Malaises et mort subite du nourrisson Cours de
réanimation - urgences
Introduction
:
Les malaises de l’enfant constituent un motif
de consultation fréquent dans les services
d’urgences : trois à quatre nourrissons par
mois dans une unité d’importance moyenne
et 3 à 15% d’enfants de plus de 2 ans.
Prendre en charge un malaise présente
cependant un risque important d’erreurs en
raison de plusieurs difficultés.
La première est liée aux nombreuses
situations recouvertes par le terme de
« malaise ».
Issu du langage populaire, le malaise sousentend
au sens large un « syndrome
caractérisé par une sensation pénible de malêtre
» (Littré), de « troubles des fonctions
physiologiques » (petit Robert).
Les ouvrages
de sémiologie ne retiennent en général pas
le terme de malaise sauf dans le cas
particulier du « malaise vagal » comme
synonyme de syncope vagale.
La littérature
anglaise privilégie le terme de syncope alors
que celui de fainting (littéralement
évanouissement) est associé inconstamment
aux syncopes vagales.
Ces définitions sont
vagues, imprécises, et ne peuvent servir de
guide au raisonnement du médecin qui
devra transformer le mot malaise en un
terme utile à la démarche diagnostique et
thérapeutique.
La deuxième difficulté est liée à
l’appréciation de la gravité, il ne faut pas
banaliser le « malaise » et méconnaître un
diagnostic grave ou dramatiser ce risque et
réaliser une prise en charge systématique
trop lourde.
Malgré la nette diminution du nombre de
mort subite du nourrisson (MSN) au cours
de ces dernières années, liée essentiellement
aux recommandations diffusées et adoptées
pour le couchage des nourrissons, la crainte
de la MSN reste la hantise des familles
devant tout malaise du petit enfant.
Dans
l’atmosphère d’angoisse qui entoure toute
modification brutale du comportement du
nourrisson, il appartient au médecin
d’entreprendre immédiatement devant des
signes de gravité les manoeuvres de
réanimation nécessaires et dans les autres
cas, de loin les plus fréquents, de répondre à
plusieurs questions : existe-t-il une gravité
immédiate, secondaire à l’hypoxie du
malaise, ou différée (récidives, étiologies) ?
Quelle prise en charge réaliser à domicile ?
Faut-il hospitaliser l’enfant, par quels
moyens ?
Quelle surveillance ultérieure sera
nécessaire ?
Définitions
:
MALAISE : désigne la perception par les
parents ou l’entourage d’un évènement
présentant un caractère inhabituel, porteur
de ce qui est considéré comme « une
sensation de danger imminent ».
Le
pronostic dépendra de l’étiologie mais
surtout de la durée du malaise et ses
conséquences hypoxiques.
MORT SUBITE INEXPLIQUÉE (MSIN) =
SUDDEN INFANT DEATH SYNDROME
(SIDS) : il s’agit de la mort d’un nourrisson
de moins de 1 an qui reste inexpliquée après
la réalisation d’une enquête complète post
mortem incluant une autopsie et l’étude
détaillée des circonstances du décès.
Dans la
réalité cependant, nombre de nourrissons
décédés, du moins en France, ne subissent
pas d’autopsie, c’est pourquoi le terme de
mort subite du nourrisson a progressivement
remplacé celui de MSIN.
MORT SUBITE DU NOURRISSON (MSN) :
décès subit et inattendu d’un nourrisson de
moins de 1 an jusque-là en bonne santé.
APPARENT LIFE THREATENING EVENT
(ALTE) : évènement menaçant apparemment
la vie ; terme préféré à celui de malaise
grave dans la littérature anglo-saxonne.
MORT SUBITE ÉVITÉE ou RATTRAPÉE
(NEAR MISS des Anglo-Saxons) : situation
où l’on retrouve un nourrisson inanimé
pendant son sommeil et où des moyens
importants de réanimation doivent être mis
en oeuvre pour qu’il retrouve un état
normal.
Reconnaître le malaise
:
Les malaises du nourrisson associent de
diverses manières, un changement de
coloration (pâleur, cyanose localisée aux
lèvres ou généralisée, plus rarement
érythrose faciale), des difficultés ou un arrêt
respiratoire, une modification du tonus, en
règle à type d’hypotonie.
Ils peuvent
comporter une perte de connaissance
pouvant aller jusqu’au coma s’accompagner
de gasps et d’un état de choc.
Il convient d’emblée d’éliminer ce qui pour
les familles peut constituer un évènement
impressionnant mais qui ne justifie aucune
hospitalisation.
SPASME DU SANGLOT
:
C’est en premier lieu le cas théâtral et
fréquent du spasme du sanglot qui survient
après l’âge de 6 mois et disparaît
spontanément avant l’âge de 5 ans ; il existe
souvent une prédisposition familiale.
Il est
déclenché par la peur, les contrariétés, la
colère, les frustrations, un traumatisme
minime.
La forme « bleue » est la plus
fréquente : l’enfant pleure, se bloque en
expiration, se cyanose, puis perd
connaissance avec hypotonie ; on peut
observer quelques secousses des extrémités,
puis l’enfant se recolore , reprend
connaissance.
Dans sa forme blanche, de
mécanisme vagal, les facteurs déclenchants
sont plus volontiers la peur ou un
traumatisme que la colère et les pleurs
peuvent manquer.
Nous pouvons en
rapprocher le spasme du bain. Les frissons
hyperthermiques, fréquents sont souvent
confondus avec de véritables convulsions et
bien entendu aggravés par le déshabillage
de l’enfant.
Les convulsions hyperthermiques
simples peuvent poser quelques
difficultés. Enfin, le torticolis paroxystique
bénin, les accès dystoniques liés à un reflux gastro-oesophagien (RGO) (syndrome de
Sandifer) méritent d’être éliminés.
Schématiquement on distingue :
– le malaise typique : évènement aigu, en
général unique survenant chez un
nourrisson de 2 à 4 mois, toujours avant
18 mois, trouvé dans son sommeil en
décubitus ventral, hypotonique et pâle, sans
mouvement respiratoire ;
– le malaise atypique : sa description est
assez précise lorsqu’il survient dans les bras
maternels, à l’occasion d’un biberon ou sur
la table à langer.
Modifications de teint,
changement de comportement, accès
d’hypo- ou d’hypertonie, mouvements
oculaires, perte de contact sont longuement
décrits par l’entourage.
Recherche des éléments
de gravité
:
Dès l’évocation du malaise, il faut rechercher
la profondeur de celui-ci et la mise en jeu ou
non du pronostic vital.
Cette étape se conçoit
au décours immédiat de l’évènement.
La
gravité est appréciée sur l’intensité des
signes cliniques présentés par le nourrisson.
L’examen de l’enfant est de la plus grande
importance pronostique.
Des
gestes simples mais précis sont suffisants
pour apprécier le niveau de déséquilibre de
l’enfant et commencer les premiers
traitements.
En pratique, quatre situations peuvent être
rencontrées.
– Le malaise du nourrisson est récent,
l’enfant est encore en grande détresse vitale.
Des gestes de réanimation sont pratiqués au
plus vite, en s’aidant de matériel adapté à
l’âge du nourrisson.
– Le malaise du nourrisson est récent,
l’enfant va beaucoup mieux mais le premier
contact n’est pas rassurant.
La persistance de signes neurologiques lors
du premier examen authentifie la gravité du
malaise et doit amener en urgence à
rechercher une origine cérébrale, en
particulier traumatique.
On doit systématiquement rechercher des
éléments de gravité neurologique en
présence de :
– troubles de conscience, coma, somnolence,
perte de contact avec l’entourage ;
– mauvaise qualité du contact visuel ;
– mouvements oculaires anormaux ;
– signes de douleur, geignements ;
– bombement de la fontanelle ;
– hypotonie axiale et des membres, ou à
l’inverse hypertonie du rachis, attitude
guindée de la tête ;
– mouvements anormaux : mâchonnement,
mouvements des membres, enroulements.
La durée de la perte de connaissance et de
l’hypotonie traduit l’importance de la
souffrance cérébrale dont les conséquences
éventuelles peuvent ne se révéler qu’après
un délai de 24 à 72 heures, souvent par un
état de mal convulsif.
La gravité est également appréciée sur une
éventuelle insuffisance circulatoire et/ou
respiratoire objectivée par la mesure du
temps de recoloration (> 3 secondes), du
pouls brachial (> 200 bpm/min ou
< 75 bpm/min), de la pression artérielle
systolique (< 60 mmHg), et de la saturation
en oxygène par voie transcutanée (< 90 %),
de la fréquence et régularité du rythme
respiratoire, la persistance d’une cyanose
localisée ou généralisée.
Quelques examens biologiques
permettent a posteriori d’évaluer la sévérité
du malaise si celui-ci est résolu à l’arrivée
du médecin : acidose métabolique,
hyperglycémie, élévation des transaminases
et des lactates.
Dans ces deux cas, la prise en charge est
celle d’une asphyxie, d’une fausse route,
d’un collapsus, d’une incompétence
myocardique plus ou moins menaçante,
voire d’un véritable arrêt cardiorespiratoire
(traitement symptomatique en fonction des
désordres présentés : oxygène, ventilation au
masque et intubation trachéale ; mise en
place d’une voie veineuse périphérique ou
voie intraosseuse, remplissage, drogues
tonicardiaques...).
Tout en réanimant
l’enfant, il faut mettre en place les moyens
de surveillance : constantes cardiaques,
réalisation d’un électrocardiogramme (ECG),
prise de tension artérielle toutes les 3 à
5 minutes, des constantes respiratoires (FR
et SaO2), niveau de conscience, température,
diurèse horaire.
– Le malaise est récent, l’enfant ne présente
aucun stigmate : l’erreur serait de ne pas lui
accorder toute son importance.
Dans ces trois cas, il convient d’aborder
rapidement l’enquête étiologique qui aura
d’autant plus de chances d’être productive
qu’elle sera faite en temps réel.
– Le malaise est ancien : les possibilités de
diagnostic sont plus réduites.
Un bilan doit
toutefois être programmé et ordonné pour
éviter la surenchère et une longue
hospitalisation.
Il peut, dans ce dernier cas,
être conduit en ambulatoire.
Conduite à tenir
devant un malaise grave :
A - CONSEILS TÉLÉPHONIQUES
DU MÉDECIN
:
Lors d’un appel pour « malaise » chez un
enfant, quelles données sont importantes à
recueillir à l’interrogatoire ?
Quels signes
cliniques méritent d’être décrits par la
famille pour apprécier au mieux la gravité
et permettre de guider les premiers gestes
de secours ?
Quelle que soit la gravité apparente décrite
et souvent amplifiée par la famille affolée,
une consultation médicale dans les plus
brefs délais s’impose.
En effet, si un malaise
grave ne prête pas à confusion et est
toujours reconnu par les parents, un malaise
apparemment banal peut être le signe avantcoureur
de nouveaux malaises plus graves
qui entraîneraient des complications, alors
que son traitement ou sa prévention aurait
pu empêcher dans la plupart des cas une
aggravation.
Il est important dans tous les cas d’examiner
l’enfant pour juger de l’état réel et surtout
apprécier l’éventualité d’une récidive à la
gravité inconnue.
Un premier malaise chez
un nourrisson de moins de 1 an impose une
hospitalisation pour surveillance immédiate
et bilan.
Au téléphone, malgré l’inquiétude familiale,
il convient rapidement d’apprécier la gravité
immédiate.
Quelques questions à poser :
– quel est l’âge de l’enfant ?
– quelle est sa coloration actuelle ? (pâle,
cyanosé, érythrosique, marbré ?)
En cas de détresse vitale supposée, expliquer
à la famille les manoeuvres de réanimation :
désobstruction des voies aériennes, bouche-à-
bouche, et si possible un massage
cardiaque externe ; explications à donner
clairement, le plus calmement possible ; dans
un même temps faire prévenir les secours
les plus proches (pompiers, SAMU
pédiatrique et/ou se rendre au domicile si
celui-ci est proche).
Le malaise a été bref, spontanément
régressif, sans signe de gravité immédiat, on
peut poursuivre l'interrogatoire
téléphonique :
– quels sont les antécédents néonataux de
l’enfant ?
– les circonstances de survenue : les
prodromes, les circonstances physiologiques
de survenue (sommeil, position ,
alimentation, quintes de toux..), les
circonstances environnementales
(modification du rythme de vie, de
gardiennage, présence d’une source
potentielle de monoxyde de carbone...) ;
– les signes d’accompagnement des
malaises.
S’agit-il d’un malaise isolé ou y
a-t-il un contexte évocateur : enfant fébrile,
notion de traumatisme crânien récent,
problème respiratoire actuel, traitement en
cours ?
B - GESTES DE RÉANIMATION
:
Le malaise du nourrisson est récent, l’enfant
est encore en grande détresse vitale ; des
gestes de réanimation sont pratiqués au plus
vite, en s’aidant de matériel adapté à l’âge
du nourrisson.
La prise en charge préhospitalière repose sur
une stratégie dont les principes sont bien
définis : reconnaître et traiter les détresses
vitales immédiates respiratoires et
circulatoires, déterminer les priorités
thérapeutiques et orienter l’enfant dans la
structure la mieux adaptée dans des délais
compatibles avec sa survie.
Cette évaluation initiale est bien codifiée et
fait appel à la séquence préétablie du A, B,
C, D, E (programme ATLS) recommandée
par l’Advanced Trauma Life Support
Therapy Committee (ALSC), mais devra
tenir compte de particularités anatomophysiologiques
purement pédiatriques afin
d'optimiser les premiers gestes
conditionnant le pronostic final.
1- A = Airway : contrôle des voies
aériennes
La liberté des voies aériennes chez l’enfant
est facilement compromise, contrairement à
l’adulte, pour des raisons anatomiques :
– grosse langue occupant plus de place dans
la cavité buccale ;
– oropharynx étroit ;
– flexion passive du cou provoquée par le
poids de la tête.
Cette liberté des voies aériennes s’apprécie
rapidement en répondant aux questions
suivantes :
– est-ce que l’enfant parle ?
En général, un
enfant qui crie n’a pas d’obstruction
respiratoire ;
– y a-t-il un passage d’air ?
– la respiration est-elle laborieuse ou
bruyante ?
– l’enfant est-il cyanosé ?
Devant l’absence de ventilation spontanée, il
est nécessaire de défléchir modérément la
tête, et de surélever les épaules du
nourrisson afin de bien dégager les voies
aériennes.
La subluxation de la mâchoire
doit être réalisée en prenant garde de ne pas
comprimer les tissus sous-mentonniers. Si
l’on ne veille pas à ce détail, la langue se
plaque contre le palais et devient
rapidement obstructive.
2- B = breathing : respiration
En urgence, la ventilation peut être assurée
par bouche-à-bouche chez l’enfant et par
« bouche-à-bouche + nez » chez le
nourrisson ou au masque si on dispose du
matériel.
Parfois la survenue d’une détresse
respiratoire peut être de diagnostic difficile,
car souvent latente. Les indications de
l’intubation trachéale chez l’enfant sont donc
plus larges.
Toutefois, avant de décider
d’une intubation, des considérations
anatomophysiologiques doivent être
connues et respectées :
– la trachée est beaucoup plus courte que
chez l’adulte, elle mesure 5 cm chez le bébé
et 7 cm chez l’enfant de 18 mois ;
– les voies aériennes sont différentes de
celles de l’adulte.
Le larynx est plus
antérieur, et chez l’enfant de moins de 8 ans,
la partie la plus étroite se situe au niveau du
cricoïde plutôt qu’au niveau des cordes
vocales.
L’intubation sans ballonnet est
généralement préférable et prévient les
blessures trachéales par ulcération ;
– le métabolisme de base et les besoins en
oxygène sont 2 à 3 fois plus importants.
L’oxygénation dépend donc étroitement
d’une perfusion pulmonaire adéquate.
Il est
donc essentiel de maintenir un bon rapport ventilation-perfusion afin d’assurer une
bonne fonction pulmonaire ;
– le volume courant est plus dépendant du
diaphragme, la cage thoracique étant moins
capable de compenser un défaut de
fonctionnement du diaphragme ;
– la cage thoracique est plus compliante et
résiste plus aux fractures.
En revanche, la
force du traumatisme est plus facilement
transmise au parenchyme sous-jacent,
entraînant plus de contusions thoraciques et
d’hémopneumothorax ;
– le médiastin est plus mobile, ce qui
explique l’incidence plus faible de lésions
des voies aériennes et des gros vaisseaux ;
– la dilatation gastrique est fréquente,
simplement parfois sous l’action des pleurs
et risque d’entraîner ou de majorer une gêne
respiratoire ;
– la fréquence ventilatoire est plus rapide et
variable avec l’âge :
– 40 par minute chez le nourrisson entre
0 et 1 an,
– 20 par minute chez l’enfant entre 1 et
8 ans,
– 12 par minute chez le grand enfant et
l’adolescent.
L’intubation ne peut être effectuée que par
un opérateur entraîné, mieux vaut toujours
une bonne ventilation au masque qu’une
intubation mal contrôlée en attendant
l’arrivée d’une équipe expérimentée.
3- C = circulation
:
Reconnaître l’arrêt cardiaque chez l’enfant
est facile : l’absence de pouls est cherchée en
brachial ou fémoral chez le jeune enfant.
En dehors de la situation précédente,
l’appréciation hémodynamique d’un
nourrisson reste capitale et s’appuie sur les
critères cliniques suivants : fréquence
cardiaque et pouls, pression artérielle (PA),
temps de recoloration cutanée (normale
inférieure à 3²), circulation périphérique, fréquence respiratoire (FR), niveau de
conscience.
En raison des grandes variations
des normes en fonction de l’âge, il est utile
de se référer à des tableaux de valeurs
physiologiques normales.
Savoir reconnaître les signes de mauvaise
perfusion tissulaire :
– c’est connaître : le volume sanguin de
l’enfant qui est d’environ 80 mL/kg ;
– c’est détecter les premiers signes de choc :
tachycardie, vasoconstriction périphérique
(temps de recoloration cutané allongé,
extrémités froides) ;
– c’est traiter : la perfusion de solutés est
nécessaire au cours de la prise en charge
initiale, à condition de disposer du matériel
et de compétences adaptées.
4- D = neurologic disability :
appréciation neurologique
L’appréciation neurologique est capitale, la
prévention des lésions neurologiques
secondaires anoxo-ischémiques repose sur
une réanimation initiale bien conduite.
La
recherche de signes évocateurs de lésions
neurologiques passe, là encore, par des
constatations anatomopathologiques
spécifiques à l’enfant. Ainsi, si par exemple
le malaise est secondaire ou s’associe à une
hypertension intracrânienne, contrairement
au grand enfant ou à l’adulte, les signes
peuvent être discrets chez le nourrisson :
– fontanelle antérieure bombée ;
– distension des sutures ;
– altération paroxystique de la conscience et
irritabilité paradoxale ;
– nausées, vomissements, hoquet,
bâillements ;
– yeux en « coucher de soleil ».
Enfin, les conséquences d’une hypoxie
prolongée au décours d’un malaise (quelle
que soit son étiologie) en pédiatrie sont
souvent dramatiques et irréversibles, car elle
survient chez un sujet dont le système
nerveux est encore en plein développement.
Elle risque, surtout si le malaise est
prolongé, de compromettre le processus
normal des acquisitions.
Le tronc cérébral
est plus fragile et plus sensible vis-à-vis des
désordres métaboliques.
L’évaluation neurologique est capitale grâce
au score de Glasgow adapté à l’enfant.
Ce score ne semble pas avoir la
même valeur prédictive que chez l’adulte et
mérite d’être complété par d’autres scores
d’évaluation dans un deuxième temps.
5- E = examen global
et environnement :
L’examen global de l’enfant ayant présenté
un malaise est réalisé en le déshabillant
complètement.
Pour faciliter cet examen, il
faut rassurer l’enfant en établissant un bon
contact avec lui quand cela est possible.
Les
enfants sont plus à risque que l’adulte d’être
négligés du point de vue douleur et anxiété,
car ils ne sont pas toujours capables
d’exprimer leurs sentiments et souffrances.
Par ailleurs, l’ensemble de cette prise en
charge sera effectué dans le souci de
prévenir le refroidissement de l’enfant.
En effet , l’hypothermie survient très
rapidement, et ce de façon inverse à l’âge de
l’enfant, expliquée par la surface corporelle
proportionnellement importante.
Trouver l’étiologie
du malaise :
A - INTERROGATOIRE : DESCRIPTION
DU MALAISE
Il convient dans un premier temps de se
faire décrire parfaitement le malaise.
En
effet, il est indispensable de noter
scrupuleusement toutes les données de
l’interrogatoire tant la description initiale
risque de se modifier au fur et à mesure que
les questions vont se multiplier
ultérieurement.
Les personnes présentes
rapportent toujours la sensation que la vie
de l’enfant était menacée, voire qu’il était
virtuellement mort et que son état nécessitait
des stimulations rigoureuses ou des
manoeuvres de réanimation.
De plus, parfois
très vite, avant même l’arrivée à l’hôpital,
une comparaison avec la mort subite est
faite par les parents, la nourrice, le personnel
de la crèche, majorant l’angoisse née de la
perte de connaissance, qu’elle soit réelle ou
supposée.
C’est pourquoi il convient souvent
de reprendre cet interrogatoire dans un
deuxième temps, au calme.
De nombreux
examens seront évités par la connaissance
précise et accrue que l’équipe soignante aura
de l’enfant et de sa famille.
B - CONTEXTE DE SURVENUE
:
Le malaise peut avoir été constaté par
hasard au cours du sommeil calme ou agité,
mais il se produit souvent à l’éveil, parfois
lors de l’alimentation ou en postprandial,
lors d’une régurgitation, d’une toux
soudaine, de manipulations lors du change
ou du bain.
L’environnement physique est
aussi important à prendre en considération :
température de l’enfant et de la pièce, type
de chauffage, état de la literie, position de
l’enfant dans le lit.
Les prodromes des dernières heures
orientent souvent vers une maladie particulière : antécédent récent de fièvre,
pathologie des voies respiratoires
supérieures, troubles alimentaires et
digestifs, modification du comportement
neuropsychique, prise de médicaments.
C - ANTÉCÉDENTS PERSONNELS
ET FAMILIAUX
:
Le malaise doit ensuite être analysé en
fonction du contexte personnel et familial
du nourrisson : antécédents périnataux de
souffrance foetale, de séquelles respiratoires
et/ou neurologiques d’une pathologie
périnatale, âge gestationnel et développement
psychomoteur ; alimentation et
développement staturopondéral (cassure de
la courbe pondérale ou au contraire courbe
trop belle chez un enfant suralimenté) ;
signes directs de RGO, signes d’obstruction
par hypersécrétion nasopharyngée
chronique, toux chronique, bronchiolites
récidivantes, qualité du sommeil, petits
signes de dysautonomie (sueurs, marbrures,
extrémités refroidies).
Il faudra préciser les
antécédents familiaux, en particulier de
malaise, voire de mort subite dans la fratrie,
et l’environnement psychosocial.
D - EXAMEN CLINIQUE
:
L’examen clinique rigoureux doit permettre
d’orienter l’enquête paraclinique, il doit
rechercher une éventuelle malformation
congénitale passée inaperçue (coeur), un
syndrome dysmorphique, des traces de
sévices, le manque de trophicité ou
d’hygiène pouvant témoigner d’une
psychosociopathie.
Le médecin recherche un
foyer infectieux et des signes orientant vers
une dysrégulation du tronc cérébral
(micrognathie, palais ogival, difficulté de la
succion/déglutition, reflux nasal
alimentaire) ou la labilité du système
neurovégétatif (changement facile de
coloration, sudation importante).
E - APPROCHE PHYSIOPATHOLOGIQUE
DES MALAISES : UN SIGNE...
QUELQUES ORIENTATIONS
Devant une pâleur initiale et rapportée par
l’entourage, il convient de définir s’il existe
des marbrures associées, témoins d’une
perturbation hémodynamique, ou si la
pâleur est localisée aux extrémités
(vasoconstriction périphérique) ou
généralisée (hypoperfusion générale).
L’examen clinique s’attache au temps de
recoloration cutanée (normal < 3 s, anormal
> 3 s, très grave > 5 s), à la fréquence
cardiaque, à la tension artérielle et à la
diurèse horaire dans un deuxième temps.
La pâleur traduit un trouble hémodynamique
secondaire à une absence de
circulation sanguine ou secondaire à un arrêt
cardiaque par anomalie primitive du coeur,
ou par anomalie de la commande
neurologique.
La cyanose anormale au niveau des lèvres à
l’effort (biberons, cris) ; grave si localisée au
niveau des extrémités et des lèvres en
permanence, très grave si généralisée ;
objectivée par la saturation en oxygène par
voie transcutanée.
L’absence de mouvements respiratoires reste
peu inquiétante s’il s’agit d’une pause isolée,
ou chez le jeune nourrisson d’une
respiration périodique.
L’apnée isolée peut
être grave si elle dure et retentit sur
l’hématose.
La présence de gasps (grande
inspiration brutale entrecoupant des
périodes de silence respiratoire très longues)
est souvent la traduction d’un état
pré-mortem.
L’arrêt des mouvements respiratoires de
plus de 20 secondes définit l’apnée centrale.
À différencier de la pause respiratoire qui
dure moins de 20 secondes.
L’apnée centrale est secondaire à une
anomalie de la commande de la respiration,
soit au niveau du tronc cérébral, soit au
niveau du cortex cérébral.
Un syndrome obstructif ou asphyxique est
évoqué devant une cyanose associée à des
signes de lutte respiratoire avec notamment
modification de la fréquence respiratoire
(normale de 18-40, bradypnée < 18/min,
tachypnée > 40/min).
La gêne est laryngée,
bronchique ou trachéale devant une bradypnée, respectivement inspiratoire,
expiratoire ou aux deux temps.
L’apnée obstructive se traduit par l’absence
de passage d’air au niveau des voies
aériennes supérieures alors qu’il existe des
mouvements respiratoires souvent violents,
mettant en jeu tous les muscles respiratoires
possibles.
Elle est secondaire, soit :
– à une obstruction au niveau des voies
aériennes respiratoires : nez, pharynx,
larynx, trachée ;
– à une obstruction intrapulmonaire sur les
grosses ou les petites bronches.
La survenue de mouvements anormaux
reste peu inquiétante quand il s’agit de myoclonies d’endormissement (mouvements
isolés du corps brusques et rares, lors de
l’endormissement), de trémulations en
dehors de la période néonatale
(mouvements qui s’arrêtent quand on
maintient doucement le membre en
mouvement).
Des clonies, des clonies en
salves répétitives, par accès (mouvements de
flexion et d’extension brutaux de tout le
corps survenant comme des décharges) ;
mouvements oculaires anarchiques
incontrôlables ; ou encore mouvements
anormaux des membres : myoclonies,
spasmes ; ou des yeux : révulsion des globes
oculaires, plafonnement du regard,
nystagmus, yeux en « coucher de soleil »
traduisent, en revanche, une souffrance des
cellules cérébrales. Si l’examen neurologique
n’est pas strictement normal, il est
indispensable de rechercher de façon
urgente un syndrome des enfants secoués
ou une maladie métabolique.
En effet, ces
deux causes relèvent d’un traitement
symptomatique, mais aussi d’un traitement
étiologique spécifique en raison du risque
de récidives qui aggraveront le pronostic
neurologique et fonctionnel et mettront
souvent le pronostic vital en jeu.
Par ailleurs, la souffrance du cortex cérébral
peut être secondaire à une hypoxie
prolongée, une anoxie, une ischémie, une
hémorragie, une hypertension intracrânienne,
une hypertension artérielle, une
infection.
Au terme de cette étape, l’étiologie est
parfois évidente, mais parfois le
malaise est isolé.
Malaise grave associé
à un contexte :
A - MALAISE ET FIÈVRE ORIENTANT
VERS UNE PATHOLOGIE
INFECTIEUSE GRAVE
DU NOURRISSON
:
Toute fièvre chez un nourrisson de moins de
3 mois impose une prise en charge
spécifique compte tenu de la gravité des
épisodes fébriles à cet âge et compte tenu de
la fréquence des bactériémies associées.
Le
diagnostic de méningite, de bactériémie sur
pyélonéphrite peut être en cause.
Le bilan
infectieux doit être réalisé rapidement :
numération formule sanguine, protéine C
réactive, hémoculture, examen cytobactériologique
des urines, ponction lombaire ; le
traitement antibiotique doit être débuté
rapidement.
B - MALAISE ET SIGNES INFECTIEUX
ÉVOQUANT UNE AFFECTION
PULMONAIRE
:
Il convient de penser rapidement à la
bronchiolite à virus respiratoire syncytial
(VRS) en phase d’épidémie, surtout l’hiver,
avec parfois le syndrome apnéique
inaugural touchant essentiellement le
nourrisson.
Il existe également des
bronchiolites d’évolution aiguë grave avec
tableau de myocardite.
Il conviendra
également de penser au diagnostic de
coqueluche avec ses quintes asphyxiantes.
La recherche du VRS et du bacille de la
coqueluche en immunofluorescence dans les
sécrétions pharyngées est utile, la
radiographie pulmonaire peut montrer des
atélectasies, des surinfections.
Le nourrisson
de moins de 3 mois est surveillé en milieu
hospitalier sous cardiomoniteur, à proximité
du matériel de réanimation.
C - MALAISE AU DÉCOURS DU BAIN
:
Il convient toujours de suspecter la
possibilité d’une intoxication à l’oxyde de
carbone dans une salle de bains mal ventilée,
surtout si d’autres membres de la famille
ont également présenté des malaises ou
céphalées.
Certains signes cliniques sont
suggestifs (insuffisance respiratoire sans cyanose, collapsus circulatoire, coma,
convulsions, céphalées, troubles digestifs
subits, asthénie inexpliquée).
Le diagnostic
est confirmé si le taux de carboxyhémoglobine
est élevé (HbCO > 15 %).
Le
traitement est symptomatique et repose sur
l’oxygène nasal et l’oxygénothérapie
hyperbare si besoin.
D - MALAISE ET SIGNES PHYSIQUES
ÉVOQUANT DES SÉVICES
:
Penser au syndrome de Silverman, au
syndrome des enfants secoués, et ne pas
oublier le syndrome de Münchausen par
procuration, diagnostic à évoquer avec
beaucoup de prudence, mais dont il faudra
se méfier si les malaises sont associés à des
symptômes bizarres, incompréhensibles, s’il
existe des hospitalisations multiples dans
des centres différents, si les résultats des
nombreuses explorations réalisées sont
négatifs ou aberrants ; ce diagnostic devra
être soulevé chez des nourrissons présentant
des malaises graves itératifs nécessitant des
manoeuvres de réanimation, surtout si ces
nourrissons sont des collatéraux d’enfants
décédés de mort subite du nourrisson,
d’enfants ayant présenté des malaises graves
ou des convulsions.
Le bilan est
essentiellement radiologique (radiographie
du squelette, échographie transfontanellaire).
Syndrome des enfants secoués
:
Du fait de sa fréquence et de sa
méconnaissance, il mérite une attention
particulière.
Il est caractérisé par la survenue
d’un malaise inexpliqué chez un très jeune
nourrisson (moins de 6 mois le plus
souvent).
Les parents décrivent souvent
la survenue inopinée du malaise lors de la
prise du biberon, lors du bain, pendant le
sommeil où l’enfant est brusquement trouvé
« mal », sans connaissance, geignard, ou
anormalement « mou ».
À l’arrivée du
médecin, l’examen neurologique de l’enfant
n’est pas normal et parfois inquiétant ou
dramatique.
L’urgence est ici de pratiquer
les examens complémentaires contributifs
(fond d'oeil, neuro-imagerie par
scanographie sans injection de produit de
contraste, ponction lombaire éventuellement)
pour démontrer l’existence d’une
origine traumatique et s’assurer que
l’hémorragie méningée sous-durale ou
intraoculaire n’est pas en rapport avec un
trouble de l’hémostase, qui doit être
recherché systématiquement.
Devant une
lésion hémorragique intracrânienne et/ou
intraoculaire et l’absence de phénomènes
traumatiques décrits par l’entourage, le
diagnostic d’enfant secoué doit être
considéré comme le plus vraisemblable et
impose la recherche d’autres lésions
traumatiques (radiographies de squelette
complet) et doit faire rechercher la nature
du traumatisme par l’interrogatoire de
l’entourage.
Les lésions observées sont liées
à la soudaine décélération du cerveau à
l’intérieur du crâne lors des mouvements de
secouage.
La décélération brutale entraîne la
déchirure des veines-pont reliant les
enveloppes du cerveau (dure-mère et
arachnoïde), responsable d’hémorragies et
de lésions axonales diffuses.
Le pronostic
évolutif immédiat est bien entendu fonction
de la gravité des lésions intracrâniennes.
Dans tous les cas, une prise en charge
spécifique est indispensable.
En effet, en son
absence la récidive est quasiment constante,
récidive sur le même enfant si le premier
malaise n’a pas de conséquence majeure sur
son état neurologique ou sur un autre
enfant, en particulier quand le premier est
décédé.
E - MALAISE ET JEÛNE
:
Tout malaise survenant à distance de
l’alimentation oriente vers une cause
métabolique, notamment vers la possibilité
d’une hypoglycémie fonctionnelle ou
organique ou d’une hypocalcémie.
Ce type
de malaise laisse le plus souvent des
anomalies neurologiques persistantes à
l’arrivée aux urgences.
La plupart des
auteurs ne retrouvent une cause métabolique
que dans un nombre limité d’observations
avec une fréquence inférieure à 5 %, peutêtre
surestimée par d’autres auteurs.
Dès que l’origine métabolique d’un malaise
est suspectée, il convient lors de la phase
aiguë de réaliser une glycémie et une
cétonémie, un bilan hépatique (transaminases,
TP), un bilan acidobasique, une
ammoniémie et un dosage des lactates et du
pyruvate, de garder des échantillons de sang
et d’urines qui seront envoyés ultérieurement
au laboratoire pour examens
spécifiques.
F - MALAISE ET CHANGEMENT
DE POSITION :
Dans ces conditions, la composante
mécanique est dominante, qu’il s’agisse
d’une obstruction pharyngolaryngée brutale
liée à une décompensation d’une
malformation locorégionale, type kyste du
carrefour oropharyngé, ou qu’il s’agisse de
l’expression haute d’un RGO.
Un examen
ORL avec nasofibroscopie, parfois une pHmétrie
confirmeront le diagnostic.
G - MALAISE AU COURS
DE L’ALIMENTATION :
On évoque la possibilité de troubles de la
déglutition avec fausses routes, d’un arc
vasculaire anormal ou d’une oesophagite
peptique.
Le transit oeso-gastro-duodénal
(TOGD) avec étude de la déglutition et
clichés de profil est l’examen de choix en
première intention, complété éventuellement
par une fibroscopie.
H - MALAISE ET SYNDROME
ASPHYXIQUE :
Il convient d’emblée d’évoquer la fausse
route ou un corps étranger respiratoire chez
le nourrisson plus âgé.
La radiographie
pulmonaire en inspiration-expiration peut
montrer un piégeage de l’air.
I - MALAISE AVEC HYPOTONIE
ET PÂLEUR :
Chez le nourrisson de plus de 3 mois,
l’invagination intestinale aiguë doit être
évoquée et recherchée par échographie
abdominale.
J - MALAISE ET SIGNES ÉVOQUANT
UNE CARDIOPATHIE
:
La résistance de la cyanose à l’oxygénothérapie,
la découverte d’une hépatomégalie,
d’un souffle cardiaque, de l’absence de pouls
fémoraux, d’une dyspnée isolée, d’une
mauvaise courbe pondérale, font craindre
une cardiopathie congénitale : transposition
des gros vaisseaux, retour veineux
pulmonaire anormal, tétralogie de Fallot,
coarctation aortique.
Des antécédents
familiaux peuvent également faire évoquer
des troubles du rythme cardiaque ou une
myocardiopathie.
Les troubles du rythme,
exceptionnels à cet âge, peuvent entraîner
une souffrance neurologique sévère avec une
perte de connaissance et éventuellement une
crise convulsive.
Un électrocardiogramme,
avec éventuellement un enregistrement de
longue durée, permet d’identifier le
diagnostic.
Malaise grave
apparemment isolé :
Ce chapitre est dominé par deux
diagnostics : le RGO et le malaise vagal.
Dans ces deux cas, la gravité du malaise est
sous-tendue par sa durée avec la hantise
d’une récidive conduisant à la mort subite.
Se pose également le problème des
associations thérapeutiques et leurs possibles
effets secondaires.
A - REFLUX GASTRO-OESOPHAGIEN
:
Le RGO incriminé comme étant une des
causes de la mort subite du nourrisson reste
un sujet à controverse.
En effet, le RGO
est quasi physiologique et est présent chez
de nombreux nourrissons ; de plus, il
n’existe à ce jour aucun consensus sur ce
que représente un RGO « normal » et
tolérable et un RGO pathologique ; enfin, la
mise en évidence de ce dernier par
différentes techniques (ingestion de baryte,
scintigraphie oesophagienne, manométrie
oesophagienne, pH-métrie) ne rend pas les
études homogènes et comparables.
Le RGO peut être la cause du malaise du
nourrisson en cas d’inhalation alimentaire
avec toux et cyanose ou de bradycardie
réflexe avec pâleur chez un enfant le plus
souvent régurgiteur.
Le RGO
peut être confirmé par une pH-métrie s’il
n’est pas évident cliniquement.
Il serait plus
fréquent au cours d’un sommeil agité.
Ces
épisodes de reflux sont responsables
d’apnée, d’hypoxie, par plusieurs
mécanismes : laryngospasme réflexe induit
par la stimulation du bas-oesophage, apnée
par stimulation directe des chémorécepteurs
laryngés, inhalation de matériel alimentaire
et développement de shunts intrapulmonaires,
bronchoconstriction allergique vis-à-vis des allergènes du lait ou
bronchoconstriction médiée par le vague.
Les troubles du péristaltisme oesophagien
s’associent également à des bradycardies ou
à des apnées.
Le rôle des systèmes
sympathique et parasympathique dans le
péristaltisme et le tonus oesophagien lors des
achalasies et des spasmes oesophagiens
étendus est étroitement lié au contrôle de la succion-déglutition sous l’influence du
noyau dorsal du vague.
L’association hyperréflectivité vagale et hypertonie du
sphincter inférieur de l’oesophage pourrait
être le reflet d’une dysmaturité du système
nerveux autonome contribuant à l’apparition
du malaise.
La disparition des
régurgitations et des malaises sous
traitement médical antireflux confirmera la
relation causale entre le RGO et les malaises.
En cas de persistance des signes digestifs ou
d’une amélioration seulement partielle, un TOGD recherche une cause anatomique
(malposition cardiotubérositaire, voire hernie
hiatale, dyskinésie antropylorique).
Dans de
rares cas, une chirurgie antireflux précoce
peut être justifiée, en cas de malaises graves
récidivants, mettant en jeu la vie de l’enfant
et pour lesquels la responsabilité du RGO a
pu être établie.
B - HYPERTONIE VAGALE
:
Le diagnostic de malaise vagal est difficile,
même si l’on admet que 20 à 30 % des
malaises du jeune nourrisson ont une
médiation vagale.
L’hyperréflectivité
vagale ne doit pas être considérée comme
une cause principale, mais bien comme
l’explication physiopathologique de
l’évènement, le relais nécessaire entre un
facteur déclenchant, le plus souvent digestif
ou ORL, et les manifestations cliniques.
L’interrogatoire retrouve fréquemment des
syncopes chez les ascendants.
Chez le
nourrisson, il est rare de mettre en évidence
le facteur déclenchant : beaucoup
d’arguments plaident en faveur de la
responsabilité du RGO mais d’autres
stimulations digestives ont été incriminées :
prise d’un biberon, de la température rectale,
examen pharyngé, mise en place d’une
sonde gastrique.
Ce malaise est de gravité variable : perte de
connaissance complète ou simple épisode de
pâleur des lèvres et hypotonie de quelques
secondes.
Une phase d’hypertonie, un accès
généralisé de cyanose, une apnée, voire des
clonies évoquent un équivalent convulsif et
sont trompeurs.
Le monitorage cardiaque et
le réflexe oculocardiaque (ROC) sont des
moyens simples et non invasifs visant à
démontrer une hyperréactivité vagale en
l’absence d’autre pathologie documentée.
Il
faut parfois savoir les refaire si le bilan est
par ailleurs négatif.
Le ROC est réalisé en
milieu hospitalier chez un enfant stable au
cours d’un ECG standard ou d’un
enregistrement Holter cardiaque, l’atropine
est prête à être administrée par voie souscutanée
ou intraveineuse si le nourrisson est
perfusé (10 à 20 μg/kg) en cas de
bradycardie sévère et brutale.
Une pause
sinusale provoquée supérieure à 2500 ms
avant 3 mois et supérieure à 3000 ms jusqu’à
1 an, une chute de moitié de la fréquence
cardiaque de base sont considérées comme
anormales.
Il est préférable de traiter les enfants
présentant une hyperréactivité vagale au
cours des 3 premiers mois de vie, surtout si
celle-ci est familiale.
Ce traitement est
instauré lorsque la prise en charge du
facteur déclenchant s’avère insuffisante à
prévenir les récidives, d’autant qu’en
l’absence d’étiologie neurologique au
malaise, le risque de récidive est
extrêmement faible et le développement
psychomoteur ultérieur normal.
Ce
traitement repose sur le sulfate de diphénanyl (Prantal), traitement qui ne peut
être initié qu’en milieu hospitalier avec une
surveillance électrocardiographique stricte à
la recherche d’un allongement de l’espace
QT.
Le médecin traitant doit cependant
connaître les risques potentiels de ce type de
thérapeutique et devrait remettre à la famille
une liste de médicaments dont la
prescription en association avec le Prantal
est contre-indiquée.
Examens
complémentaires :
Ils seront orientés par la clinique.
Étiologies
:
A - CAUSES NEUROLOGIQUES
:
1- Crises convulsives
:
Qu’elles soient occasionnelles ou en rapport
avec une épilepsie débutante, elles ne
laissent généralement au décours de la crise
aucune anomalie neurologique, l’enfant
ayant repris conscience et ayant un examen
neurologique parfaitement normal lorsqu’il
est examiné aux urgences.
Après avoir
éliminé une cause occasionnelle
(hypoglycémie, hypocalcémie, fièvre), le
diagnostic de crise convulsive ou d’épilepsie
débutante peut être différé et est souvent
évoqué lors de la récidive de mêmes
épisodes.
En effet, une crise d’épilepsie se
manifestant comme un malaise qui, par
définition, est bref, ne fait pas courir de
risque fonctionnel ni vital à l’enfant si elle
n’est pas immédiatement reconnue et traitée
comme telle.
Lorsqu’un nourrisson
développe des épisodes critiques récurrents
avec un recul de plusieurs semaines et que
les investigations neurologiques restent
négatives, la disparition des malaises sous
« un traitement antiépileptique d’épreuve »
peut constituer un argument diagnostique.
2- Hématome extradural
ou sous-dural :
Lorsque le traumatisme initial a été
méconnu, négligé ou même caché lorsqu’il
s’agit de sévices.
3- Hypertension intracrânienne
:
Elle doit être évoquée devant des
vomissements, une tension de la fontanelle
et une augmentation du périmètre crânien.
Ce tableau peut être isolé sans signe
neurologique.
4- Hémorragie méningée
:
Elle invite à chercher des troubles de
l’hémostase.
À évoquer devant des signes neurologiques
qui s’inscrivent dans un contexte fébrile.
Le tableau est celui d’un nourrisson fébrile
qui présente une modification de son
comportement, un état algique, une
mauvaise tolérance de la fièvre, des troubles
digestifs.
La constatation d’une hypotonie
avec nuque « molle », tête ballante, est
beaucoup plus fréquente à cet âge qu’une
raideur étendue à tout le rachis.
B - CAUSES MÉTABOLIQUES
:
Les différentes anomalies métaboliques habituellement en cause sont les
suivantes, par ordre de fréquence.
1- Déficit de l’oxydation des acides
gras
:
Depuis la première description du déficit en carnitine, une douzaine de déficits
héréditaires de l’oxydation mitochondriale
des acides gras a été décrite.
Pratiquement
tous ces déficits se présentent chez le jeune
enfant sous la forme de malaise grave avec
un coma hypoglycémique sans cétose
provoqué par un jeûne prolongé.
2- Intolérance au fructose
:
Une hypoglycémie postprandiale au
changement de régime alimentaire peut
orienter vers une intolérance au fructose.
3- Glycogénose type 1A
:
Un malaise hypoglycémique avec
hépatomégalie palpable dans la fosse iliaque
droite oriente fortement vers une
glycogénose de type 1A (déficit en glucose 6
phosphatase), particulièrement lorsqu’elle
est associée à une hyperlactacidémie.
4- Déficits de la chaîne respiratoire
:
Longtemps considérés comme des maladies
musculaires, les déficits de la chaîne respiratoire (synthèse de l’adénosine
triphosphate [ATP]) intéressent un nombre
important d’organes et de tissus dont le
fonctionnement dépend de la production
d’énergie mitochondriale.
Ceci a pour
conséquence la grande variété des
symptômes observés, avec chez le
nouveau-né ou chez le jeune enfant la
possibilité d’apnée, de léthargie, de malaise
grave ou de mort subite.
La présence d’une hyperlactacidémie avec augmentation du
rapport lactate sur pyruvate (L/P), suggère
la présence d’un déficit de la chaîne
respiratoire.
C - CAUSES DIGESTIVES
:
1- Reflux gastro-oesophagien
:
2- Invagination intestinale aiguë
:
Elle est parfois trompeuse quand elle se
révèle par des accès de pâleur et
d’hypotonie.
D’autres causes plus rares ont été décrites :
achalasie de l’oesophage, volvulus
intermittent du grêle sur mésentère
commun.
D - CAUSES CARDIAQUES
:
1- Trouble du rythme cardiaque
:
Les troubles du rythme et de la conduction
sont très rares chez le nourrisson mais sont
à rechercher par un ECG car ils justifient un
traitement urgent.
– Bloc auriculoventriculaire (BAV).
Le BAV
complet congénital est rare.
Il peut se révéler
par une syncope brutale, secondaire à une
bradycardie, à une pause prolongée ou à un
trouble du rythme ventriculaire.
La
survenue d’une syncope est une indication
formelle d’implantation d’un stimulateur,
quel que soit l’âge de l’enfant.
– Bloc partiel de conduction auriculoventriculaire.
– QT long congénital : chez l’enfant les
syndromes de QT long sont congénitaux,
souvent familiaux et transmis de façon
variable selon la localisation chromosomique.
La prévalence est de 1/8000
naissances.
Ils entrent soit dans le cadre du
syndrome de Jerwell et Lange-Nielsen (QT
long avec surdité) ou de Romano-Ward (QT
long sans surdité).
Quatre gènes au moins
sont impliqués dans ce syndrome agissant
sur des canaux ioniques, potassiques ou
sodiques.
Plusieurs affections acquises
peuvent causer un syndrome du QT long ou
une torsade de pointe.
Le syndrome du QT
long repose aussi sur un ensemble de
critères majeurs : allongement du QTc
> 440 ms ; syncope liée au stress, antécédents
familiaux ; et de critères mineurs : surdité
congénitale, alternance de T, bradycardie,
anomalies de la repolarisation, la coexistence
de deux critères mineurs étant suffisante
chez l’enfant pour porter le diagnostic.
– Le QT long acquis. Les affections acquises
pouvant causer un QT long ou une torsade
de pointe sont :
– Le syndrome de Wolff-Parkinson-White.
Chez l’enfant et le nourrisson, lorsque le
syndrome de Wolff-Parkinson-White est
responsable de syncopes, il y a lieu de poser
une indication formelle à l’ablation par
radiofréquence du faisceau de Kent.
2- Cardiopathies cyanogènes
:
Le malaise traduit un obstacle du coeur
gauche (rétrécissement orificiel ou sousvalvulaire
aortique, myocardiopathie
obstructive), une insuffisance cardiaque
évoluée, une hypertension artérielle
pulmonaire.
Un bilan cardiologique
(échographie cardiaque...) s’impose en
urgence.
Lorsque le nourrisson a des antécédents de
cardiopathie congénitale opérée, l’étiologie
cardiaque du malaise doit tout de même être
envisagée lorsqu’il s’agit : d’une tétralogie
de Fallot (risque de trouble du rythme
ventriculaire, BAV), d’une correction à
l’étage auriculaire (Senning, Mustard), d’une
transposition des gros vaisseaux, c’est-à-dire
lorsque la chirurgie est à l’origine d’une
cicatrice fibreuse au niveau de la paroi d’un
des deux ventricules ou des oreillettes.
3- Atteinte du muscle cardiaque
:
* Myocardites aiguës virales
:
Le début est brutal et survient chez un
nourrisson en parfaite santé, le plus souvent
au printemps.
L’enfant présente un tableau d’insuffisance
cardiaque avec collapsus et détresse
respiratoire à type de polypnée, le diagnostic
doit être rapidement évoqué et confirmé par
échographie cardiaque.
L’évolution dans 20
à 30 % des cas est fatale et semble
responsable de mort subite du nourrisson.
* Myocardiopathies d’origine métabolique
:
Elles peuvent provoquer une asystolie
aiguë : maladie de Pompe, mucopolysaccharidoses,
anomalies de la b-oxydation des
acides gras.
4- Hypertonie vagale
:
E - CAUSES RESPIRATOIRES
:
1- Apnées
:
Les apnées pathologiques sont des pauses
respiratoires supérieures à 20 secondes.
Le
seuil des bradycardies est fonction de l’âge :
< 80/min chez le nouveau-né, < 70/min de
1 à 3 mois, < 60/min de 3 à 12 mois.
Dans la
majorité des cas, les deux phénomènes sont
associés.
L’apnée obstructive a une cause
ORL ou faciale congénitale ou acquise.
L’apnée centrale, définie par l’arrêt de toute
activité ventilatoire, a le plus souvent une
composante obstructive liée à la chute du
tonus des muscles dilatateurs du pharynx ;
elle est le témoin d’une pathologie centrale
(dysfonctionnement du tronc cérébral,
syndrome d’Ondine, séquelles d’hypoxieischémie) ou d'une immaturité
(prématuré).
2- Inhalation de corps étranger
:
Malgré les campagnes d’information et les
mesures préventives, l’inhalation d’un corps
étranger concerne 1000 à 1 500 enfants par
an en France.
Cet accident est potentiellement
mortel, surtout lorsque le corps
étranger se loge dans les voies respiratoires
hautes. L’incidence maximale est observée
entre 9 et 24 mois.
Les corps étrangers du
petit enfant sont essentiellement alimentaires
et correspondent à l’introduction d’aliments
de type « adulte » chez des enfants dont la
coordination succion-déglutition est encore
imparfaite et la denture insuffisante.
L’origine d’une dyspnée aiguë haute est
souvent facile à diagnostiquer, notamment
en écoutant respirer l’enfant.
Cette première
appréciation permet de déterminer le siège
de l’obstacle, le degré d’urgence et les
thérapeutiques à envisager.
– Larynx : 1,6 % des cas, site le plus
dangereux :
• état asphyxique aigu,
• apnée brutale avec risque de mort subite,
• accès de suffocation avec cyanose,
• dysphonie, dysphagie.
– Trachée : 9,4 % des cas, corps étranger
souvent mobile, toux spasmodique :
• wheezing,
• dyspnée inspiratoire et expiratoire, toux
rauque.
– Bronches : 89 % des cas, syndrome de
pénétration (connu ou pas) :
Les diagnostic et conduite à tenir sont
résumés sur le.
La conduite à tenir dépend de l’importance
des signes cliniques et de l’âge de l’enfant.
On n’insistera jamais assez sur l’importance
de la prévention.
F - CAUSES ORL
:
Les pathologies obstructives seront mises en
évidence par un examen ORL comprenant
notamment une fibroscopie et parfois un transit oesogastrique.
Les étiologies
malformatives (syndrome de Pierre Robin, micrognathie, fente palatine, sténose et kyste
sous-glottique, kyste pharyngé pédiculé, arc
vasculaire, malacie...) ou acquises
(hypertrophie amygdalienne et/ou des
végétations, laryngite) doivent être
systématiquement recherchées lorsque la
cyanose est au premier plan.
Ces anomalies
ORL majorent les manifestations de RGO en
augmentant les gradients de pression
transthoraciques.
Une surveillance par oxymètre de pouls à la recherche d’une
désaturation et un enregistrement
polygraphique du sommeil guideront au
mieux les décisions thérapeutiques.
G - CAUSES INFECTIEUSES
:
– La bronchiolite du nourrisson, la
coqueluche.
– Toute infection bactérienne du jeune
nourrisson de moins de 3 mois.
– Pathologie infectieuse du système nerveux
central.
H - INTOXICATIONS
:
Les malaises graves survenant en hiver chez
plusieurs membres d’une même famille
doivent faire évoquer une intoxication au
CO.
Les intoxications médicamenteuses
accidentelles, éthylique et au cannabis chez
le nourrisson sont rares, peuvent être
accidentelles ou relevant d’un syndrome de Münchausen.
I - SÉVICES
:
Le syndrome de Silverman, les « enfants
secoués », le syndrome de Münchausen sont autant de
diagnostics qui doivent entraîner de la part
du médecin un signalement au procureur de
la République.
Lorsque aucune cause n’est retrouvée,
l’angoisse parentale liée à la crainte de la
mort subite du nourrisson (MSN) soulève la
question de l’intérêt d’un monitorage à
domicile.
Bien qu’aucune étude statistique
n’ait montré la diminution des MSN par la
mise en place systématique d’un
monitorage, cette pratique a été longtemps
répandue.
Une analyse rigoureuse des
conditions de survenue du malaise et du
contexte familial amène à réserver à l’heure
actuelle le monitorage à des indications plus
précises.
C’est le cas notamment des
prématurés et des fratries de MSN ; Ramanathan et al ont procédé pendant 4
ans à l’enregistrement par moniteurs
cardiorespiratoires de 5160 nourrissons nés
à terme et en bonne santé. Ce groupe a été
comparé à 272 ALTE, 262 fratries de MSN et
à 1727 prématurés de moins de 34 semaines
d’aménorrhée.
Des malaises graves (apnées
de plus de 30 secondes et/ou bradycardies à
moins de 60 par minute pendant plus de 10
secondes) ne sont observés que chez les
prématurés et jusqu’à la 43e semaine d’âge postconceptionnel.
Dans le groupe des 116
enfants ayant eu un accident grave, un
deuxième malaise est survenu chez 60
(51,7 %), un troisième chez 35 de ces 60
(57,3 %) et un quatrième chez 28 de ces 35
(80 %).
Ces récidives sont toujours survenues
dans les 6 semaines suivant les premiers
accidents, jamais au-delà.
Pour des raisons psychologiques évidentes,
l’existence de MSN dans la fratrie ou la
parenté peut être également une indication
valable.
Le cas de jumeaux est particulier ; le
risque de MSN du jumeau survivant est en
effet multiplié par 10 dans les 10 jours
suivant le décès de son frère.
Non seulement
un monitorage, mais aussi une hospitalisation
du survivant sont indiqués pendant
les 10 jours suivant la MSN.
Peuvent être considérées comme indications
relatives à discuter au cas par cas avec les
familles, les prématurés de moins de
28 semaines d’aménorrhée et les enfants de
poids inférieur à 1500 grammes.
Le monitoring choisi doit être simple et de
maniement aisé ; les manoeuvres de
réanimation doivent être enseignées aux
parents en même temps que leur sera remis
l’appareillage de surveillance.
Mort subite
du nourrisson :
C’est la crainte de la mort subite qui est en
grande partie responsable de l’angoisse des
parents devant tout malaise du nourrisson.
En 1991 on en dénombrait encore 1464 cas
en France. Une meilleure connaissance des
facteurs de risque a heureusement abouti à
des mesures de prévention qui, appliquées
sur une grande échelle, ont abouti à une
diminution franche de leur nombre dans
tous les pays où ces mesures ont été
diffusées et appliquées.
A - FACTEURS DE RISQUE
:
Des nombreuses études réalisées dans le
monde se sont dégagés un certain nombre
de facteurs de risque dont le plus important,
et de loin, concerne les conditions de
couchage du nourrisson.
1- Facteurs de risque individuels
:
* Sexe, ethnie et poids de naissance
:
Les garçons sont plus fréquemment atteints
(51 à 60 % selon les études), mais le
facteur le plus important concerne le poids
de naissance.
De récentes études statistiques
effectuées au Royaume-Uni montrent que la
fréquence de la MSN est neuf fois plus
élevée chez les enfants pesant entre 1 500 et
2 000 grammes que chez ceux pesant plus
de 3 500 grammes à la naissance ; ce risque
touche aussi bien les prématurés que les
retards de croissance intra-utérins.
À
première vue, le groupe ethnique auquel
appartient l’enfant semble jouer un rôle
puisque la fréquence de la MSN est faible
dans la population asiatique et à un moindre
degré dans la population hispanique des
États-Unis mais l’environnement semble
beaucoup plus déterminant qu’un éventuel
facteur génétique ; en effet, pour les
immigrants venant d’une région à bas
risque, la fréquence de la MSN tend à se
rapprocher de celle observée dans les pays
d’immigration.
* Infection
:
Le rôle de l’infection a été envisagé en raison
de l’âge habituel de la MSN entre 2 et
4 mois, âge auquel le taux des anticorps
maternels chute, rendant le nourrisson plus
vulnérable.
Étant entendu que les décès
secondaires à une infection bactérienne
documentée (septicémie ou méningite) ne
sont par définition pas des MSN, aucune
relation certaine n’a pour l’instant été établie
entre MSN et bactéries même si certaines
études font état dans les prélèvements des
MSN d’un plus grand nombre de germes
(Clostridium perfringens ou difficile,
staphylocoque doré, Escherichia coli) que
chez des nourrissons en bonne santé du
même âge.
Le rôle des virus est également difficile à
affirmer.
Aucune association n’a par exemple
été démontrée entre les épidémies
d’infection à VRS et MSN.
La recherche
par polymerase chain reaction (PCR) du VRS
dans le tissu pulmonaire de 99 enfants
décédés de MSN a montré la présence du
virus dans 24 % des MSN, taux non
significativement différent de celui de 19 %
retrouvé chez des témoins décédés d’une
affection connue.
2- Facteurs environnementaux
:
* Alimentation
:
Le mode d’alimentation des enfants décédés
de MSN a fait l’objet de nombreuses études.
Gilbert et al ont relevé que dans les 18 études où l’effet du mode d’alimentation
sur le risque de MSN avait été noté, 11
études ont retrouvé un risque accru chez les
nourrissons nourris au biberon et sept
études n’ont pas montré d’aggravation du
risque.
Une étude néo-zélandaise a
confirmé les effets bénéfiques de
l’alimentation au sein, notamment si celle-ci
est exclusive et prolongée jusqu’au sixième
mois.
Des résultats semblables ont été
observés aux États-Unis et au Royaume-Uni.
De ces différentes études il ressort
que la prévalence de la MSN est deux à trois
fois supérieure chez les enfants nourris au
biberon, si l’on ne fait pas entrer en ligne de
compte les autres facteurs de risque.
L’effet
de l’alimentation au sein est beaucoup
moins net si l’on compare des groupes
semblables quant aux conditions
économiques et au tabagisme maternel.
* Allergie :
L’hypothèse que certaines MSN pourraient
être en relation avec une réaction allergique
ou un choc anaphylactique a été soulevée ;
les protéines du lait de vache ou la poussière
de maison étant de possibles allergènes.
Gold et al ont étudié les tests de dégranulation des basophiles dans deux
groupes : un groupe d’enfants ayant survécu
à un ALTE, ou apparentés à ceux-ci, ou à
des MSN et un groupe témoin d’enfants du
même âge.
Tous les sujets présentant une
réaction intense appartiennent aux familles
dans lesquelles ont été observés une MSN
ou un ALTE.
* Environnement familial
:
Les mères âgées de moins de 20 ans ont un
risque accru de perdre un enfant de MSN.
Le statut socio-économique des familles de
MSN a été étudié par Leach et al.
Dans la
moitié des cas de MSN, les deux parents ou
le parent seul étaient sans emploi contre
18 % dans les familles témoins.
Le rôle du tabagisme ambiant est
maintenant établi. L’exposition en prénatal à
plus de cinq cigarettes par jour multiplie le
risque pour l’enfant de MSN par 2.
Au-delà
de 15 cigarettes par jour ce risque est encore
accru.
Par ailleurs, le poids de naissance
moyen des enfants de mères tabagiques est
inférieur de 200 grammes à celui des autres
enfants, cette hypotrophie étant elle-même
un autre facteur de risque.
L’hypoxie foetale
chronique entraînée par la réduction du flux
placentaire par la nicotine et l’élévation du
taux de carboxyhémoglobine foetal,
entraînant à leur tour une altération du
développement du système nerveux central
ont été les mécanismes proposés pour
expliquer les effets du tabagisme pendant la
grossesse.
Les effets de l’alcoolisme
maternel ou la consommation de
caféine pendant la grossesse sont souvent
difficiles à séparer de ceux de la cigarette,
mais pris indépendamment ils ne semblent
pas avoir d’influence sur la fréquence des
MSN.
* Position ventrale
:
La position ventrale longtemps adoptée
pour le couchage des nourrissons est
certainement le facteur de risque principal.
Les premières publications attirant
l’attention sur l’augmentation du risque de
MSN en couchant les nourrissons sur le
ventre sont australiennes et néozélandaises
en 1980.
En France, le premier
à attirer l’attention des pédiatres sur les
méfaits de la position ventrale est Senecal
en 1987.
L’étude norvégienne est
particulièrement démonstrative car elle a
comparé la fréquence des MSN en fonction
des positions de couchage appliquées sur le
plan national.
En 1970, 7,4 % des nourrissons
dorment en position ventrale ; le taux de
MSN est de 1,1 pour 1 000.
En 1989, 49 %
sont couchés en position ventrale ; le
pourcentage de MSN s’élève à 2 pour 1 000.
En 1990-91, il n’y a plus que 26-28 % des
nourrissons en position ventrale ; le taux des
MSN est retombé à 1,1 pour 1 000.
En 1994-
95, seuls 3,8 % des enfants dorment encore
en position ventrale ; le taux de MSN est de
0,6 pour 1 000.
Des résultats aussi
spectaculaires sont observés en Autriche,
en Irlande en Suède.
Une métanalyse de 19 publications montre
une association significative entre la
fréquence de la MSN et la position ventrale
du coucher avec un odds ratio de 2,72.
En France, démarre en 1993 sous l’égide du
ministère de la Santé une campagne d’information
invitant à coucher les nourrissons sur
le dos dès les premiers jours de la vie.
Le
taux de MSN pour 1 000 naissances passe de
1,74 en 1992 à 0,61 en 1996.
Placer le nourrisson en position latérale n’est
pas une bonne alternative à la position
ventrale car dans cette position instable
l’enfant peut se replacer en position ventrale
et le risque de MSN est également accru par
rapport à la position dorsale.
Une étude
anglaise comparative a montré que le risque
relatif de MSN était augmenté de façon
significative en position latérale par rapport
à la position dorsale.
L’adoption d’une
position ventrale ou latérale pour le
couchage du bébé est également liée au
contexte maternel ; l’étude épidémiologique
nordique de la MSN a montré que le
risque de MSN en position ventrale est accru
lorsque les mères étaient âgées de moins de
25 ans, avaient été scolarisées pendant moins
de 10 ans, étaient célibataires, avaient plus
d’un enfant et avaient fumé pendant leur
grossesse.
Reste le problème des enfants
présentant un RGO authentique et
symptomatique.
La conférence de consensus
rédigée en 1995 a considéré que le traitement
positionnel en proclive ventral ne doit pas
être envisagé en première intention mais
seulement dans les cas résistant aux
prescriptions diététiques et médicamenteuses.
Partager le lit de la mère semble un facteur
de risque supplémentaire ; les
mécanismes invoqués étant l’étouffement du
nourrisson pendant le sommeil de la mère,
l’hyperthermie, l’inspiration par le
nourrisson du CO2 exhalé par la mère. Dans
une étude néo-zélandaise portant sur
485 cas de MSN, il apparaît que 24 % des
enfants partageaient le lit parental au
moment du décès, alors que chez
1 800 témoins cette pratique de partage du lit parental n’était retrouvée que dans 10,5 %
des cas.
Le risque associé au partage du lit
parental est nettement augmenté si la mère
ou les deux parents fument.
Le type de couchage a également été étudié
dans plusieurs études avec une
augmentation du risque de MSN lorsque le
matelas est mou , que la tête du
nourrisson repose sur un coussin ou que
l’enfant est recouvert pour dormir par des
duvets ou des couettes ; quelques études
ont montré que 14 à 28 % des nourrissons
décédés de MSN avaient été retrouvés
complètement recouverts par leur
couverture.
Dans toutes ces situations de
couchage, le risque entraîné par la position
ventrale est alors accru.
Richardson a soulevé l’hypothèse que les
matelas des berceaux pouvaient être une
source de gaz toxiques responsables de
décès par inhalation.
Ces vapeurs toxiques
seraient produites par un champignon, Scopulariopsis brevicaulis, au contact de
matelas en polychlorure de vinyle (PVC) ;
champignon retrouvé dans les zones de
transpiration sur les matelas des enfants
décédés de MSN.
Depuis la publication de
Richardson, plusieurs études épidémiologiques
n’ont pas retrouvé de lien entre type
de matelas et MSN, mais l’inquiétude
soulevée a justifié la nomination par le
ministère de la Santé britannique d’un
groupe d’experts qui ont infirmé l’hypothèse
de Richardson.
* Influence des saisons
:
La plus grande fréquence des MSN pendant
les mois d’hiver a été établie dans de
nombreuses études épidémiologiques en
Europe ou en Amérique du Nord.
La
diminution du nombre de cas de MSN n’a
pas modifié ces variations saisonnières.
De cette revue générale des facteurs de
risques de la MSN il ressort que les
mécanismes qui vont aboutir au décès du
nourrisson sont multiples, complexes et en
interrelation les uns avec les autres.
Tout se
passe comme si les nourrissons frappés par
la mort subite possédaient une faiblesse
inapparente qui ne va devenir évidente que
lorsque l’enfant est soumis à un stress
inhabituel.
Il pourrait s’agir d’une atteinte
mineure ou d’un retard dans le
développement des centres nerveux
régulateurs de la respiration ou du système
cardiovasculaire ou des centres
chémorécepteurs carotidiens.
Aucun de ces
dysfonctionnements n’est sans doute
suffisant pour entraîner la mort qui ne
surviendrait que dans certaines situations de
stress.
En position ventrale par exemple, si
un enfant respire un air confiné, la tête
enfoncée dans un matelas mou, les
mécanismes de régulation déclencheront
chez le nourrisson un réveil qui aboutira à
un changement salvateur de position de la
tête.
Si le centre respiratoire ou les
chémorécepteurs carotidiens ne fonctionnent
pas normalement ou si la musculature de la
nuque est insuffisante, l’hypercapnie et
l’anoxie peuvent se révéler fatales.
Parmi les nombreux facteurs de risque, on
retiendra surtout la position ventrale du
sommeil dont le rôle est maintenant
unanimement reconnu, sans perdre de vue
le risque des nourrissons de très petit poids
de naissance dont la surveillance doit être
renforcée et celui lié au tabagisme
ambiant. Dans la prévention de celui-ci les
pédiatres doivent s’impliquer.
B - CONDUITE À TENIR
EN CAS DE MORT SUBITE :
Pour la personne qui découvre l’enfant,
pratiquer les premières manoeuvres de
réanimation, bouche-à-bouche et massage
cardiaque externe ; appeler ou si possible
faire appeler le 15 et poursuivre les
manoeuvres de réanimation.
La prise en
charge par l’équipe médicale sur place
comprend une ventilation en oxygène pur
au masque, une intubation et la pose rapide
d’une voie intraosseuse permettant
d’administrer de l’adrénaline.
Les
manoeuvres sont poursuivies sans
interruption pendant le transport et à
l’arrivée au centre hospitalier.
Cette attitude
est toujours préférable à celle de laisser
l’enfant à domicile ; elle donne à la famille
le sentiment que tout a été tenté et permet
d’entreprendre les investigations nécessaires
à la recherche des causes de la MSN.
Il faut
également rappeler que le transport d’un
enfant décédé à domicile vers l’hôpital est
interdit par la législation.
La décision
d’arrêter les manoeuvres de réanimation sera
prise au centre hospitalier.
Un examen
clinique complet doit être pratiqué
comprenant le recherche d’ecchymoses, la
pesée de l’enfant et la mesure de son
périmètre crânien.
Les examens complémentaires comprennent
au minimum :
– des prélèvements bactériologiques :
hémoculture , culture du liquide
céphalorachidien ;
– une recherche du VRS ;
– des prélèvements de sang destinés à des
recherches toxicologiques, métaboliques,
sérologiques éventuelles ;
– des radiographies du crâne et du squelette
si l’on soupçonne des sévices ;
– un examen du fond d’oeil à la recherche
d’hémorragies rétiniennes.
L’entretien du médecin avec les parents, la
lecture du carnet de santé, permettent de
préciser les antécédents familiaux, le
déroulement de la grossesse, de la naissance,
des premières semaines de vie et les
circonstances du décès.
Cet entretien permet
également de convaincre les parents de
l’intérêt d’une autopsie pour la recherche de
la cause et d’un éventuel conseil génétique.
Seule l’autopsie permet d’assurer le caractère
« inexpliqué » de la mort subite ; elle a
conduit Taylor et Emery à proposer une
classification en quatre groupes des MSN.
Dans le groupe A on trouve une cause
évidente à la mort ; dans le groupe B c’est
une affection sévère mais potentiellement
curable qui a entraîné le décès ; dans le
groupe C il existe des signes pathologiques
mais ils sont insuffisants pour expliquer le
décès.
L’enquête est négative pour les
nourrissons du groupe D.
« L’autopsie n’est informative que si elle est
réalisée par un anatomopathologiste
compétent suivant un protocole précis
permettant d’examiner de très nombreuses
coupes histologiques prélevées sur la totalité
des organes ».
Dans les cas où le médecin
soupçonne des sévices, l’autorité judiciaire
sera saisie et demandera une autopsie
médico-légale.
L’enquête sur les circonstances, les examens
de laboratoire et anatomopathologique
permettent de trouver une cause à la mort
subite dans plus de la moitié des cas.
Au niveau cardiaque, la découverte d’une
malformation cardiaque non soupçonnée
avant le décès est rare : rétrécissement
aortique ou sténose pulmonaire, anomalie
de naissance des coronaires.
En revanche,
des lésions de myocardite, voire de
myocardiopathie peuvent être notées dans
un pourcentage relativement élevé de cas
(10 % dans la série de Pelletier-Leroy et al).
Au niveau du tronc cérébral, l’autopsie
peut mettre en évidence une gliose
témoignant d’une anoxie chronique, des
anomalies des neurotransmetteurs
préexistant à la MSN dont on peut retrouver
d’autres stigmates : persistance de la graisse
brune périrénale, érythropoïèse
hépatique.
La transmission des résultats aux parents
par le médecin doit s’accompagner d’un
maximum d’explications et s’efforcer de
répondre à toutes leurs questions.
Le drame
de la mort subite représente toujours un
choc émotionnel intense pour la famille qui
nécessite une prise en charge prolongée par
l’ensemble de l’équipe médicale et
paramédicale.
Ce n’est en général qu’après
plusieurs mois qu’une nouvelle grossesse
pourra être envisagée sous une vigilance renforcée , y compris sur le plan
psychologique.
Conclusion
:
Les malaises du nourrisson constituent une
part importante de l’ensemble des
consultations aux urgences.
Il n’y a pas de
petit malaise.
Tout malaise doit être analysé
très soigneusement et rigoureusement.
Dans
tous les cas, la prise en charge d’un malaise
relève d’une pratique pédiatrique au quotidien,
analysant anamnèse et séméiologie pour éviter
des investigations inutiles.
La recherche
attentive et la mise en évidence de signes de
gravité éviteront l’issue fatale et des
conséquences irréversibles.
La mort subite du nourrisson, comme les
malaises qui en sont parfois le prélude, sont
des pathologies multifactorielles.
La
compréhension de leurs mécanismes a
progressé au cours de ces dernières années et a
permis de proposer des mesures préventives,
dont la plus spectaculaire dans ses résultats est
le couchage des nourrissons sur le dos.
La
diffusion et l’adoption par les familles de cette
mesure simple a abouti à supprimer près de
1 000 morts par an en France.
Il y a là un
exemple remarquable de l’efficacité d’une
mesure préventive lorsqu’elle est documentée
par des études épidémiologiques et diffusée par
les autorités sanitaires à l’ensemble de la
population.