Dupuytren en
1831, la rétraction de l’aponévrose palmaire fait l’objet de
nombreuses discussions.
Son origine et les processus
physiopathologiques impliqués dans son développement demeurent
obscurs.
Sans une bonne compréhension des facteurs causaux, les
choix thérapeutiques restent d’autant plus incertains que la maladie
fait preuve d’une extrême variabilité d’un patient à l’autre et
probablement aussi selon les aires géographiques, ce qui rend
illusoire la simple transposition des résultats publiés.
A - ÉVOLUTION DES TECHNIQUES CHIRURGICALES
:
Les premières interventions pour maladie de Dupuytren étaient de
simples fasciotomies.
Sans anesthésie, à une époque où l’infection
était un risque majeur, les candidats pour une chirurgie élective
n’étaient certainement pas nombreux alors que l’affection est
indolore.
Ces interventions limitées étaient suivies de nombreuses
récidives.
Avec les progrès de l’anesthésie, les interventions
devinrent plus agressives, les fasciectomies plus étendues.
L’objectif
de réduction du nombre de récidive ne fut que partiellement atteint
au prix d’une augmentation du risque de complications et de pertes
fonctionnelles inacceptables comme les raideurs avec perte de
flexion des doigts.
Ainsi, les fasciectomies radicales qui furent à
une époque recommandées ont depuis été condamnées.
Des fasciectomies plus limitées ont donc été proposées, les brides étant
abordées soit par des incisions palmaires en zigzag soit par des
incisions longitudinales secondairement converties en plasties en Z.
Des études comparatives portant sur l’incidence des
complications ont cependant confirmé des travaux antérieurs et démontré un taux de nécrose des lambeaux d’environ 10 % que
seule la technique de la paume ouverte popularisée par McCash
permettait de réduire.
Cette dernière technique n’est cependant pas
dépourvue d’inconvénients puisqu’elle ne permet pas de résoudre
le difficile problème des envahissements digitaux et qu’elle impose
des pansements pendant 4 à 6 semaines.
La revue multicentrique de 990 interventions publiée par McFarlane illustre bien le risque de complications après
fasciectomie limitée : 19 % de complications toutes formes
confondues et perte de flexion et algoneurodystrophie survenant
ensemble ou séparément dans 10 % des cas.
B - CONCEPTIONS ACTUELLES DU TRAITEMENT
CHIRURGICAL
:
Le nombre élevé de complications, la relation quasi directe entre
l’étendue de la chirurgie et la morbidité postopératoire et la
fréquence des récidives quel que soit le type de fasciectomie
posent clairement les problèmes liés à la chirurgie de la maladie de
Dupuytren :
– bien que les récidives soient fréquentes, la maladie de Dupuytren
n’est pas un cancer ;
– la plupart des patients sont opérés pour une rétraction des doigts
qui ne provoque que peu de déficit fonctionnel ce qui rend les
complications et les risques de raideur qu’elles entraînent d’autant
moins acceptables ;
– les fasciotomies simples sans résection de l’aponévrose, telles
qu’elles furent proposées initialement par Dupuytren, n’entraînent
que peu de complications mais ne permettent généralement pas une
correction complète de la rétraction et sont habituellement suivies
de récidives précoces.
Ces constatations expliquent le développement plus récent de
techniques chirurgicales moins agressives qui visent à réduire le
nombre de complications sans augmenter le risque de récidive :
– la fasciectomie segmentaire ;
– la fasciotomie à l’aiguille, simple actualisation des fasciotomies
anciennes ;
– la fasciotomie chimique proposée beaucoup plus récemment.
Ces techniques sont largement développées dans la suite de ce
chapitre.
Rappels anatomiques
:
Le tissu conjonctif de la main forme un fascia continu, une sorte de
squelette fibreux dont on ne peut dissocier les différents éléments
constituants que pour les besoins de la description.
A - APONÉVROSE PALMAIRE SUPERFICIELLE
:
Elle se compose de trois parties : une partie moyenne ou aponévrose
palmaire moyenne et deux latérales qui recouvrent les éminences
thénar et hypothénar.
La zone centrale est, sur le plan pathologique,
la plus importante.
C’est une lame fibreuse triangulaire à sommet
proximal qui recouvre les tendons fléchisseurs et les pédicules vasculonerveux des doigts.
Elle est constituée de fibres
longitudinales, transversales et sagittales qui présentent certaines
zones de condensation.
1- Fibres longitudinales
:
* Globalement
:
Elles sont disposées en éventail.
Quatre épaississements, un pour
chaque rayon, sont identifiables et forment les fibres prétendineuses.
Elles semblent souvent en continuité
anatomique avec le tendon du petit palmaire (palmaris longus) audessus
du ligament annulaire antérieur du carpe mais ont
une origine embryologique différente et se colorent différemment
comme l’ont montré les travaux de Caughell et al.
Elles subsistent
d’ailleurs en l’absence de ce tendon.
* Au-delà des fibres transversales
:
Les fibres prétendineuses se divisent en trois niveaux qui ont des
insertions distales différentes.
Les fibres les plus superficielles ont une insertion dans le derme à
mi-chemin entre le pli palmaire distal et le pli cutané de la base du
doigt.
Cette insertion est importante dans la maladie de Dupuytren puisque, attirée en direction du pli palmaire distal, une
ombilication peut se former accompagnée d’un renflement de la
peau intermédiaire.
Cette bride prétendineuse peut secondairement
envahir le ligament natatoire.
Si cette rétraction est isolée, il n’y a
pas de déplacement du pédicule neurovasculaire.
Les fibres de ce niveau passent en dessous du ligament natatoire
puis sous le pédicule neurovasculaire en direction du doigt.
Normalement elles forment un réseau lâche dans la commissure
mais, dans la maladie de Dupuytren, elles peuvent s’orienter et
devenir parallèles.
Cette transformation a été bien décrite par
Gosset et McFarlane.
Quand une telle bride se développe,
elle déplace le pédicule vasculonerveux de la base du doigt et
augmente le risque de lésion chirurgicale.
Les fibres les plus profondes passent sur les côtés des gaines des
tendons fléchisseurs, perforent le ligament intermétacarpien, passent
autour de l’articulation métacarpophalangienne et rejoignent les
expansions des tendons extenseurs.
Il ne faut pas les confondre
avec les septa de Legueu et Juvara.
Les fibres profondes sont en
continuité avec les fibres prétendineuses et elles plongent en
profondeur distalement par rapport aux fibres transversales de
l’aponévrose.
Les septa de Legueu et Juvara sont situés sous
les fibres transversales.
2- Fibres transversales
:
On distingue les fibres transversales de l’aponévrose palmaire et les
ligaments natatoires ou palmants, encore appelés ligaments
interdigitaux.
Il faut aussi parler du ligament transverse profond qui
correspond à l’épaississement de l’aponévrose palmaire profonde en
avant des têtes métacarpiennes.
* Fibres transversales de l’aponévrose palmaire
:
Elles sont bien individualisables, juste sous les fibres prétendineuses
auxquelles elles ne sont que lâchement adhérentes.
Les septa
de Legueu et Juvara naissent à la face profonde des fibres
transversales, se dirigent perpendiculairement à la surface palmaire,
encerclent les tendons fléchisseurs et se mêlent aux fibres du
ligament transverse profond.
Le bord distal des fibres
transversales est situé à l’aplomb du pli palmaire distal.
Manske
leur attribue un rôle de poulie de l’appareil fléchisseur.
Latéralement, les fibres s’étendent jusqu’au fascia qui recouvre les
éminences thénar et hypothénar.
Defrenne et Tubiana ont
donné le nom de ligament commissural proximal à une extension
des fibres vers le premier rayon.
* Ligament transverse profond
:
C’est une extension distale de l’aponévrose palmaire profonde qui
s’étend de la deuxième à la cinquième articulation métacarpophalangienne.
Elle est formée de fibres épaisses en
continuité avec les plaques palmaires.
* Ligaments natatoires ou palmants
:
Ces ligaments occupent la partie distale de la paume à la jonction
avec les doigts.
Leurs fibres soutiennent la peau des
commissures interdigitales.
L’équivalent du ligament natatoire dans
la première commissure est aussi appelé ligament commissural
distal.
B - DOIGT
:
1- Fibres verticales
:
Le terme vertical, bien qu’anatomiquement imprécis, signifie
perpendiculaire à la peau palmaire.
Ces fibres sont nombreuses sur
les éminences thénar et hypothénar de même que dans la paume
centrale où elles sont concentrées de part et d’autre des plis
palmaires.
Elles sont séparées par de petits lobules graisseux qui
contribuent à l’effet amortisseur de la paume.
Notre compréhension de l’anatomie des fascia digitaux doit
beaucoup aux travaux de Gosset, Landsmeer, Stack et
Thomine.
2- Base des doigts
:
Comme nous l’avons vu précédemment, les fibres les plus
superficielles des bandes prétendineuses de l’aponévrose palmaire
ont une insertion dans le derme distalement par rapport au pli
palmaire distal.
Les fibres intermédiaires passent sous les pédicules neurovasculaires de part et d’autre des articulations pour rejoindre
les côtés des doigts et éventuellement former les brides spirales.
Au
même niveau, le ligament natatoire est constitué de fibres qui
croisent la paume distale mais aussi de fibres qui s’entrecroisent au
sommet de la commissure pour rejoindre le versant latéral du doigt,
se mélanger aux fibres spirales et finalement former le fascia latéral
digital.
Une structure tridimensionnelle à travers laquelle
passent nerfs et vaisseaux est donc créée.
3- Fascia digital
:
En surface, il est plus ou moins cylindrique, graisseux dans ses
parties dorsale et palmaire mais plus dense sur les côtés.
Plus
profondément, on observe des condensations fibreuses, les ligaments
de Cleland et Grayson.
Seules certaines de ces structures
peuvent être envahies par la maladie de Dupuytren.
* Ligaments de Cleland
:
Ce sont des structures fibreuses assez épaisses qui s’étendent des
bords des phalanges jusqu’à la peau en regard des articulations
interphalangiennes.
Les pédicules vasculonerveux sont
antérieurs par rapport aux ligaments de Cleland qui ne sont jamais
entrepris par la maladie de Dupuytren.
* Ligaments de Grayson
:
Ils sont plus fins que les précédents. Ils s’étendent de la gaine des
tendons fléchisseurs à la peau latérale du doigt en passant en avant
des pédicules neurovasculaires.
Ils se trouvent dans le
même plan que les ligaments natatoires, ils ont la même origine
embryologique et tout comme eux peuvent être envahis par la
maladie de Dupuytren.
C - BORD RADIAL DE LA MAIN
:
Seuls quelques auteurs se sont intéressés à cette région et les
descriptions qu’ils donnent de l’anatomie des aponévroses de la
première commissure sont un peu confuses, sans doute parce que
les structures sont mal définies.
Il y a trois structures
aponévrotiques.
1- Fibres prétendineuses
:
Seules quelques fibres, souvent indistinctes, se dirigent vers la base
du pouce.
Elles correspondent aux fibres longitudinales les plus
externes du fascia palmaire superficiel.
Les unes, profondes, vont
s’attacher des deux côtés de la gaine fibreuse du long fléchisseur du
pouce.
Les autres, plus superficielles, s’attachent au derme.
La bande prétendineuse destinée à l’index est plus dense, s’étend
sur le bord radial de la main en envoyant de très nombreuses fibres
cutanées sur tout son trajet.
Elles forment les plis cutanés de la base
de l’éminence thénar.
2- Fibres transversales de l’aponévrose palmaire
:
Elles se dirigent, en formant un arc régulier, du côté radial de l’index
pour s’insérer sur le pli cutané à la base du pouce.
Elles forment le
ligament commissural proximal.
3- Ligament natatoire
:
Certaines fibres se prolongent au-delà de l’index, croisent la
commissure en suivant le pli cutané et rejoignent le pouce.
Elles
forment ce que Tubiana et Defrenne ont appelé le ligament
commissural distal.
D - BORD CUBITAL DE LA MAIN
:
C’est certainement une région anatomique très importante parce que
souvent envahie par la maladie de Dupuytren.
Les récidives y sont
fréquentes et probablement liées à des atteintes méconnues centrées
sur l’aponévrose des muscles hypothénariens.
L’extrémité
tendineuse de l’abducteur du 5e doigt est le point de rencontre de
fibres aponévrotiques qui irradient dans toutes les directions :
– proximalement, les fibres tendineuses se mêlent à des fibres
provenant de l’aponévrose des muscles hypothénariens ;
– du côté radial, le tendon de l’abducteur est attaché à la plaque
palmaire de l’articulation métacarpophalangienne qui se prolonge
vers le ligament transverse profond ;
– du côté cubital, de fines fibres se dirigent vers la face profonde de
la peau et sont à l’origine de nombreux nodules qui se forment à ce
niveau ;
– dorsalement, des fibres rejoignent l’expansion de l’extenseur ;
– du côté palmaire, des fibres bien développées rejoignent le
ligament palmant et le ligament de Grayson en passant en avant du
pédicule neurovasculaire.
Anatomie de l’aponévrose
pathologique :
La maladie de Dupuytren provoque la formation de nodules,
d’ombilications cutanées, de déformations des plis palmaires et de
brides responsables de rétractions et de perte d’extension des doigts.
Malgré les multiples associations et permutations des lésions qui
peuvent être observées, leur distribution ne se fait pas au hasard
mais peut au contraire s’expliquer sur la base d’un raccourcissement
pathologique de structures aponévrotiques normalement
présentes.
Toutes les structures aponévrotiques ne sont
pas atteintes avec la même fréquence, certaines ne le sont jamais.
A - APONÉVROSE PALMAIRE
:
Elle est presque toujours atteinte.
Les fibres prétendineuses
superficielles qui s’insèrent dans le derme profond sont responsables
de la formation de nodules, d’ombilications cutanées et surtout du
déficit d’extension des articulations métacarpophalangiennes.
Comme nous l’avons vu précédemment, la bande prétendineuse
pour le pouce est habituellement mal individualisée et celle de
l’index s’insère essentiellement sur le bord radial de la paume.
Ceci
explique pourquoi le déficit d’extension métacarpophalangienne
dans ces deux rayons est inhabituel et généralement peu important.
Pour le chirurgien, quelques considérations dérivées de l’anatomie
sont importantes :
– les nodules palmaires sont fréquents et leur disposition est
constante, soit proximalement par rapport aux fibres transversales
soit distalement par rapport au pli palmaire distal dans la zone
d’insertion dermique des fibres prétendineuses superficielles ;
– le nodule distal est donc très adhérent à la peau, sa dissection est
difficile et le risque de dévascularisation des petits lambeaux cutanés
levés à ce niveau est grand ;
– le nodule proximal n’est pas adhérent et sa dissection est aisée ;
– la dissection des bandes prétendineuses est aisée puisque leur
rétraction ne déplace pas les pédicules neurovasculaires ;
– le pronostic des corrections des rétractions métacarpophalangiennes
est donc bon.
1- Fibres transversales
:
Comme Skoog l’a montré, ces fibres ne sont jamais envahies et
doivent donc être préservées lors des corrections chirurgicales.
L’extension de ces fibres vers la première commissure est parfois
pathologique et peut imposer une correction chirurgicale.
2- Ligaments natatoires
:
Ils sont fréquemment atteints.
Leur rétraction entraîne la fermeture
des commissures et limite l’écartement des doigts.
Leurs fibres
participent à la formation du fascia digital latéral.
L’atteinte de ces
ligaments peut donc mener à une rétraction des articulations interphalangiennes proximales (IPP).
L’extension radiale du ligament natatoire vers le pouce et la
première commissure (ligament commissural distal) peut aussi être
notée.
La bride qui se développe alors rejoint fréquemment
le fascia digital du côté radial de l’index.
L’interaction complexe entre les fibres cubitales du ligament
natatoire, l’aponévrose hypothénarienne et l’abducteur du 5e doigt
a été décrite précédemment.
Leur point de rencontre est souvent le
siège d’un volumineux nodule.
B - LOCALISATIONS DIGITALES
:
Quatre brides jouent un rôle, seules ou en association, dans le déficit
d’extension de l’articulation IPP.
Chacune se développe dans du
tissu aponévrotique normalement présent.
Les lésions peuvent donc être symétriques mais habituellement elles
prédominent nettement sur un versant du doigt, ce qui est un
argument de plus en faveur du rôle des contraintes biomécaniques
dans la progression de la maladie.
Les brides rétractées déplacent les pédicules neurovasculaires et une
bonne compréhension de l’anatomie des lésions est donc
indispensable pour éviter les complications chirurgicales.
1- Bride centrale
:
La discontinuité anatomique observée dans la main normale entre
les fibres longitudinales du fascia superficiel et le fascia digital n’est
qu’apparente, le relais étant assuré par les attaches cutanées à
hauteur du bourrelet digitopalmaire.
La bride centrale est donc une extension directe de la bride prétendineuse palmaire qui reste sous-cutanée sur la longueur de la
phalange proximale.
Elle court entre les pédicules neurovasculaires
et est intimement fixée à la peau en amont de l’IPP où un nodule est
presque toujours observé de même d’ailleurs qu’à la base du doigt.
Plus distalement, sur la deuxième phalange, elle s’attache à la gaine
tendineuse et au périoste mais n’a plus de contact avec la peau.
Quelques fibres du ligament de Grayson sont souvent atteintes, ce
qui attire le pédicule neurovasculaire en position plus centrale.
C’est une cause fréquente de rétraction de l’IPP.
La correction
chirurgicale est de bon pronostic l’articulation n’étant pas fixée en
flexion, ce que confirme la possibilité de réextension un fois que la
bride est détendue par la flexion de la métacarpophalangienne.
2- Bride spirale
:
Elle se développe au départ soit de la couche moyenne des fibres prétendineuses du fascia palmaire soit du tendon de l’abducteur du
5e doigt.
Dans les deux cas, elle court en arrière du pédicule neurovasculaire juste en aval de l’articulation
métacarpophalangienne et rejoint le fascia digital latéral.
De là, elle
s’étend en avant du pédicule et se fixe sur la gaine des fléchisseurs à
hauteur de la deuxième phalange par l’intermédiaire du ligament
de Grayson.
Elle s’enroule donc autour du pédicule d’où son nom.
3- Bride latérale
:
Elle provient de l’envahissement du fascia latéral digital par la
maladie.
Elle est presque toujours associée à des lésions du ligament
natatoire.
Elle a peu d’impact sur la position du pédicule neurovasculaire et ne provoque que peu de rétraction.
4- Bride rétrovasculaire
:
Cette bride a été décrite par Thomine.
Son existence, distincte
du ligament de Cleland, n’est pas certaine.
C’est une condensation
de fibres longitudinales en arrière du pédicule neurovasculaire qui
pourrait être responsable d’une rétraction interphalangienne distale.
C - CARACTÉRISTIQUES SPÉCIFIQUES DE CHAQUE DOIGT
:
Le pouce, l’index et l’auriculaire présentent quelques particularités.
1- Pouce
:
L’atteinte du pouce et de la première commissure est fréquente. Elle
ne devient que rarement très invalidante.
Habituellement, le premier signe en est l’apparition d’un nodule
dans le pli de flexion proximal de la base du pouce.
Ce nodule peut
être connecté à toutes les bandes aponévrotiques décrites
précédemment : fibres prétendineuses, ligaments commissuraux
proximal et distal.
L’atteinte prétendineuse ne provoque que rarement un déficit
d’extension de l’articulation métacarpophalangienne mais elle peut
limiter l’extension et l’abduction du doigt.
Les brides pathologiques restent toujours superficielles par rapport
aux pédicules vasculonerveux qui ne sont donc pas déplacés.
L’envahissement de la première commissure provoque sa rétraction
mais aussi, parfois, un déficit d’extension de l’IPP de l’index.
2- Index
:
Il n’est pas souvent atteint.
La rétraction métacarpophalangienne est
rare puisque la bride prétendineuse est faible et s’insère plutôt sur
le bord radial de la paume comme nous l’avons vu.
La
rétraction de l’IPP est habituellement peu importante et est rarement
due à une bride centrale.
Le plus fréquemment, la bride se
développe en continuité avec le ligament commissural distal qui
rejoint le fascia digital du côté radial.
3- Auriculaire
:
Les variations y sont les plus fréquentes.
C’est surtout sur ce doigt
que l’on rencontre des lésions digitales isolées, sans continuité avec
l’aponévrose palmaire car si la rétraction métacarpophalangienne est
souvent uniquement due aux fibres prétendineuses, toutes les autres
brides peuvent être responsables d’une rétraction de l’IPP.
Ceci explique sans doute pourquoi la correction des déformations est moins satisfaisante à ce niveau.
C’est aussi sur le 5e doigt
que l’on observe les rétractions les plus importantes dépassant
parfois 90o sur l’IPP.
L’hyperextension de la phalange distale se voit surtout sur le 5e
doigt associée à une rétraction sévère de l’IPP.
Elle peut cependant
se développer en l’absence de rétraction métacarpophalangienne.
La
déformation est le plus souvent fixée mais parfois elle se corrige
spontanément lorsque le patient fléchit le doigt.
L’hyperextension
persiste souvent après la correction de la rétraction IPP.
Deux
mécanismes sont responsables de son apparition.
Le plus rare a été
décrit par Huesto : une plaque fibreuse indurée au dos de la 2e
phalange limite l’excursion du tendon extenseur.
Le mécanisme le
plus fréquemment invoqué est celui d’une fixation des bandelettes
latérales du tendon extenseur par le tissu fibreux palmaire.
Comme
l’a montré Thomine, les brides latérales et rétrovasculaires sont
en contact étroit avec ces structures tendineuses.
L’aggravation de la
rétraction IPP est responsable d’un relâchement de l’appareil
extenseur au dos de l’IPP, dû à la distension de son insertion centrale
sur la base de la 2e phalange.
Les lésions ressemblent alors beaucoup
à celles observées dans les déformations en boutonnière
traumatiques ou rhumatismales et ne correspondent donc pas à un
envahissement des structures dorsales du doigt par du tissu
pathologique.
D - LOCALISATIONS DORSALES ET COUSSINETS DES
PHALANGES (KNUCKLE PADS DES AUTEURS
ANGLO-SAXONS)
:
Des épaississements cutanés au dos des articulations sont souvent
observés.
Leur présence a été associée à une évolution plus
agressive de la maladie et à un risque plus élevé de récidive mais
il n’y a pas unanimité sur le sujet.
Ces épaississements peuvent être observés dans des doigts non
rétractés et précèdent parfois de plusieurs années l’apparition des
symptômes caractéristiques de la maladie de Dupuytren. Ils peuvent
aussi rester isolés.
Ceci semble confirmer que la maladie est une
affection plus générale du tissu conjonctif que ne le laisserait prévoir
le seul examen de la paume de la main.
Histopathologie du tissu conjonctif
:
Certaines caractéristiques histopathologiques de la maladie de
Dupuytren ont des conséquences pratiques importantes pour le
choix du traitement le plus approprié et pour la compréhension de
l’évolution de la maladie, notamment celle des récidives.
Nous les
résumons brièvement.
A - HISTOPATHOLOGIE
:
La maladie de Dupuytren n’est pas seulement une maladie de
l’aponévrose palmaire mais elle entreprend toutes les structures, de
la peau à la gaine tendineuse.
La caractéristique essentielle de la
maladie est la prolifération de fibroblastes dans des nodules se
formant dans l’aponévrose qui se rétracte.
Il n’y a pas de
démarcation nette entre ces nodules et le fascia qui les entoure.
Contrairement à ce que l’on observe dans les tumeurs desmoïdes, il
n’y a jamais d’invasion du tissu musculaire.
La cellularité des
nodules est indicatrice de l’activité des changements dans le tissu
conjonctif ce qui a permis à Luck de définir trois stades évolutifs :
– prolifératif : à ce stade, les fibroblastes se multiplient sans
organisation claire et ne sont pas alignés avec les lignes de tension ;
– involution : les fibroblastes s’orientent selon les lignes de tension
qui traversent le nodule.
Les brides qui apparaissent alors dans
l’aponévrose peuvent d’ailleurs être considérées comme
représentant une hypertrophie réactionnelle en réponse aux tensions
répétées sur la main ;
– résiduel : les nodules disparaissent laissant seulement une zone
d’adhérences serrées et la bride proximale réactionnelle qui à ce
stade est quasi acellulaire et ressemble à un tendon.
Ces stades peuvent coexister dans le même fascia et différentes
populations cellulaires prédominent dans chacune des trois phases :
– prolifératif : nombreux fibroblastes, quelques myofibroblastes,
quelques fibrilles de collagène ;
– involution : prédominance de myofibroblastes entourés de
faisceaux de matériel fibrillaire (fibronectine) ;
– résiduel : le tissu est composé de fibrilles de collagène et de
quelques fibroblastes.
De manière générale, la cellularité des nodules est grande alors que
les brides, constituées de fibres de collagène disposées en faisceaux
denses, sont presque acellulaires.
B - MYOFIBROBLASTE
:
Le rôle des fibroblastes paraît donc essentiel dans la genèse des
lésions.
Les observations publiées par Gabbiani et Majno en 1972
montrant la présence de myofibroblastes dans la maladie de
Dupuytren, semblables à ceux observés dans le tissu de granulation
où ils sont considérés comme responsables de la contraction des
plaies, ont donné une explication plausible à la rétraction de
l’aponévrose.
Le terme de myofibroblaste s’applique à un type
particulier de fibroblastes mis en évidence en microscopie
électronique.
La contraction in vitro de tissus contenant des myofibroblastes en
réponse à des substances connues pour provoquer la contraction de
muscles lisses suggère fortement qu’ils sont responsables de la
rétraction des plaies et de l’aponévrose dans la maladie de
Dupuytren.
C - MYOFIBROBLASTES ET MALADIE DE DUPUYTREN
:
La présence et le rôle des myofibroblastes dans la maladie de
Dupuytren ont été étudiés indépendamment par de nombreux
auteurs.
Schürch et al. et Gabbiani résument ainsi les
nombreuses publications sur le sujet :
– le type cellulaire principal trouvé dans les nodules de Dupuytren
est non seulement capable de se contracter mais est également
capable de synthétiser du collagène de type III ; les mêmes caractères
sont présents dans les myofibroblastes retrouvés dans le tissu de
granulation de plaies qui cicatrisent ;
– il est donc hautement probable que les myofibroblastes des
nodules soient responsables de la rétraction de l’aponévrose ;
– le même type de myofibroblastes est retrouvé dans les cicatrices
hypertrophiques et dans d’autres fibromatoses ;
– dans le nodule, les cellules qui expriment les marqueurs cytosquelettiques des muscles lisses sont plus nombreuses au centre,
dans la région proliférative, qu’en périphérie ;
– quand du tissu de granulation se résorbe après fermeture d’une
plaie, les myofibroblastes disparaissent et du collagène de type I est
mis en évidence ; de même, dans la phase involutive de la maladie
de Dupuytren, les myofibroblastes sont remplacés par des fibrocytes
qui n’expriment plus les caractéristiques des muscles lisses et le
collagène de type III est remplacé par du collagène de type I.
Il faut cependant noter que des myofibroblastes sont normalement
présents dans l’aponévrose palmaire en dehors de l’existence d’une
maladie de Dupuytren mais leur nombre augmente très fortement
en cas de maladie.
On a également pu montrer que la prolifération myofibroblastique
dans la maladie de Dupuytren dépasse largement les limites du
fascia pour atteindre le derme et même l’épiderme.
Ceci explique
sans doute le nombre important de récidives après fasciectomie
simple.
D - FACTEURS D’INITIATION ET DE PROPAGATION DE LA
MALADIE DE DUPUYTREN :
L’hypoxie locale a été évoquée comme facteur déclenchant de la
différenciation des myofibroblastes et donc comme facteur favorisant
dans l’apparition de la maladie de Dupuytren.
D’autres études
ont montré le rôle joué par plusieurs facteurs de croissance.
Lappi et al. ont développé un modèle qui associe des
microhémorragies liées à une maladie vasculaire ischémique, à une
pathologie hépatique ou à des traumatismes locaux, tous facteurs
connus pour augmenter l’incidence de la maladie de Dupuytren, et
la production de facteurs de croissance.
Ce schéma incorpore tout ce
qui est connu au point de vue de l’étiologie, de l’histologie et de la
biochimie de la maladie et ouvre de nouvelles perspectives pour un
traitement médical plutôt que chirurgical de l’affection.
E - IMPLICATIONS POUR LE TRAITEMENT
:
Les différents éléments qui viennent d’être développés ont de
nombreuses implications pratiques :
– il est impensable de pouvoir réséquer chirurgicalement tout le
tissu pathologique ;
– puisque l’activité de la maladie est concentrée dans les nodules,
c’est sur eux, essentiellement, que doit porter le traitement ;
– la bride, qui est réactionnelle, ne fait que fixer la rétraction et ne
joue aucun rôle dans l’évolution de la maladie ;
– grâce à une meilleure compréhension des mécanismes cellulaires
impliqués, il sera peut-être un jour possible d’interférer dans la
production de collagène ou de bloquer soit la production de facteurs
de croissance soit celle de leurs récepteurs ;
– le traitement définitif de la maladie de Dupuytren sera donc
probablement médical mais pour le moment l’approche ne peut être
que symptomatique, visant essentiellement à corriger les rétractions.
Épidémiologie, facteurs pronostiques
et diathèse
:
Pour pouvoir conseiller efficacement les patients dans le choix du
traitement le plus adapté, il est important d’avoir une idée assez
précise des résultats que l’on peut espérer.
En dehors de la qualité
de la chirurgie, certaines caractéristiques propres au patient jouent
manifestement un rôle.
A - DIATHÈSE
:
Hueston a cru pouvoir mettre en évidence certaines
caractéristiques de la maladie de Dupuytren qui entraînent une
évolution plus agressive de la rétraction ainsi qu’une plus grande
propension à développer des récidives après intervention.
Il a
regroupé ces caractéristiques sous le terme de diathèse.
En dehors
de la race, il isole quatre facteurs importants : le jeune âge du
patient, la bilatéralité de l’atteinte, un histoire familiale positive et
l’atteinte d’autres localisations.
1- Race
:
À de très rares exceptions près, la maladie n’est observée que chez
les Européens et leurs descendants émigrés dans le monde.
Le
climat, la température, l’humidité ne semblent donc pas jouer de
rôle.
Même en Europe, la distribution n’est pas homogène puisque
la maladie est beaucoup plus fréquente dans le nord que dans le
sud.
Un gène répandu par les Celtes ou, selon des études plus
récentes, par les Vikings a été invoqué mais n’a, jusqu’à présent,
jamais été identifié.
2- Atteinte bilatérale et autres localisations
:
Les épaississements cutanés au dos des articulations (coussinets
phalangiens ou knuckle pads), la fibromatose plantaire (maladie de
Ledderhose) et la fibromatose pénienne (maladie de La Peyronie)
sont souvent, isolément ou non, associés à la maladie de Dupuytren.
Ces dépôts ectopiques de tissu fibroblastique sont interprétés par Hueston comme des signes aggravants mais il n’a publié aucune
donnée chiffrée pour confirmer cette affirmation.
Il en est de même
pour l’atteinte bilatérale.
3- Début précoce des symptômes
:
Déterminer l’âge de début d’une maladie habituellement lentement
progressive n’est pas aisé.
Un début avant 45 ans est cependant
interprété par Hueston comme de mauvais pronostic.
4- Antécédents familiaux
:
De nombreux auteurs ont noté la présence d’une maladie de Dupuytren chez plusieurs membres de la même famille mais la
nature exacte de cette relation familiale reste incertaine. L’analyse la
plus détaillée du sujet a été réalisée par Ling qui a examiné
832 membres de la famille de 50 patients.
Alors que par simple
interrogatoire, seulement 16 % des patients connaissaient des
membres de la famille atteints par la maladie, l’étude a montré que
ce pourcentage passait à 68 % après examen systématique
démontrant ainsi le peu de fiabilité de l’information recueillie auprès
du patient.
Cette étude n’est cependant pas dépourvue de biais
statistiques dans la mesure où l’auteur a dû introduire des facteurs
de correction pour tenir compte du fait que certains membres des
familles examinées pouvaient être soit trop jeunes pour avoir déjà la
maladie soit être décédés sans que l’on sache s’ils étaient atteints ou
non.
La présence d’antécédents familiaux de la maladie est souvent
interprétée comme un signe aggravant.
Il s’agit cependant d’un
signe douteux car, comme l’a mis en évidence l’étude de Ling, on ne
peut tirer aucune conclusion de l’absence d’information sur une
maladie non létale apparaissant généralement à un âge avancé et
pour laquelle beaucoup de patients ne cherchent pas à être traités.
B - FACTEURS PRONOSTIQUES
:
Le terme de diathèse ou prédisposition est difficile à définir et baser
un index de sévérité de la maladie sur des critères aussi peu fiables
que l’histoire familiale ou l’âge d’apparition des symptômes ne
clarifie pas la situation.
Des études statistiques plus fouillées ont
permis de définir de manière plus objective les relations
significatives entre plusieurs variables supposées avoir une valeur
pronostique.
Nous ne pouvons en présenter ici que les conclusions.
Bien que ces trois études aient été faites sur des
populations différentes, leurs conclusions sont convergentes, ce qui
confirme la valeur de leurs observations.
De l’analyse de ces tableaux, de nos chiffres personnels et de ceux
publiés par les autres auteurs, nous pouvons tirer quelques
conclusions concernant les prédispositions à la maladie de Dupuytren :
– les femmes
représentent entre 20 et 25 % des patients ;
– les hommes
ont un déficit d’extension plus important, plus de rayons
atteints, plus d’atteintes des rayons radiaux (pouce, index) et
un début de la maladie plus précoce même en tenant compte de
l’incertitude de cette mesure ; même si le sexe n’est pas lié
aux autres variables, il est clairement lié à l’agressivité de
la maladie ;
– la
présence d’antécédents familiaux, variable dont le manque de
fiabilité a déjà été discuté, n’est liée à aucune autre variable
excepté l’âge d’apparition des premiers symptômes (pas très
fiable non plus) et la présence de lésions ectopiques de la
maladie ; en se basant sur ces données, l’histoire familiale
n’est certainement pas un bon indicateur de la sévérité de la
maladie ;
– la
présence de sites ectopiques est positivement liée à un déficit
d’extension plus important, plus de rayons atteints, plus
d’atteintes des rayons radiaux, plus d’atteintes des deux mains
; c’est certainement un bon indicateur de la sévérité de la
maladie ;
– l’atteinte
des deux mains, observée chez trois quarts des patients, est
liée à un plus grand déficit d’extension et à un plus grand
nombre de rayons atteints mais pas à une atteinte des rayons
radiaux ; comme elle est fréquente, ce n’est pas un bon
indicateur ;
– les
patients qui lient l’apparition de leurs symptômes à un
traumatisme local ont une maladie qui débute plus tard, moins
d’atteinte des deux mains, un déficit d’extension moins
important et moins de rayons atteints ; à partir des données
disponibles, il est impossible de savoir si le traumatisme local
joue seulement le rôle de déclencheur d’une maladie préexistante
ou si nous sommes face à une autre forme de maladie ; les
données de la littérature sont d’ailleurs très contradictoires.
– le diabète est habituellement associé dans la littérature à une
forme plus douce de la maladie, l’épilepsie à une forme plus
agressive ; nos observations ne confirment pas ces opinions ;
– la forte consommation d’alcool, certainement sous-estimée dans
notre étude, est associée avec plus d’atteintes des deux mains, plus
de déficit d’extension et plus de rayons atteints ; c’est certainement
un facteur aggravant important ;
– l’atteinte des rayons radiaux, vue plus souvent chez les hommes
et en présence de lésions ectopiques, pourrait être un indicateur
d’une maladie plus sévère.