Médicaments antithrombotiques en chirurgie vasculaire Cours de Chirurgie
Introduction
:
La thrombose artérielle en chirurgie vasculaire conduit à l’échec du
pontage.
Elle est due à la fois à des mécanismes d’ischémie locale
activant l’agrégation plaquettaire et de perturbations de flux sanguin
par baisse de débit sanguin ou de turbulences intrinsèques au
pontage.
La thrombose artérielle nécessite une prise en charge
thérapeutique spécifique en fonction du geste chirurgical et du site
anatomique de l’intervention.
De nombreuses études contradictoires ont longtemps entretenu le
doute sur le rapport bénéfice/risque des traitements antithrombotiques,
l’hémorragie iatrogène incontrôlable représentant la
crainte principale.
Néanmoins, depuis quelques années, les études
cliniques présentent une prise en charge consensuelle en fonction
du site vasculaire, de la période d’administration et du type
d’antithrombotique utilisé que sont les héparines, les
antivitamines K (AVK) et les différentes classes d’antiagrégeants
plaquettaires.
Nous ne présentons pas la pathologie vasculaire occlusive chronique
conduisant systématiquement à l’utilisation d’antithrombotiques,
d’autant que d’autres pathologies y sont souvent associées.
Nous
détaillons les différents antithrombotiques utilisés en fonction de
leur mode d’action pharmacologique et leur utilisation pour chaque
type de chirurgie vasculaire.
Antithrombotiques
:
A -
MODE D’ACTION DES ANTITHROMBOTIQUES ET RÈGLE
DE PRESCRIPTION EN CHIRURGIE VASCULAIRE
:
Les antithrombotiques ont principalement deux sites d’action
correspondant à deux classes de produits.
Les antiagrégeants qui agissent principalement sur les plaquettes et les interactions
plaquette-paroi vasculaire.
Les anticoagulants qui agissent sur les
différentes étapes de la coagulation.
Les mécanismes d’action pharmacologiques sont donc fonction des
classes d’antithrombotiques.
1- Aspirine
:
L’aspirine inhibe de manière irréversible la cyclo-oxygénase (COX)
alors que les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ne font que
bloquer celle-ci de manière réversible.
Cette enzyme catalyse l’acide arachidonique en prostanoïdes comme les prostaglandines G2
(PGG2) et H2 (PGH2).
Cette PGH2 qui est habituellement labile
entraîne, lorsqu’elle est activée par des médiateurs de
l’inflammation, une production de thromboxane A2 (TXA2) par les
plaquettes et de prostacycline (PGI2) par l’endothélium.
Le TXA2 est
inducteur de l’agrégation plaquettaire et de la vasoconstriction
dans les situations d’agression tissulaire.
L’aspirine
diminue la synthèse de TXA2.
2- Flurbiprofène
:
Le flurbiprofène est un AINS qui inhibe de manière réversible
(24 heures) la COX plaquettaire, entraînant un défaut de synthèse
de TXA2.
C’est le seul AINS en France ayant une autorisation de
mise sur le marché (AMM) pour la prévention des thromboses
artérielles coronariennes.
Dans le cadre d’une chirurgie programmée
chez un patient sous aspirine (mais aussi sous thiénopyridine), le
flurbiprofène est une alternative à un relais entre l’aspirine qui doit
être arrêtée au minimum 10 jours et l’intervention chirurgicale.
Le flurbiprofène
ne sera arrêté que 24 heures avant l’intervention.
3- Dipyridamole
:
Le dipyridamole est un dérivé de la pyrimidopyrimidine possédant
des propriétés vasodilatatrices et antiplaquettaires.
Le mécanisme
d’action est encore soumis à controverse mais il semblerait que le dipyridamole bloque le récepteur à l’adénosine qui stimule la
dégradation de l’acide adénosine monophosphorique (AMP) en
5’AMP cyclique plaquettaire et réduit l’activation plaquettaire.
4- Thiénopyridines (ticlopidine et clopidogrel)
:
Les thiénopyridines (ticlopidine [Ticlid] et clopidogrel [Plavix])
inhibent l’agrégation plaquettaire induite par l’adénosine
diphosphate (ADP) mais aussi celle induite par le collagène et la
thrombine.
Chez les patients porteurs d’une artériopathie des
membres inférieurs, le clopidogrel développe une activité
antithrombotique supérieure à celle de l’aspirine.
Le clopidogrel
tend à présent à remplacer la ticlopidine dans la prévention de la
thrombose des endoprothèses coronaires, en association avec
l’aspirine.
5- Inhibiteurs des récepteurs glycoprotéiques IIb/IIIa
(GP IIb/IIIa)
:
L’abciximab (Réopro), le tirofiban (Agrastat) et l’eptifibatide
(Integrilin) et ses dérivés, en se fixant aux récepteurs
glycoprotéiques Gp IIb/IIIa des plaquettes, entrent en compétition
avec le fibrinogène et accessoirement le facteur von Willebrand.
Le blocage de ces sites empêche les plaquettes d’agréger.
Ils n’ont
pas d’indication pour l’instant en chirurgie vasculaire, mais sont
utilisés dans l’angor instable réfractaire et dans le cadre d’une
angioplastie coronaire en association avec l’aspirine et l’héparine.
6- Héparines
:
Les héparines sont classées en deux groupes : l’héparine non
fractionnée (HNF) et les héparines de bas poids moléculaire
(HBPM).
L’HNF agit par l’intermédiaire de l’antithrombine (AT).
Elle inhibe la thrombine (IIa) et dans la même proportion le facteur
Xa (rapport Xa/IIa égal à 1). Dans une moindre mesure, elle interagit
également avec les facteurs IXa, XIa et XIIa.
Les héparines de bas
poids moléculaire (HBPM) inhibent de manière prépondérante le
facteur Xa (rapport anti-Xa/anti-IIa entre 2 et 5 selon les molécules).
Leur meilleure biodisponibilité par voie sous-cutanée rend compte
d’une efficacité et d’une tolérance supérieures à celles de l’HNF.
L’HNF est administrable par voie intraveineuse à la dose de 300 à
500 UI/kg/j, après une dose de charge de 300 UI/kg afin d’obtenir
une anticoagulation efficace.
L’administration en continu doit faire
l’objet d’une surveillance par le temps de céphaline activée (TCA)
qui doit être supérieur ou égal au double du témoin.
L’HNF calcique
est injectable par voie sous-cutanée.
De même efficacité que l’HNF
sodique, seule sa pharmacocinétique change.
En effet, son pic
d’efficacité est obtenu 40 minutes après l’injection sous-cutanée pour
une durée moyenne de 6 heures.
L’HNF sodique a son pic
plasmatique dans les minutes qui suivent l’injection du bolus, mais
sa demi-vie étant de 90 minutes, il est nécessaire de recourir à
l’injection intraveineuse continue si l’anticoagulation doit être
maintenue.
Les HBPM sont administrables en une ou deux injections
journalières.
Outre les contre-indications liées au risque
hémorragique de tout antithrombotique, l’insuffisance rénale contreindique
les HBPM pour une clairance de la créatinine inférieure à
30 mL/min.
Elles peuvent être utilisées en mode préventif ou curatif dans le
cadre de la maladie thromboembolique veineuse et l’angor instable.
Leur utilisation est mal définie dans le cadre de la chirurgie
vasculaire.
Une seule injection par jour est nécessaire en mode préventif sans
contrôle de l’activité anti-Xa.
En revanche, en mode curatif, le dosage
de l’activité anti-Xa au pic de l’activité (4 heures) est recommandé.
Elle doit être comprise entre 0,5 et 1 UI-anti-Xa/mL pour obtenir
une anticoagulation efficace pour la majorité des molécules.
7- Antivitamines K
:
Les AVK diminuent la synthèse des facteurs II, VII, IX, X et deux
inhibiteurs physiologiques que sont les protéines C et S, en
interférant avec l’activité du cofacteur de la vitamine K vis-à-vis de
la gammacarboxylase hépatique.
Les AVK nécessitent un délai
d’action de quelques jours avant de développer une efficacité. Pour
cela, il ne sont jamais prescrits seuls en première intention mais
toujours en relais d’une anticoagulation par héparine.
La
surveillance du traitement repose sur la mesure de l’international normalized
ratio (INR) qui doit être compris le plus souvent entre 2 et 3.
8- Thrombolytiques
:
Les thrombolytiques ont pour fonction de lyser le caillot sanguin
récemment formé (moins de 2 semaines).
Leur mode d’action
commun est d’activer le système fibrinolytique physiologique en
transformant le plasminogène inactif en plasmine active, ceci
entraînant une dégradation de la fibrine, aboutissant à une lyse du
thrombus.
Les trois principales molécules utilisées en chirurgie
vasculaire sont la streptokinase (SK) d’origine streptococcique et
immunogène pour l’homme, l’urokinase (UK) isolée à partir de
l’urine humaine et l’altéplase (recombinant-tissue-type plasminogen
activator [rt-PA]) obtenue par génie génétique.
Les doses
administrées sont plus faibles que celles utilisées dans l’infarctus du
myocarde pour la thrombolyse locorégionale artérielle.
Pour la SK, il faut débuter par 250 000 UI en bolus puis
100 000 UI/h pendant 24 heures.
Pour l’UK, il faut débuter par
4 400 UI/kg en 10 minutes, puis relayer par une perfusion
intraveineuse pendant 12 à 24 heures par 2 000 UI/kg/h.
Dans le
cas d’une impossibilité à poursuivre le bolus local par une perfusion
intraveineuse, il faut poursuivre par HNF à la dose de 500 UI/h, 4 heures après la thrombolyse, à condition que le fibrinogène soit
supérieur à 1 g/L et le TCA inférieur à deux fois le témoin.
Pour
le rt-PA, il faut débuter par un bolus locorégional de 10 mg en
1 minute puis de 45 mg/h pendant 2 heures.
Contrairement aux
précédentes molécules, l’HNF est démarrée à l’arrêt de l’altéplase
à la dose de 1 000 UI/h et adaptée en fonction du TCA.
La
fibrinolyse n’est arrêtée qu’après l’assurance de l’absence totale
de thrombus, l’héparine en relais n’ayant pour but que
d’empêcher la formation de nouveaux thrombi.
La surveillance
est réalisée par la clinique (chaleur et coloration cutanée,
perception du pouls, point de ponction, signes hémorragiques), la
biologie (temps de prothrombine [TP], TCA, numération-formule
sanguine [NFS], plaquettes, fibrinogène par 6 heures pendant
24 heures) et éventuellement le doppler.
La survenue d’un
syndrome hémorragique, d’un hématome au point de ponction
ou un taux de fibrinogène inférieur à 1 g/L doivent faire arrêter la
thrombolyse.
Utilisation des antithrombotiques
en fonction du type de chirurgie
:
Dans ce chapitre sont présentées les principales études sur
l’utilisation des antithrombotiques en fonction du type
d’intervention chirurgicale.
Pour chaque site opératoire
sont détaillées les pratiques thérapeutiques en fonction de la
classification de la conférence de consensus nord-américaine sur
l’utilisation des antithrombotiques en chirurgie vasculaire.
Celle-ci a
classé, après une revue de la littérature, les recommandations
thérapeutiques en trois catégories suivant le niveau
avantage/inconvénient des agents antithrombotiques.
A - CHIRURGIE DE L’AORTE
:
Le risque de thrombose après chirurgie de l’aorte est faible car le
débit aortique très élevé rend difficile la fixation des composés
plaquettaires.
Ceci n’est plus vrai pendant le clampage aortique, du
fait de la stagnation du sang dans un cul-de-sac vasculaire, des
lésions traumatiques de l’endothélium vasculaire dues au clampage
et de l’ischémie locale.
Toutes ces conditions favorisent la formation
locale d’un thrombus.
La solution qu’apporte l’héparine au
phénomène de thrombose au moment du clampage de l’aorte n’est
peut-être que théorique.
Thompson et al, dans une étude
multicentrique randomisée sur 284 patients, ne retrouvent pas de
différences significatives entre le groupe recevant 5 000 UI d’HNF
avant le clampage et le groupe non anticoagulé en termes de
complications thrombotiques et hémorragiques périopératoires.
En
revanche, le bénéfice de l’héparine apparaît vis-à-vis de l’infarctus
du myocarde avec une réduction de la morbidité (1,4 % versus
5,7 %) et de la mortalité (2 % versus 8,5 %).
Dans la chirurgie de l’aorte, l’anticoagulant de référence est l’HNF.
Habituellement, l’administration par voie intraveineuse est basée sur
un bolus avant le clampage, suivie d’un entretien en continu ou faite
de bolus répétitifs, le but étant d’obtenir une anticoagulation efficace
avec un TCA double de celui du témoin.
L’obtention de ce niveau
d’anticoagulation nécessite un bolus initial de 100 à 150 UI/kg
d’HNF et de répéter théoriquement la dose de 50 UI/kg toutes les
45 minutes pendant toute la durée du clampage.
D’après Qhigley et al, le monitorage de la coagulation
peropératoire tel qu’il est pratiqué habituellement par une prise de
sang périphérique est inadapté.
Dans une étude observant le temps
de coagulation activée (activated clotting time [ACT]) après injection
d’héparine dans une chirurgie de l’aorte, les auteurs montrent que
le prélèvement sanguin réalisé en amont du clampage a un ACT
plus long que celui prélevé en aval du clampage.
Mais l’efficacité de
l’anticoagulation dépend du type de molécule utilisé et aussi du site
d’injection.
Kroneman et al, dans une étude comparative étudiant
les HBPM et les HNF au cours de pontages aortobifémoraux, ne
retrouvent pas de différences entre les deux groupes concernant la
perte sanguine ou le risque thrombotique.
Cependant, l’avantage
revient aux HBPM (daltéparine) en ce qui concerne la
reproductibilité de la cinétique plasmatique.
En effet, la
pharmacocinétique des HBPM dans le temps est beaucoup plus
stable que celle de l’HNF. Ainsi, il semble que l’anticoagulation par
HNF dans la chirurgie de l’aorte est aléatoire en comparaison de
l’utilisation des HBPM.
Ceci est confirmé par l’étude de Melissari et
al, dans laquelle le taux et la durée de l’activité anti-Xa sont plus
élevés avec les HBPM qu’avec l’HNF.
Enfin Wilson et al, utilisant
les HBPM, ont comparé l’influence de l’anticoagulation en fonction
des sites d’injection, périphérique ou intra-aortique, et des moments
d’administration, avant ou après le clampage.
Bien qu’aucun patient
n’ait développé de thrombose distale, les prélèvements sanguins ont
montré une activité anti-Xa basse en aval du clampage aortique si
l’administration est réalisée après le clampage.
En revanche,
l’activité anti-Xa est plus élevée dans le groupe recevant l’héparine
en intra-aortique avant le clampage par rapport au groupe recevant
l’héparine en périphérie, aussi bien sur des prélèvements
systémiques qu’en aval du clampage.
En postopératoire, l’aspirine est la molécule antiagrégeante la plus
couramment utilisée.
En effet, de nombreux facteurs facilitent la
formation du thrombus : zone de turbulence du flux sanguin,
absence d’endothélium d’où mise en contact du sous-endothélium
avec le sang entraînant une activation de l’hémostase.
Les taux de
cisaillement élevés de la circulation artérielle donnent aux plaquettes
un rôle prépondérant par rapport aux facteurs de la coagulation.
Dans ce contexte, les antiagrégeants sont les molécules de choix.
Recommandations de la conférence de consensus nord-américaine de
chirurgie aortique :
– l’aspirine administrée à la dose de 81 à 325 mg/j réduit l’incidence
de l’infarctus du myocarde (A1) ;
– les AVK (associés ou non à l’aspirine) ne sont pas à utiliser au
long cours (A1) ;
– l’aspirine à la dose de 81 à 325 mg/j (associés ou non au dipyridamole à la dose de 75 mg, trois fois par jour) est
recommandée dans les pontages artériels prothétiques ou pour tous
les types de pontages fémoropoplités (B1) ;
– l’héparinisation doit être efficace pendant le clampage artériel
(B1) ;
– un pontage sur une artère d’un diamètre supérieur à 6 mm ne
nécessite pas l’utilisation d’antithrombotiques en postopératoire (C1).
B - CHIRURGIE VASCULAIRE ARTÉRIELLE PÉRIPHÉRIQUE
:
1- Ischémie aiguë des membres inférieurs
:
La pathologie artérielle chronique représente certes la première
cause d’ischémie artérielle aiguë, mais le traumatisme et l’occlusion
aiguë vasculaire occupent également une place importante dans ce
domaine, avec une thérapeutique associée lourde car dépendante
des autres lésions liées au traumatisme ou aux tares viscérales
(cardiaque, neurologique, thoracique...).
En cas de traumatisme
sévère, l’anticoagulation est contre-indiquée car s’associent souvent
une hémorragie, une coagulation intravasculaire disséminée et/ou
une fibrinolyse massive, avec un déficit qualitatif et quantitatif
majeur en facteurs de la coagulation et de l’hémostase primaire.
Le
traitement est orienté vers une chirurgie réparatrice en cas de
section, lacération ou compression artérielle externe.
Dans le cas
d’occlusion artérielle aiguë de type thromboembolique, le traitement
consiste à réaliser une désobstruction vasculaire par sonde de Fogarty, ou mieux par thromboaspiration (moins traumatisante pour
l’endothélium vasculaire).
Dans la situation d’un échec de la
désobstruction artérielle par sonde endovasculaire, l’utilisation de thrombolytiques in situ a démontré son efficacité sans augmentation
de la morbidité.
Dotter et al, dans une étude multicentrique,
montrent que l’injection de SK in situ en amont d’une obstruction
artérielle a un succès de reperfusion significativement supérieur à
une injection intraveineuse systémique.
L’étude multicentrique STILE comparant les bénéfices de la chirurgie vasculaire versus
l’utilisation de thrombolytiques dans les ischémies aiguës de
membres, d’origine non embolique, montre que la revascularisation
chirurgicale est supérieure à la fibrinolyse lorsque les symptômes
ischémiques durent depuis plus de 15 jours.
Dans la situation où
ces symptômes datent de moins de 2 semaines, la fibrinolyse
enregistre un taux plus faible d’amputations.
La fibrinolyse devrait
être utilisée avant qu’une restructuration endothéliale ne se
développe.
L’utilisation de l’héparine doit être associée, en même temps que le
geste chirurgical, en l’absence de thrombolyse ou après l’utilisation
de la thrombolyse.
En postopératoire et en l’absence de contreindication
aux antithrombotiques, il faut utiliser les mêmes
thérapeutiques antithrombotiques et aux mêmes doses que pour la
chirurgie vasculaire programmée.
2- Chirurgie de reconstruction vasculaire périphérique
:
Les prothèses vasculaires artérielles synthétiques présentent un plus
grand risque de thrombose que les pontages veineux.
Veith et
al ont comparé, dans une étude randomisée multicentrique
pendant 6 ans, les complications des pontages artériels en matériel
synthétique (polytétrafluoroéthylène [PTFE]) par rapport à des
greffons veineux.
Il en résulte, de manière significative, moins de
complications dans le groupe greffon veineux en termes de rethrombose (p < 0,001).
Ce résultat est valable pour toutes les études
comparatives similaires.
L’hyperplasie intimale est une des complications principales
aboutissant à l’échec des pontages artériels.
Il se crée une zone thrombogène par les turbulences liées au mauvais écoulement
sanguin et par la fragilité de l’endothélium pouvant laisser à nu le
sous-endothélium.
Ceci induit l’adhésion plaquettaire et active les
facteurs de la coagulation.
Bien que quelques études animales aient
montré une diminution de l’hyperplasie intimale sous traitement
antiagrégeant, d’autres études expérimentales chez l’animal et
thérapeutiques chez l’homme n’ont pas retrouvé de résultats
semblables.
La thrombogénicité de la surface du matériau employé rentre
également en ligne de compte.
En effet, la réendothélialisation est
plus rapide, plus complète et de meilleure qualité sur les greffons
veineux que sur les prothèses en Dacron ou en PTFE.
Pumphrey et
al ont montré que des plaquettes marquées à l’indium 111 étaient
moins nombreuses sur la surface de greffons veineux que sur les
pontages en Dacron ou en PTFE.
À l’inverse, l’association dipyridamole-aspirine diminue cette fixation des plaquettes de
manière plus importante dans le groupe prothèses que pour les
pontages en greffon veineux.
Une troisième complication est liée au débit circulant dans le
pontage.
Pour des diamètres supérieurs à 6 mm, il n’y a pas
d’indication pour une thérapeutique antiagrégeante.
Les occlusions
des pontages aorto-iliaques, fémoraux et des artères rénales sont
beaucoup moins fréquentes que celles des pontages distaux.
En
revanche, les pontages artériels offrant un débit inférieur à
200 mL/min ou les pontages croisant une zone de plicature
(exemple, le creux poplité) sont à haut risque de thrombose et
doivent bénéficier d’un traitement par antiagrégeant.
Ce traitement doit être débuté le plus tôt possible avant
l’intervention chirurgicale.
Clyne et al montrent, dans une étude
randomisée, qu’un traitement associant dipyridamole avant et
pendant l’intervention, et aspirine-dipyridamole après le pontage,
diminue de manière significative le risque de thrombose à
6 semaines pour les prothèses artérielles alors que, pour les greffons
veineux, la différence n’est pas significative.
Kohler et al, dans
une étude avec une méthodologie similaire, ont administré des
antiagrégeants après l’intervention.
L’association aspirinedipyridamole
n’apporte pas de bénéfice en termes de thrombose
entre le groupe traité et celui non traité.
L’aspirine et le dipyridamole augmentent-ils le risque
hémorragique ?
Une étude multicentrique portant sur les patients
ayant bénéficié d’un pontage veineux, fémoropoplité montre une
augmentation du nombre d’hématomes en regard de la cicatrice
opératoire.
Dans cette étude, le groupe traité par antiagrégeant a
reçu plus de transfusions que dans le groupe contrôle.
Ce résultat
s’oppose à l’étude multicentrique randomisée de Becquemin et al
sur le même type de pontage sous dipyridamole seul.
En effet, dans
cette étude, il n’y a pas de différence dans les deux groupes en ce
qui concerne le risque hémorragique tout en obtenant moins de
thromboses par rapport au groupe témoin.
Une analyse rétrospective sur 2 000 patients à partir de 11 études
randomisées montre que les traitements antiagrégeants diminuent
de manière significative (p < 0,0001) le risque de thrombose avec un
recul de 19 mois.
Les héparines préviennent la formation de la thrombose artérielle
mais la dose, le site d’administration (voie systémique ou locale) et
le moment de l’administration par rapport au clampage dépendent
de l’habitude chirurgicale.
L’agrégation plaquettaire induite par les HNF n’est pas retrouvée avec les HBPM.
Cette donnée plaide
théoriquement en faveur des HBPM en chirurgie vasculaire.
L’étude
de Samama et al montre, dans le groupe traité avec l’HNF, un
risque de thrombose postopératoire plus élevé qu’avec les HBPM
lors des pontages artériels périphériques (HNF versus enoxaparine,
22 % versus 8 %, p = 0,009) avec un risque hémorragique plus faible
dans le groupe HBPM.
Les AVK sont des anticoagulants puissants.
Les résultats des
études sont contradictoires en termes de mortalité et morbidité, mais
il semble que le risque hémorragique imputable aux AVK soit plus
élevé, comparativement à celui induit par d’autres médicaments
antithrombotiques.
Néanmoins, une étude portant sur 12 ans
montre que le pontage artériel a une durée de vie supérieure dans
le groupe traité par rapport à celui non traité.
L’association de faibles doses d’antiagrégeants plaquettaires et
d’AVK a pour but théorique d’augmenter l’efficacité de l’action
antithrombotique tout en diminuant les risques hémorragiques.
Une
étude multicentrique portant sur 458 patients recevant soit 325 mg/j
d’aspirine, soit l’association aspirine et AVK (pour obtenir un INR
entre 1,5 et 2,8), après un pontage fémorotibial, fémoropoplité ou
fémoropédieux sur un suivi de 4 ans, ne montre pas de différence
en termes de complications hémorragiques entre les deux groupes.
En revanche, cette étude révèle que la prise médicamenteuse au long
cours des anticoagulants oraux est aléatoire car des contrôles d’INR
ont montré fréquemment un sous-dosage.
Pour s’assurer de la
viabilité d’un pontage, il faut tenir compte de la bonne compliance
au traitement antithrombotique du patient.
Recommandations de la conférence de consensus nord-américaine de
chirurgie vasculaire périphérique :
– l’aspirine administrée à la dose de 81 à 325 mg/j réduit l’incidence
de l’infarctus du myocarde (A1) ;
– les AVK (associés ou non à l’aspirine) ne sont pas à utiliser au
long cours (A1), sauf (classé B2) en cas de pontage distal associé à
un risque de thrombose ;
– l’aspirine à la dose de 81 à 325 mg/j (associés ou non au dipyridamole à la dose de 75 mg, trois fois par jour) est
recommandée dans les pontages artériels prothétiques ou pour tous
les types de pontages fémoropoplités (B1) ;
– l’héparinisation doit être efficace pendant le clampage artériel
(B1) ;
– en cas de thrombus ou d’embole artériel après une thromboembolectomie, il faut utiliser l’héparine à dose efficace puis
faire un relais par les AVK (C1).
C - CHIRURGIE CAROTIDIENNE
:
La complication la plus redoutée per- et postopératoire de ce type
de chirurgie est l’embolisation distale de débris athéromateux
provenant de la carotide.
En théorie, l’aspirine administrée avant l’intervention devrait
prévenir la formation de ces emboles provenant de la zone opérée.
En effet, des plaquettes marquées à l’indium 111 ont permis
d’observer, à la scintigraphie, une adhésion endothéliale juste après
l’intervention.
Cette adhésion décroissante dans le temps est
probablement liée à la réendothélialisation vasculaire de la lumière
artérielle.
Findlay et al ont montré que l’association aspirine et
dipyridamole diminuait la fréquence des interactions adhésionagrégation
entre l’endothélium et les plaquettes, tout en diminuant
l’incidence des accidents vasculaires cérébraux périopératoires.
Fields et al ont évalué le bénéfice apporté par 650 mg d’aspirine
biquotidien chez des patients opérés d’endartériectomie carotidienne
contre un groupe traité par placebo.
Après 2 ans de traitement, le
bénéfice est statistiquement en faveur du traitement par l’aspirine,
avec une diminution globale de la mortalité et de la morbidité liée à
l’athérosclérose carotidienne (accident vasculaire ischémique,
infarctus cérébral, accident ischémique transitoire, amaurose, etc).
Cependant, les études ne vont pas toutes dans le même sens.
Findlay
et al comparant 50 à 100 mg/j d’aspirine, contre un groupe placebo,
administré après une endartériectomie carotidienne, n’ont pas
détecté de différence en termes de mortalité et morbidité.
Dans cette
étude, certains biais n’ont pas permis de conclure sur le bénéfice de
l’utilisation d’une faible dose (dose variable non adaptée au poids,
démarrage de la première prise postopératoire allant de 1 semaine à
3 mois).
Plus récemment, Lindblad et al ont confirmé, dans une
étude en double aveugle avec placebo, que 75 mg/j d’aspirine en
préopératoire diminuaient significativement les accidents cérébraux
per- et postopératoire sans augmentation du risque de saignement.
Les données de l’étude NASCET (North American symptomatic
carotid endarteriectomy) ont montré que les accidents vasculaires
cérébraux survenaient principalement dans le mois qui suit une
endartériectomie.
Cette étude suggérait que ces accidents étaient
plus faibles pour les patients traités par de fortes doses d’aspirine
(de 325 à 650 mg deux fois par jour) contre ceux ne recevant pas
d’aspirine ou recevant moins de 325 mg/j.
Ce dernier résultat, par
l’analyse d’un sous-groupe, s’opposait aux études comparant
l’utilisation de faibles doses d’aspirine contre placebo.
Les résultats de l’étude ACE (ASA and carotid endarteriectomy)
contredisent ceux de l’étude NASCET.
Cette étude multicentrique,
randomisée en double aveugle et portant sur 2 849 patients, a
observé l’effet de quatre dosages d’aspirine donnés avant une endartériectomie carotidienne jusque 3 mois après l’intervention.
Les
résultats montrent que le risque d’accident vasculaire cérébral,
d’infarctus du myocarde et de décès à 30 jours et à 3 mois de
l’opération est plus faible dans les groupes traités avec 81 et 325 mg
d’aspirine (5,4 % versus 7 % à 30 jours, 6,2 % versus 8,4 % à 3 mois)
que dans ceux traités avec 650 et 1 300 mg.
Les études confirment que l’aspirine administrée en préopératoire
et en postopératoire diminue le risque d’accidents vasculaires
cérébraux ischémiques pour une dose quotidienne supérieure à
75 mg.
Néanmoins, les complications hémorragiques ne sont pas
rares, pouvant s’élever jusqu’à 3 % des endartériectomies.
L’héparinothérapie et les poussées hypertensives associées à un
traitement antiagrégeant augmentent l’incidence des hémorragies
périopératoires.
Chez des patients non opérés, asymptomatiques mais porteurs
d’une sténose carotidienne, aucune étude ne montre de bénéfice
apporté par l’aspirine administrée au long cours, en ce qui concerne
les complications cérébrales.
Seule l’étude de Coté et al a observé
l’absence de bénéfice du traitement sur une période de 2 à 3 ans,
mais il n’existe pas d’étude randomisée sur une plus longue période
concernant le bénéfice de l’aspirine en termes de mortalité, comme
celles réalisées dans l’infarctus du myocarde.
Chez les patients opérés d’une endartériectomie carotidienne, il ne
semble pas que l’aspirine au long cours diminue le risque de
resténose, comme le montrent les études rétrospectives de Clagett et
al et Cossman et al, confirmé par Harker et al qui ne
retrouvent aucun bénéfice en termes de resténose carotidienne pour
les patients traités par l’association aspirine et dipyridamole.
L’héparine en chirurgie carotidienne est l’antithrombotique de
référence.
Habituellement, l’HNF est administrée à la dose de 85
UI/kg avant le clampage carotidien.
Même si la durée de ce clampage est court, il est souhaitable de monitorer régulièrement au
bloc opératoire l’anticoagulation.
En ce qui concerne la chirurgie
carotidienne, la mesure d’un ACT supérieure à 300 secondes semble
diminuer les complications neuropsychiques emboliques
postopératoires.
Il s’agit d’une anticoagulation efficace et donc
potentiellement hémorragique.
Ce risque hémorragique doit être
néanmoins relativisé car, en chirurgie cardiaque, l’ACT souhaité est
supérieur à 450 secondes.
Quoi qu’il en soit, la diminution du risque
hémorragique passe par une consultation clinique permettant
d’éliminer toutes les contre-indications aux antithrombotiques.
En postopératoire, faut-il antagoniser l’héparine par le sulfate de
protamine ?
Si l’antagonisation est fréquente aux États-Unis, elle l’est
beaucoup moins en France.
Les études montrent qu’il n’y a pas de
bénéfice en termes de saignement ou de complication embolique liés
à la protamine.
En revanche, la protamine peut être responsable
d’effets secondaires de type allergique ou hémodynamique.
Depuis plus d’une trentaine d’années, les anesthésistes ont mis au
point des techniques d’anesthésie locorégionale (ALR) cervicale pour
les endartériectomies.
Celles-ci consistent à injecter, par une ou
plusieurs ponctions, des anesthésiques locaux le long du bord
postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien, afin de bloquer la
conduction nerveuse de racines C2 à C6 (voire plus en fonction du
volume et de la concentration administrée).
Si quelques cas
d’intoxication aux anesthésiques locaux ont été décrits, aucune étude
n’a pu mettre en évidence d’accidents hémorragiques pour les
anesthésies locales cervicales comparativement à l’anesthésie
générale.
Actuellement, l’utilisation de stimulateurs nerveux et
l’adoption de la technique à une seule ponction limitent le risque
d’une perforation vasculaire pouvant entraîner un saignement
incontrôlable.
Recommandations de la conférence de consensus nord-américaine de
chirurgie carotidienne :
– l’aspirine à la dose de 81 à 650 mg biquotidienne doit être donnée
à vie après une endartériectomie (diminue le risque de thrombose et
d’accident vasculaire cérébral ischémique) (A1) ;
– l’héparinisation doit être efficace pendant le clampage artériel (B1).
D - ANGIOPLASTIE PERCUTANÉE TRANSLUMINALE
:
L’angioplastie percutanée en cathétérisant une artère dans laquelle
le ballonnet, situé sur la partie distale, dilate la sténose, restaure le
chenal artériel mais peut créer des lésions thrombogènes de la paroi
artérielle ou, par fracture de plaques athéromateuses, peut libérer
des emboles en aval de la dilatation.
Des études expérimentales
montrent que les plaquettes s’accumulent 30 minutes après le début
de la dilatation, cette réaction est d’autant plus importante qu’il
existe des lésions histologiques à type de dissection.
Les études concernant l’utilisation des antithrombotiques dans
l’angioplastie périphérique sont peu nombreuses par rapport à
l’angioplastie coronarienne.
Néanmoins, il existe quelques études
randomisées pouvant orienter la thérapeutique.
Dans les traitements
au long cours après angioplastie périphérique, une étude
multicentrique n’a pas montré de différences en termes
d’inhibition de l’activité plaquettaire à 1 an entre l’association aspirine-dipyridamole contre un placebo.
Par ailleurs, cette étude
comparant de fortes doses d’aspirine (1 g/j) à de faibles doses
d’aspirine (100 mg/j) n’a pas montré de différences en termes de
bénéfice ; en revanche, les complications gastriques sont plus élevées
dans le groupe à forte dose.
Une autre étude randomisée étudiant
l’activité plaquettaire par agrégométrie montre, sur un suivi de 18 mois après une angioplastie, que l’utilisation de 100 mg d’aspirine
ne bloque que 60 % de l’activité plaquettaire, mais qu’aucun patient
n’a développé de complication thrombotique.
Plus récemment a été développée l’utilisation des inhibiteurs des
récepteurs plaquettaires GP IIb/IIIa, comme l’abciximab,
l’eptifibatide et le tirofiban, pour les interventions coronariennes
percutanées.
Le but de ces molécules est de prévenir les
complications cardiaques ischémiques au cours des angioplasties
coronariennes, des athérectomies ou lors de la pose de stent.
Les
anti-GP IIb/IIIa doivent être utilisés en association avec de l’aspirine
et de l’HNF.
Cependant, aucune étude n’a été publiée sur leur
utilisation en chirurgie vasculaire non cardiaque.
On peut se
demander si le risque hémorragique ne peut pas l’emporter en
utilisant à la fois deux antiagrégeants plaquettaires (aspirine
+ inhibiteur GP IIb/IIIa) et un anticoagulant (HNF) pour une
intervention vasculaire sur les gros vaisseaux artériels.
Le manque de résultats en recherche clinique montre bien la
difficulté du choix d’une molécule et de son dosage, mais surtout de
l’utilité des antithrombotiques dans l’angioplastie non coronarienne
qui semble pourtant indispensable par le risque thrombotique
qu’engendre le matériel vasculaire synthétique.
Recommandations de la conférence de consensus nord-américaine de
chirurgie de l’angioplastie percutanée transluminale :
– l’héparinisation doit être efficace pendant le clampage artériel
(B1) ;
– l’aspirine associée à la ticlopidine sont recommandées pour les
angioplasties fémorales et artérielles périphériques (B2) ;
– l’aspirine doit être administrée avant et après les angioplasties
aortiques et iliaques (C1).
Problèmes particuliers
:
A - ANTITHROMBOTIQUES ET RISQUES
THROMBOEMBOLIQUES VEINEUX PÉRIOPÉRATOIRES
EN CHIRURGIE VASCULAIRE
:
La maladie thromboembolique veineuse repose sur l’atteinte d’au
moins un des éléments suivants que sont une lésion de
l’endothélium vasculaire (étirement ou compression veineuse), la
stase veineuse (alitement, plâtre, mauvais retour veineux postchirurgie pelvienne ou des membres inférieurs, etc), et
l’hypercoagulabilité (activation des médiateurs de l’inflammation
post-traumatique, infection, etc).
Plusieurs types de risques sont à
prendre en compte de manière indépendante, l’association de ces
différents facteurs augmentant le risque de maladie
thromboembolique veineuse (MTEV).
Le risque chirurgical ne
semble pas être majeur en chirurgie vasculaire.
En effet, la
conférence de consensus de l’Assistance publique-hôpitaux de
Paris n’a pas retenu ce type de chirurgie.
La chirurgie viscérale, gynéco-obstrétricale et carcinologique abdominopelvienne, ainsi que
la chirurgie orthopédique, notamment de la hanche, présentent un
risque élevé de thrombose veineuse.
Cependant, la chirurgie de
l’aorte représente un risque thromboembolique qui doit être
considéré au minimum comme modéré (chirurgie abdominale et du
bassin) nécessitant une prévention de la MTEV.
En revanche, le
risque lié au terrain classe le plus souvent le patient de chirurgie
vasculaire en risque modéré ou élevé.
Le risque modéré est représenté par l’âge supérieur à 40 ans, la
présence de varices, une contraception oestroprogestative, une
insuffisance cardiaque, un alitement périopératoire supérieur à
4 jours, une infection, le post-partum et l’obésité.
Le risque élevé lié au terrain est surtout associé à une pathologie
préexistante sévère (cancer évolutif, anomalies de certains facteurs
de la coagulation comme les protéines C, S, AT III, la présence
d’anticoagulants circulants, hémopathie, etc), mais surtout un
antécédent de MTEV.
Bien qu’aucune conférence de consensus ne précise les modalités de
prise en charge de la MTEV en chirurgie vasculaire, ce type de
chirurgie est à risque modéré (sauf en cas de risque élevé lié au
terrain).
La prévention de la MTEV débute par les moyens
mécaniques.
La déambulation précoce, la surélévation des membres
inférieurs, les bas de contention (sauf en cas de pontage artériel des
membres inférieurs), voire la mise en place d’une compression
intermittente plantaire ou du mollet représentent des techniques peu
coûteuses et ayant une réelle efficacité.
L’autre versant thérapeutique
est l’utilisation de médicaments comme les HBPM, les AVK (surtout
aux États-Unis), le danaparoïde sodique (Orgarant) qui n’a une
AMM que pour la chirurgie orthopédique, carcinologique et les
thrombopénies induites par l’héparine, les autres molécules comme
l’hirudine, les pentasaccharides et le mélagatran sont en cours
d’évaluation.
Quoi qu’il en soit, les thérapeutiques antithrombotiques artérielles
utilisées en postopératoires d’une chirurgie vasculaire sont utilisées
à dose curative (aspirine, HBPM, HNF, etc) avec une hémostase plus
proche du versant hémorragique que du versant thrombotique.
Néanmoins, au-delà de cette période postopératoire précoce, le
risque de MTEV est lié au terrain plus qu’à la chirurgie.
Si à ce stade
aucune thérapeutique antithrombotique artérielle au long cours n’est
envisagée (AVK, antiagrégeants, etc), le risque de MTEV devient
prépondérant pour la chirurgie vasculaire intéressant les membres
inférieurs.
B - ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE
ET TRAITEMENTS ANTITHROMBOTIQUES :
Il faut distinguer deux types d’ALR. Tout d’abord, il y a les ALR
médullaires (péridurales et rachianesthésies).
La survenue d’un
hématome liée à une anesthésie médullaire est de l’ordre de
1/150 000 en l’absence de trouble de la coagulation.
Cette incidence
augmente en présence d’antiagrégeant ou d’anticoagulant.
Les
conséquences d’un hématome dans cette région contre-indiquent formellement l’anesthésie médullaire en cas d’anomalie de
l’hémostase.
L’aspirine doit être arrêtée 10 jours avant l’intervention,
les AINS en moyenne 48 heures (si le patient ne doit pas arrêter son
aspirine, un relais par flurbiprofène peut être envisagé que l’on
arrête 24 heures avant l’intervention), pour les HBPM, maintenir un
délai de 24 heures entre la dernière injection et l’anesthésie, attendre
un délai de 4 heures après le retrait du cathéter de péridurale avant
de reprendre l’héparine.
Pas d’ALR si un INR sous AVK est
supérieur à 2 ou dans les 24 heures d’une fibrinolyse, dans ces deux
cas précis et en cas d’urgence chirurgicale ne permettant pas une
anesthésie générale, il faut apporter des facteurs de coagulation ou
du fibrinogène pour pouvoir effectuer une ALR médullaire.
L’autre type d’ALR correspond aux blocs nerveux.
Généralement,
les blocs très superficiels ne perforant pas les vaisseaux ne
présentent pas de réel danger (dans l’hypothèse d’un hématome,
celui-ci est rarement compressif).
En ce qui concerne les blocs plus
profonds qui traversent la masse musculaire (exemple : le bloc
sciatique), ceux-ci s’apparentent aux mêmes dangers que les
injections intramusculaires en ce qui concerne la survenue d’un
hématome.
Dans ce cas, les précautions concernant les antithrombotiques doivent être identiques à celles concernant les
ALR médullaires.
Reste le cas particulier des blocs en regard du site opératoire
(exemple : le bloc cervical), ceux-ci ne posent aucun
problème en termes d’hématome compressif, et le bloc cervical en
particulier n’a jamais démontré de risque hémorragique supérieur
par rapport à l’anesthésie générale.
Conclusion
:
Globalement la chirurgie vasculaire peut se limiter à l’utilisation de
deux ou trois antithrombotiques pour les techniques chirurgicales les
plus courantes.
L’héparine reste la molécule à utiliser dans la période périopératoire
avec une préférence pour les HBPM plutôt que l’HNF.
Dans le cas des
pontages prothétiques, l’aspirine prévient efficacement la thrombose.
Ceci n’est pas formellement démontré pour les greffons veineux.
Dans
tous les cas, l’aspirine utilisée en chirurgie vasculaire diminue le risque
d’accident vasculaire cérébral ischémique et les complications morbides
et mortelles de l’infarctus du myocarde, sans que le risque
hémorragique soit plus élevé.