Les corticoïdes sont très fréquemment utilisés en ophtalmologie
dans les affections inflammatoires ou allergiques,
et même infectieuses.
Les voies d’administration sont
nombreuses : voie topique, en injections péri- ou intraoculaires
et voie systémique (voie orale ou intraveineuse).
Ils sont très efficaces mais sont responsables d’effets
secondaires importants, communs aux corticoïdes locaux
et généraux.
Il faut noter que les inhalations de corticoïdes
en spray peuvent conduire aux mêmes complications.
1- Hypertonie oculaire :
L’utilisation de corticoïdes par voie générale, et surtout
locale, peut entraîner l’apparition d’une hypertonie oculaire.
Le test de provocation à la dexaméthasone révèle chez le sujet normal une augmentation
de la pression intra-oculaire de 6 à 10 mmHg dans
30% des cas et supérieure à 15 mmHg dans 5% des cas.
L’apparition d’une hypertonie oculaire est influencée
par certains facteurs de risque individuels : hérédité, myopie, jeune âge, diabète et présence d’un glaucome
primitif à angle ouvert.
Cette hypertonie est également
corrélée à l’activité anti-inflammatoire du corticoïde
utilisé : la dexaméthasone et la bétaméthasone sont les
plus hypertonisants contrairement à la fluorométholone
et la médrysone.
L’hypertonie oculaire débute généralement 2 à 3 semaines
après le début du traitement mais parfois plus précocement.
À l’arrêt du traitement, le tonus se normalise en
quelques semaines si ce dernier n’a pas excédé 2 mois.
Si la durée du traitement est comprise entre 2 mois et
1 an, le retour à la normale de la pression intra-oculaire
ne se voit que dans 50 % des cas.
La prescription de stéroïdes doit donc être prudente chez
le glaucomateux et nécessite la mesure de la pression intra-oculaire avant le début du traitement puis régulièrement
chez le patient traité durant plusieurs semaines.
Ces glaucomes secondaires cortisoniques sont souvent
difficiles à maîtriser et requièrent un traitement médical
adapté et parfois chirurgical.
2- Cataracte cortisonique :
La cataracte cortisonique peut apparaître après administration
prolongée de corticoïdes locaux ou généraux.
Le
délai d’apparition est très variable et se situe en moyenne
à une année de traitement à la dose de 15 mg de prednisolone
ou équivalent par jour.
L’opacité cristallinienne cortisonique se situe typiquement
dans les couches postérieures du cortex cristallinien,
étant responsable d’une cataracte en soucoupe postérieure, mais elle peut évoluer vers la cataracte
totale nécessitant une extraction chirurgicale.
L’évolution des atteintes cristalliniennes dues aux corticoïdes
est imprévisible.
Le traitement est uniquement chirurgical quand la gêne
fonctionnelle est présente chez le patient.
Les progrès de
la chirurgie moderne de la cataracte permettent de réaliser
une chirurgie gratifiante avec des complications minimes.
3- Retards de cicatrisation :
Les corticoïdes ralentissent la prolifération fibroblastique
et la cicatrisation de l’épithélium cornéen.
Il faut donc
les utiliser avec prudence en cas de pathologie cornéenne
car ils peuvent entraîner ou aggraver un ulcère cornéen
pouvant conduire à la perforation cornéenne.
4- Aggravation des infections oculaires :
Les corticoïdes locaux accélèrent la dissémination des
infections oculaires, que celles-ci soient bactériennes,
mycosiques ou virales (kératite herpétique).
Il est donc
interdit de les prescrire en première intention sans avis
spécialisé.
Ils pourront être utilisés dans certaines maladies
oculaires sous couverture antivirale ou antibiotique.
5- Autres effets :
Des effets plus rares peuvent se manifester : exophtalmie; ptosis ; neuropathie optique oedémateuse.
6- Conclusion :
La prescription d’un traitement corticoïde prolongé par
voie générale ou locale nécessite régulièrement :
– la mesure de l’acuité visuelle ;
– un examen à la lampe à fente du segment antérieur de
l’oeil ;
– la prise de la pression intra-oculaire.
B - Antipaludéens de synthèse
:
Les antipaludéens de synthèse (APS) sont parmi les
médicaments les plus prescrits dans le monde.
Ils sont
utilisés depuis une cinquantaine d’années pour la prophylaxie
et le traitement du paludisme, ainsi qu’à doses
souvent très élevées dans le traitement de diverses
maladies systémiques (lupus érythémateux disséminé et
surtout polyarthrite rhumatoïde).
Les principaux produits en cause sont:
– le sulfate de chloroquine ou Nivaquine;
– le sulfate d’hydroxychloroquine ou Plaquenil.
Les risques d’intoxications chroniques deviennent
importants si la dose cumulée est de l’ordre de 200 à 500 g
d’hydroxychloroquine (Plaquenil) selon les auteurs, ce
qui correspond, pour une dose standard de 2 à 3 comprimés
par jour, à 2 ou 3 ans de traitement.
Néanmoins, il existe
une sensibilité personnelle aux antipaludéens de synthèse,
et de véritables intoxications ont été décrites pour des
doses cumulatives de 100 g.
1- Troubles de l’accommodation :
Ils peuvent apparaître 2 h après la prise du médicament
pour diminuer progressivement.
2- Thésaurismose cornéenne
:
Il s’agit de dépôts cornéens pigmentaires grisâtres très
superficiels, situés dans la partie inférieure de la cornée,
visibles uniquement à la lampe à fente.
Ces dépôts prennent
un aspect stellaire ou verticillé (on parle de cornea
verticillata ).
Cette atteinte cornéenne ne nécessite pas
l’interruption du traitement et disparaît quelques mois
après l’arrêt de celui-ci.
3- Maculopathie :
Rare mais grave, l’atteinte est très progressive, débutant
en général après plusieurs années de traitement.
Il s’agit
de lésions maculaires bilatérales, asymétriques, pouvant
conduire à la perte irréversible de la vision centrale.
Cette maculopathie évolue
en 3 stades.
• Le stade préclinique (4 % des patients traités) : l’acuité
visuelle, le fond d’oeil et l’angiographie fluorescéinique
sont strictement normaux.
Il existe un trouble de la vision des couleurs (initialement
d’axe bleu-jaune par atteinte de l’épithélium pigmentaire
puis secondairement d’axe rouge-vert par atteinte des
photorécepteurs).
L’électrorétinogramme objective une altération des cellules
rétiniennes avec diminution du rapport des ondes b/a
(rapport d’Arden).
• Le stade clinique (1,6% des patients traités) : l’acuité
visuelle diminue mais une acuité de 10/10e est compatible
avec d’importantes lésions à l’examen du fond d’oeil (il
n’existe pas de corrélation entre l’acuité visuelle et les
altérations ophtalmoscopiques).
Il existe une dyschromatopsie d’axe rouge-vert.
L’examen du fond d’oeil retrouve au niveau de la macula
un aspect typique en «oeil de boeuf» (lésion en cocarde
avec un centre pigmenté, entouré d’un anneau clair, luimême
entouré d’une couronne très pigmentée).
L’angiographie fluorescéinique confirme l’atrophie de
l’épithélium pigmentaire ; l’électrorétinogramme est
très perturbé et le champ visuel objective un scotome
péricentral annulaire.
• Le stade séquellaire : l’acuité visuelle est très fortement
diminuée, pouvant être inférieure à 1/10e avec correction.
L’altération de la vision des couleurs peut aller
jusqu’à l’achromatopsie acquise.
Le fond d’oeil montre
une macula «poivre et sel » avec atrophie et remaniements
de l’épithélium pigmentaire.
L’électrorétinogramme
est éteint.
• Conduite à tenir : la maculopathie induite par les antipaludéens
de synthèse est irréversible.
Une surveillance
ophtalmologique est donc indispensable chez tout
patient recevant ce traitement.
Il n’existe pas de consensus
quant aux examens à effectuer pour cette surveillance.
En pratique, on effectue :
– une mesure de la meilleure acuité visuelle corrigée ;
– un examen de la cornée à la lampe à fente;
– un fond d’oeil (avec photographies);
– un examen de la vision des couleurs (test de Farnsworth) ;
– un champ visuel statique explorant les 10 ° centraux
(effectué en lumière rouge, ce test serait le plus sensible);
– un électrorétinogramme.
Ce bilan est effectué avant de débuter le traitement, tous
les 6 mois durant les 2 premières années, puis tous les
3 mois.
L’apparition du moindre signe d’intoxication
nécessite l’arrêt immédiat des antipaludéens de synthèse.
C - Parasympatholytiques :
Les médicaments à action parasympatholytique (responsables
d’une mydriase) sont susceptibles de provoquer
une crise de glaucome aigu par fermeture de l’angle irido-cornéen chez des patients prédisposés comme les
sujets âgés (l’augmentation de la taille du cristallin avec
l’âge diminue la profondeur de la chambre antérieure),
les patients hypermétropes (leurs yeux sont plus petits que
les yeux emmétropes) et les patients atteints de cataractes.
Tous les médicaments à action parasympatholytique
seront donc utilisés chez des patients prédisposés après
examen ophtalmologique et surtout gonioscopie (étude
de l’angle irido-cornéen).
En cas d’angle ouvert, le danger
de ces thérapeutiques est nul.
En cas d’angle très étroit,
il faut réaliser une iridotomie bilatérale préventive au
laser si l’utilisation de ces thérapeutiques est indispensable.
Les médicaments ayant une action anticholinergique sont :
– les psychotropes (neuroleptiques, anxiolytiques, antidépresseurs
tricycliques);
– les antiparkinsoniens;
– les antihistaminiques, les antispasmodiques et les
anti-ulcéreux (penser aux sirops contre la toux) ;
– tous les collyres ou pommades mydriatiques à effet atropinique.
Les autres effets secondaires des parasympatholytiques
sont la paralysie de l’accommodation à l’origine d’une
baisse de la vision de près ; la sécheresse oculaire par
hyposécrétion lacrymale; les blépharospasmes.
Effets secondaires extra-oculaires
:
A -
Collyres bêtabloquants
:
Les collyres bêtabloquants sont les thérapeutiques utilisées
en 1re intention dans le traitement du glaucome primitif
à angle ouvert. Ils diminuent la sécrétion d’humeur
aqueuse.
Ils ont un passage systémique non négligeable,
suffisant pour entraîner éventuellement de nombreux
effets secondaires généraux.
En effet, environ 1 à 5% du
principe actif pénètre dans l’oeil.
Le reste est chassé par
les larmes et réabsorbé par la muqueuse nasale, puis
atteint le coeur droit par la voie cave supérieure.
Ce trajet
shunte donc le foie (absence d’effet de 1er passage),
siège du catabolisme des bêtabloquants, ce qui explique
les concentrations sériques thérapeutiques de ces médicaments
lorsqu’ils sont administrés par voie locale.
Les
effets secondaires généraux sont :
– diminution de la fréquence cardiaque, effet inotrope
négatif, diminution de la vitesse de contraction myocardique
et arythmie avec possibilité d’insuffisance
cardiaque.
Il ne faut donc pas les utiliser chez les
insuffisants cardiaques ou les patients présentant un
bloc auriculo-ventriculaire ;
– apparition ou aggravation d’un syndrome de Raynaud;
– aggravation d’une claudication intermittente existante;
– bronchospasme, surtout chez les patients atteints
d’une bronchopneumopathie chronique obstructive,
ou d’un asthme;
– hypoglycémie;
– diverses manifestations cutanées, y compris éruptions psoriasiformes;
– augmentation des lipoprotéines de haute densité (HDL).
Le passage systémique des collyres bêtabloquants est
donc susceptible de provoquer des complications
vitales, une cinquantaine de décès d’origine cardiaque
ou pulmonaire ayant à ce jour été rapportés.
Il faut donc
insister sur le respect de leurs contre-indications.
B - Collyres sympathomimétiques
:
Certains collyres sympathomimétiques sont utilisés en
ophtalmologie pour leur action mydriatique (la phényléphrine,
Néosynéphrine) et d’autres en raison de l’hypotonie
oculaire induite (dipivéphrine, Propine ou apraclonidine,
Iopidine ou brimonidine, Alphagan).
Suivant
leur classe thérapeutique, ils agissent sur les récepteurs
α1, α2 ou les deux à la fois.
Les effets secondaires locaux sont nombreux mais les
complications systémiques plus rares sont cependant à
prendre en compte :