Basse vision et malvoyance (en dehors des aides optiques et de la prise en charge sociale)
Cours d'Ophtalmologie
Introduction
:
Les découvertes récentes en neurophysiologie et en psychologie cognitive ont
un retentissement majeur sur la prise en compte de la capacité sensorielle
visuelle.
Leur application au domaine de la pathologie oculaire a permis de
structurer une entité physiopathologique définie sous le vocable de
malvoyance ou de basse vision.
L’essor de cette prise en charge s’est appuyé
sur les examens psychophysiques et cognitifs qui permettent d’évaluer de
manière relativement précise le potentiel visuel de ces patients que l’on pourra
optimiser spécifiquement.
Cependant, leur prise en charge est lourde,
imposant une complémentarité sans faille entre plusieurs spécialités :
ophtalmologiste, orthoptiste, opticien, psychologue, oto-rhinolaryngologiste,
ergothérapeute, rééducateur de la locomotion, instructeur en
activité de vie journalière, etc, pour redonner une autonomie de vie au malade
et soulager l’entourage.
La malvoyance et basse vision ne sont en fait pas une découverte récente.
Des
centres de réadaptation, des orthoptistes libéraux ont, depuis plusieurs années,
oeuvré pour mettre au point des méthodes de prise en charge.
Cependant, souvent
les protocoles n’étaient qu’expérimentaux et surtout propres à chaque spécialiste.
Mais il est nécessaire de redéfinir l’entité malvoyance.
Un malvoyant, selon la classification de l’Organisation mondiale de la santé,
est une personne qui ne possède plus une bonne capacité de discrimination
des détails fins.
Peuvent s’y ajouter certaines déficiences du champ visuel.
Ainsi, les sujets ayant un champ visuel inférieur à 10 degrés, mais supérieur à
5 degrés autour du point de fixation doivent être considérés comme
appartenant à la catégorie 3, tandis que la limitation à 5 degrés correspond à la
catégorie 5.
La définition légale française (1976) indique que la malvoyance
ou amblyopie est définie par une acuité visuelle binoculaire corrigée comprise
entre 1/20 et 4/10. Au-dessus de 4/10, c’est la voyance complète.
Dans
certains pays, le terme de cécité est réservé aux acuités visuelles inférieures à
1/10.
On peut estimer qu’il existe une soixantaine de définitions.
L’évolution des connaissances fait réserver en fait le terme de cécité
uniquement aux patients n’ayant aucune perception lumineuse.
Le terme
malvoyant s’applique à celui qui possède une perception visuelle, quelle que
soit sa valeur, jusqu’à celui dont la perception fine permet d’atteindre 4/10.
Cependant, cette définition limitée aux capacités d’intégration des hautes
fréquences n’est qu’approximative.
Il nous faut parler de potentiel visuel
fonctionnel englobant l’enveloppe de vision sous-tendue par les limites des
capacités d’intégration des canaux d’analyses spatiaux et temporels du
système visuel.
Dans ce cas, la limite inférieure serait une enveloppe de vision
minimale de 10 %.
Apport des neurosciences
:
A - Champs récepteurs fréquentiels
:
Une première notion fondamentale est représentée par la constatation que la
voie visuelle est active et non passive dans la préhension de l’image.
L’analyse va se faire dès la rétine.
Elle est remaniée le long des voies optiques,
mais chaque aire corticale est spécifique d’un élément particulier.
Le mécanisme visuel met d’abord en jeu un système de détection rapide
supporté par la rétine périphérique qui a pour but de déclencher, par voie
nerveuse courte, un système d’analyse fin, supporté par la rétine centrale et
dont la transmission lente se fait par voie géniculostriée.
La périphérie a
également pour rôle le contrôle du corps et des membres dans leur
positionnement et leur mouvement.
On sait maintenant, et ceci est aussi
essentiel, que la voie optique est formée de plusieurs canaux.
Ces canaux
conduisent en parallèle les caractéristiques énergétiques du spectre
électromagnétique, réfléchi sur l’image ou l’objet, avec ses différents
composants spatiaux, temporels, colorés, lumineux.
Ainsi, l’information
visuelle n’est pas traitée par un système hiérarchique unique mais par
plusieurs systèmes dont les propriétés sont très différentes, mais dont le
mécanisme d’action est identique ; basé sur le fait que les cellules rétiniennes
fonctionnent par opposition de stimulation lumineuse, donc par contraste de
luminance entre les surfaces adjacentes des images ou objets de
l’ergopanorama.
Les variations de luminance entre deux surfaces contiguës
sont codées selon leur fréquence spatiale et intègrent un canal histologique de
transmission spécifique à la largeur des structures observées.
Ainsi, la vision morphoscopique couvre un domaine beaucoup plus vaste que
la simple détermination de l’acuité visuelle.
Car s’il existe des champs
récepteurs pour les hautes fréquences spatiales situées au centre de la rétine et
destinés à la réception des détails fins, on relève en périphérie des zones
spécialisées dans la réception des moyennes fréquences spatiales (structure
physique moyenne) et des champs récepteurs spécialisés dans l’intégration
des basses fréquences spatiales (structure physique large).
La vision du mouvement, intégration de la vision spatiale et de la vision
temporelle, n’est pas explorée, ni systématiquement, ni rigoureusement.
La
sensibilité temporospatiale est entièrement différente entre la vision centrale
et la vision périphérique.
Elle traduit la différence histologique et
neurophysiologique des cellules ganglionnaires véhiculant l’information en
fonction de la topographie rétinienne.
La vision centrale assure une
discrimination de position entre deux topographies rétiniennes successives
(champ récepteur plus petit, vitesse de conduction de l’influx nerveux plus
lente), il s’agit du système analyseur de déplacement.
En revanche, la vision
périphérique est capable, par ses champs récepteurs de superficie plus
importante, d’intégrer des déplacements rapides.
C’est un système analyseur
de mobilité.
Cette différence fonctionnelle est très utilisée pour la perception
de l’espace et du déplacement.
Une perte de la vision périphérique aura donc
un retentissement important dans le domaine de la locomotion.
B - Interprétation chromatique :
Elle représente une des sources privilégiées de l’information.
Elle n’est pas
uniquement liée aux interactions entre les rayonnements électromagnétiques
de la lumière et les cellules photoréceptrices de la rétine, mais résulte aussi de
l’intégration progressive du signal transducté par l’ensemble des cellules de
la voie visuelle.
Comme pour la vision des formes, il est nécessaire de séparer
la vision centrale de la vision périphérique.
La répartition des différents types
de cônes, la taille des champs récepteurs en fonction de l’excentricité
rétinienne retentissent directement sur la qualité de la vision des couleurs.
Comme pour l’acuité visuelle, la meilleure vision des couleurs est obtenue au
centre de la rétine.
Plus l’excentricité rétinienne est importante, moins bonne
est la vision des couleurs.
Dans le cas d’une pathologie impliquant une
amputation ou une disparition de la vision centrale, on observe une moins
bonne discrimination colorée.
Il est utile cependant de l’explorer, car les
informations présentées au malvoyant devront être alors plus saturées et de
plus grande taille.
C - Plasticité neuronale :
La disposition anatomique rétinienne permet de définir une vision centrale
destinée au repérage des détails fins, à la lecture, à l’écriture, à la
reconnaissance des visages, à la poursuite visuelle, ainsi qu’une vision paracentrale et périphérique prenant en compte les structures les plus larges
pour la localisation d’un objet et l’appréciation globale de l’espace.
On
conçoit de ce fait qu’en fonction de leur localisation, les altérations oculaires
retentissent différemment, et souvent seulement partiellement, sur le
fonctionnement des systèmes d’analyse primaire au niveau distal.
Les
capteurs restants vont permettre le développement d’une vision fonctionnelle
néoformée à partir d’élaborations stratégiques substitutives pouvant
s’appuyer sur d’autres paramètres sensoriels.
Ainsi, la topographie du cortex visuel était considérée comme stable, en
dehors des phases d’apprentissage des premières années de la vie, appelées
périodes critiques.
Depuis quelques années, ce concept est totalement remis
en cause.
De nombreuses expériences permettent d’observer des
modifications des cartes corticales, en particulier en cas d’altérations des afférentations, ou en cas de désafférentation.
Cette plasticité cérébrale du
cortex visuel est le support neurophysiologique de la réhabilitation visuelle.
Un néopoint de fixation se développe chez les patients atteints de
dégénérescence maculaire liée à l’âge.
L’aire de fixation préférentielle se
situe le plus souvent en rétine supérieure.
Cependant, il semble exister une
latéralisation préférentielle de cette aire.
En effet, lorsque l’oeil droit est le
meilleur des deux yeux, l’aire de fixation préférentielle se situe
habituellement en rétine temporale supérieure.
Lorsque l’oeil gauche est le
meilleur des deux yeux, la localisation préférentielle se situe en rétine nasale
supérieure.
Ceci pourrait correspondre au besoin qu’ont les patients de trouver
le début des lignes lorsqu’ils lisent de gauche à droite.
Des expériences
similaires effectuées chez des patients lisant couramment de droite à gauche
ont montré une localisation préférentielle inversée de l’aire de fixation.
En
revanche, lorsque les patients lisaient couramment dans les deux sens, selon
la langue utilisée, c’est le premier apprentissage de la lecture qui semble
déterminer la localisation préférentielle de l’aire de fixation.
En termes de rééducation visuelle, la stabilisation de l’aire de fixation
préférentielle apparaît capitale.
En effet, la perte de la fovéa aboutit à une
désorganisation complète du système oculomoteur qui est centré par la
fonction fovéolaire.
L’un des buts de la rééducation va être de recentrer le
système oculomoteur sur l’aire de fixation préférentielle développée par le
patient.
Différents exercices vont être mis en place pour stabiliser l’aire de
fixation préférentielle et transformer cette néofixation qui est initialement
fugace et instable en une fixation stable et réflexe.
D - Codage cérébral
:
Le traitement du signal rétinien suit trois étapes ou niveaux qui permettent la
compréhension de la scène visuelle.
Le traitement sensoriel correspond à
l’encodage du stimulus physique à partir de l’image rétinienne jusqu’au
cortex visuel.
Le traitement perceptif aboutit à une forme présémantique à
partir des données de l’encodage sensoriel.
Il aboutit à la perception d’une
forme sans que ses propriétés fonctionnelles et sémantiques aient pu être
définies.
À ce niveau interviennent les phénomènes de groupement de points
en lignes et les attributs primitifs codés lors de l’étape sensorielle sont
assemblés par groupement et colinéarité, permettant l’établissement du
contour de la forme.
Enfin, dès cette étape serait réalisé le traitement local et
global de l’information, la priorité étant laissée à l’information globale sur
l’information locale (percevoir la forêt avant les arbres).
Le traitement
cognitif correspond à l’identification de l’objet à partir de l’information de
formes acquises lors de l’étape perceptive.
À ce niveau, la représentation est
indépendante des formes, elle est dite prototypique et s’effectue à partir d’un
stock de formes présémantiques en mémoire.
À partir des informations unitaires fournies par chacun des systèmes
sensoriels sont assurées une intégration multisensorielle et de la pondération
entre les différents systèmes.
De cette pondération spécifique à une
situation donnée naît un état d’orientation spatiale pour un instant donné.
Cet
état alimente un modèle de processus élaboré progressivement par
apprentissage de situations équivalentes.
Il est construit à partir de
connaissances théoriques utilisées pour structurer des connaissances
pragmatiques spécifiques du processus à gérer (l’apprentissage de la conduite
automobile implique le développement d’un modèle du processus spécifique
à un type de véhicule ; le modèle est adapté à ce véhicule et tout changement
implique des modifications et des adaptations au modèle mémorisé).Viendra
ensuite la prise en compte des éléments du milieu environnant.
Un modèle
des intentions des autres est indispensable au déplacement harmonieux.
En
effet, le milieu extérieur se compose d’éléments stables, fixes (le sol, le relief
en général, les constructions, la végétation) et d’éléments mobiles (autres
personnes, véhicules).
Dans de nombreuses situations de rééducation, l’effort
porte sur l’élaboration ou la modification du modèle des intentions des autres.
Les techniques de cartographie cérébrale constituent une technique de choix
pour mettre en évidence des modifications de l’activité de différentes régions
cérébrales sous l’effet de l’apprentissage ou du fait d’anomalies organiques.
La connaissance de ces réorganisations pourra constituer à l’avenir une source
de données fondamentales pour orienter les techniques de prise en charge des
malvoyants quelles que soient leurs causes.
Ainsi, une augmentation de la
zone de projection des afférences provenant du doigt lisant le braille a été mise
en évidence à l’aide de potentiels évoqués somesthésiques dans la région
somatosensorielle pariétale ascendante correspondante.
Méthodologie d’analyse
des potentiels sensoriels :
L’évaluation des potentiels sensoriels d’un malvoyant a pour but de mettre en
évidence les capacités et limites fonctionnelles du patient dans la réalisation
de ses activités courantes : lecture, écriture, prise de repas, déplacements.
Une
évaluation spécifique est entreprise dans les domaines où les activités sont
trop réduites, comme par exemple la locomotion.
L’objectif est d’analyser les
possibilités d’amélioration de la qualité de vie du patient.
A - Ophtalmologiste :
Il établit la forme clinique de la malvoyance, centrale, périphérique, mixte,
rétinienne, etc, en vue de juger de la stabilité ou de l’évolutivité des lésions.
Il
s’emploie ensuite à déterminer avec précision la réfraction pour adapter la
meilleure correction convenant aux différentes tâches encore possibles pour
le patient.
Les anomalies de la réfraction ont une répercussion immédiate sur
la perception des objets ou des images qui peuvent surcharger les efforts de
compensation cérébrale et multisensorielle.
Le troisième temps étudie la
fenêtre de pénétration du spectre électromagnétique dans le système visuel
par l’intermédiaire d’un champ visuel.
L’analyse de l’enveloppe de
l’intégration des fréquences spatiales et temporelles se réalise par l’examen
des fonctions de sensibilité aux contrastes de luminance.
Il en résulte une
appréciation sur la détection des formes que peut encore effectuer le patient
(ainsi une atteinte par dégénérescence maculaire liée à l’âge réduit la
distinction des éléments fins, mais non des basses et moyennes fréquences).
L’électrophysiologie n’est mise en oeuvre qu’en cas de déficit fonctionnel
majeur pour apprécier la part distale ou centrale du déficit.
L’examen de la
vision colorée apporte une valeur dont l’utilisation dans la rééducation
potentialise le pouvoir discriminatif.
Éventuellement, le scanning laser ophthalmoscope précise la stratégie visuelle adaptée par le sujet, en évaluant
les zones rétiniennes fonctionnelles et le néopoint de fixation.
B - Orthoptiste :
Il intervient afin de définir les capacités et les limites visuelles fonctionnelles
du patient lors de ses activités.
L’évaluation de la vision fonctionnelle permet
de compléter les connaissances relatives à l’ensemble des ressources visuelles
disponibles tout en prenant en compte les stratégies déjà mises en place.
Elle
permet aussi de mieux définir les attentes et les limites du malvoyant.
L’évaluation s’effectue en deux temps : un bilan subjectif, dont le but est de
cerner les incidences pratiques de la malvoyance, suivi d’un bilan objectif
étudiant les incapacités pratiques reconnues par la Classification
internationale du handicap.
Chacun de ces bilans porte sur trois catégories.
– La première concerne la vision éloignée, la perception à distance et le
déplacement.
– La seconde porte sur la vision intermédiaire et la coordination visuomotrice.
– La troisième catégorie s’intéresse à la vision de près et à la lecture.
On obtient ainsi un recueil de données spécifiques à chacun des différents
rééducateurs susceptibles d’intervenir et d’orienter le patient vers des
évaluations fonctionnelles complémentaires si cela s’avère nécessaire.
Le
bilan fonctionnel est subjectif et objectif.
1- Bilan subjectif :
Ce bilan concerne les tâches. Il s’agit d’un entretien semi-directif permettant
d’aborder la manière dont le patient gère un ensemble de tâches quotidiennes
prédéfinies.
Il recense les capacités et les incapacités au quotidien, les adaptations
spontanées et les moyens de compensation mis en place.
Il permet de mettre
en évidence le ou les problème(s) majeur(s) rencontré(s) à partir des habitudes
de vie personnelle et environnementale, d’aider à faire émerger les désirs réels
de reprise d’activités.
Cibler au mieux la ou les demandes est primordial afin
d’y répondre au plus près et dans la mesure des possibilités existantes.
L’abord psychologique d’un tel entretien est d’une importance majeure et le
temps requis (environ 1 heure) ne doit pas être sous-estimé.
En effet, des
données telles que la motivation, la compréhension et l’acceptation d’un
éventuel travail de rééducation doivent être respectées dans l’éventualité d’un
projet de prise en charge rééducative.
2- Bilan objectif
:
Son but est de connaître les moyens et la performance dans l’exécution de
différentes tâches prédéfinies.
Il complète le bilan subjectif et permet de
comparer tâches et moyens à travers divers tests fonctionnels, tant en vision
éloignée qu’en vision intermédiaire et en vision de près.
Le matériel utilisé est varié : objets, volumes, tests papier faits de surfaces, de
contours et d’images complexes.
Ces différents éléments sont calibrés et
classés selon les qualités physiques d’entrée dans le système visuel.
Dans le
même temps, des tâches de perception à prédominance visuelle,
hiérarchisées, de la détection à l’identification, et de complexité croissante
sont proposées.
Des tâches de coordination oculomanuelle sont également
étudiées dans un ordre croissant de difficulté.
Au cours de l’ensemble des exercices, les stratégies mises en oeuvre sont
notées.
Elles renseignent sur les adaptations spontanées et leur efficacité ou
témoignent de leur absence.
Les moyens et performances du patient
s’expriment par la détermination d’un niveau de perception, de coordination
et d’adaptation par rapport aux stratégies utilisées.
Le matériel pour l’évaluation objective peut aussi se présenter sous la forme
d’un logiciel.
Ainsi, celui utilisé dans le service (colear) comprend cinq
niveaux de tests appartenant à des groupements de fonctionnalités différentes.
La détermination des difficultés et capacités de lecture clôt cette évaluation
objective fonctionnelle.
Elle traduit les difficultés de perception des détails
fins et l’utilisation des différentes stratégies.
La capacité de lecture,
lorsqu’elle est possible, s’effectue à partir d’un texte calibré, se mesure en
nombre de mots par minute et s’évalue en niveau de compréhension et temps
d’endurance.
La synthèse de l’évaluation fonctionnelle repose sur trois grilles
récapitulatives et un codage binaire réussite-échec.
Il existe une grille par
catégorie mettant en regard les tâches quotidiennes, leur problème de
réalisation et les attentes du patient (bilan subjectif), et d’autre part les moyens
perceptifs en fonction du niveau d’entrée physique proposé et des stratégies
utilisées (bilan objectif).
Le codage binaire permet la détermination de la
performance initiale par comptage.
Après l’évaluation finale de fin de
rééducation, il est ainsi possible de quantifier les résultats et d’établir le gain
obtenu.
De cette évaluation fonctionnelle apparaissent :
– la nécessité ou non d’une évaluation fonctionnelle complémentaire dans
un ou plusieurs domaines (activités de la vie journalière, locomotion…) ;
– les fondements du programme global et personnalisé de réadaptation.
C - Opticien :
Il cherche à améliorer la vision par ses conseils et ses aides, en s’attachant à
connaître la déficience oculaire et ses répercussions sur la fonction visuelle et
l’environnement.
Les échanges avec le patient sur le mode d’une écoute
active se focalisent très tôt sur l’aide matérielle.
Le déroulement de la
consultation s’effectue en trois temps : entretien, examen objectif, examen
subjectif.
L’entretien représente 50 % du temps passé avec le malvoyant.
L’entretien
basé sur l’écoute permet de découvrir la genèse :
– de son amétropie éventuelle ;
– des prescriptions (lunettes, lentilles...) ;
– des équipements optiques portés ;
– d’éventuels traitements médicaux, chirurgicaux des éléments réfractifs du
globe oculaire, qui viennent compléter les informations communiquées par le
dossier médical.
Cette étape permet également de connaître :
– le retentissement de la déficience dans les tâches visuelles qui guide vers
des équipements techniquement réalisables et socialement admis par la
personne et son entourage.
La lecture représente la majorité de la demande
exprimée, suivie de l’écriture, de la reconnaissance des visages et de la tenue
à table.
Pour les femmes, plus spécifiquement, le besoin se poursuit par la
couture, la cuisine, les soins corporels ; pour les hommes, la conduite et le
bricolage complètent la demande ;
– les moyens adaptatifs à mettre en oeuvre pour la réalisation des besoins
(loupes, éclairage, fente sténopéique, verres teintés...).
Certaines personnes deviennent les acteurs de leur vision, d’autres au
contraire la subissent.
Dans cette première partie de l’entretien, il est constaté
fréquemment une amélioration de la discrimination avec les aides existantes
qui ne sont pas ou peu utilisées, dans le cas de faibles et moyennes amétropies.
En effet, l’apport des aides est jugé peu satisfaisant face aux contraintes de
poids, de champ (pour les lunettes), d’entretien (pour les lentilles).
1- Examen objectif :
Il comporte la détermination des équipements, leur performance et leur
tolérance.
Les mesures des équipements et aides utilisés en vision de loin, vision
intermédiaire et vision rapprochée sont relevées, de même que leurs
puissances et caractéristiques.
Les performances en discrimination et
perception, en monoculaire et binoculaire sont ensuite abordées.
L’acuité
visuelle est analysée en sollicitant la personne à réaliser des mouvements de
la tête et des yeux : en vision de loin, à l’aide d’une échelle logarithmique à
contraste et luminance constante ; en vision de près, à l’aide d’une échelle
logarithmique (à 40 cm).
L’observation de la transparence des milieux réfractifs renseigne sur le
cheminement du flux lumineux entrant, tandis que l’examen de la pupille dans
sa forme, son diamètre, ainsi que le réflexe photomoteur, apprécie la quantité
de flux lumineux transmis.
2- Examen subjectif
:
Il doit être le plus court et le moins pénible pour le sujet.
Les échelles
logarithmiques utilisées pour la réfraction sont placées à 2 ou 5 m.
Les optotypes sont différents pour l’oeil droit et l’oeil gauche afin de limiter
l’action de la mémorisation.
Un contrôle de la perception lumineuse est
effectué à l’ophtalmoscope, très proche de l’oeil, dans les quatre directions.
* Vision de loin :
Le premier verre, non diaphragmé, mis en place dans la lunette d’essai est
celui relevé sur l’équipement porté en vision de loin, ou les valeurs déduites
de la réfraction automatisée ou de la skiascopie.
* Contrôle de la sphère :
Il s’agit d’obtenir la sphère la plus convexe donnant la meilleure acuité avec,
selon l’acuité de départ, des sphères de ± 0,25, ± 0,50, ± 1,00, ± 2,00.
* Contrôle du cylindre :
Il s’effectue au cylindre croisé de Jackson par retournement pour l’axe et la
valeur avec, selon l’acuité de départ, des cylindres de ± 0,25, ± 0,50, ± 0,75,
± 1,00.
* Contrôle de la sphère finale :
Il s’effectue, selon l’acuité de départ, avec des sphères de ± 0,25, ± 0,50,
± 1,00.
* Contrôle de la réfraction :
Il s’effectue à l’aide d’un système grossissant afocal.
La réfraction ainsi réalisée oeil droit et oeil gauche, une étude simplifiée de la
vision binoculaire est effectuée au filtre rouge.
Les valeurs obtenues sont alors
essayées en dynamique, à l’intérieur de la salle d’examen.
Une comparaison
avec l’équipement porté est également réalisée.
* Vision intermédiaire :
Des essais sont réalisés à l’aide d’additions associées à la vision de loin, à
différentes distances, selon la tâche à réaliser (repas, ordinateur, soin corporel,
cuisine).
* Vision de près :
Elle est analysée, soit par la capacité de discrimination, soit par la capacité de
lecture, la première étant supérieure à la seconde.
La détermination tient
compte de l’accommodation restante et du diamètre pupillaire.
Nous
recherchons dans un premier temps le moyen qui permette la meilleure
capacité de lecture sur les polices de caractères les plus fines, sachant qu’il ne
s’agit pas à ce stade de réaliser l’équipement définitif, mais plutôt de connaître
et de montrer à la personne ses capacités aidées.
Les moyens peuvent être : le
grossissement de caractères, un système sténopéique, la réduction du
phénomène de dispersion lumineuse à l’aide d’un système diaphragmé,
l’amélioration des contrastes par l’éclairage variable.
Une comparaison des capacités aidées, en vision de près, avec le système
existant et le système proposé est ensuite réalisée.
Ce contrôle s’effectue à
l’aide d’une échelle à faible contraste (Parinaud gris, documents de la vie
courante).
Dès cette première entrevue, des conseils sont donnés pour optimiser
l’utilisation des aides visuelles possédées et permettre la pratique de tâches
délaissées.
En revanche, le choix de l’aide visuelle, la prescription de
l’équipement ne seront établis qu’après synthèse et coordination de l’équipe
rééducative.
D - Consultation multisensorielle :
Elle comporte un examen oto-rhino-laryngologique avec en particulier
l’étude de la vidéo-oculographie, de l’électronystagmographie qui analysent
les mouvements de poursuite lente et les mouvements saccadiques de l’oeil.
Les voies visuovisuelles et vestibulovisuelles sont testées. L’examen se
poursuit par l’équitest.
Celui-ci étudie l’utilisation des paramètres somesthésiques, visuels et vestibulaires pour la stabilisation dynamique du
corps dans des conditions très proches de celles de la vie quotidienne de ces
malades, où les informations ne sont pas toujours concordantes mais souvent
conflictuelles.
L’examen est réalisé simplement en mettant le sujet debout sur
une plate-forme de force entourée d’un décor qui peut être rendu mobile et
asservi aux mouvements.
Un ordinateur peut alors mesurer les performances
du sujet.
E - Conclusion de l’évaluation
:
L’évaluation doit définir clairement les limites, les capacités et les attentes du
malvoyant en regard de la classification internationale du handicap, pour
déterminer incapacités et handicaps.
L’intervention de chacune des
spécialités dure environ 1 heure.
L’ensemble du bilan permet de connaître les
capacités du patient, dans trois axes : vision éloignée et déplacement, vision
rapprochée et coordination ; vision rapprochée et lecture.
Pour ce faire, il
existe un niveau de perception, de coordination et d’adaptation avec des
stratégies propres.
À l’issue de la dernière consultation, une première synthèse est effectuée avec
le malvoyant et un projet de réadaptation peut être proposé.
Celui-ci est
fortement orienté par les capacités, les moyens et les aspirations du sujet.
Le
but est de faire retrouver au malade une autonomie pour son milieu de vie.
Il
est obtenu par la réduction de ses incapacités pratiques.
Types de réadaptation
:
Différents cas doivent être considérés.
Très schématiquement, trois grands
groupes peuvent être dissociés.
– Patient avec un déficit de vision centrale.
La maladie sous-jacente est
souvent une dégénérescence maculaire liée à l’âge.
La rééducation porte
essentiellement sur la vision fonctionnelle.
Il s’agit de l’adaptation d’aides
optiques, de l’apprentissage des stratégies motrices, oculomotrices du type
excentration du regard, d’apprentissage cognitif et sensoriel.
C’est
l’orthoptiste spécialisé qui est le plus impliqué.
Des séances de 1 heure au
moyen d’exercices spécifiques sont organisées en général une fois par
semaine ou une fois tous les 15 jours.
Une consultation complémentaire avec
l’instructeur de locomotion, l’ergothérapeute pour les activités de la vie
journalière, le psychologue est souvent nécessaire.
– Patient avec un problème de vision périphérique.
Ce cas est rencontré dans
les pathologies de type rétinite pigmentaire.
Le nombre de séances avec
l’instructeur de locomotion est nécessairement plus important puisque la
difficulté de déplacement est ici le problème majeur.
Les patients ont dans ce
cas bien souvent perdu leur indépendance.
Les séances durent en moyenne
1 heure.
Elles se déroulent en intérieur ou en extérieur et peuvent être
nécessaires à domicile ou à proximité du lieu de vie du patient.
– Patient atteint de troubles de la perception de l’espace.
L’évaluation a pu
révéler des troubles de l’audition, de l’équilibration, des troubles
neuropsychologiques.
Une réadaptation spécialisée dans ces domaines doit
être effectuée.
Elle est ponctuelle et fait intervenir orthophoniste,
kinésithérapeute, neuropsychiatre.
A - Différents intervenants
:
1- Orthoptie :
La rééducation de la vision fonctionnelle tend à augmenter progressivement
la performance évaluée et à obtenir une reprise des activités souhaitées par le
sujet adulte, pour autant qu’elles soient réalisables.
Elle débute au niveau
adéquat du patient (grâce aux éléments fournis par l’évaluation), dans un
climat de confiance.
Pour ce faire, l’orthoptiste détermine dès le début de la
prise en charge son propre projet, le situe dans le contexte pluridisciplinaire
et l’explique au patient.
Il met alors en évidence le rapport de cause à effet
entre les types de tâches et les stratégies proposées et les objectifs pratiques
du patient.
La rééducation comprend tous les moyens susceptibles de réduire l’impact
des conditions invalidantes et toutes les mesures assurant une intégration
optimale.
* Aides au niveau de la tâche demandée :
La première aide consiste à faire prendre conscience au patient de ses
capacités et de ses limites en fonction des moyens visuels dont il dispose et de
la tâche qu’il désire investir.
Aussi, les moyens physiques optimaux sont à
rechercher en premier lieu (adapter l’éclairage de façon à améliorer le
contraste…).
* Aides au niveau des moyens
:
Stratégies motrices telles que le positionnement du buste et de la tête lors de
l’exécution d’une tâche.
Les stratégies oculomotrices de prise d’information : elles sont choisies en
fonction des éléments de l’évaluation et des tâches à effectuer.
Elles doivent
être optimales, en rapport avec les aptitudes spontanées, et développées.
Elles
dépendent de la pathologie (atteinte centrale, périphérique ou mixte), du type
de tâche et de son contenu physique (il peut s’agir de technique d’excentration
du regard avec utilisation des zones de néopoints de fixation pour des tâches
de discrimination, de techniques d’exploration visuelle de type balayage
linéaire pour une tâche de lecture).
Les stratégies visuomotrices : elles sont le plus souvent développées
parallèlement.
La coordination oculomanuelle est en effet souvent perturbée
lors d’un état de malvoyance.
Or, elle participe à la réalisation de nombreuses
tâches complexes dans la vie quotidienne, mais aussi à la réalisation de tâche
de graphisme (saisir un crayon et écrire nécessite de localiser l’objet dans
l’espace, d’effectuer un mouvement balistique ajusté pour le saisir et ensuite
de développer les stratégies en rapport avec le graphisme).
Les moyens perceptifs : ils sont proposés pour la vision et sont représentés par
les aides optiques grossissantes.
Elles permettent de décaler le domaine de
visibilité et de perception. (L’aide optique grossit la taille globale de
l’information. Ainsi, des détails fins peuvent être perçus à l’entrée du système
visuel comme des détails plus larges et correspondre alors au niveau adéquat
de prise d’information).
Les moyens perceptivocognitifs : ils sont tout autant développés afin de
permettre la reconstruction d’une représentation mentale, facteur primordial
d’intégration sociale.
Ils facilitent aussi l’utilisation des autres systèmes
sensoriels et leur pondération.
La rééducation de la vision fonctionnelle consiste donc à augmenter la
performance constatée lors de l’évaluation, et ceci grâce à l’utilisation de
différentes aides.
2- Matériel de rééducation
:
Le matériel utilisé est constitué d’exercices calibrés : objets réels, exercices
papier ou logiciels.
Ces exercices sont standardisés, de difficulté croissante,
tant sur le plan entrée dans le système visuel pour le plan physique que sur le
plan cognitif pour les méthodes de raisonnement.
* Exercices
:
Ils sont effectués à des distances adaptées. Les tâches sont développées à
partir de certains prérequis comme, par exemple, la stabilité d’une fixation
excentrée lors des mouvements conjugués à une distance donnée.
Les tâches sont hiérarchisées et s’échelonnent ainsi :
– détection-reconnaissance ;
– identification ;
– localisation spatiale et coordination ;
– jugement relatif et appariement (taille, forme, longueur, orientation) ;
Elles permettent de s’adapter au niveau
du patient et sont à la base d’une quantification de la progression et du résultat
final.
Il existe aussi différents logiciels de réadaptation visuelle.
* Déroulement de la rééducation. Exercices
:
Les séances ont une durée d’environ 1 heure.
Leur rythme de périodicité doit
être régulier et adapté à chacun.
Des exercices personnels, en corrélation avec
les tâches effectuées lors des séances, sont proposés.
Le choix des aides
optiques est établi au moment opportun.
Un prêt permettant leur utilisation
dans le cadre de vie habituel est nécessaire avant toute décision d’acquisition.
L’entraînement visuel permet, selon l’objectif défini lors du projet de
réadaptation, de développer certaines stratégies de prise d’information afin
d’aborder plus aisément les tâches à effectuer dans les différents domaines de
rééducation.
Ainsi :
– les stratégies oculomotrices et visuomotrices pour les tâches d’activités de
la vie journalière ;
– les stratégies oculomotrices et perceptives pour les tâches de déplacement
avec mise en place de l’utilisation de l’aide optique en vision de loin et en
situation statique.
Lorsque l’objectif consiste en la reprise des activités de lecture et d’écriture,
il faut développer trois axes majeurs :
– la reconnaissance des formes alphanumériques ;
– les stratégies oculomotrices spécifiques de la lecture ;
– la coordination oculomanuelle par le graphisme.
L’ensemble des exercices proposés permet de progresser simultanément dans
les trois rubriques à partir des possibilités initiales.
Les formes
alphanumériques sont plus ou moins complexes et de taille décroissante.
Leur
disposition permet d’entraîner les stratégies oculomotrices d’exploration
visuelle en fonction du sens du déplacement du regard.
La réalisation des
exercices s’effectue selon les types de tâches sélectionnés parmi le classement
défini précédemment, tout en respectant une graduation de difficulté
croissante.
Un même exercice peut donc servir pour différentes tâches.
D’où l’intérêt
d’une codification précise de chacun des composants lors de chaque séance :
– travail personnel réalisé ;
– état de la prise d’information sensorielle (oculomotricité, optique,
ergonomie des ambiances…) ;
– analyse et exécution de tâches, types des tâches effectuées, temps
d’exécution, matériel utilisé, formulation de la consigne donnée, difficultés
rencontrées ;
– travail personnel à effectuer ;
– projet pour la prochaine séance.
Ce type de notation permet de suivre une progression lors de la rééducation et
aide à mettre en évidence tout incident susceptible de remettre en cause le
projet initial.
* Évaluation régulatrice :
En cas d’incident lors de la rééducation, il est nécessaire de consulter les
différents intervenants de l’évaluation et des rééducations en cours.
Une
évaluation régulatrice peut être décidée afin de réadapter les programmes en
fonction d’éléments nouveaux, tels que la modification des besoins du patient,
l’évolution de la pathologie…
* Arrêt de la rééducation en vision fonctionnelle :
La décision d’arrêt de prise en charge est sous-tendue par les trois éléments
principaux suivants.
+ Échec :
Il apparaît le plus souvent rapidement.
Il est fréquemment prédictible :
manque de motivation, éloignement géographique, objectif de rééducation ne
correspondant pas aux besoins réels.
+ Suspension de la rééducation :
Elle survient le plus souvent pour cause de maladie récurrente
(ophtalmologique ou autre), parfois aussi parce que le niveau acquis suffit au
moment donné, même s’il n’est pas optimal, ou encore pour raison familiale.
+ Réussite :
Elle correspond à l’équilibre entre attentes et résultats objectifs.
Elle relève
d’une décision conjointe, généralement après moins d’une dizaine de séances.
Autant que possible, une évaluation finale est effectuée afin d’objectiver les
résultats obtenus.
S’il y a lieu, le glissement vers un autre domaine s’effectue
progressivement avant le terme de la rééducation en cours.
* Rééducation en activités de la vie journalière :
Elle doit aborder l’ensemble des activités de la vie quotidienne.
L’autonomie
personnelle passe par la préparation et la prise de repas, la reconnaissance et
le choix des vêtements, la possibilité d’accomplir les soins corporels.
L’autonomie sociale est envisagée dans la bonne utilisation du téléphone, la
réalisation de chèques, la possibilité de reconnaître la monnaie, etc.
Dans cette
prise en charge particulière, l’ergothérapeute utilise les autres modalités
sensorielles, l’identification des odeurs, l’aide du toucher global, du toucher
fin pour la reconnaissance de textures, l’audition, la stéréolocalisation des
sons.
Il est certainement nécessaire de prévoir une évaluation directement sur
le lieu de vie et éventuellement de travail, pour apprécier l’adaptation de
l’ensemble de l’environnement.
L’ensemble du travail est orienté vers l’acquisition de la meilleure maîtrise
gestuelle.
Les exercices entraînent la mémoire et la représentation mentale.
Mais souvent, les autres membres de l’équipe rééducative sont sollicités :
ainsi, pour l’adaptation de la meilleure aide optique ou de la meilleure
stratégie de lecture pour les recettes de cuisine ou la lecture des prix dans les
magasins.
* Instructeur de locomotion et déplacement :
La locomotion est pratiquée par différents professionnels (psychomotriciens,
éducateurs spécialisés, enseignants spécialisés, professeurs d’éducation
physique et sportive, ergothérapeutes, kinésithérapeutes, formés en
locomotion et diplômés du Certificat d’aptitude à l’éducation et la rééducation
de la locomotion auprès des personnes déficientes visuelles).
Il s’agit d’un ensemble de techniques permettant l’autonomie des personnes
déficientes visuelles dans leurs déplacements, tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur.
Elle ne se résume pas à une simple technique « de canne », comme
on a trop souvent tendance à le croire.
La canne n’est qu’un moyen pour
détecter obstacles et dénivellations, ce qui n’est pas une nécessité
systématique pour tous les déficients visuels.
Notons la technique de guide
(comment se faire guider par un voyant), l’utilisation du potentiel sensoriel
pour une meilleure compréhension et maîtrise de l’espace extérieur,
l’orientation, la sécurité par rapport aux obstacles, les techniques de traversée,
la prise des transports en commun, la potentialisation par les aides optiques.
Ces différentes techniques sont importantes pour accéder à une autonomie
dans les déplacements.
Elles nécessitent évidemment des prérequis
psychomoteurs, intellectuels et psychoaffectifs.
Grâce à ces techniques et à une grande rigueur quant à leur application (seule
cette rigueur permet la sécurité), des déplacements crus jusqu’ici impossibles
deviennent réalisables.
Comprendre que la technique est fiable permet de
retrouver confiance en soi, confiance en ses propres valeurs, en son propre
potentiel.
Ce travail est énormément basé sur la relation avec l’instructeur de
locomotion.
L’instructeur, très proche dans un premier temps, doit peu à peu
prendre de la distance.
Plus qu’un ensemble de techniques, la locomotion devient alors un
accompagnement pour une ouverture vers l’extérieur, avec toute la dimension
de socialisation que cela implique.
La découverte de sa propre richesse
sensorielle permet la compréhension du monde extérieur.
L’extérieur devient
alors autre chose que des mots, il devient réel et le sujet y devient acteur, car
il n’est plus dans la situation passive où il subit.
Il peut anticiper, s’adapter,
prendre des initiatives.
Cette dimension du vécu est sans nul doute la plus importante et explique les
difficultés que le sujet peut rencontrer, car oser s’engager corporellement est
parfois plus difficile que de s’engager verbalement :
– c’est ne plus craindre pour son intégrité physique ;
– c’est être objectif quant à ses possibilités et ses limites ;
– c’est se donner à voir ;
– c’est passer au-delà des craintes de l’entourage ;
– c’est aller de l’avant, regarder vers l’avenir et donc être dans un projet
positif.
C’est donc bien plus que le simple trajet pour aller à la boulangerie !
Il s’agit
d’être et non plus seulement de paraître.
En plus de leur propre peur, les
malades doivent affronter les peurs projetées par les personnes voyantes :
– l’éternel « attention à ceci, attention à cela » ;
– interventions maladroites des passants dans la rue qui ne se soucient pas de
leurs besoins réels ;
– la méconnaissance de la technique de guide fait qu’il est parfois compliqué
pour tout un chacun d’aider une personne déficiente visuelle.
Le temps nécessaire à cette prise en charge est propre à chaque malvoyant.
En
effet, les possibilités visuelles varient en fonction de plusieurs paramètres :
luminosités, fatigue, encombrement des lieux... ce qui est parfois difficile à la
compréhension de l’entourage.
Le travail visuel doit donc être varié :
– en déplacement (sujet et cible visuelle peuvent se déplacer) ;
– observation sur de grandes distances ;
– reconnaissance de formes (logos, sigles, signalisation, enseignes...) ;
– utilisation d’aide optique ;
– prise en compte des différentes luminosités.
Le travail fait en locomotion ne peut que renforcer la rééducation de la vision
fonctionnelle faite en salle.
Les apports sont complémentaires.
En
locomotion, l’exercice est motivant, car proche de la réalité avec un but défini,
souvent valorisant.
L’instructeur de locomotion peut intervenir pendant,
avant ou après la rééducation de la vision fonctionnelle. Le moment précis
dépend du sujet.
La demande peut être sur la lecture.
Il peut sembler plus
problématique de ne pas pouvoir lire que de ne pas pouvoir se déplacer, car il
se fait toujours accompagner (importance des bénéfices secondaires : ne pas
être seul).
D’où le rôle important de l’équipe pour amener cette personne à la
locomotion.
Il est cependant nécessaire de tenir compte des priorités.
Il existe une différence notable entre les malvoyances congénitales et
acquises.
Dans un cas, il y a possibilité de faire référence à des données
visuelles connues ; dans l’autre cas, c’est plus aléatoire.
La locomotion s’adresse à toutes les personnes ayant un déficit visuel : les
tout-petits, les enfants, les adolescents, les adultes, les personnes âgées.
Cependant, à chaque âge apparaissent des possibilités, des demandes, des
motivations différentes.
B - Cas particulier de l’enfant
:
Pour la population infantile, il y a lieu de tenir compte du caractère congénital
ou acquis de l’affection, de l’âge auquel est survenu le handicap, et de
l’existence ou non d’un handicap associé, majeur ou secondaire.
Certaines pathologies sont latentes et discrètes ; l’enfant ne se plaint pas et
dispose le plus souvent de capacités adaptatives telles que ses compensations
spontanées masquent ses déficiences ; il est donc parfois difficile d’effectuer
le dépistage précoce d’un état de malvoyance.
Le bilan d’évaluation d’un
enfant de moins de 2 ans tient compte :
– des relations parents-enfant (acceptation du handicap, création de liens
affectifs primaires, rythme personnel de vie, alimentation) ;
– des différentes étapes du développement moteur (l’attrait pour le
mouvement et les déplacements ; l’acquisition posturale et le contrôle de
l’environnement ; la posture et les caractéristiques de la déambulation) ;
– de l’état du développement perceptif et cognitif (importance et limites de
l’audition, état de conscience du corps, précision du geste et des
manipulations).
L’ensemble de cette étude permet d’évaluer la pondération multisensorielle,
les stratégies mises en place et leur efficacité, la coordination visuomotrice et
audiomotrice, les acquisitions établies, etc.
Ceci définit qu’il ne s’agit là que
d’une évaluation objective disposant d’éléments cliniques en rapport avec
l’âge de l’enfant.
Les éléments fonctionnels restent les mêmes que pour
l’adulte, mais recouvrent des tâches adaptées à l’enfant dans les différents
domaines qui l’intéressent.
L’évaluation subjective ne peut être mise en place
qu’à partir de l’adolescence et elle joue un rôle tout particulier de révélateur,
mettant en évidence les incapacités souvent déniées et pour lesquelles sont
instaurés des bénéfices secondaires.
Comme l’évaluation, la rééducation nécessite une connaissance globale du
développement de l’enfant.
Elle est susceptible de mettre en jeu différents
intervenants.
L’équipe pluridisciplinaire est souvent élargie par rapport à celle
qui concerne l’adulte : un psychomotricien, un orthophoniste, une guidance
parentale et parfois un instituteur spécialisé peuvent être requis.
Lorsque
l’enfant est scolarisé, une liaison entre l’un des intervenants et un responsable
de l’Éducation nationale est souhaitable et toujours bénéfique.
Le programme
de réadaptation est établi à partir de modalités propres au rythme de vie de
l’enfant.
Les siestes, les activités scolaires et ludiques seront respectées dans
la mesure des possibilités.
L’objectif principal réside dans le respect des
acquisitions du développement et tend à permettre une croissance
harmonieuse de l’enfant, le conduisant vers une autonomie progressive et une
intégration sociale réussie.
La rééducation s’effectue avec des exercices
adaptés aux pôles d’intérêt de l’enfant ainsi qu’à son niveau de
développement (maturation du système nerveux, développement
intellectuel…).
Plus qu’avec l’adulte, il est important que les rééducateurs
connaissent les principes éducatifs et les théories de l’apprentissage.
Cette
rééducation est plus affaire d’éducation que de rééducation.
Le bilan
orthoptique est ici très important.
Un suivi spécialisé en cas de strabisme,
d’amblyopie relative fonctionnelle… est indispensable et établi en parallèle
dès le commencement de toute rééducation de vision fonctionnelle.
La mise
en place des aides optiques et l’entraînement à leur utilisation sont en rapport
avec les difficultés habituellement rencontrées aux divers âges : leur
maniement pour les plus jeunes, et leur aspect esthétique (en rapport au regard
d’autrui) pour les adolescents.
Il faut également toujours respecter les phases
de fixation pendant lesquelles l’enfant « ingère » ses acquisitions à partir des
nouvelles capacités mises à sa disposition, suite au développement de ses
potentialités fonctionnelles.
Ces phases peuvent durer plusieurs mois et sont
nécessaires.
Si la rééducation des malvoyants a été au départ une pratique
empirique, elle s’appuie de plus en plus sur le progrès des
neurosciences.
Les mécanismes adaptatifs au handicap visuel sont de
mieux en mieux connus.
L’analyse d’une scène visuelle par
l’intermédiaire de canaux d’analyses fréquentielles, puis l’intégration multisensorielle du signal et l’analyse cognitive des différents signaux
peuvent paraître des notions très éloignées du handicap visuel.
Cependant, ces mécanismes neurophysiologiques sont à la base de
l’utilisation par le malvoyant de toute sa vision résiduelle, après
rééducation adaptée à son état.
Les progrès effectués en ce domaine
par les différents rééducateurs imposent aujourd’hui de confier tout
patient en situation de handicap visuel pour un bilan de sa malvoyance
et pour la prescription d’une rééducation adaptée, dans le but d’utiliser
au mieux sa vision résiduelle.