Manifestations hépatiques des hémopathies (en dehors des complications liées aux traitements) Cours d'Hépatologie
Introduction
:
Des anomalies du foie sont souvent observées au cours des maladies
hématologiques et peuvent parfois mettre la vie en jeu.
Certaines de
ces maladies hématologiques ont des conséquences hépatiques
particulières, comme les thromboses veineuses de l’hémoglobinurie
paroxystique nocturne (HPN).
D’autres manifestations hépatiques,
les plus fréquentes et les moins spécifiques, surviennent quelle que
soit la pathologie hématologique sous-jacente et ont souvent des
causes multiples (infections, médicaments...).
Un diagnostic précis
permet un traitement des atteintes hépatiques associées aux
hémopathies.
Anomalies hépatiques spécifiques
de certaines hémopathies :
A - HÉMOPATHIES MALIGNES
:
Lors des hémopathies malignes, l’infiltration hépatique par les
cellules anormales est fréquente et se traduit par une hépatomégalie
isolée. Les examens biochimiques montrent souvent une cholestase
anictérique.
La ponction-biopsie hépatique est indispensable au
diagnostic.
1- Syndromes lymphoprolifératifs
:
*
Lymphomes
:
Maladie de Hodgkin
Une atteinte hépatique histologique est présente chez 5 à 10% des
malades au moment du diagnostic et chez 50 % des malades au moment du décès.
Cette infiltration hépatique est un témoin de
la diffusion de l’hémopathie et correspond au stade IV.
La ponctionbiopsie
hépatique doit être faite lorsqu’il existe des anomalies
hépatiques biologiques (le plus souvent une augmentation des
phosphatases alcalines), une hépatomégalie et/ou une
splénomégalie, ou un stade IV de la maladie hématologique.
Le
diagnostic de certitude de l’atteinte hépatique lors de maladie de
Hodgkin repose sur la mise en évidence de cellules de Sternberg.
Ces cellules siègent dans l’espace porte et sont associées à un infiltrat lymphoplasmocytaire.
La rentabilité des biopsies hépatiques non
guidées est d’environ 30 % ; elle est améliorée si ces biopsies sont
dirigées par une technique d’imagerie ou une laparoscopie.
Cette
atteinte histologique spécifique est le plus souvent cliniquement
asymptomatique. Une hépatomégalie peut être observée en l’absence
de cellules de Sternberg.
En effet, à côté des lésions spécifiques, on
peut trouver, de manière isolée ou associée à des cellules de
Sternberg, des infiltrats inflammatoires et des granulomes épithélioïdes ou gigantocellulaires sans nécrose caséeuse.
L’ictère
observé chez environ 25 % des patients atteints de maladie de
Hodgkin correspond, dans 50 % des cas, à une atteinte histologique
spécifique.
Dans 3 à 10% des cas, l’ictère est dû à un obstacle des
voies biliaires extrahépatiques ; il s’agit le plus souvent
d’adénopathies comprimant la voie biliaire principale, parfois d’une
infiltration lymphomateuse de la voie biliaire principale et
exceptionnellement d’une infiltration lymphomateuse du
pancréas.
Trois cas de cholangite sclérosante primitive précédant
de quelques années la survenue d’une maladie de Hodgkin ont
également été décrits.
Chez 2,5 % des patients présentant un
ictère, il n’y a ni lésions spécifiques ni obstruction des voies biliaires extrahépatiques, mais une cholestase centrolobulaire isolée.
Le
diagnostic est alors celui de cholestase paranéoplasique.
Celle-ci
accompagne habituellement les stades les plus évolués de la
maladie.
Enfin, quatre cas de ductopénie associée à une maladie
de Hodgkin ont été décrits.
La ductopénie était définie par la
disparition survenant à l’âge adulte de plus de 50 % des canaux biliaires interlobulaires, une augmentation des phosphatases
alcalines, une cholangiographie rétrograde normale et l’absence
d’autres causes de ductopénie.
+ Lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH)
:
Différentes atteintes histologiques hépatiques sont possibles au cours
d’un LMNH.
Les lésions peuvent être très évocatrices de lymphome
et l’on parle alors d’envahissement hépatique spécifique.
Lors des LMNH de bas grade, cet envahissement hépatique spécifique est
présent dans 60 % des cas.
Il est localisé à l’espace porte et ne
constitue pas un facteur pronostique péjoratif.
Au contraire, lors
des LMNH de haut grade, l’atteinte hépatique est plus rare mais fait
partie des critères de mauvais pronostic.
Des études
complémentaires immunohistochimiques peuvent être réalisées sur
coupes de tissu congelé afin d’affirmer le caractère monoclonal de
l’infiltration lymphoïde hépatique.
À côté de ces infiltrations
hépatiques spécifiques, il existe également dans les LMNH, comme
dans la maladie de Hodgkin, des infiltrats inflammatoires non
spécifiques et des granulomes épithélioïdes ou gigantocellulaires qui
peuvent être isolés ou associés à des lésions spécifiques.
Enfin, la
survenue d’une obstruction biliaire extrahépatique est rare au cours
des LMNH puisqu’elle a été estimée à 1,2 %.
Cette obstruction
est due principalement à des adénopathies comprimant le hile
hépatique ou la voie biliaire principale et exceptionnellement à une
infiltration lymphomateuse de la voie biliaire principale.
+ Cas particulier du lymphome T
:
Il s’agit le plus souvent d’une atteinte ganglionnaire et/ou cutanée
touchant une population jeune dont l’âge moyen est autour de
35 ans.
Dans 10 % des cas, il n’y a pas d’atteinte ganglionnaire
mais une hépatomégalie associée à une splénomégalie.
Les examens
biochimiques sont normaux ou montrent une augmentation des
phosphatases alcalines, de la bilirubine totale, des transaminases et
des lactates déshydrogénases.
À l’autopsie, l’atteinte histologique
consiste dans plus de 60 % des cas en une infiltration portale et
sinusoïdale par des cellules lymphoïdes, une fibrose portale et périsinusoïdale et une dilatation sinusoïdale.
Cette atteinte
hépatique est un critère de mauvais pronostic avec un temps de
survie diminué de 12 à 15 mois par rapport aux patients présentant
un lymphome T sans atteinte hépatique.
De plus, la réponse à
la polychimiothérapie est mauvaise et la transformation en une
leucémie aiguë peut s’observer au stade terminal du lymphome
T.
+ Lymphomes primitifs du foie
:
Ils sont rares.
Environ 50 cas ont été décrits dans la littérature.
L’âge moyen des patients est de 55 ans avec un sex-ratio de trois
hommes pour une femme. Une hépatite chronique ou une
cirrhose, notamment postvirale C, précède le lymphome primitif
du foie dans 31 à 60 % des cas.
Le lymphome primitif du foie
se présente sous la forme d’une masse unique dans 60 % des cas, de
masses multiples dans environ 35 % des cas et sous la forme
d’infiltration diffuse sans nodule individualisable dans 5 % des
cas.
L’aspect échographique de ces nodules est hypoéchogène
avec un halo et l’aspect tomodensitométrique est hypodense. Ils
peuvent alors être confondus avec des métastases hépatiques.
Dans certains cas, il n’y a aucune manifestation clinique.
Dans
d’autres cas, ils s’accompagnent d’une hépatomégalie parfois
douloureuse, de fièvre, de sueurs et d’un amaigrissement.
Un
ictère est possible.
Les tests biochimiques montrent une
augmentation modérée des transaminases, des phosphatases
alcalines, des lactates déshydrogénases et de la bilirubine.
Un cas
de lymphome primitif du foie se manifestant par une anémie
hémolytique auto-immune a été décrit.
Par immunohistochimie,
on peut mettre en évidence un lymphome de type B dans 80 % des
cas et T dans 20 % des cas.
L’évolution peut être marquée par une
insuffisance hépatique grave.
La réponse à la chimiothérapie est
variable.
Des cas de résection hépatique de lymphome primitif
suivie de guérison ont été décrits, ce qui a fait proposer la résection
comme traitement des formes nodulaires des lymphomes primitifs
hépatiques.
* Leucémie lymphoïde chronique
:
Une hépatomégalie est observée dans 20 % des cas environ au cours
d’une leucémie lymphoïde chronique ; elle est considérée comme
l’équivalent d’une atteinte ganglionnaire dans la classification de
Binet.
La transformation de la leucémie lymphoïde chronique en
syndrome de Richter est reconnue et peut être responsable d’une
insuffisance hépatique aiguë par infiltration lymphomateuse
hépatique de haut grade de malignité.
Des cas d’hypertension
portale par bloc intrahépatique ont été observés au cours de la
leucémie lymphoïde chronique.
Les biopsies hépatiques montrent
alors une infiltration portale massive par de petits lymphocytes
monomorphes.
L’hypertension portale peut également être
secondaire à une thrombose portale liée à la thrombocytose ou à
l’augmentation du flux hépatique du fait de la splénomégalie.
* Leucémie à tricholeucocytes
:
Au contraire de la leucémie lymphoïde chronique, l’atteinte
hépatique est très fréquente dans la leucémie à tricholeucocytes.
Elle
se traduit par une hépatomégalie presque constante.
La biopsie
hépatique est essentielle et met en évidence des lésions très
évocatrices par la présence de tricholeucocytes et des lésions des
sinusoïdes et des espaces portes.
Ces lésions pseudopéliotiques
sont observées dans 60 % des cas environ, et sont attribuées à
l’effet direct des cellules tumorales sur les parois sinusoïdales ou
capillaires.
* Leucémies aiguës
:
L’infiltration hépatique par des cellules leucémiques est constante à
la phase de début d’une leucémie aiguë.
L’infiltrat est de
topographie portale.
Il peut être associé à des lésions hépatiques non
spécifiques comme une stéatose macrovésiculaire, une hypertrophie
des cellules de Kupffer et des hépatocytes et des lésions
pseudopéliotiques.
Une hépatomégalie est présente dans 50 % des
cas.
L’augmentation importante de la taille du foie, l’élévation des
phosphatases alcalines et une acidose lactique accompagnent les
formes avec insuffisance hépatique grave liées à l’envahissement
massif du foie par les blastes.
Le traitement par une
chimiothérapie en urgence peut aboutir à des rémissions.
* Myélome
:
Une hépatomégalie est retrouvée chez environ 21 % des patients
atteints de myélome.
Parmi eux, seuls 5 % ont une hépatomégalie
débordant de plus de 5 cm le rebord costal droit.
Cette atteinte
hépatique peut être diffuse ou plus rarement nodulaire.
Les études autopsiques ont mis en évidence une infiltration myélomateuse
sinusoïdale et portale dans 26 à 46 % des cas.
L’augmentation des phosphatases alcalines est le seul marqueur
biochimique lié de façon significative à l’infiltration plasmocytaire
hépatique.
Elle est observée dans 40 % des cas. Les lésions
nodulaires apparaissent en échographie hypoéchogènes ou isoéchogènes avec un halo.
Deux cas de nodules hyperéchogènes
ont été décrits.
La tomodensitométrie a peu d’intérêt
diagnostique car les patients ne peuvent avoir d’injection d’iode qui
précipiterait l’insuffisance rénale à laquelle ces malades sont sujets.
Des cas de cirrhose biliaire primitive et de myélome ont été décrits
mais la signification de l’association entre ces deux maladies n’est
pas connue.
Ainsi, plusieurs causes d’ictère sont possibles chez
un patient présentant un myélome : l’infiltration hépatique par des
plasmocytes, ou une cirrhose biliaire primitive, des dépôts de
chaînes légères, ou une amylose hépatique.
Cette amylose hépatique
peut être responsable d’une insuffisance hépatocellulaire.
Un cas
de myélome multiple survenant chez une patiente présentant un
syndrome de Budd-Chiari a également été rapporté.
L’hépatomégalie est habituelle dans le POEMS.
Ce syndrome
associe une polyneuropathie, une organomégalie, des atteintes
endocriniennes et cutanées (épaississement sclérodermique et
hyperpigmentation) et une gammaglobuline monoclonale.
Quelques
points le distinguent du myélome : un âge de début plus jeune, des lésions osseuses souvent ostéocondensantes, une plasmocytose
discrète et un taux généralement faible du composant monoclonal.
La présence d’une ascite a été notée dans 19 cas d’une série de
28 patients présentant un POEMS et serait attribuée à une
altération de la perméabilité de l’endothélium vasculaire.
La réponse
de cette ascite à une corticothérapie semble bonne.
* Maladie de Waldenström
:
Elle est caractérisée par une prolifération maligne de lymphocytes B
et la présence dans le sang circulant d’une immunoglobuline de type
M monoclonale, sécrétée par ces lymphocytes.
L’atteinte hépatique
est fréquente et diverse au cours de la maladie de Waldenström.
En
effet, des cas d’infiltration lymphocytaire, de dépôts de chaînes
légères, d’amylose, de péliose et d’hyperplasie nodulaire
régénérative ont été décrits.
L’infiltration lymphocytaire est de
topographie portale.
Un seul cas de nodule hyperéchogène dans un
foie cirrhotique en rapport avec une maladie de Waldenström a été
rapporté.
La transformation d’une maladie de Waldenström en un
immunoblastome est une entité connue mais rare et estimée à
6 %.
Cette transformation, comme le syndrome de Richter au
cours d’une leucémie lymphoïde chronique, a généralement des
manifestations hépatiques marquées à type d’ictère, de fièvre et
d’insuffisance hépatocellulaire révélant l’infiltration massive du foie
par l’immunoblastome.
2- Histiocytose de Langerhans
(anciennement histiocytose X)
:
Cette affection est caractérisée par l’infiltration des tissus par une
prolifération d’histiocytes porteurs des marqueurs suivants : CD1,
S100, granules de Birbeck.
Elle touche habituellement les enfants et
l’adulte jeune.
Les tissus éventuellement atteints incluent les
poumons, la peau, l’os, la rate, les ganglions et le foie.
L’atteinte
peut rester en grande partie localisée ou disséminée.
Deux sortes
d’atteintes hépatiques peuvent être distinguées.
L’atteinte associée
aux formes systémiques disséminées se traduit par une infiltration
des espaces portes et des sinusoïdes par les histiocytes de Langerhans.
Une érythrophagocytose est observée dans un tiers des
cas.
Une hépatomégalie accompagne 50 % des formes systémiques.
Dans les formes chroniques, une fibrose des zones préalablement
infiltrées par les histiocytes peut conduire à la constitution d’une
hypertension portale.
La deuxième forme est caractérisée par une
atteinte prédominante des voies biliaires aboutissant à une entité
proche de la cholangite sclérosante primitive, quoique les sténoses
biliaires soient souvent plus localisées et moins nombreuses que
dans cette première.
La cholangiopathie est due à l’infiltration
des voies biliaires intra- ou extrahépatiques par les histiocytes de
Langerhans.
L’évolution est habituellement défavorable en raison de
la constitution d’une cirrhose biliaire secondaire.
Une transplantation
hépatique peut être proposée dans ce cas.
3- Syndromes myéloprolifératifs
:
*
Maladie de Vaquez (polyglobulie essentielle)
:
La thrombose des veines splanchniques est le mécanisme le plus
fréquent d’atteinte hépatique au cours de la maladie de Vaquez.
Une
thrombose de la veine porte ou une thrombose des grosses veines
hépatiques sont observées chacune dans 5 % des cas.
Une atteinte
des petites veines porte ou hépatiques est encore plus fréquente
dans les séries nécropsiques (respectivement 40 et 10 % des cas).
Inversement, la maladie de Vaquez est la cause la plus fréquente
des thromboses de la veine porte (25 à 50 % des cas) ou des
thromboses des veines hépatiques (> 50 % des cas).
Ces
proportions très élevées ne sont atteintes que dans des séries où des
techniques sensibles ont été mises en oeuvre pour mettre en évidence
les formes masquées, occultes ou frustes de la maladie de Vaquez
ou des syndromes myéloprolifératifs apparentés qui comptent pour
les deux tiers des cas.
Ces techniques incluent la mesure de la
masse érythrocytaire, le dosage de l’érythropoïétine et la mise en
évidence de colonies érythroblastiques spontanées par culture de
précurseurs sur milieu pauvre en érythropoïétine.
Chez les patients
atteints de maladie de Vaquez et de thrombose des veines
splanchniques, on met fréquemment en évidence un autre état prothrombotique, ce qui suggère la combinaison des deux facteurs
de risque.
Les principales complications de la thrombose de la veine
porte sont les hémorragies digestives et l’infarctus intestinal.
Un
grand nombre de cas de thrombose de la veine porte sont, malgré
tout, asymptomatiques. Les principales complications de la
thrombose des veines hépatiques sont l’hypertension portale, l’ascite
chronique parfois accompagnée d’insuffisance rénale, l’insuffisance
hépatique.
La mortalité globale est de 30 à 40 % au terme de 10 ans.
Un nombre croissant de thrombose des veines hépatiques est
reconnu à un stade asymptomatique.
Le traitement anticoagulant et
le contrôle de la maladie du sang sont probablement des éléments
essentiels à mettre en oeuvre pour prévenir les thromboses des
veines splanchniques.
Des données préliminaires suggèrent un
bénéfice malgré le risque d’hémorragie digestive.
Les traitements
spécifiques sortent du cadre de cet article.
L’infiltration sinusoïdale est le second type d’atteinte hépatique au
cours de la maladie de Vaquez.
Une étude nécropsique a permis
d’observer une hématopoïèse extramédullaire dans 65 % des cas et
une infiltration leucémique dans 15 % des cas.
L’hématopoïèse
médullaire n’est sévère que dans moins de 10 % des cas.
Une
hypertension portale est possible.
Dans ce cas, des lésions de
fibrose périsinusoïdales sont habituelles.
La tomodensitométrie met
en évidence un aspect hétérogène du parenchyme hépatique.
* Splénomégalie myéloïde
:
L’infiltration hépatique par des cellules hématopoïétiques est très
fréquente, voire constante.
Elle constitue même un argument pour
le diagnostic.
Cependant, la biopsie percutanée transcapsulaire doit
être évitée en raison du risque accru de complication hémorragique.
L’infiltration hépatique peut ne donner aucun signe ou se manifester
par une augmentation des phosphatases alcalines ou de la gammaglutamyl transpeptidase, une hépatomégalie ou par une
hypertension portale.
Cette dernière est observée dans 40 % des cas.
Les mécanismes du bloc intrahépatique sont multiples :
augmentation du flux veineux splénique, infiltration sinusoïdale par
les cellules hématopoïétiques, fibrose périsinusoïdale et surtout
obstruction des veinules porte par une thrombose récente ou
ancienne.
D’autres lésions sont possibles telles une hyperplasie
nodulaire régénérative présente dans 15 % des cas et étroitement liée
à une obstruction des veinules porte, ou encore une péliose
hépatique.
La splénectomie comme traitement de l’hypertension
portale doit être évitée en raison d’une mortalité et d’une morbidité
très élevées (respectivement 13 et 45 %), et d’un risque de
thrombose portale étendue postopératoire approchant les 40 %.
Une thrombose des grosses veines porte ou hépatiques est
également possible.
Ce type de thrombose serait sensible à un
traitement par thrombolytique de type recombinant-tissue-type
plasminogen activator (rt-PA).
* Leucémie myéloïde chronique
:
Des cas d’hypertension portale ont également été décrits au cours
de la leucémie myéloïde chronique.
Les mêmes mécanismes
invoqués pour expliquer l’hypertension portale lors de la
splénomégalie myéloïde s’appliquent à la leucémie myéloïde
chronique.
Il semble que le rôle joué par l’infiltration hépatique par
les cellules hématopoïétiques soit particulièrement important.
Cette infiltration hépatique est principalement localisée au niveau
du sinusoïde.
La transformation en leucémie aiguë semble plus
fréquente au cours de la leucémie myéloïde chronique avec atteinte
hépatique.
Un cas de sarcome se révélant par une cholestase et
obstruant la voie biliaire principale a été décrit après greffe de
moelle pour leucémie myéloïde chronique.
* Syndrome hyperéosinophilique
:
Il se complique dans 50 % des cas d’une atteinte hépatique.
Il
s’agit soit d’un foie cardiaque, soit d’une thrombose des veines sushépatiques.
Une corticothérapie ajoutée au traitement anticoagulant semble efficace sur les thromboses. Les mécanismes
invoqués sont la toxicité endothéliale d’une protéine basique et
l’hypercoagulabilité induite par une protéine cationique, toutes
protéines sécrétées par les éosinophiles.
La ponction-biopsie
hépatique montre la présence d’éosinophiles activés et une nécrose
hépatocytaire.
L’immunohistochimie confirme le diagnostic par la
positivité de la protéine basique dans les lésions hépatiques.
B - HÉMOPATHIES BÉNIGNES
:
1- Hémoglobinurie paroxystique nocturne
:
Le syndrome de Budd-Chiari est une complication fréquente de
l’HPN.
La prévalence du syndrome de Budd-Chiari chez les patients
atteints d’HPN est de 15 à 25 %.
Les examens d’imagerie par échodoppler abdominal et tomodensitométrie semblent utiles pour
le dépistage et le diagnostic précoces de thrombose.
Le traitement
de ces thromboses par une héparine doit être débuté rapidement.
On a proposé un traitement par thrombolytique pour les thromboses
étendues.
L’utilité d’un traitement préventif par antagoniste de
la vitamine K est discutée.
Les contraceptifs oraux sont contreindiqués
en raison de leur risque thrombogène.
2- Aplasie médullaire, infection par parvovirus B19
:
L’association d’une hépatite et d’une aplasie médullaire est rare mais
représente 28 % des transplantations pour hépatite non-A, non-B,
non-C.
Il s’agit souvent de malades de sexe masculin, d’âge jeune,
avec une hépatite de sévérité modérée mais une aplasie médullaire
sévère.
Le parvovirus B19 est retrouvé dans 66 % des cas contre
seulement 15 % des témoins sans hépatopathie.
Les
manifestations hépatiques du parvovirus B19 peuvent aller de
simples anomalies des tests hépatiques à une hépatite fulminante
sans que les facteurs de gravité aient pu être identifiés.
L’association
d’une hépatite et d’une aplasie médullaire doit donc faire rechercher
le parvovirus B19 par exploration sérologique et détermination de
l’acide désoxyribonucléique (ADN) viral sur spécimen de foie.
3- Purpura thrombopénique idiopathique
:
Une étude de 197 patients atteints de purpura thrombopénique
idiopathique résistant à la corticothérapie a montré que l’incidence
de la séquestration des plaquettes était dans 17 % des cas
hépatosplénique et dans 6 % des cas hépatique pure.
Ces sites de
séquestration sont plus fréquents chez les sujets de moins de 30 ans.
Une fibrose hépatique périsinusoïdale de mécanisme inconnu peut
être alors observée.
La splénectomie est le traitement indiqué en cas
de résistance à la corticothérapie si la séquestration plaquettaire est
hépatosplénique ou splénique seule.
4- Hémolyse chronique
:
* Généralités
:
Les deux principales complications hépatobiliaires de l’hémolyse
chronique, quelle qu’en soit la cause, sont la surcharge en fer et la
lithiase biliaire.
La surcharge secondaire en fer peut s’expliquer, en
l’absence de toute transfusion, par l’hyperabsorption du fer due à
l’érythropoïèse inefficace qui accompagne certaines hyperhémolyses
constitutionnelles comme la thalassémie et les transfusions
sanguines.
Les anomalies des tests hépatiques sont le plus souvent
modérées.
Le rôle propre de la surcharge en fer est souvent difficile
à séparer de celui des hépatites virales transmises par les
transfusions. L’imagerie par résonance magnétique est le meilleur
moyen non invasif de quantifier la surcharge en fer.
La biopsie
hépatique permet une évaluation biochimique ou une évaluation
histologique de la surcharge.
La surcharge d’origine transfusionnelle
prédomine dans les cellules de Kupffer mais atteint aussi les
hépatocytes alors que la surcharge par hyperabsorption digestive
atteint d’abord les hépatocytes.
L’atteinte cardiaque et le diabète sont
les principales complications de la surcharge secondaire.
Le
traitement repose sur la chélation par l’administration intraveineuse
de déféroxamine lors de chaque transfusion et par l’administration
sous-cutanée nocturne.
Des chélateurs actifs par voie orale sont
en cours de développement.
La lithiase biliaire associée à
l’hyperhémolyse est faite de calculs pigmentaires, souvent
calcifiés.
Ils sont constitués de bilirubinate de calcium et
s’expliquent par l’augmentation de la bilirubine éliminée par voie
biliaire.
* Particularités de la drépanocytose
:
Une complication hépatique propre à la drépanocytose est
représentée par la forme hépatique de crise drépanocytaire.
Elle peut
se manifester par un ictère, des douleurs abdominales, de la fièvre
et une hépatomégalie.
Les transaminases sont le plus souvent
modérément augmentées.
Le mécanisme impliqué est celui d’une
hypoxie hépatique secondaire à l’obstruction des sinusoïdes
hépatiques par les cellules falciformes.
La ponction-biopsie
hépatique montre une dilatation sinusoïdale et une
hémophagocytose.
D’autre part, il semble que la lithiase
vésiculaire soit particulièrement fréquente au cours de cette
hémolyse chronique puisqu’elle est retrouvée chez l’adulte avec une
prévalence atteignant 50 %.
* Particularités de la thalassémie
:
Comme pour toute hémolyse chronique, une surcharge hépatique
en fer est possible dans la thalassémie.
Environ 38 % des patients
thalassémiques ont des anomalies des tests hépatiques avec
principalement une augmentation des transaminases.
Ces anomalies
sont le plus souvent attribuables à une hémosidérose et/ou une
infection virale C.
Dans une étude de 42 patients bêtathalassémiques n’ayant jamais été transfusés, la saturation de la
transferrine était augmentée, ainsi que la ferritinémie.
La biopsie
hépatique a montré des lésions d’hépatite chronique chez 17 des 32
patients non buveurs n’ayant pas d’infection virale B.
5- Mastocytose
:
La mastocytose systémique peut comporter une atteinte hépatique.
Dans une étude de 13 patients atteints de mastocytose systémique,
dix avaient une hépatomégalie.
Les biopsies hépatiques ont montré
dans les 13 cas une infiltration portale par des lymphocytes, des
éosinophiles et des fibroblastes, associée à de la fibrose.
La sévérité
des lésions histologiques n’était pas corrélée à la présence ou non
d’une hépatomégalie, ni aux anomalies des tests hépatiques, mise à
part l’augmentation des phosphatases alcalines retrouvée dans les
cas de lésions hépatiques avancées.
Une infiltration massive des
sinusoïdes par les mastocytes est une cause exceptionnelle
d’hypertension portale.
Anomalies hépatiques observées quelle
que soit l’affection hématologique :
A - HÉPATITES INFECTIEUSES
:
Les hépatites virales, mycosiques et bactériennes sont juste à
évoquer, car elles font partie des complications liées au traitement.
La contamination virale, en particulier par le virus C, a touché
principalement mais non exclusivement les hémophiles.
Les
hépatites mycosiques sont particulièrement graves chez les sujets
immunodéprimés.
Il s’agit le plus souvent d’hépatite à Candida de
diagnostic difficile.
Toutes les infections bactériennes avec ou sans
septicémie peuvent s’accompagner d’anomalies hépatiques.
B - HÉPATITES MÉDICAMENTEUSES
:
Les chimiothérapies administrées pour hémopathie maligne peuvent
être responsables d’atteintes toxiques du foie.
La toxicité dépend du
type d’agent utilisé. Elle est le plus souvent dose dépendante.
C - SURCHARGE EN FER SECONDAIRE AUX TRANSFUSIONS
:
Comme nous l’avons précédemment cité, une surcharge en fer peut
être consécutive aux transfusions et/ou l’hyperhémolyse.
Les
marqueurs de surcharge ferrique peuvent être d’utilisation délicate,
notamment la ferritinémie augmentée par le syndrome
inflammatoire dû à l’hémopathie sous-jacente.
La biopsie hépatique
est alors très utile au diagnostic.