet de mieux apprécier l’efficacité du
traitement de fond qui doit être pris régulièrement pendant 2 à 3
mois avant d’être évalué.
À la fin de cette période, en cas d’échec,
un autre traitement est proposé.
En cas de succès, la dose efficace
est maintenue pendant environ 6 mois, puis la dose est diminuée
lentement afin d’essayer d’arrêter le traitement ou au moins de
trouver la posologie minimale efficace.
Enfin, des traitements de fond non médicamenteux (relaxation,
biofeedback, acupuncture) sont aussi susceptibles d’apporter une
amélioration.