Maladie de Takayasu

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Introduction :

L’artérite de Takayasu a été décrite pour la première fois en 1905 par deux ophtalmologistes japonais Takayasu et Onishi.

Jusque dans les années 1950, on pensait que l’artérite était limitée à la crosse aortique et à ses branches, d’où les appellations initiales de maladie des femmes sans pouls ou de syndrome de la crosse aortique.

Par la suite, il a été démontré que l’aorte abdominale et ses branches étaient souvent atteintes, et que la maladie pouvait aussi toucher les artères pulmonaires.

Il est donc préférable de garder les termes d’artérite de Takayasu ou d’aortoartérite non spécifique qui désignent une artérite granulomateuse à cellules géantes, dépourvue de marqueur biologique ou histologique spécifique, touchant de façon segmentaire les grosses artères.

Épidémiologie :

La maladie de Takayasu est ubiquitaire mais les grands foyers sont en Asie du Sud-Est : Japon, Inde, Corée, Thaïlande, Indonésie, au Mexique et en Afrique.

Les cas sont plus rares en Amérique du Nord, au Moyen-Orient et en Europe.

En France, un tiers des patients sont métropolitains, la majorité des autres patients étant originaires du Maghreb ou des Antilles.

Maladie de Takayasu

Au Japon, la maladie de Takayasu a une incidence estimée à près de 100 nouveaux cas par an et est présente lors de 33 autopsies sur 1 000.

Aux États-Unis l’incidence est de 2,6/million/an.

C’est une maladie de la femme jeune : le sex-ratio femme/homme s’échelonnant entre 2 pour l’Inde et 24 pour le Japon.

En France, il faut tenir compte du biais apporté par la sur-représentation masculine des immigrés, mais dans la série de la Pitié, 83% des malades étaient de sexe féminin.

L’âge de début de la maladie se distribue de façon sensiblement gaussienne entre 1 et 60 ans avec un maximum lors de la troisième décennie.

Étiologie :

On ne connaît pas la ou les causes de l’artérite de Takayasu.

A – FACTEURS GÉNÉTIQUES :

On a décrit une vingtaine de cas familiaux de la maladie.

Il existe une augmentation de fréquence significative du gène HLA Bw52 au Japon et en Corée et du HLA B5 en Inde.

En revanche, en Amérique du Nord et en France aucun groupe HLA de classe I ou II n’est sur-représenté.

B – CAUSE INFECTIEUSE :

Parmi les différentes étiologies infectieuses qui ont pu être évoquées, la tuberculose a souvent été incriminée.

En fait, la plupart des études récentes ne retrouvent pas une incidence plus élevée de la tuberculose ou des tests tuberculiniques positifs dans la maladie de Takayasu par rapport aux populations des pays correspondants et ont abandonné cette hypothèse.

Pathogénie :

Elle n’est pas bien connue mais a fait l’objet de plusieurs études au cours de ces dernières années.

A – MÉCANISME AUTO-IMMUN :

Nous verrons que la maladie de Takayasu peut être associée à d’autres maladies auto-immunes.

Le nombre de CD4 a été retrouvé élevé et les cellules infiltratives de la paroi aortique semblent être essentiellement des lymphocytes T tueurs et cytotoxiques.

Ces cellules relâcheraient un facteur cytolytique, la perforine, à la surface des cellules vasculaires artérielles.

Il semble exister un antigène cible spécifique dans le tissu aortique de nature encore inconnue.

Un taux élevé d’anticorps (Ac) anticellules endothéliales (qui sont sans doute les Ac antiaorte des anciens auteurs) a été retrouvé en Elisa.

Ces Ac ne sont cependant pas spécifiques puisque rencontrés dans d’autres vascularites.

B – ANOMALIES DE L’HÉMOSTASE :

Certains auteurs ont mis en évidence un état d’hypercoagulabilité et une élévation du thromboxane A2.

Des anticorps anticardiolipines sont parfois présents.

Clinique :

Classiquement, la maladie évolue en deux phases : une première phase dite systémique avec des signes généraux et, après un intervalle libre de quelques années, une deuxième phase vasculaire où dominent les manifestations ischémiques.

En France, une phase systémique est retrouvée dans 60 % des cas.

En fait, nombre de malades associent d’emblée des manifestations générales et ischémiques.

A – PHASE SYSTÉMIQUE :

Le diagnostic n’est généralement pas fait à ce stade car les symptômes sont trop vagues : fièvre, arthralgies, myalgies, amaigrissement.

Plus évocateurs sont la survenue d’une épisclérite ou d’un érythème noueux.

L’échodoppler et les nouvelles techniques d’imagerie permettent d’évoquer le diagnostic plus précocement, dès ce stade, en montrant un épaississement des parois artérielles.

B – PHASE VASCULAIRE :

Les sténoses progressent lentement.

La survenue de symptômes dépend de l’importance de la circulation collatérale.

1- Manifestations vasculaires périphériques :

Les symptômes d’appel vasculaires peuvent être la claudication d’un membre à l’effort, plus fréquente aux membres supérieurs qu’aux membres inférieurs, un phénomène de Raynaud.

À l’examen, on peut constater l’abolition d’un pouls périphérique, un souffle vasculaire, une asymétrie tensionnelle.

2- Manifestations neurologiques :

Les symptômes peuvent être des céphalées, des malaises, des accidents ischémiques transitoires, un vol sous-clavier, des pertes de connaissance.

Les crises comitiales sont rares en dehors de l’encéphalopathie hypertensive.

Les accidents vasculaires définitifs sont très rares, même lorsque plusieurs des axes à destinée cérébrale sont occlus.

Une carotidodynie (douleur sur le trajet des carotides) est un symptôme évocateur rencontré à la phase préischémique.

3- Manifestations oculaires :

La rétinopathie ischémique, qui a fait découvrir la maladie par Takayasu, est très rare en Europe et aux États-Unis. Elle est divisée en quatre stades : dilatation veineuse au stade 1, microanévrysmes au stade 2, anastomoses artérioveineuses au stade 3.

Les complications oculaires graves (stade 4) nécessitent une atteinte des quatre axes à destinée encéphalique.

Elles touchent le segment antérieur et postérieur de l’oeil et évoluent vers la cécité.

4- Hypertension artérielle (HTA) :

C’est une manifestation fréquente dont l’incidence est toutefois difficile à évaluer, car la pression artérielle est souvent sousestimée lorsqu’il existe une atteinte des deux artères sousclavières.

En Europe ou aux États-Unis, la prévalence de l’HTA est comprise entre 40 et 45 %.

À Singapour ou au Mexique elle est de l’ordre de 70 %.

Dans ces régions, il n’est pas rare que l’HTA soit révélatrice du Takayasu.

Les mécanismes de l’HTA sont multiples. L’HTA rénovasculaire est la plus fréquente.

Dans notre expérience, elle rend compte de 70 % des HTA.

Dans certains pays, l’artérite de Takayasu est la première cause d’HTA rénovasculaire du sujet jeune.

Sa démonstration a des conséquences thérapeutiques majeures. Les autres mécanismes de l’HTA ont un intérêt plus théorique que pratique.

L’HTA est un des principaux facteurs de mauvais pronostic au cours de l’artérite de Takayasu.

Il est possible qu’elle favorise l’apparition d’anévrysmes.

5- Manifestations cardiaques :

* Atteinte coronarienne :

Elle s’observe dans 7 à 10% des cas et se traduit par un angor chez 70 % des patients ; elle peut être inaugurale.

Le siège des lésions est le plus souvent ostial (près de trois quarts des cas) ou proximal.

* Atteinte valvulaire :

L’insuffisance aortique est la plus fréquente, sa prévalence est estimée à 10 % des cas ; elle survient habituellement 7 à 10 ans après les premiers symptômes, mais elle peut être inaugurale ; elle est essentiellement due à une dilatation de l’anneau ou de l’aorte ascendante ; elle nécessite parfois un remplacement valvulaire.

L’insuffisance mitrale est beaucoup plus rare et les lésions organiques de la grande ou de la petite valve sont exceptionnelles.

* Atteinte myocardique :

On a rapporté quelques cas de myocardites à cellules géantes avec expression clinique.

En fait, une étude systématique par biopsie endomyocardique semble montrer que les lésions myocardiques sont sous-estimées.

* Insuffisance cardiaque :

Elle est observée, en France, dans un tiers des cas parmi un collectif de 75 patients.

Les trois causes principales de l’insuffisance cardiaque de cette série étaient les lésions coronaires, l’HTA systémique, et les valvulopathies aortiques ou mitrales.

6- Manifestations artérielles pulmonaires :

Si on se limite aux malades symptomatiques, la prévalence dans notre expérience est de 7 %.

La pratique systématique d’une angiographie pulmonaire permet cependant de trouver une fréquence de 14 % en Inde à 50 % au Mexique, voire 70 % au Japon.

Ces manifestations peuvent être révélatrices de la maladie et, dans ce cas, le diagnostic est souvent initialement erroné.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) et le scanner spiralé sont, ici, des acquisitions importantes.

Trois types de lésions peuvent être individualisés :

– les plus caractéristiques sont les sténoses proximales.

Elles se traduisent par une dyspnée majorée par l’effort, des hémoptysies, des syncopes en rapport avec l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) ;

– les sténoses peuvent être plus distales, soit associées à des sténoses proximales, soit isolées et, dans ce cas, elles ressemblent aux sténoses pulmonaires congénitales.

Ces lésions entraînent des tableaux d’HTAP ;

– des artériolites pulmonaires ont été décrites.

Là encore le tableau est celui d’une HTAP avec un risque important de mort subite.

Une conséquence de la sténose progressive des gros troncs artériels pulmonaires est le développement de shunt gauche-droit essentiellement à partir des artères bronchiques.

On peut même observer des anastomoses coronaro-broncho-pulmonaires très évocatrices du Takayasu.

Ces anastomoses exposent à des hémoptysies massives.

7- Manifestations digestives :

Bien que les vaisseaux coeliaques et mésentériques soient souvent atteints, des manifestations gastro-intestinales, comme des nausées, de la diarrhée et des douleurs abdominales sont rares.

8- Manifestations rénales :

En principe l’artérite de Takayasu ne s’accompagne pas de manifestations rénales, même en présence de lésions sténosantes artérielles rénales et/ou d’une HTA.

Cependant, une protéinurie ou même un syndrome néphrotique, éventuellement associés à une hématurie et une insuffisance rénale sont possibles.

Une revue de la littérature est faite par Cavatorta et al.

On a décrit plusieurs cas d’amylose rénale et des glomérulonéphrites : soit simples proliférations mésangiales, soit glomérulonéphrite membranoproliférative, soit néphropathie à immunoglobulines (Ig) A, soit même glomérulonéphrite nécrosante avec croissants.

9- Manifestations cutanées :

Leur fréquence est estimée entre 3 et 28 %.

À la phase systémique, on observe fréquemment un érythème noueux.

À la phase vasculaire, les lésions les plus caractéristiques sont des nodules sous-cutanés des jambes, plus ou moins nécrotiques, souvent ulcérés, dont l’examen histologique montre soit un aspect de panniculite septale non spécifique, soit une vascularite granulomateuse avec cellules géantes.

Les aspects de pyoderma gangrenosum décrits essentiellement au Japon, et les érythèmes indurés de Bazin, décrits dans les pays où la tuberculose est fréquente, sont peu ou pas observés en Europe.

Biologie :

Il n’y a aucun test diagnostique spécifique de la maladie de Takayasu.

Classiquement, le syndrome inflammatoire est quasi constant lors de la phase systémique, puis sa fréquence diminue lors de la phase vasculaire et au fur et à mesure que l’on s’éloigne du début apparent de la maladie.

L’élévation de la vitesse de sédimentation (VS) est souvent utilisée comme marqueur d’activité de la maladie de Takayasu.

En fait, il apparaît que jusqu’à un tiers des malades avec une maladie active peuvent avoir une VS normale, nous y reviendrons. Nous avons vu le manque de spécificité des Ac antiaorte et anticellules endothéliales.

Des facteurs antinucléaires sont parfois retrouvés.

Le Water- Rose-latex est positif dans environ 5 % des cas.

La recherche d’antineutrophylic cytoplasmic antibody (ANCA) est habituellement négative.

Imagerie :

A – ANGIOGRAPHIE :

1- Angiographie conventionnelle :

Elle a longtemps été la seule imagerie disponible dans la maladie de Takayasu, et elle reste l’examen de référence.

Elle permet de visualiser au mieux, l’extension et le type d’atteinte vasculaire.

Elle permet aussi la mesure de la pression artérielle sanglante. Une aortographie complète est recommandée lors de l’évaluation initiale de la maladie en raison de la fréquence des lésions multiples et du caractère asymptomatique de certaines d’entre elles.

Les lésions sont segmentaires. Le plus souvent, il s’agit de longues sténoses en « queue de rat » ou d’occlusions de l’aorte et des gros vaisseaux près de leur origine.

Des lésions anévrysmales sont décrites dans 11 à 27 % des cas, sacciformes ou fusiformes touchant plus souvent l’aorte que ses branches.

Les anévrysmes disséquants sont rares.

Les artères le plus souvent atteintes en dehors de l’aorte sont les sous-clavières postvertébrales, les carotides primitives et les artères rénales. Au fil du temps, plusieurs classifications des lésions ont été proposées.

La plus simple reste celle de Lupi qui distingue : un type I pour une atteinte isolée de la crosse aortique et de ses branches, un type II pour des lésions de l’aorte abdominale et de ses branches, un type III regroupant des lésions de type I et II, un type IV pour les lésions des artères pulmonaires. Le type III est le plus fréquent dans presque toutes les séries, y compris en France.

Le type I est plus fréquent au Japon (30 à 65 % des cas).

Le type II est rare en dehors de l’Inde et de la Corée où il représente 23 à 32 % des cas.

2- Angiographie numérisée par voie artérielle :

Elle fournit une qualité d’image comparable à celle de l’artériographie conventionnelle au prix d’une toxicité moindre (réduction de 50 % de la dose de produit de contraste et de 70 % du temps d’examen).

Elle tend de plus en plus à supplanter l’angiographie conventionnelle.

Quelle que soit la méthode utilisée, l’angiographie a l’inconvénient de ne donner des renseignements que sur la lumière vasculaire et de ne pas donner de bonnes informations sur l’activité de la maladie : elle peut méconnaître un épaississement inflammatoire de la paroi vasculaire au début de la maladie, ou inversement montrer des lésions sténotiques correspondant à une phase de fibrose non active.

B – ÉCHOGRAPHIE DOPPLER (MODE B) :

Elle a une sensibilité équivalente, voire supérieure, à l’angiographie et proche des constatations autopsiques pour le diagnostic des lésions carotidiennes.

Elle peut aussi être utilisée pour les sous-clavières et l’aorte abdominale.

L’aspect est de plus spécifique, montrant un épaississement homogène et circonférentiel de la paroi vasculaire sur un long segment (signe du « macaroni »).

C’est une technique non invasive, utile pour le suivi évolutif des patients et au stade initial de la maladie.

Cependant cette technique ne peut pas être utilisée pour l’étude de l’aorte thoracique ou des artères pulmonaires et souvent pour les artères digestives.

Elle est de plus, bien sûr, opérateur-dépendante.

C – SCANNER ET ANGIOSCANNER :

Le scanner et surtout l’utilisation plus récente du scanner spiralé, avec injection de produit de contraste en bolus dans une veine périphérique, permettent de visualiser à la fois la lumière vasculaire comme sur une angiographie conventionnelle par reconstruction et d’apprécier sur les coupes transversales l’épaisseur de la paroi artérielle, permettant ainsi de détecter des anomalies plus précocement que l’angiographie.

L’aspect typique de l’aorte ou des artères pulmonaires est un épaississement circonférenciel de la paroi.

Un rehaussement circonférenciel précoce ou retardé ainsi qu’un anneau intimal de faible atténuation seraient pour certains un signe d’activité.

Des calcifications pariétales sont fréquentes. Par ailleurs, les thrombi intravasculaires sont mieux vus en angioscanner que sur les angiographies conventionnelles.

D – IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE (IRM) :

Elle n’a pas fait l’objet de beaucoup d’études dans la maladie de Takayasu.

Comme le scanner spiralé, c’est un équipement onéreux et peu adapté à certaines régions du monde où la maladie est fréquente.

De plus, cet examen est comparable à l’angiographie pour le diagnostic de sténoses ou de dilatation de l’aorte, mais s’avère insuffisant pour le diagnostic des lésions des troncs supra-aortiques.

L’épaississement de la paroi aortique est rarement constaté et l’IRM paraît moins sensible à ce titre que l’échodoppler.

Anatomopathologie :

Il s’agit d’une panartérite segmentaire à prédominance médioadventitielle.

À la phase active de la maladie, un infiltrat inflammatoire granulomateux à cellules géantes puis lymphoplasmocytaire envahit l’adventice, les vasa vasorum et la média ; on peut voir des images d’élastophagie.

L’inflammation s’étend rarement jusqu’à l’intima qui est le siège d’un épaississement fibrooedémateux réactionnel rétrécissant la lumière artérielle.

La destruction rapide des éléments musculoélastiques peut entraîner la constitution d’ectasies artérielles mais, le plus souvent, l’évolution se fait sur le mode sténosant : le processus inflammatoire s’efface et l’adventice et la média sont remplacées par un tissu scléreux avec possibilité de lésions athéromateuses secondaires.

En fait, très souvent des lésions histologiques actives sont observées au voisinage de lésions cicatricielles fibrotiques.

Maladies associées :

L’association avec la maladie de Crohn n’est pas fortuite.

La prévalence du Crohn au cours de la maladie de Takayasu est évaluée entre 1,5 et 3 % des cas, soit 100 fois plus que dans la population générale.

Dans les deux pathologies, on retrouve une sur-représentation du groupe HLA B5 ou BW52, et une prédominance pour la femme jeune.

Plusieurs observations d’association avec des spondylarthropathies ont été signalées.

En revanche, l’association lupus érythémateux disséminé et maladie de Takayasu est moins certaine, qu’il y ait ou non des antiphospholipides.

Quelques observations d’association avec la sarcoïdose, ou la maladie de Wegener ont été décrites.

CRITÈRES DIAGNOSTIQUES :

Il n’y a aucun marqueur spécifique de l’artérite de Takayasu.

Lorsqu’on n’a pas pu mettre en évidence une artérite granulomateuse de l’aorte, ou de ses branches, le diagnostic ne peut reposer que sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques, et d’imagerie.

Au moins quatre types de critères diagnostiques ont été proposés depuis 15 ans par des équipes françaises, japonaises ou américaines.

Ces critères sont parfois discutables, en particulier dans le choix des groupes contrôles.

Nous avons comparé 56 maladies de Takayasu confirmées histologiquement avec 41 athéromes aortiques et 11 dysplasies artérielles congénitales.

En exigeant trois de ces critères, la sensibilité est de 92 % et la spécificité de 100 % en présence d’une lésion macroscopique de l’aorte ou d’une de ses branches pour distinguer l’artérite de Takayasu des dysplasies congénitales et de l’athérome.

Les artérites radiques peuvent également ressembler sur une imagerie artérielle à l’artérite de Takayasu, mais l’antécédent de radiothérapie est généralement évident à l’interrogatoire.

La maladie de Horton avec localisations extracarotidiennes peut également être un diagnostic difficile.

Le critère distinctif essentiel est l’âge de début ; certaines équipes ont soutenu que l’aspect histologique était différent mais, en fait, si les lésions sont anciennes, la distinction est difficile sinon impossible.

Critères d’activité :

Des constatations opératoires ont montré que ni le syndrome inflammatoire biologique, ni l’association de critères cliniques et biologiques ne paraissent suffisants pour prédire l’activité de la maladie.

La série prospective du National institute of Health (NIH) de 1994 portant sur 60 patients a donc introduit l’angiographie séquentielle dans les critères d’activité de la maladie.

L’intérêt de l’analyse fine des lésions vasculaires au scanner spiralé comme marqueur d’activité reste à évaluer.

Histoire naturelle et pronostic :

L’évolution est difficile à schématiser car la maladie de Takayasu reste une maladie rare, touchant des vaisseaux mal accessibles aux biopsies.

De ce fait, les études sont souvent rétrospectives, sans critères diagnostiques ni paramètres d’activité uniformes, sans uniformité non plus dans les thérapeutiques dont certaines sont difficilement accessibles dans les pays les plus touchés.

La mortalité à 5 ans varie ainsi selon les séries récentes entre 2 % et 35 %.

Au Japon, dans une étude prospective portant sur 120 patients, le pourcentage de survie globale 15 ans après le diagnostic est de 82,9 %.

En Inde il est de 80,3 % à 10 ans.

L’insuffisance cardiaque, avec ou sans infarctus du myocarde, et les accidents vasculaires cérébraux sont les principales causes de mortalité.

Ishikawa a établi, par analyse multivariée de sa cohorte de 120 patients, trois facteurs de mauvais pronostic indépendants lors du diagnostic qui sont :

– l’existence d’une complication majeure (rétinopathie, hypertension sévère, insuffisance aortique sévère, anévrysme de diamètre deux fois supérieur à la normale) ;

– des signes d’activité clinique sévères (entraînant un handicap pour un travail assis sur l’échelle de qualité de vie) ;

– une VS supérieure à 20 mm.

Selon la répartition de ces facteurs, il classe les patients en trois stades de gravité avec un taux de survie à 15 ans corrélé.

Même si les résultats en termes de survie sont plutôt bons, il n’en est pas de même en qualité de vie.

En effet, dans l’étude de Kerr, seuls 25 % des patients ont une vie peu modifiée, respectivement 26 % et 47 % sont partiellement ou sévèrement handicapés.

Cas particuliers :

A – FEMME ENCEINTE :

Cette situation est fréquente, puisque la maladie touche préférentiellement les femmes en période d’activité génitale.

Il ne semble pas y avoir d’effet néfaste de la maladie de Takayasu sur la fertilité et sur le risque de pertes foetales.

En revanche, l’effet de la grossesse sur l’évolution de la maladie est moins clair : le plus souvent neutre ou favorable, tantôt défavorable surtout en cas d’HTA ou d’insuffisance cardiaque.

B – ENFANT :

Sur ce terrain, les signes systémiques sont plus fréquents ; l’aorte et les artères rénales sont les localisation préférentielles, si bien que l’HTA, les pseudocoarctations et l’insuffisance cardiaque sont fréquemment rencontrées.

Tout cela concourt à une mortalité plus élevée.

Traitement :

A – TRAITEMENT MÉDICAL :

Les corticoïdes (CS) sont utilisés en première intention dans les formes actives de la maladie.

L’hétérogénéité des patients des différentes séries de la littérature quant à leur activité explique que la posologie, la fréquence et la durée d’utilisation des CS soient très variables d’une étude à l’autre.

Dans la seule étude prospective sur le sujet de Kerr, portant sur 60 patients suivis sur une médiane de 5,3 ans, 12 patients n’ont pas les critères d’activité du NIH et ne sont pas traités, ils ne font pas de complications ; 48 patients ont des signes d’activité et sont traités par de la prednisone à la dose de 1 mg/kg pendant 1 à 3 mois, la posologie est ensuite progressivement diminuée sur 1 an.

Vingt-neuf (60 %) sont mis au moins une fois en rémission avec ce seul traitement.

On peut voir réapparaître un pouls ou une perméabilité artérielle chez les patients traités par CS.

Lorsque les CS sont inefficaces ou qu’il existe une corticodépendance, certains immunosuppresseurs ont fait la preuve de leur efficacité : l’azathioprine, le cyclophosphamide qui présente cependant des inconvénients à long terme avec des risques de cystite, de néoplasies et d’infertilité chez ces jeunes femmes.

Le méthotrexate a été utilisé dans une étude ouverte sur 18 patients à la dose moyenne de 17,1 mg/semaine, avec un recul moyen de 2,8 ans.

Une rémission a été obtenue chez 81 % des patients, mais la moitié rechutent à l’arrêt des traitements.

Au total, dans la série de Kerr, parmi les patients suivis 5 ans ou plus, 55 % rechutent au moins une fois.

Si la rechute n’a pas eu lieu dans les 5 premières années, elle devient plus rare par la suite, et 23 % des patients ne seront jamais mis en rémission.

Dans des formes graves pédiatriques avec HTA sévère et insuffisance cardiaque, l’irradiation lymphoïde totale semble améliorer les performances de l’autotransplantation.

B – RADIOLOGIE INTERVENTIONNELLE :

L’angioplastie percutanée (APC) a surtout été utilisée sur les artères rénales comme traitement de l’hypertension rénovasculaire.

Dans toutes les séries les résultats immédiats sont très bons (plus de 83 % de succès), tant cliniquement que radiologiquement, avec très peu d’incidents.

À distance, les résultats diffèrent un peu selon les auteurs : médiocres pour certains, très bons dans deux grandes séries portant sur 54 et 32 patients.

L’APC a aussi été utilisée pour dilater des artères de calibre identique comme l’artère mésentérique, le tronc coeliaque et les artères sous-clavières avec de très bons résultats, mais uniquement sur des sténoses courtes : de moins de 3 cm.

Plusieurs cas d’angioplastie coronaire efficaces ont été rapportés.

Enfin, cette technique a été appliquée sur des sténoses de l’aorte thoracique descendante, ou abdominale, responsables d’HTA ou de claudication des membres inférieurs.

Les meilleurs résultats, souvent retardés, concernent les sténoses concentriques de moins de 4 cm.

Quelques rares observations de pose efficace de stent aortique, coeliaque ou mésentérique ont été rapportées.

C – TRAITEMENT CHIRURGICAL :

Les indications doivent être mûrement réfléchies, car les sténoses artérielles serrées ou même les occlusions peuvent être peu symptomatiques, en raison de leur constitution très lentement progressive et du développement d’une circulation collatérale efficace.

De plus, la mortalité périopératoire est une cause non négligeable de la mortalité dans la maladie de Takayasu.

Certaines indications de revascularisation sont peu discutables.

Dans ces indications, la place de la chirurgie dépend de l’impossibilité technique de faire une angioplastie : HTA rénovasculaire par sténose unilatérale d’une artère rénale, sténose serrée et symptomatique d’une artère pulmonaire, angor instable par sténose coronarienne tronculaire : plus d’une soixantaine d’interventions pour lésions coronariennes sont rapportées dans la littérature, isolées ou associées à un remplacement valvulaire aortique.

D’autres indications sont plus discutables : revascularisation des troncs supra-aortiques (car les accidents vasculaires cérébraux sont rares), revascularisation d’un membre supérieur pour claudication à l’effort, revascularisation des troncs digestifs ou même remplacement de l’aorte descendante par une aorte ventrale, avec réimplantations multiples.

Lorsqu’un geste chirurgical est nécessaire, il doit être habituellement suivi d’une corticothérapie pour éviter les occlusions des anastomoses ou des pontages.

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