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Hématologie
Métaplasie myéloïde primitive avec myélofibrose
Cours d'hématologie
 


 

Introduction :

Le terme de métaplasie myéloïde primitive avec myélofibrose (MMM) tend à remplacer, en France, celui de splénomégalie myéloïde, pour des raisons à la fois d’harmonisation des dénominations avec les hématologistes d’autres pays, et de meilleure adéquation au tableau clinique et biologique habituel.

L’étiologie de cette affection reste inconnue et sa physiopathologie mal comprise, probablement en partie du fait de sa complexité.

Sa faible incidence, l’absence de traitement curatif ou entraînant une rémission complète expliquent le relatif désintérêt des hématologistes depuis des années pour cette pathologie chronique.

Ce désintérêt a lui-même été cause de l’absence d’études clinicobiologiques portant sur des séries importantes.

Depuis quelques années cependant, des travaux coopératifs clinicobiologiques ont fait progresser la compréhension de certains des mécanismes physiopathologiques de la MMM et amené à proposer des approches thérapeutiques nouvelles qui sont en cours d’évaluation.

Épidémiologie :

La fréquence réelle de la maladie, difficile à évaluer, est probablement sous-estimée.

Souvent comparée à celle de la leucémie myéloïde chronique (LMC), la fréquence moyenne serait de une MMM pour trois ou quatre LMC.

L’affection concerne essentiellement la race blanche. L’âge moyen au diagnostic se situe autour de 60 ans, avec des extrêmes de 15 à 94 ans.

Les cas de moins de 50 ans représentent 15 à 21 % et ont une survie plus longue.

Sont exclus les cas isolés décrits chez les enfants, qui diffèrent par leur sévérité au diagnostic et leur évolution vers une acutisation, fatale le plus souvent.

Les deux sexes sont atteints de façon équivalente. Les cas familiaux sont tout à fait exceptionnels.

Des facteurs favorisants ont été incriminés : l’exposition prolongée aux dérivés benzéniques et les radiations ionisantes.

Clinique :

A - SIGNES D’APPEL :

L’évolution de la maladie est classiquement chronique et insidieuse.

Lors de la première consultation, des signes évocateurs sont retrouvés dans 30 à 100 % des cas depuis 6 mois à 2 ans avec des extrêmes jusqu’à 20 ans.

La maladie est le plus souvent suspectée lors de la découverte fortuite d’une splénomégalie et/ou d’anomalies de l’hémogramme.

Suivant les séries, la fréquence des signes est calculée au diagnostic ou plus tard, ce qui peut rendre compte en partie des différences observées.

Les symptômes sont divers, dominés par le syndrome anémique, noté dans la moitié des cas environ, et caractérisé essentiellement par l’asthénie, souvent multifactorielle.

Les signes abdominaux (douleurs, dyspepsie...) sont mentionnés dans 10 à 47 % des cas. L’amaigrissement, plus ou moins chiffré, est retrouvé dans 7 à 50% des cas.

Les autres signes sont plus rares au début : hyperthermie permanente ou à prédominance vespérale (4 à 6 % des cas), douleurs osseuses (1 à 20 % des cas), syndrome hémorragique avec ou sans thrombopénie (5 à 10 % des cas), infarctus splénique (3 % des cas).

La splénomégalie est le signe fondamental, constant dans de nombreuses séries.

Parfois absente au moment du diagnostic, elle apparaît toujours rapidement, en règle dans l’année.

Sa taille est très variable, modérée (débord < 10 cm) dans 38 à 75 % des cas, parfois très volumineuse, atteignant la fosse iliaque dans 22 % des cas de la série de Barosi.

Classiquement, elle fait partie des plus grosses rates hématologiques, pouvant envahir tout l’abdomen et peser plus de 5 kg.

L’hépatomégalie est présente dans la moitié des cas environ avec des extrêmes proches de 100 %.

Jamais isolée, elle est de taille souvent modérée, sauf après splénectomie. Des signes d’hypertension portale (HTP) sont notés dès le diagnostic dans 1 à 4 % des observations.

Des adénopathies périphériques, de volume modéré et de topographie variable, sont retrouvées dans moins de 10 % des cas.

B - ÉVOLUTION :

La rémission spontanée est exceptionnelle et toujours transitoire.

L’évolution est émaillée de complications souvent multifactorielles, liées à la prolifération tumorale et/ou aux cytopénies et partiellement favorisées par l’âge.

1- Syndrome tumoral :

L’augmentation progressive du volume splénique est presque constante durant l’évolution, d’allure très variable.

Due à la métaplasie myéloïde et à l’augmentation du flux sanguin, aggravée ensuite par l’HTP, elle entraîne un hypersplénisme progressif, en partie responsable des cytopénies.

L’augmentation de volume du foie est fréquente, parallèle et elle est due aux mêmes causes que celle de la rate.

Favorisée par la splénectomie, elle apparaît dans un délai très variable, de quelques mois à plusieurs années, chez 12 à 53 % des splénectomisés.

D’autres foyers d’hématopoïèse ectopique, rarement au premier plan du tableau clinique, sont exceptionnels, parfois favorisés par la splénectomie.

Les adénopathies peuvent atteindre un volume tel qu’on évoque le diagnostic de lymphome, qu’il s’agisse de métaplasie myéloïde simple ou de transformation aiguë ganglionnaire isolée, les territoires profonds étant exceptionnellement seuls touchés.

Les localisations séreuses peuvent occasionner des épanchements : métaplasie myéloïde du péritoine surtout, responsable d’ascite, du péricarde avec tamponnade, ou des synoviales, avec arthrite.

Les localisations cutanées, d’aspect clinique variable, sont à distinguer des formes atypiques de pyoderma gangrenosum et du syndrome de Sweet, parfois associées à diverses hémopathies myéloïdes.

Les localisations au système nerveux central, méninges, intestins et/ou mésentère, reins, poumons sont exceptionnelles.

2- Hypertension portale :

C’est une complication fréquente, souvent tardive, observée dans 7 à 17 % des cas.

Le terme classique d’évolution « cirrhogène » est peu approprié et l’existence d’une véritable cirrhose est discutée.

Elle se traduit par des signes diversement associés : varices oesophagiennes asymptomatiques ou responsables d’hémorragies digestives, perturbations du bilan hépatique, syndrome oedématoascitique (tardif) qui assombrit considérablement le pronostic.

Les mécanismes en sont complexes : rarement obstruction vasculaire à différents niveaux responsable d’une HTP « passive », à type de syndrome de Budd-Chiari posthépatique ou préhépatique par thrombose portale ou splénique ; plus fréquemment à type de bloc intrahépatique, de mécanisme controversé (hémosidérose, métaplasie myéloïde, fibrose).

L’augmentation du flux sanguin splénique, qui entraîne une HTP « active » par augmentation du flux d’entrée (comparable à celle des fistules artérioveineuses spléniques ou portes), et l’obstruction intrahépatique s’associent pour réaliser cette HTP.

3- Transformation aiguë :

Selon les équipes, la fréquence varie de 4 à 28% des cas en fonction des critères de définition utilisés. L’acutisation survient dans un délai très variable après le diagnostic, souvent précédée d’une phase « d’accélération », caractérisée par des signes cliniques d’évolutivité (hyperthermie, amaigrissement, sueurs), une augmentation de l’hépatosplénomégalie, de l’anémie, de la thrombopénie et de la leucocytose.

Partie intégrante de l’évolution naturelle de la maladie, elle pourrait être favorisée par la thérapeutique : busulfan, splénectomie.

Il s’agit presque exclusivement de leucémies aiguës non lymphoblastiques, de types divers.

La transformation aiguë est en général myélosanguine.

Cependant, des foyers d’hématopoïèse extramédullaires acutisée peuvent apparaître, souvent en même temps que dans la moelle, beaucoup plus rarement de façon isolée.

Comme dans toutes les leucémies aiguës secondaires, le pronostic est très défavorable à court terme et la chimiorésistance habituelle.

4- Anémie :

Quasiment constante dans l’évolution, elle demeure le problème principal dans plus de la moitié des cas.

La compréhension de son mécanisme, lequel est complexe et rarement univoque, est utile pour les indications thérapeutiques : diminution de durée de vie des hématies, souvent modérée, par séquestration splénique ; érythropoïèse inefficace souvent au premier plan. Les transfusions itératives exposent aux risques viscéraux de la surcharge en fer.

5- Autres complications :

Elles sont habituellement multifactorielles, liées non seulement à la maladie elle-même, mais aussi à l’âge et au terrain, en particulier la cachexie progressive, fréquente à la phase terminale.

Les complications infectieuses sont très fréquentes (19 à 33 % des cas) : infections bronchopulmonaires surtout, tuberculoses pulmonaires ou ganglionnaires.

Elles sont favorisées par de multiples causes : neutropénie spontanée ou chimio-induite, défaut qualitatif des polynucléaires neutrophiles, splénectomie, déficits immunitaires rares, affections cardiaques et pulmonaires.

Les complications hémorragiques dues à une thrombopénie sévère sont notées dans 16 à 27 % des cas.

Les anomalies qualitatives plaquettaires augmentent le risque hémorragique mais ces complications restent rares.

Les complications cardiovasculaires sont les causes majeures de décès : la MMM aggrave les phénomènes ischémiques et les cardiopathies préexistantes, fréquents chez ces patients souvent âgés.

Les accidents thromboemboliques et les hémorragies, peu corrélés aux tests biologiques, sont favorisés par la thrombopathie.

L’insuffisance cardiaque est observée dans 10 à 26 % des cas, favorisée par l’anémie, l’hypervolémie plasmatique et l’hémochromatose.

Les classiques complications de l’hyperuricémie (goutte, lithiases urinaires) et l’insuffisance rénale, ont presque disparu avec l’utilisation large des hypo-uricémiants.

6- Causes de décès :

Elles sont parfois inconnues chez les patients peu ou pas suivis, ou intercurrentes (18 à 23 %) chez des patients âgés.

Le caractère lié ou non à la maladie est parfois difficile à préciser (intrication avec le terrain), de même que la cause exacte du décès (intrication des différentes complications).

La transformation aiguë est responsable dans 15 à 27 % des observations, l’HTP dans 3 à 15% des cas.

Les complications regroupées sous le terme « d’insuffisance myéloïde » (anémie, hémorragies, infections) sont les plus fréquentes : hémorragies digestives et cérébroméningées dans 7 à 15 % des cas, infections dans 13 à 41 % des cas ; l’anémie n’étant pas une cause isolée de décès.

La cachexie est mise en cause dans 4 à 15% des cas.

Les complications cardiovasculaires, fréquentes, regroupent l’insuffisance cardiaque, responsable du décès dans 11 à 34 % des cas, les accidents vasculaires cérébraux et les embolies pulmonaires.

Examens complémentaires :

A - SANG :

1- Hémogramme :

L’anémie, de niveau variable, souvent majorée par l’hémodilution en cas de splénomégalie volumineuse, est présente dans 75 % des cas lors du diagnostic.

Elle s’accompagne de déformations multiples des hématies : anisocytose, poïkilocytose, hématies en « larme » relativement caractéristiques de la myélofibrose, schizocytes, sphérocytes, cellules en « cible »... sans modification des constantes érythrocytaires.

Les réticulocytes sont normaux ou augmentés mais en général sans signes biologiques d’hémolyse.

Une augmentation du glutathion réduit, une élévation de la concentration érythrocytaire en glucose-6-phosphatedéshydrogénase ou des stigmates d’hémoglobinurie nocturne paroxystique peuvent s’observer.

L’érythropoïétine (EPO) sérique est corrélée au degré de l’anémie dans 87 % des cas.

La présence dans le sang d’érythroblastes acidophiles et polychromatophiles, variable dans le temps, est presque toujours observée et représente moins de 10 % des éléments nucléés, sauf chez les splénectomisés où elle devient prédominante.

Une hyperleucocytose modérée (10 à 25 X 109/L) avec polynucléose neutrophile et myélémie est très fréquente.

La présence de blastes indifférenciés, dans une proportion pouvant aller jusqu’à 10 %, est possible, parfois transitoire.

Une monocytose excessive est parfois constatée.

La numération plaquettaire est normale chez la moitié des patients ; les autres se partagent également entre une thrombocytose et une thrombopénie modérées.

Des anomalies morphologiques sont habituelles : anisothrombocytose avec plaquettes géantes et surtout plaquettes « vides » rappelant celles du syndrome des plaquettes grises.

Dans quelques cas, notamment après splénectomie, le sang comporte un petit contingent de fragments mégacaryocytaires ou des micromégacaryocytes.

Les fonctions plaquettaires sont souvent anormales : le temps de saignement (TS), mesuré par technique d’Ivy, est prolongé dans plus de la moitié des cas, l’agrégabilité des plaquettes au collagène et à l’acide adénosine diphosphorique (ADP) est déficiente dans 50 à 60 % des cas sans corrélation avec l’allongement du TS ni le risque hémorragique.

La coagulation proprement dite est régulièrement anormale, avec surtout une diminution modérée de l’activité du complexe prothrombinique ; une coagulation intravasculaire latente est parfois invoquée.

Le nombre des progéniteurs circulants CD34+ par cytométrie en flux est régulièrement augmenté à plus de 20 cellules/µL (pour une norme < 10), avec des chiffres parfois considérables atteignant 100 fois les valeurs physiologiques ; cette augmentation est principalement corrélée à la fibrose médullaire mais n’est pas indépendante du caractère prolifératif de la maladie, notamment de la myélémie.

Il existe un parallélisme entre la concentration sanguine des cellules CD34+ et l’évolution de la maladie ; en cas de transformation aiguë, les blastes circulants viennent encore augmenter la population CD34+.

2- Marqueurs sériques et/ou plasmatiques :

Comme au cours des autres syndromes myéloprolifératifs chroniques, hyperuricémie et élévation de la concentration sérique en vitamine B12 sont fréquentes.

Une autre perturbation non spécifique est l’augmentation considérable des lacticodéshydrogénases (LDH) jusqu’à dix fois la normale.

L’activité des phosphatases alcalines sériques est modérément accrue dans 20 à 50 % des cas.

La concentration sérique du peptide aminoterminal du procollagène III est augmentée, en rapport avec l’activité fibrosante de la maladie.

Ces molécules circulent aussi en quantité augmentée lors des fibroses médullaires ou tissulaires relevant d’autres étiologies.

B - MOELLE OSSEUSE :

1- Myélogramme :

Il est généralement difficile à réaliser, du fait de la dureté de l’os, et la tentative d’aspiration de la moelle est souvent infructueuse : « blanche » ou prélèvement dilué de sang.

Lorsque le frottis est analysable, on observe des anomalies traduisant une dysérythropoïèse, voire une dysplasie plus globale, affectant notamment la lignée mégacaryocytaire, sans excès de blastes.

En présence d’un prélèvement riche, le diagnostic d’anémie réfractaire peut se discuter ; la coloration de Perls n’identifie que rarement des sidéroblastes en couronne.

Les anomalies mégacaryocytaires sont connues de longue date mais ont été, au moins en France, assez peu étudiées et n’ont pas fait l’objet de descriptions systématisées et comparatives avec celles observées dans d’autres syndromes myéloprolifératifs (polyglobulie primitive et thrombocytémie essentielle) et dans les myélodysplasies.

Certains anatomopathologistes, en particulier le groupe de Thiele en Allemagne, considèrent l’analyse mégacaryocytaire comme essentielle et identifient des anomalies qu’ils considèrent comme spécifiques d’une phase préfibrotique de la MMM.

Cette entité n’est pas reconnue comme telle par de nombreux hématologistes européens, dont les Français, qui la rattachent plutôt aux thrombocytémies essentielles ou à certains syndromes myélodysplasiques.

2- Biopsie médullaire :

Elle est indispensable au diagnostic de MMM.

L’aspect histologique est variable d’un malade à l’autre, et souvent d’un territoire à l’autre chez un même patient. Ward et Block ont proposé une classification en trois groupes, largement utilisée actuellement.

Des caractères constants caractérisent l’aspect histologique médullaire de la MMM : l’hypertrophie et la dystrophie de la population mégacaryocytaire ; les remaniements vasculaires avec augmentation du nombre et de la taille des sinusoïdes qui contiennent des foyers d’hématopoïèse intravasculaire ; la fibrose due à l’augmentation de la population fibroblastique et au dépôt de collagène et d’autres molécules stromales dans le tissu hématopoïétique.

S’y associent des aspects spécifiques de chacun des trois types :

– type 1 : forme hyperplasique dite de « fibrose réticulinique » : le tissu hématopoïétique est riche, le tissu adipeux normalement présent dans certaines logettes chez l’adulte a presque disparu.

La densification de la trame fibreuse médullaire est mise en évidence uniquement par colorations spéciales argentiques.

Périvasculaire et située autour des logettes médullaires, particulièrement nette dans les zones de prolifération mégacaryocytaire, elle ne désorganise pas l’architecture médullaire normale.

Cette fibrose, dite réticulinique, est due au dépôt dans la matrice de collagène de type III et de diverses molécules glycaniques ;

– type 2 : forme de « fibrose collagène » : le réseau fibreux intramédullaire beaucoup plus important, constitué de faisceaux épais, détruit l’architecture médullaire normale.

L’hématopoïèse est normale ou diminuée, la population mégacaryocytaire proportionnellement très abondante, cernée par la fibrose.

On parle de fibrose mutilante, à laquelle on peut voir s’associer un début d’ossification anormale.

Ce réseau est constitué de collagènes de types I et III ;

– type 3 : ostéomyélosclérose : le tissu hématopoïétique a quasiment disparu, remplacé par une prolifération anarchique de tissu fibreux, qui désorganise l’architecture et occupe les logettes médullaires.

S’y associe une ostéosclérose, c’est-à-dire une calcification osseuse de ces fibres, avec ostéoblastes et ostéoclastes qui peuvent être assez abondants.

Cette classification, assez communément admise, incluait implicitement une notion d’évolutivité progressive d’une forme vers l’autre, qui ne repose pourtant sur aucun argument objectif solide.

On peut même dire que la coexistence de plusieurs aspects histologiques chez le même patient, et la relative stabilité dans le temps de l’aspect histologique chez un même malade sont des arguments contre cette hypothèse.

C - AUTRES EXAMENS :

1- Cytogénétique :

Le caryotype médullaire est souvent infructueux en raison de la pauvreté du prélèvement ; l’étude cytogénétique des leucocytes du sang (sans stimulation par la phytohémagglutinine [PHA]) est en revanche relativement aisée, du fait de la quantité importante de précurseurs hématopoïétiques circulants, aptes à se diviser.

Une culture de 24 heures est en règle suffisante pour obtenir des mitoses analysables.

L’exploitation des prélèvements sanguins a permis l’étude de séries de patients conséquentes.

L’analyse du caryotype permet de vérifier l’absence du chromosome Philadelphie (Ph1, marqueur de la translocation chromosomique q-22 spécifique de la CMC) et identifie une anomalie cytogénétique clonale, aneuploïdie ou anomalie numérique, dans 30 à 50 % des cas.

Un traitement préalable ne semble pas accroître notablement cette proportion.

Les anomalies observées ne sont pas spécifiques ; les plus communes, totalisant 90 % des caryotypes anormaux, sont des délétions 13q, 20q, 7q et 5q, des trisomies 1q, 8, 9 et 21 et des monosomies 7.

Des remaniements complexes sont rares et peuvent laisser augurer d’une transformation aiguë.

2- Imagerie :

Une ostéocondensation localisée ou diffuse est manifeste dans 40 % des cas sur les radiographies du squelette, sans correspondance avec le stade histologique de la fibrose médullaire.

Elle se voit surtout sur les os longs, le bassin, le crâne, les corps vertébraux par un épaississement de la corticale et une densification de la trame osseuse.

L’imagerie par résonance magnétique nucléaire met en évidence l’expansion de la moelle hématopoïétique dans les territoires normalement adipeux ; la présence de tissu hématopoïétique, marquée par un hyposignal en T1 et T2 dans les têtes fémorales et les grands trochanters, est significative et liée à la sévérité de la maladie.

Cet aspect non spécifique s’observe dans d’autres hémopathies prolifératives.

3- Explorations isotopiques :

La scintigraphie médullaire à l’111In transferrine montre une raréfaction des territoires hématopoïétiques dans le squelette axial et leur extension vers les os longs et la rate, croissante au cours de l’évolution.

La mesure isotopique des volumes sanguins donne une indication du degré réel de l’anémie et fait la part de l’hémodilution liée à la splénomégalie.

La durée de vie des hématies peut être étudiée après leur marquage au 51Cr : une réduction modérée de la survie (15-25 jours) est habituelle en auto- comme en allotransfusion, une hémolyse franche ne s’observe que chez 15 % des sujets.

Une étude de la survie des plaquettes marquées précise le mécanisme d’une éventuelle thrombopénie.

L’étude isotopique du métabolisme du fer est utile pour préciser le mécanisme de l’anémie : l’injection de 59Fe transferrine, suivie de comptages externes précoces, permet d’ affirmer l’érythropoïèse splénique dans 90 % des cas.

L’exploration complète associe à des comptages externes répétés, en regard de la rate, du foie et du sacrum, une étude cinétique de l’épuration plasmatique et de l’incorporation globulaire de l’isotope.

La fixation osseuse du fer est faible ou nulle tandis que la captation splénique, voire hépatique, est importante et rapide, témoignant de l’activité érythropoïétique de la rate et du foie.

Le turn over plasmatique du fer, indice de l’érythropoïèse totale, est augmenté dans 80 % des cas, jusqu’à dix fois la normale, et contraste avec une incorporation globulaire faible, ce qui indique une érythropoïèse inefficace.

Barosi distingue trois catégories de patients :

– la classe I se caractérise par une érythropoïèse inefficace majeure avec conservation d’une érythropoïèse efficace notable, captation splénique ou hépatosplénique exclusive de l’isotope et anémie modérée ou absente ;

– la classe II comporte une hyperhémolyse franche non compensée par une érythropoïèse partiellement inefficace, à la fois médullaire et splénique ; l’anémie y est constante ;

– la classe III, plus rare, se définit par une insuffisance globale de l’érythropoïèse produisant une anémie de type aplasique.

La fixation osseuse et splénique est faible et l’isotope rapidement détourné vers les réserves hépatiques.

4- Histologie splénique, hépatique et d’autres organes :

* Rate :

La splénomégalie, parfois très volumineuse, est essentiellement due à la métaplasie myéloïde de cet organe, c’est-à-dire à l’installation de foyers d’hématopoïèse hétérotopique.

La capsule splénique est épaissie et l’examen microscopique montre une hématopoïèse active, avec de nombreux mégacaryocytes, en particulier dans les sinusoïdes spléniques.

La fibrose splénique est peu fréquente, en général peu intense sauf sur des rates de patients ayant une longue évolution et une hypertension portale.

* Foie :

L’hépatomégalie, retrouvée dans 70 % des cas, est probablement due à un double mécanisme.

Il existe certes, au niveau des sinusoïdes hépatiques, une métaplasie myéloïde évidente, là encore caractérisée par sa richesse en mégacaryocytes.

Une hyperplasie kupfférienne est également décrite.

Mais l’hépatomégalie semble plus liée à la stase vasculaire hépatique, générée par le ralentissement du débit circulatoire intrahépatique (métaplasie) et l’augmentation du flux sanguin afférent (grosse rate) qu’à la prolifération clonale elle-même.

La fibrose, comme dans la rate, est un phénomène mineur et tardif qui ne semble pas corrélé à la métaplasie.

* Autres organes :

Des localisations très variables sont possibles, volontiers asymptomatiques.

Les ganglions sont les organes le plus souvent touchés, d’autres peuvent l’être également, de façon plus rare.

Il s’agit en règle d’une hématopoïèse hétérotopique riche en mégacaryocytes et en îlots érythroblastiques.

5- Manifestations dysimmunitaires :

Des publications relativement anciennes rapportent des anomalies immunologiques variées associées à la MMM.

On peut les classer schématiquement en trois rubriques :

– déficit de l’immunité à médiation cellulaire : des phénomènes d’anergie cutanée aux antigènes et d’anomalies de formation des rosettes E ont été décrits ;

– manifestations auto-immunes : une fréquence accrue de divers autoanticorps a été rapportée par certains et contestée par d’autres, comme des tests de Coombs directs positifs dans 50 % des cas ;

– modifications du complément et présence de complexes immuns circulants : elles ont été rapportées, avec pour certains une liaison à l’évolutivité et au pronostic.

Des immunoglobulines (Ig) monoclonales ont également été décrites.

Ces résultats sont discutables du fait des techniques employées et de l’absence d’évaluation en fonction de l’âge assez élevé de ces populations.

Ces descriptions ont fait envisager des mécanismes pathogéniques auto-immuns à la MMM, à peu près abandonnés actuellement.

Il est cependant intéressant de noter que certaines maladies auto-immunes vraies peuvent s’accompagner au cours de leur évolution de véritables fibroses médullaires.

Diagnostic différentiel :

Le diagnostic différentiel avec les autres SMP ne se pose guère, exception faite de certains tableaux hématologiques dits « transitionnels ».

A - MYÉLODYSPLASIES :

Elles se révèlent aussi par une anémie, affectent la même tranche d’âge et ont en commun avec la MMM une hématopoïèse dysplasique, certaines anomalies du caryotype et, dans certains cas, une fibrose médullaire parfois majeure.

La distinction peut être difficile dans les formes avec splénomégalie, notamment la dysplasie myélomonocytaire chronique et les syndromes de condensation anormale de la chromatine.

B - MYÉLOFIBROSES AIGUËS :

Atteignant des patients d’âge varié, elles se sont avérées correspondre à des leucémies aiguës mégacaryoblastiques (type M7 selon la classification franco-américaine [FAB]) ou à certaines myélodysplasies aiguës.

Il s’agit d’anémies de constitution rapide avec splénomégalie discrète ou absente, pancytopénie, érythromyélémie modeste et déformations minimes des hématies.

La moelle est hyperplasique avec fibrose réticulinique ; on y observe un excès de blastes et de mégacaryocytes.

L’évolution, rapidement défavorable, justifie des thérapeutiques lourdes si l’âge le permet.

C - MÉTASTASES MÉDULLAIRES DES ADÉNOCARCINOMES :

Les métastases de cancer, notamment du sein et de la prostate, produisent à leur contact une importante fibrose qui se traduit à l’hémogramme par des anomalies identiques à celles de la MMM, si ce n’est une thrombopénie quasi constante.

Les douleurs osseuses diffuses sont habituelles et il n’y a pas ou peu de splénomégalie ; les antécédents sont souvent évocateurs et la biopsie médullaire assure le diagnostic.

D - TRICHOLEUCOCYTOSE ET LYMPHOMES SPLÉNIQUES :

Ils peuvent se présenter avec une myélofibrose prédominante sans envahissement médullaire évident.

L’image sanguine est plutôt celle d’une pancytopénie avec déformations des hématies et érythromyélémie.

La splénectomie peut être nécessaire au diagnostic.

Physiopathologie :

A - MODÈLES EXPÉRIMENTAUX :

À ce jour, il n’existe que quelques types de modèles expérimentaux murins de myélofibrose associée à un syndrome myéloprolifératif qui puissent être rapprochés de la pathologie humaine.

L’un est induit par le rétrovirus sarcomatogène myéloprolifératif (MPSV) , les autres résultent d’une surexpression de la thrombopoïétine (Tpo).

Nous avons montré que le modèle provoqué par le virus MPSV partage de nombreuses caractéristiques cliniques et biologiques avec la pathologie humaine, tant pour ce qui concerne la myélofibrose que la myéloprolifération.

En particulier, les modifications qualitatives et quantitatives des progéniteurs hématopoïétiques pluripotents et différenciés myéloïdes périphériques sont très comparables à celles observées chez des patients atteints de MMM.

Comme dans la pathologie humaine, ces progéniteurs forment des colonies en l’absence de facteurs de croissance exogènes lorsqu’ils sont ensemencés non purifiés à forte concentration cellulaire.

Dans le modèle MPSV, l’amplification du compartiment des progéniteurs et leur « pseudoautonomie » de croissance in vitro résultent d’une production anormalement élevée de cytokines à activité fibrogénique (tumor necrosis factor [TNF]-a, transforming growth factor [TGF]-b, basic fibroblast growth factor [bFGF]) et de facteurs de croissance hématopoïétiques (interleukine [IL] 1a, IL3, IL6, granulocyte-macrophage colony stimulating factor [GM-CSF], granulocyte colony stimulating factor [G-CSF] et macrophage colony stimulating factor [M-CSF]).

L’injection aux souris infectées d’anticorps neutralisant l’activité biologique de certains de ces facteurs de croissance confirme leur rôle dans la genèse de cette myélofibrose expérimentale en freinant son développement.

L’injection de GM-CSF, d’ IL 1, IL 3, IL 6, de leukemia inhibitory factor (LIF), ou de platelet derived growth factor (PDGF) à des souris, ou encore la transfection de vecteurs rétroviraux porteurs de ces gènes provoquent des myéloproliférations proches de celles du modèle MPSV, mais non systématiquement associées à une myélofibrose.

Ces résultats renforcent le mécanisme pathogénique invoqué.

D’autres modèles expérimentaux dans lesquels la Tpo a été surexprimée in vivo ont été récemment développés : souris transgéniques ou transfert du gène par des vecteurs rétroviraux ou adénoviraux.

Comme dans la pathologie humaine, la myélofibrose est présente.

Elle s’associe à une thrombocytose peu fréquente dans la MMM humaine et à des taux sériques de Tpo atteignant des valeurs 40 000 fois supérieures à la normale, qui contrastent avec son augmentation modérée de trois à quatre fois chez les patients.

La myélofibrose observée dans la pathologie humaine et dans ces modèles expérimentaux Tpo induits résulte probablement de processus distincts.

De plus, les autres élements diagnostiques définissant la pathologie humaine ne sont pas, pour la majorité d’entre eux, systématiquement retrouvés dans ces modèles expérimentaux induits par la Tpo.

Ces modèles sont plus vraisemblablement des modèles de fibrose hématopoïétique aiguë, tels qu’on les rencontre dans des pathologies de type myélofibrose subaiguë maligne et leucémie à mégacaryocytes.

Dans les modèles de transgenèse, les taux très importants de Tpo entraînent une augmentation de la production plaquettaire et mégacaryocytaire de certaines cytokines fibrosantes.

À l’inverse, dans la pathologie humaine, la production beaucoup plus modeste de Tpo est très probablement secondaire à la production dérégulée d’autres cytokines par les cellules hématopoïétiques primitives ou plus différenciées (mégacaryocytes, macrophages) clonales.

B - PATHOGENÈSE DE LA MYÉLOFIBROSE :

La myélofibrose est l’un des éléments anatomocliniques majeurs de la MMM.

Vraisemblablement réactionnelle, sa pathogenèse est désormais mieux comprise. Plusieurs observations suggèrent un rôle important des cellules de la lignée mégacaryocytaire dans le développement de cette fibrose :

– l’hyperplasie mégacaryocytaire, avec formes atypiques ou dysplasiques, caractéristique constante et prédominante de la MMM ;

– l’association souvent étroite de cette hyperplasie au tissu fibreux ;

– le nombre augmenté de mégacaryocytes et la présence de leurs précurseurs dans le sang circulant ;

– les transformations leucémiques à micromégacaryoblastes ; – l’analogie avec certaines pathologies des granules a plaquettaires s’accompagnant de fibrose médullaire.

Castro-Malaspina a, le premier, montré que les homogénats de mégacaryocytes stimulaient la prolifération de fibroblastes médullaires et suggéré le rôle d’un facteur de croissance, le PDGF, dans la genèse de la myélofibrose.

Selon son hypothèse, le développement de la myélofibrose résulterait d’un déséquilibre entre la production accrue de collagène induite par le PDGF et la diminution de sa dégradation par un inhibiteur de l’activité collagénase, le facteur plaquettaire 4 (PF4).

Depuis, de nombreuses autres cytokines ont également été impliquées dans la genèse de cette fibrose réactionnelle.

1- « Platelet derived growth factor » :

Le PDGF est un polypeptide homo- ou hétérodimérique (AA, BB, AB).

Produit par différents types cellulaires, il est cependant principalement synthétisé dans les mégacaryocytes et stocké dans les granules a des plaquettes.

Parmi ses nombreuses propriétés biologiques, le PDGF induit la prolifération des cellules du mésenchyme, telles que fibroblastes, cellules du muscle lisse et cellules gliales ; il est en outre chimiotactique pour les fibroblastes, les cellules du muscle lisse, les polynucléaires neutrophiles et les monocytes.

L’hypothèse d’une libération anormale de PDGF par les mégacaryocytes dans l’espace intramédullaire a conduit à mesurer ses concentrations intraplaquettaires et plasmatiques dans la MMM.

Certains groupes ont rapporté des taux intraplaquettaires diminués de PDGF et parfois d’autres protéines a-granulaires comme le PF4 et/ou la b-thromboglobuline (b-TG), contrastant avec des taux élevés dans le plasma pauvre en plaquettes.

D’autres groupes ont rapporté des résultats opposés, avec des valeurs de PDGF intraplaquettaire significativement élevées.

Bien qu’apparemment contradictoires, ces données évoquent un relargage anormal et une synthèse accrue du PDGF par les mégacaryocytes/plaquettes.

Dans les syndromes myéloprolifératifs en général et dans la MMM en particulier, des niveaux d’expression élevés de l’acide ribonucléique (ARN) messager codant les chaînes A et/ou B du PDGF soutiennent cette dernière hypothèse.

Mais l’absence de stricte corrélation entre les taux de PDGF intraplaquettaire et le degré de fibrose suggère fortement que d’autres facteurs de croissance d’origine mégacaryocytaire, tels que les TGF-b et les bFGF, sont impliqués dans ce processus complexe.

2- « Transforming growth factor-b » :

Le TGF-b est une cytokine pléiotrope qui induit l’activation des fibroblastes et une fibrose dans des modèles animaux et dans des pathologies non hématologiques.

Il a de puissantes propriétés angiogéniques, stimule l’expression génique et la production d’inhibiteurs de protéases ainsi que des collagènes de types I, III et IV, de la fibronectine et de protéoglycanes, alors qu’il inhibe l’expression de protéases capables de dégrader la matrice.

Comme le PDGF, ce peptide dimérique synthétisé dans les mégacaryocytes, présent à des concentrations élevées dans les granules a des plaquettes, est chimiotactique pour les monocytes et les fibroblastes.

Tous ces arguments suggèrent son implication dans le développement de la myélofibrose associée aux maladies hématologiques et en particulier à la MMM.

La synthèse par les mégacaryoblastes de TGF-b sous sa forme active, alors qu’il est généralement produit sous forme latente, et les concentrations plasmatiques augmentées rapportées dans la leucémie à micromégacaryocytes apportent des informations intéressantes sur son rôle pathogène et sa possible implication dans la genèse de la fibrose médullaire associée à cette leucémie.

On a rapporté des taux intraplaquettaires de TGF-b très augmentés dans la MMM et montré que les mégacaryocytes circulants des malades expriment et produisent des taux élévés de TGF-b sous forme latente.

Ces résultats suggèrent fortement que mégacaryocytes et TGF-b sont étroitement liés à la physiopathologie de la MMM.

Le TGF-b, puissant agent angiogénique, pourrait, en outre, participer à la néoangiogenèse observée dans la MMM.

3- « Fibroblast growth factor » basique :

Le bFGF produit par les cellules stromales médullaires et les cellules hématopoïétiques est aussi présent dans les mégacaryocytes et les plaquettes.

Le bFGF est un mitogène puissant pour les cellules stromales médullaires humaines et, comme le TGF-b, c’est un puissant facteur angiogénique.

Le bFGF participe à l’hématopoïèse, en particulier en potentialisant la prolifération des mégacaryocytes médullaires et de leurs progéniteurs.

Les données sur la possible implication du bFGF dans des hémopathies sont encore rares ; cependant, des études récentes ont montré une augmentation de l’expression du bFGF dans les cellules mégacaryocytaires circulantes et les plaquettes de malades atteints de MMM.

De façon intéressante, bien que produisant du bFGF, les cellules mégacaryocytaires de patients ne l’exportent pas à l’extérieur de la cellule.

Les anomalies morphologiques des mégacaryocytes de patients, les taux urinaires élevés de bFGF, ainsi que les taux sériques augmentés détectés chez les patients font évoquer le relargage anormal du facteur de croissance par ces mégacaryocytes/plaquettes anormaux et/ou en cours de lyse.

4- Autres facteurs de croissance :

Leur rôle dans l’étiologie de la fibrose médullaire ne doit pas être écarté.

L’epidermal growth factor (EGF) est lui aussi présent dans les mégacaryocytes et relargué par dégranulation.

Il coopère avec le PDGF et le TGF-b pour stimuler la prolifération des fibroblastes médullaires humains.

Cependant, la seule étude réalisée a montré que ses taux intraplaquettaires chez les malades sont normaux.

Outre ces différents facteurs, on a récemment montré que les mégacaryocytes présents dans la moelle osseuse produisent et sécrètent de grandes quantités de vascular endothelial growth factor (VEGF).

Le VEGF est une cytokine multifonctionnelle ; essentielle à l’angiogenèse, qui peut également favoriser le développement de la fibrose.

À cet égard, les taux plasmatiques élevés détectés chez les patients suggèrent que le VEGF pourrait participer au développement de la MMM, maladie dans laquelle une néoangiogenèse médullaire est présente également.

Enfin, les plaquettes sont une source importante de calmoduline, facteur qui régule la prolifération des fibroblastes humains normaux in vitro.

À l’inverse des syndromes myéloprolifératifs non associés à une fibrose, des taux urinaires élevés de calmoduline ont été détectés chez les patients avec MMM ; ceci pouvant résulter d’un relargage anormal à partir de mégacaryocytes/plaquettes défectueux.

C - PROLIFÉRATION HÉMATOPOÏÉTIQUE :

Quelques résultats expérimentaux solides démontrent que la MMM est une maladie clonale des cellules hématopoïétiques, et que les fibroblastes, dont le nombre et l’activité fonctionnelle sont accrus, sont génotypiquement et fonctionnellement normaux.

Jacobson et al, se basant sur la clonalité de l’enzyme G6PD, ont montré que les populations hématopoïétiques (érythrocytes, plaquettes, granuleux) sont monoclonales, alors que les fibroblastes sont d’origine polyclonale.

Cette première conclusion a ensuite été confirmée par d’autres méthodes : cytogénétique et analyse fonctionnelle des populations fibroblastiques et, plus récemment, techniques de génétique moléculaire montrant des anomalies géniques acquises touchant les trois lignées hématopoïétiques.

Nous avons récemment montré que, chez des patients présentant des anomalies caryotypiques lors de l’analyse du sang total, les cellules CD34+ appartiennent au clone pathologique puisqu’elles portent les mêmes anomalies (résultats personnels non publiés).

La prolifération myéloïde est à rapporter à des augmentations de 10, 15 ou 150 fois des progéniteurs circulants, granulomonocytaires, érythroblastiques et mégacaryocytaires respectivement, et à des augmentations très importantes des progéniteurs spléniques, contrastant avec une diminution, au moins relative, des progéniteurs médullaires.

Quand les cellules mononucléaires sanguines sont implantées à forte concentration cellulaire, les progéniteurs forment des colonies spontanées en l’absence de facteurs de croissance exogènes.

Nous avons montré récemment que cette « pousse » spontanée disparaît lorsque l’on cultive des progéniteurs CD34+ purifiés, suggérant que dans la MMM, les cellules non CD34+ du sang produisent des facteurs de croissance indispensables à la prolifération et/ou différenciation des progéniteurs hématopoïétiques.

L’identité de ces facteurs de croissance hématopoïétiques et/ou fibrosants et les mécanismes de la dérégulation de leur production sont encore incomplètement élucidés.

Des résultats récents suggèrent que ces cytokines pourraient être produites non seulement par les cellules hématopoïétiques clonales (progéniteurs, mégacaryocytes, macrophages..), mais également par les cellules de l’environnement hématopoïétique (fibroblastes, cellules endothéliales..) du sang et des organes hématopoïétiques atteints.

Leur liaison aux molécules du stroma médullaire anormalement abondant pourrait être responsable de fortes concentrations locales, dérégulatrices de l’hématopoïèse.

1- Rôle des facteurs de croissance fibrosants :

L’augmentation de la population mégacaryocytaire et ses anomalies morphologiques ont conduit à rechercher l’implication potentielle du TGF-b et du bFGF produits par ces cellules dans l’amplification des progéniteurs hématopoïétiques caractéristique de la MMM.

En effet, ces deux cytokines fibrosantes sont aussi de puissants régulateurs de l’hématopoïèse précoce : le TGF-b est l’un des principaux inhibiteurs de la mise en cycle des progéniteurs hématopoïétiques primitifs, alors que le bFGF stimule leur prolifération en association avec d’autres facteurs de croissance hématopoïétiques et/ou en s’opposant aux effets inhibiteurs du TGF-b.

Des résultats récents ont montré que si l’expression du TGF-b n’est pas modifiée dans les progéniteurs CD34+ circulants des malades, en revanche, celle de son récepteur de type II, sous-unité qui lie le TGF-b est significativement diminuée.

Cette diminution est en corrélation avec une diminution de la sensibilité des progéniteurs CD34+ au TGF-b in vitro.

À l’inverse, l’expression du bFGF et de ses récepteurs de types I et II est très augmentée dans les cellules CD34+ des malades.

Ainsi, la diminution de l’expression du récepteur de type II du TGF-b et l’augmentation de celle du bFGF et de ses récepteurs pourraient participer aux mécanismes conduisant à l’expansion du compartiment des cellules CD34+ chez ces malades.

2- Rôle des facteurs de croissance hématopoïétiques :

Comme cela a été rapporté pour le TGF-b et le bFGF, il existe une altération de la sensibilité des progéniteurs hématopoïétiques CD34+ de MMM à d’autres facteurs de croissance, dont le stem cell factor (SCF) (MC Le Bousse-Kerdilès, résultats non publiés).

Par ailleurs, l’importance des cellules mégacaryocytaires et leur dystrophie dans la MMM ont conduit diverses équipes à étudier l’implication de la Tpo et de son récepteur, le c-mpl, régulateurs physiologiques de la mégacaryocytopoïèse.

Leurs résultats parfois discordants ne permettent pas aujourd’hui de proposer une hypothèse consensuelle sur le rôle potentiel de cette cytokine dans la physiopathologie de la MMM.

Le M-CSF, facteur de croissance et d’activation des cellules monocytaires/macrophagiques, est aussi présent à des taux augmentés dans le sérum de patients atteints de MMM.

Ces taux élevés sont corrélés au degré de splénomégalie et d’extension de l’hématopoïèse aux os longs et ils sont liés à l’augmentation significative de la population macrophagique de l’organisme, mise en évidence dans la moelle osseuse par immunohistochimie.

De plus, l’hypercholestérolémie, l’augmentation du catabolisme des low density lipoprotein (LDL), l’hypertriglycéridémie, l’augmentation du lysozyme traduisent l’activation fonctionnelle des macrophages.

L’augmentation de cette population et son activation pourraient jouer un rôle dans le processus fibrosant et dans l’amplification de l’hématopoïèse, en produisant de multiples cytokines telles que le PDGF, le TGF-b, le TNF-a et l’IL1.

Le TNF-a et l’IL1 stimulent la prolifération des fibroblastes de façon directe, induisent la production et la sécrétion d’autres cytokines par leurs cellules cibles et interviennent dans la production de collagène.

Les taux anormalement élevés de VEGF et de M-CSF pourraient jouer un rôle synergique dans l’engagement des cellules hématopoïétiques vers la différenciation macrophagique, s’ils ont, in vivo, le même effet que celui montré, in vitro, sur des cellules CD34+ purifiées.

Enfin, d’autres facteurs de croissance tels que l’EPO, SCF et IL6 semblent également être impliqués dans le réseau complexe d’interactions cellulaires participant au développement de la maladie.

D - HYPOTHÈSES ET MODÈLE PHYSIOPATHOLOGIQUE :

L’hématopoïèse physiologique est finement régulée par des interactions entre cellules hématopoïétiques et cellules stromales via les molécules d’adhésion, les composants de la matrice extracellulaire et les facteurs de croissance.

Une augmentation de la production de facteurs de croissance par les cellules hématopoïétiques et stromales, leur concentration accrue in situ dans les organes hématopoïétiques et les modifications qualitatives et quantitatives des molécules stromales semblent avoir un rôle déterminant dans la pathogenèse de la MMM.

Nos résultats récents et les données de la littérature nous ont amené à proposer un modèle pathogénique et physiopathologique de la MMM.

Dans cette pathologie complexe, une altération du dialogue entre les cellules souches hématopoïétiques et les cellules de leur environnement stromal pourrait être à l’origine de la production excessive de cytokine(s) par les cellules du clone hématopoïétique (progéniteurs CD34+, mégacaryocytes, monocytes, etc), avec pour conséquence l’activation réactionnelle des cellules stromales.

Celles-ci produiraient alors en excès facteurs de croissance, cytokines et composants de la matrice extracellulaire et entretiendraient l’amplification de ce clone dont la sensibilité à certaines de ces cytokines inhibitrices et/ou stimulatrices est altérée.

La spécificité de ce processus pathologique résulterait d’altérations dans le réseau d’interactions humorales plus que de la nature et des effets de chaque cytokine prise individuellement.

Outre les signaux transmis par les facteurs de croissance via leurs récepteurs, des interactions cellule-cellule ou cellule-matrice pourraient également moduler l’expression de gènes impliqués dans le développement des cellules hématopoïétiques.

La mise en évidence récente de modifications de l’expression de composants de la matrice extracellulaire et de molécules d’adhérence par les fibroblastes spléniques de patients corrobore cette hypothèse.

De plus, des expériences de coculture croisée entre cellules CD34+ et fibroblastes de patients et de sujets sains suggèrent l’interdépendance du couple progéniteurs CD34+/fibroblastes dans la myéloprolifération de la MMM.

Enfin, la néoangiogenèse, importante dans cette pathologie, et les taux plasmatiques élevés de VEGF détectés chez les malades suggèrent que les cellules endothéliales pourraient participer au processus pathologique.

Les éléments énumérés ici suggèrent tous que même si l’anomalie primitive initiatrice de la MMM est unique et simple, elle déclenche une cascade de réponses multiples des cellules hématopoïétiques clonales comme des cellules stromales environnantes telles que cellules endothéliales et fibroblastes.

Initialement local, médullaire, le processus pathologique s’étend progressivement, alors que s’installe la fibrose, aux territoires métaplasiques hépatique et splénique colonisés par les cellules hématopoïétiques.

Le diagnostic de MMM est souvent posé à des phases avancées de la maladie, alors que se sont installées des interactions complexes entre le(s) phénomène(s) pathogène(s) initial(aux) et des phénomènes réactionnels secondaires.

L’analyse individuelle de chacun de ces paramètres est difficile, expliquant sans doute les larges plages d’ombre qui persistent dans la compréhension de la pathogénie et de la physiopathologie de cette affection d’incidence rare.

Pourtant, l’ensemble des résultats présentés dans ce paragraphe, récents pour la plupart, ont permis de progresser dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques de la MMM.

Survie et pronostic :

A - SURVIE :

Elle est très variable d’un patient à l’autre et d’une étude à l’autre, beaucoup plus longue quand elle est calculée à partir des premiers signes (paramètre difficile à établir avec précision car entaché de subjectivité) qu’à partir du diagnostic, généralement daté de la première biopsie médullaire, témoignant de la myélofibrose.

La médiane de survie globale à partir du diagnostic se situe habituellement autour de 40 à 60 mois.

Certaines séries sont plus pessimistes avec des médianes de 17 à 18 mois, d’autres beaucoup plus favorables, avec une médiane de 110 à 127 mois probablement en partie à cause de l’inclusion de polyglobulies.

La durée de vie varie de façon continue dans de larges mesures, et l’on ne peut décrire en fait de groupes distincts, contrairement à ce qui avait été proposé.

La plus longue survie, difficile à répertorier, se situerait autour de 20 ans, à partir du diagnostic, en excluant les polyglobulies.

B - FACTEURS PRONOSTIQUES :

La valeur pronostique vis-à-vis de la survie de nombreux paramètres cliniques et paracliniques, évalués lors du diagnostic, a été étudiée dans de nombreuses séries de la littérature.

1- Présentation clinique :

Un délai court (< 13 mois) entre le diagnostic et les premiers signes serait péjoratif.

Le caractère symptomatique de la maladie est généralement de mauvais augure, en particulier l’amaigrissement et l’hyperthermie inexpliquée, ou leur apparition lors de l’évolution.

Le sexe n’a aucune valeur pronostique dans la majorité des publications avec parfois des exceptions en faveur des femmes.

L’âge élevé est unanimement reconnu comme un critère défavorable, en partie pour des causes intercurrentes.

Une médiane à 120 mois est en particulier retrouvée chez les moins de 45 ans.

La taille de la rate semble sans valeur pronostique.

L’hépatomégalie a une signification pronostique mineure ou nulle , même après splénectomie.

2- Hémogramme :

L’anémie (hémoglobine [Hb] < 10g/dL) est le paramètre pronostique majeur, reconnu par tous.

La réticulocytopénie a peu d’intérêt, considérée parfois comme péjorative, ou non.

Sans signification dans des séries anciennes, la numération leucocytaire revêt un caractère péjoratif majeur dans les valeurs extrêmes dans une série plus récente, au même plan que l’Hb.

Une myélémie importante et/ou une blastose sanguine sont souvent considérées comme défavorables.

Le caractère légèrement péjoratif de la thrombopénie est fréquemment retrouvé.

3- Histologie :

Les études anciennes retrouvaient un pronostic plus favorable dans les types I par rapport aux types II et III.

Les études plus récentes dénient toute valeur pronostique à l’histologie médullaire, en dehors des rares formes dites aplasiques ou avec une métaplasie myéloïde hépatique marquée plus péjorative.

4- Épreuves isotopiques :

Elles sont d’interprétation difficile, les résultats étant peu reproductibles et discordants d’une équipe à l’autre.

L’aspect d’érythroblastopénie, très rarement observé (classe III de Barosi), semble très péjoratif.

5- Cytogénétique :

Les études précisant la valeur pronostique de la cytogénétique sont rares, le nombre de cas y étant généralement trop faible pour se prêter à une analyse statistique.

Récemment, la valeur pronostique péjorative des anomalies du caryotype au diagnostic a été démontrée (p < 0,01), indépendamment des autres facteurs, cette différence n’étant liée qu’en partie à une fréquence apparemment accrue de transformation aiguë.

Une modification du caryotype lors de l’évolution serait également défavorable, annonçant notamment la transformation aiguë.

6- Traitement :

Aucune étude n’a pu démontrer à ce jour d’amélioration de la survie avec le traitement, qu’il soit médical ou chirurgical, mais l’appréciation est difficile en raison de l’absence d’analyses comparatives et de la grande variabilité d’évolutivité de la maladie.

Visani retrouve un pronostic plus favorable chez les patients splénectomisés, élément qui perd sa valeur dans l’analyse multiparamétrique.

En conclusion, l’évolution est assez imprévisible pour un patient donné au moment du diagnostic, malgré le développement de scores et d’arbres de décision.

Les cytopénies, en particulier l’anémie et les formes aplasiques, sont péjoratives, ainsi que les signes généraux d’hypermétabolisme (amaigrissement surtout), les grandes proliférations de la lignée blanche (hyperleucocytose, myélémie, blastose sanguine) et les anomalies cytogénétiques.

Traitement :

Les formes asymptomatiques doivent être surveillées tous les 2 à 3 mois par un examen clinique (état général, splénomégalie), un hémogramme complet et un bilan métabolique (uricémie, créatinine).

Les formes prolifératives, caractérisées par une hyperleucocytose, une thrombocytose, une splénomégalie volumineuse ou symptomatique, justifient une tentative de chimiothérapie prudente sous surveillance hebdomadaire de l’hémogramme ; la myélofibrose majore en effet la toxicité hématologique de ces agents.

L’hydroxyurée à la posologie initiale de 0,5 g/j, progressivement augmentée en fonction de la tolérance hématologique, amène en quelques mois une réponse objective dans 50 % des cas (réduction de la leucocytose, de la numération plaquettaire, diminution, voire disparition de la splénomégalie et de ses conséquences, y compris l’anémie).

La réponse peut être entretenue avec des posologies plus faibles.

Le risque aplasiant est minime dans ces conditions et les éventuelles cytopénies rapidement réversibles.

La toxicité limitante principale à long terme est une anémie progressive qui peut conduire à interrompre le traitement.

Le pipobroman à la posologie de 25 à 50 mg/j représente une alternative valable en cas d’échec, d’échappement ou d’intolérance à l’hydroxyurée.

Les alkylants ne sont plus utilisés en raison de leur risque aplasiant (busulfan) et surtout leucémogène.

Plus de cent cas traités par interféron a recombinant sont rapportés dans la littérature en observations isolées ou courtes séries ; les patients sont généralement âgés, avec une maladie évoluant depuis plusieurs années.

Les posologies varient de 9 à 30 X 106 UI par semaine.

La tolérance est médiocre et entraîne fréquemment un arrêt de traitement dans les premiers mois.

Chez la minorité de patients ayant pu poursuivre jusqu’à 1 an, les résultats sont mitigés et contradictoires mais plusieurs auteurs décrivent un bénéfice sur l’anémie et/ou la splénomégalie.

Sur le plan biologique, l’interféron a ne modifie pas la concentration sérique du procollagène III ni la myélofibrose ; la réduction de la quantité de progéniteurs circulants est vraisemblable mais controversée.

L’interféron c a été peu utilisé et son efficacité clinique semble modeste en regard de sa toxicité générale.

Les deux interférons pourraient avoir des effets synergiques comme c’est le cas in vitro mais leur association n’a pas fait l’objet d’expérimentations cliniques.

A - TRAITEMENT DE L’ANÉMIE :

Les mécanismes de l’anémie sont divers et les explorations isotopiques utiles pour guider les indications thérapeutiques. On recherche d’abord les rares états de carences (fer, folates, vitamines B6 ou B12) nécessitant une correction spécifique.

La transfusion de concentrés érythrocytaires, parfois nécessaire dès le diagnostic, le devient en cours d’évolution : on utilise d’emblée des préparations phénotypées pour prévenir l’immunisation vis-àvis des antigènes érythrocytaires.

En cas de splénomégalie volumineuse, la rate séquestre une partie des hématies transfusées, phénomène à prendre en compte pour apprécier l’effet des transfusions.

Les dérivés peu virilisants des androgènes comme la noréthandrolone ou la fluoxymestérone, qui stimulent l’érythropoïèse, ont été utilisés par voie orale ; la posologie recommandée est de 1 mg/kg/j comme dans les érythroblastopénies.

Ces traitements, peu coûteux, sont de toxicité réduite et réversible (rétention hydrosodée, cholestase).

L’indication de choix est l’insuffisance de l’érythropoïèse mais ils méritent d’être essayés dans d’autres cytopénies, qu’ils peuvent aussi améliorer.

Une réponse s’observe en 3 à 6 mois dans plus de 50 % des anémies (Hb majorée d’au moins 2 g/dL) et 90 % des thrombopénies ; le bénéfice peut être entretenu par des posologies faibles. Des résultats intéressants ont aussi été signalés avec le danazol à raison de 400 à 600 mg/j.

Les corticoïdes, à la posologie de 60 mg/j, sont parfois efficaces sur la composante hémolytique de l’anémie ou sur la thrombopénie ; ils constituent le traitement de première intention en cas d’anémie hémolytique (ou de thrombopénie) auto-immune avérée (exceptionnelle).

L’induction par la méthylprednisolone d’une rémission hématologique avec correction de l’hémogramme et résolution de la myélofibrose a été signalée dans plusieurs cas avec des posologies élevées (20 à 30 mg/kg/j).

L’EPO est inefficace aux posologies usuelles (50 à 300 U/kg), quelle que soit la concentration d’EPO dans le sérum du patient ; de rares succès ont été décrits dans des formes érythroblastopéniques.

B - SPLÉNECTOMIE :

Sa mauvaise réputation s’attache à la notion ancienne de complications postopératoires fréquemment fatales ; cela n’est pas confirmé par les séries récentes où la décision chirurgicale n’est plus considérée comme l’ultime recours et où la mortalité précoce est inférieure à 10 % (9 % dans la série de 223 patients opérés à la Mayo Clinic).

Les indications de la splénectomie sont : l’existence d’un besoin transfusionnel majeur non amélioré par les traitements conventionnels (androgènes ou corticoïdes), plus généralement les cytopénies de mécanisme périphérique et notamment une thrombopénie menaçante, la splénomégalie volumineuse et/ou compliquée de douleurs, d’infarctus spléniques réitérés ou d’hypertension porte.

La décision d’intervenir ne s’envisage qu’après échec d’une tentative de traitement médical.

Les contreindications sont également claires : un profil isotopique d’insuffisance quantitative majeure de l’érythropoïèse (classe III de Barosi), un état général dégradé, une numération plaquettaire élevée doivent faire récuser l’intervention.

Les risques hémorragiques sont appréciés par un bilan d’hémostase préopératoire soigneux incluant la recherche d’une coagulation intravasculaire disséminée et les dosages des facteurs V, VIIIc, vWF, de manière à appliquer la prévention appropriée (transfusion de concentrés plaquettaires notamment).

Les conditions de succès de la splénectomie sont le respect des contre-indications, le choix judicieux du moment et le recours à une équipe chirurgicale entraînée à ce geste dans cette situation.

La morbidité postopératoire précoce, dans les 3 mois, est estimée à 40 % dans une revue de 307 cas de la littérature et concerne surtout des patients avec splénomégalie très volumineuse : il s’agit d’hyperleucocytose et de thrombocytose nécessitant la reprise d’un traitement cytoréducteur, d’hémorragies, d’abcès sous-phréniques, d’infections pulmonaires et de thromboembolisme.

La morbidité tardive affecte 30 à 50 % des patients et comporte une hépatomégalie progressive avec cholestase anictérique, une inflation leucocytaire ou plaquettaire difficilement contrôlable ainsi que des accidents thrombotiques.

La fréquence accrue des transformations aiguës après splénectomie a été établie, mais l’intervention n’est peut être pas en cause : une bonne part des patients splénectomisés le sont tardivement pour des signes compatibles avec une évolution subaiguë : augmentation de la dépendance transfusionnelle, cytopénies, splénomégalie compliquée.

La biopsie médullaire et le caryotype sont rarement répétés ; une étude histologique rétrospective de pièces de splénectomie de huit patients ultérieurement décédés de transformation aiguë a mis en évidence dans tous les cas des foyers blastiques.

Les résultats de l’intervention ne sont pas tout à fait homogènes selon les auteurs : dans les séries européennes et selon notre propre expérience, ils sont largement favorables : amélioration du confort et de l’état général chez 90 % des patients opérés, correction de l’anémie dans la moitié des cas, de la thrombopénie ou de la leucopénie dans 75 à 90 % des cas.

Dans la plus importante série américaine, la correction des cytopénies est plus aléatoire, mais à l’inverse de notre pratique, la sélection des patients ne repose pas sur les explorations isotopiques de l’érythropoïèse ou de la durée de vie des plaquettes selon les cas.

La médiane de survie postopératoire est voisine de 2 ans dans la plupart des séries ; l’intervention ne semble pas modifier la survie globale et il est admis par tous qu’une splénectomie précoce n’apporte aucun bénéfice en termes de survie.

C - RADIOTHÉRAPIE :

Elle conserve des indications limitées : une irradiation splénique prudente (3 à 10 Gy) peut être efficace sur les douleurs d’infarctus splénique mais s’adresse surtout aux complications de la splénomégalie en cas de contre-indication opératoire.

L’irradiation doit être fractionnée et nécessite une surveillance hématologique rigoureuse en raison du risque de cytopénie majeure ; la réduction du volume splénique et le bénéfice fonctionnel sont transitoires ; objectivement, on observe une diminution de la quantité de progéniteurs circulants.

Une radiothérapie abdominale en « bain » de 8 à 10 Gy est bénéfique sur les foyers péritonéaux de métaplasie myéloïde responsables d’ascite. Un foyer douloureux osseux localisé peut être soulagé par quelques séances d’irradiation en flash.

Les rares foyers d’hématopoïèse ectopique douloureux ou compressifs sont également accessibles à la radiothérapie.

D - GREFFE DE CELLULES SOUCHES HÉMATOPOÏÉTIQUES :

La greffe allogénique ne peut concerner qu’une minorité de patients suffisamment jeunes et pourvus d’un donneur human leukocyte antigen (HLA) identique.

En effet, l’âge limite de 55 ans pour cette procédure est bien inférieur à l’âge médian du diagnostic.

De plus, il est établi que les patients les plus jeunes ont en général une survie prolongée (médiane > 12 ans), ce qui suppose une évaluation soigneuse du pronostic afin de réserver l’allogreffe aux patients ayant des critères défavorables.

Les résultats d’une large étude coopérative européenne font état d’une probabilité de prise de greffe de 82 % au 30e jour, favorablement influencée par la splénectomie, le nombre élevé de progéniteurs transplantés et une fibrose de grade inférieur à III ; la myélofibrose disparaît dans l’année qui suit la greffe.

La probabilité de développer une maladie de greffon contre l’hôte (MGCH) de grade II à IV est de 60 % et les deux tiers de patients survivant plus de 100 jours ont une MGCH chronique.

La probabilité de survie à 5 ans est d’environ 50 % avec une réapparition de la maladie chez la plupart des survivants, notamment ceux indemnes de MGCH ou ayant manifesté une MGCH modérée.

Les cellules souches périphériques sont abondantes en cas de myélofibrose et peuvent être facilement collectées.

Ceci a donné lieu chez des patients évolués à des tentatives d’autogreffe par réinjection après un conditionnement relativement modeste par busulfan seul de 16 mg/kg.

Moyennant une toxicité modérée, la reconstitution hématopoïétique s’obtient assez rapidement (médianes de 21 jours pour les granulocytes neutrophiles et 25 jours pour les plaquettes) ; les résultats sont favorables sur l’anémie dans 50 % des cas et la splénomégalie régresse chez la plupart des patients.

La maladie rechute immanquablement puisque les cellules réinjectées sont clonales.

Néanmoins, cette procédure expérimentale a permis d’appliquer un conditionnement suffisant pour obtenir une régression notable du syndrome myéloprolifératif et de la fibrose.

E - TRAITEMENT DES COMPLICATIONS :

Les infarctus spléniques justifient le repos, l’application de glace et l’administration d’antalgiques et d’anti-inflammatoires ; un traitement cytoréducteur est souvent nécessaire.

En cas de répétition des accidents, la splénectomie sera discutée.

La transformation aiguë relève de mesures purement palliatives (transfusion, antalgiques) ; son évolution peut être progressive sur plusieurs mois.

F - AUTRES THÉRAPEUTIQUES :

Divers produits ont été essayés avec des succès occasionnels : dihydroxyvitamine D3, étidronate, deféroxamine, colchicine.

La D-pénicillamine, les inhibiteurs de la monoamine-oxydase, empêchant la formation de collagène, et la suramine, antagoniste du PDGF, sont toxiques et inefficaces.

La démonstration d’une implication de l’angiogenèse dans la physiopathologie de la maladie a conduit récemment à essayer le thalidomide ; ce médicament, encore en cours d’évaluation, en particulier dans un essai multicentrique européen, semble chez certains patients améliorer les cytopénies, au prix d’une toxicité notamment neurologique parfois rédhibitoire ; selon quelques observations préliminaires, l’influence du thalidomide sur les marqueurs sériques d’angiogenèse ne paraît pas évidente.

Par un mécanisme mal compris, certains patients manifestent, après quelques semaines de traitement, une exacerbation proliférative de leur maladie avec inflation leucocytaire et/ou plaquettaire et risque élevé de thromboses.

Conclusion :

La MMM a été individualisée depuis plus d’un siècle maintenant. Sa fréquence faible explique peut-être pour une part le relatif désintérêt des hématologistes depuis ces 20 dernières années.

Mais il est plus probable que celui-ci est essentiellement dû à la relative chronicité de l’affection, aux résultats décevants des thérapeutiques depuis 20 ans, et à l’absence d’explications physiopathologiques claires.

Depuis quelques années, l’exploration de la physiopathologie progresse.

Ces résultats, encore modestes, peuvent provoquer un regain d’intérêt pour cette pathologie peu fréquente de la deuxième partie de la vie, dont l’évolution « traitée » reste encore hélas assez proche de l’histoire naturelle de l’affection.

On peut en particulier envisager de nouvelles approches thérapeutiques fondées sur ces nouvelles connaissances et sur la disponibilité de nouvelles molécules dont les cytokines.

Cependant, du fait de l’évolution relativement lente et imprévisible de la splénomégalie myéloïde et de la complexité de sa physiopathologie, il est hautement probable qu’on ne pourra pas se contenter d’approches thérapeutiques univoques et qu’il faudra des essais thérapeutiques successifs portant sur un nombre de malades relativement important et sur des périodes d’évolution assez longues, pour voir se dessiner des schémas de traitement efficaces et satisfaisants.

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